CCAC
CENTRE CANADIEN D'ARBITRAGE COMMERCIAL
Dossier no. S05-1206-NP
Sylvie Tremblay
Bénéficiaire
Demandeur
c.
Domaine des Belles-Amours inc. Entrepreneur
Intimé
Et
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. Administrateur du plan de garantie Mis en cause
ARBITRAGE
EN VERTU DU REGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS
RESIDENTIELS NEUFS
Date de l'audition 15 février 2006
Date de
la sentence
5 juin 2006
ARBITRE
Jean Morin, notaire
Centre
Canadien d'Arbitrage Commercial
215, rue Caron, Bureau 06, Québec. (Québec), G1K E 5V6
(1) Le Bénéficiaire a pris possession de sa résidence, un appartement détenu en copropriété divise, le ou vers le 12 juillet 2002. Il en est devenu le propriétaire par acte de vente portant la date du 31 octobre 2002. Ce n'est toutefois que le 3 mars 2005 que l'entrepreneur a remis au bénéficiaire une copie du contrat de garantie et la Déclaration de réception du bâtiment n'a été signée par le bénéficiaire que le 6 mars 2005 alors qu'elle porte la date de septembre 2002 en marge de la signature de l’entrepreneur.
(2) Le bénéficiaire a adressé à l'entrepreneur, avec copie conforme à l'administrateur, une lettre portant la date du 9 mai 2005 et dans laquelle il énonce les déficiences constatées; 1o la nécessité de refaire le scellant autour de la baignoire, 2o le revêtement de céramique de la salle à dîner est fissuré et il n'est pas à niveau, 3o certains carreaux de céramiques du portique sont égaiement fissures, 4o le cadrage des portes des chambres à coucher est trop grand et 5o Ie cadrage de la porte du garde-manger doit être réajusté.
(3) Faute par l'entrepreneur d'avoir donné suite à l'avis de l’administrateur, celui-ci a procédé à l'inspection de la résidence du bénéficiaire le 8 novembre 2005 et a rendu une décision portant la date du 25 novembre 2005. L’administrateur y affirme ne pouvoir faire droit à la demande du bénéficiaire pour les motifs suivants
- l'absence de scellant autour de la baignoire n'est pas une vice caché ni un vice majeur et la demande a été adressée après l'échéance de la garantie portant sur les malfaçons apparentes qui est de 12 mois après la réception;
- le mauvais ajustement du cadrage de la porte du garde-manger ne constitue pas une malfaçon au sens de l'article 3.2 du Règlement mais s'assimile à une situation couramment observée dans l'industrie;
- les autres déficiences constituent des malfaçons, des vices cachés ou des vices majeurs qui n'ont pas été dénoncés dans un délai raisonnable de leur découverte.
(4) Le Bénéficiaire, en désaccord avec la décision de l'Administrateur, a déposé une demande d'arbitrage auprès du CCAC, le 15 décembre 2005.
(5) Le Bénéficiaire affirme avoir respecté les délais prescrits au contrat de garantie puisque l'Entrepreneur ne lui a remis une copie de ce contrat de garantie que le 3 mars 2005. Au surplus, il affirme ne pas avoir lu ce contrat et n'avoir jamais été avisé de l'obligation d'effectuer une dénonciation écrite à l'Administrateur a l'intérieur d'un délai déterminé. Le Bénéficiaire trouve la situation d'autant plus déplorable qu'il affirme également avoir contacté l'Entrepreneur et son représentant à de nombreuses reprises pour leur faire part, en vain, des déficiences.
(6) En réponse aux questions du procureur de l'Administrateur, le Bénéficiaire affirme avoir fait une inspection minutieuse de l'appartement en octobre 2004, après avoir constaté, le mois précèdent, la présence d'une fissure dans le revêtement de sol de la salle à dîner et avant de déposer la réclamation du 9 mai 2005. Il explique aussi pourquoi la Déclaration de réception du bâtiment porte deux dates. L'Entrepreneur voulait, en apposant la date de septembre 2002, faire référence à l'état de l'appartement peu avant la signature du contrat de vente tandis que le Bénéficiaire voulait souligner le fait qu'il n’avait été mis en possession de ce document que le 6 mars 2005. Il admet enfin ne pas pouvoir décrire avec certitude l'état de la baignoire au moment de la réception du bâtiment, soit en 2002.
(7) Lors de son témoignage, l'auteur ce la décision souligne que c’est en septembre 2004 que le Bénéficiaire a constaté les déficiences concernées par le présent arbitrage alors qu'il ne les a dénoncées par écrit à l'administrateur que le I0 mai 2005, soit plus de six mois après. Or, en vertu des articles 3.2, 3.3 et 3.4 du contrat de garantie, le Bénéficiaire avait I’obligation d’effectuer les dénonciations dans un délai raisonnable qui ne pouvait pas dépasser six mois.
