ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN
DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
Dossier no : GAMM : 2011-19-003
APCHQ : 113092-1 (11-099MC)
ENTRE :
JEAN-MARCEL LOUIS
(ci-après le « bénéficiaire »)
ET :
LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ
(ci-après l’« administrateur »)
ET :
9141-1074 QUÉBEC INC. (LES CONSTRUCTIONS NORJO)
(ci-après l’« entrepreneur »)
DEVANT L’ARBITRE : Me Johanne Despatis
Pour le bénéficiaire : M. Jean-Marcel Louis
Pour l’administrateur : Me Manon Cloutier
Pour l’entrepreneur : Aucune
Date d’audience : 24 août 2011
Date de la sentence : 5 octobre 2011
SENTENCE ARBITRALE
Adjudex inc.
1103-8400-GAMM
SA-8088
INTRODUCTION
[1] Monsieur Jean-Marcel Louis, le bénéficiaire, conteste en vertu de l’article 19 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (décret 841-98), le Plan, la décision suivante rendue le 1er mars 2011 par la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., l’administrateur :
Dans le cadre du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, le bénéficiaire a déposé une demande de réclamation auprès de l’administrateur. L’avis adressé à l’entrepreneur et à l’administrateur porte sur les éléments suivants :
Avis daté du 27 septembre 2010 et reçu par l’administrateur le 30 septembre 2010, soit dans la cinquième année de garantie
- Gonflement du plancher du sous-sol
- Crépi du sous-sol et de l’escalier de l’entrée à refaire
Puisque la demande de réclamation du bénéficiaire a été reçue dans la cinquième année de la garantie, l’administrateur doit se référer à l’article 3.4 du contrat de garantie, lequel porte sur les vices majeurs.
[…].
1. Crépi de béton recouvrant l’escalier et les fondations
Les faits
Le bénéficiaire nous a fait voir le crépi de béton recouvrant les murs de fondation ainsi que les contremarches de l’escalier avant où il est possible de constater que d’importantes superficies sont manquantes.
Le bénéficiaire précise également que le crépi a commencé à se dégrader dès la deuxième année, soit en 2008, moment où il était possible de remarquer que des sections étaient déjà tombées.
ANALYSE ET DÉCISION (point 1) :
De l’avis de l’administrateur, la situation observée sur place en rapport avec le point 1 ne rencontre pas les critères du vice majeur en ce sens qu’il n’y a pas perte de l’ouvrage.
De plus, le bénéficiaire a déclaré avoir découvert la situation au cours de l’année 2008.
Quant à l’administrateur, il fut informé par écrit de l’existence de cette situation pour la première fois le 30 septembre 2010.
En ce qui a trait au délai de dénonciation, le contrat de garantie stipule que les malfaçons, les vices cachés ou les vices majeurs, selon le cas, doivent être dénoncés par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de leur découverte ou survenance ou, en cas de vices ou de pertes graduels, de leur première manifestation.
Par conséquent, l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation du bénéficiaire à l’égard de ce point.
2. Gonflement du plancher du sous-sol
Les faits
Le bénéficiaire explique avoir constaté dès l’inspection préréception que le plancher stratifié du sous-sol était gonflé à certains endroits, situation qui fut mentionnée à la déclaration de réception du bâtiment.
Le bénéficiaire mentionne avoir déjà communiqué avec l’entrepreneur afin qu’il procède aux correctifs mais ce dernier lui avait tout d’abord suggéré d’attendre un hiver afin de voir si le tout se replacerait.
Il indique que par la suite, lorsqu’il a tenté de joindre l’entrepreneur à nouveau, ce dernier ne retournait plus ses appels.
Lors de notre visite, nous avons été en mesure de constater que plusieurs lames du plancher stratifié de la salle à manger et du corridor sont légèrement déformées au pourtour, et ce, compte tenu d’un taux d’humidité trop élevé en provenance du sous plancher.
Le bénéficiaire nous a également fait voir la présence de cinq interstices entre certaines lames, dont deux qui permettent de voir le sous plancher, soit la dalle de béton, et ce, sans qu’aucun matériau pare-vapeur n’ait été installé sur la dalle avant que ne soit mis en place le plancher de lames stratifié.
ANALYSE ET DÉCISION (point 2) :
L’analyse du dossier nous permet de constater que la situation décrite au point 2 a été dénoncée par écrit le 21 septembre 2006, au moment de la réception du bâtiment.
Il appert que la demande de réclamation écrite des bénéficiaires a été reçue par l’administrateur le 30 septembre 2010.
En vertu des articles 2921 et 2925 du Code civil du Québec, les droits que le bénéficiaire pourrait avoir eu relativement au contrat de garantie à l’égard du point 2 se sont éteints par la prescription en date du 20 septembre 2009.
En effet, en matière de prescription, les articles 2921 et 2925 du Code civil du Québec prévoient ce qui suit :
[…]
Par conséquent, l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation du bénéficiaire à l’égard du point 2, faute d’avoir été présentée dans les trois ans de la naissance du droit du bénéficiaire.