(8) Le procureur de l'Administrateur justifie la position de son client pas le caractère d'ordre public du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1] en vertu duquel le contrat de garantie a été élaboré; caractère qui oblige autant l'administrateur que le Bénéficiaire à en respecter les termes. II ajoute qu'une interprétation trop large du contrat risquerait de mettre en péril la solvabilité du Plan de garantie, ce que s'efforce au contraire de préserver l'économie générale du Règlement. Il prétend également que le fardeau de la preuve incombe au Bénéficiaire et il cite enfin plusieurs décisions au soutien de sa position. Notamment, La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Maryse Desindes & Yvan Larochelle[2] qui affirme le caractère d'ordre public du Règlement, Michel Gariépy c. Construction J. Thériault inc.[3] et Bélanger c. Les constructions D/F Roy Inc.[4] où l'arbitre rappelle, relativement à la défense de méconnaissance et de bonne foi du bénéficiaire, que la simple ignorance de la loi n'est pas une excuse pour justifier le manquement à une obligation et que la non remise du contrat de garantie ne suspend pas les délais.
(9) Le Bénéficiaire a avoué avoir eu connaissance des déficiences plus de six mois avant leur dénonciation écrite. D'autre part, il ne conteste pas les autorités invoquées par le procureur de l'Administrateur. En droit strict, sa demande n'est manifestement pas fondée. Toutefois, il invoque l'article 116 du Règlement en vertu duquel l'arbitre est autorisé à décider en équité « lorsque les circonstances le justifient ». Le Bénéficiaire ne soumet pas de circonstances justificatives autres que sa bonne foi et le retard mis par l'Entrepreneur à lui remettre une copie du contrat de garantie.
(10) Relativement à l'absence de scellant autour de la baignoire, le Bénéficiaire n'a pas fait la preuve qu'il s'agissait d'une malfaçon non apparente au moment de la réception du bâtiment. Toutefois, en admettant qu'il s'agisse bien d'une malfaçon non apparente, tel que le suggère la décision de l'administrateur, le Bénéficiaire avait au plus 18 mois, depuis la réception du bâtiment, pour effectuer sa dénonciation à l'Administrateur. Or, la preuve révèle que la réception est survenue le 31 octobre 2002. La dénonciation du 9 mai 2005, reçue le 10 mai 2005 par l'Administrateur: est donc survenue plus de deux ans et demi après; délai que même l'équité ne permet pas de justifier. Enfin, le Bénéficiaire n'a pas non plus fait la preuve que cette déficience avait la gravité requise pour l'assimiler à un vice majeur ou à un vice caché.
(11) Quant au mauvais ajustement de la porte du garde-manger, le Bénéficiaire n’a soumis aucune preuve à l'effet qu'il pourrait s'agir d'une malfaçon. Il n'a pas non plus démontré en quoi l'équité pourrait justifier sa demande.
(12) Pour ce qui est des autres déficiences soulevées pas le Bénéficiaire, il faut tout d'abord constater, à la différence des faits des décisions arbitrales précitées où les dénonciations avaient été faites plus de deux ans après la constatation: que le retard reproché au Bénéficiaire est d'à peine plus de deux mois. En effet, la preuve démontre que le Bénéficiaire a constaté la fissure en septembre 2004. Ainsi, en présumant que la date exacte de cette constatation ait été le premier septembre 2004, la dénonciation du 9 mai 2005, reçue le lendemain par l'Administrateur, n'était tardive que d'un peu plus de deux mois. Dans ces circonstances, excuser un tel retard ne nous apparaît pas déraisonnable ou inéquitable pour l’Administrateur. En effet, les faits qui nous ont été présentés ne permettent pas de conclure, comme l'a fait l'arbitre dans l'affaire Dominique Jarelle & Carole Bélanger c. La garantie qualité habitation et Habitation Avant-Garde[5] que le Bénéficiaire ait fait preuve de négligence ou qu'il tente d'éviter les conséquences de sa propre turpitude.
CONCLUSIONS
(13) POUR CES MOTIFS L'ARBITRE,
(14)CONSIDÉRANT la preuve, les témoignages à l'audience,
(15)CONSIDÉRANT l'article 116 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs,
(16)REJETTE la demande du Bénéficiaire concernant les points 1 et 5 de sa demande,
(17)ACCUEILLE la demande du Bénéficiaire relativement aux points 2 et 3 de sa demande et
condamne l'Administrateur à effectuer les travaux nécessaires conformément aux articles 3.2, 3.3 et 3.4 du Règlement.
COÛTS
(18) En ce qui concerne les frais, conformément au deuxième alinéa de l'article 123 du
Règlement, puisque la demande du Bénéficiaire a été accueillie en partie, ils sont à la charge de l'Administrateur.