[2] 9141-1074 Québec inc. (Les Constructions NORJO), l’entrepreneur, dûment convoqué ne s’est pas présenté à l’audience. Il ne s’est d’ailleurs pas joint à la conférence téléphonique tenue entre monsieur Louis, la procureure de l’administrateur et l’arbitre. Le procès-verbal que j’ai transmis aux parties le 20 avril 2011 se lit ainsi :
La présente confirme la teneur de notre conférence téléphonique du 18 courant :
- Le litige porte sur les points 1 et 2 de la décision rendue le 1er mars 2011 par l’administrateur.
o Concernant le point 1, l’administrateur déclare ne pas avoir examiné cette réclamation sous l’angle de la garantie contre les malfaçons ou les vices cachés, l’ayant jugée tardive puisque présentée, à son point de vue, après l’échéance de ces garanties. L’administrateur reconnait avoir considéré ce point strictement sous l’angle de la garantie contre les vices de construction. Il a conclu que cette réclamation n’était pas de la nature d’un vice de construction.
o Concernant le point 2, l’administrateur a jugé la réclamation tardive et donc irrecevable n’ayant pas été présentée à l’intérieur du délai prévu à l’article 2925 du Code civil du Québec.
- Suite aux questionnements de monsieur Louis concernant le déroulement de l’arbitrage et plus particulièrement la préparation de la preuve qu’il pourrait y présenter, j’ai indiqué que les questions en litige avaient une forte composante juridique et qu’il serait à-propos pour lui d’obtenir une consultation juridique en vue de l’aider dans ce dossier.
- […]
[3] L’audience s’est tenue le 24 août 2011. Monsieur Louis s’y présente seul, confirmant qu’il ne serait pas représenté par avocat. Je lui indique alors prendre acte de son choix et lui indique, sans que mon rôle soit de l’assister ou de le conseiller, que je verrais à m’assurer qu’il comprenne bien le déroulement des choses.
LES FAITS
[4]
Le bénéficiaire a signé l’acte de réception de
sa résidence, un triplex, située à Laval, le
21 septembre 2006. Il s’agissait d’une nouvelle propriété construite par
9141-1074 Québec inc. (Les Constructions NORJO), l’entrepreneur.
[5] Le document en question est intitulé Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment. Le bénéficiaire y déclare accepter le bâtiment sous réserve d’une énumération de certaines choses à faire. On y retrouve notamment la mention suivante :
Logement sous-sol à droite de la fenêtre salle à diner vérifier s’il y a problème je vais réparer le plancher flottant.
[6] Ce n’est que le 30 septembre 2010, soit plus de quatre ans après la réception, que le bénéficiaire présente une réclamation écrite formelle à l’entrepreneur ainsi qu’à l’administrateur. On y lit :
Lors de l’achat de la maison du 25
septembre 2006 un triplex contenant
3 appartements, il y avait le plancher au sous-sol entre le salon et la cuisine
qui gonflait c’est-à-dire le plancher se soulevait. Le contracteur avait dit
d’attendre pour voir si le problème va se répéter à d’autres endroits de la
maison.
Maintenant, je constate que le plancher au complet, au niveau de la cuisine et du salon se rétrécit et se gonfle à certains endroits. Ensuite, le ciment apparait entre les morceaux de planches, il n’y a pas de sous-plancher.
Je demande au contracteur de venir réparer le problème le plus tôt possible s’il vous plait.
Il a aussi les crépis du sous-sol et l’escalier de l’entrée à refaire.
[7] Sur réception de cet avis, l’administrateur demande par écrit le 5 novembre 2010 à l’entrepreneur d’intervenir, à défaut de quoi il procéderait à une inspection. L’entrepreneur n’intervenant pas, le dossier est confié à monsieur François Lalancette, inspecteur-conciliateur au service de l’administrateur. Ce dernier procède le 17 février 2011 et fait rapport le 1er mars 2011, rapport dont l’essentiel est reproduit ci-haut.
[8] Je résume dans les paragraphes qui suivent les éléments de preuve présentés à l’égard de des deux points en litige.
Point 1. Crépi de béton recouvrant l’escalier et les fondations
[9] Le bénéficiaire affirme avoir constaté au printemps 2008 que le crépi se détachait du mur de fondation à plusieurs endroits et avoir alors communiqué par téléphone à ce sujet avec l’administrateur. Il dit avoir parlé avec une dame du Service à la clientèle sans toutefois être en mesure de se souvenir de son nom. Celle-ci lui aurait dit qu’étant donné qu’il s’était écoulé plus d’un an depuis la réception de son bâtiment, il était trop tard pour présenter une réclamation concernant le crépi. Monsieur Louis raconte que ce n’est que le 26 septembre 2010 après avoir parlé avec son notaire qu’il a décidé de présenter sa réclamation.
[10] Selon monsieur Lalancette, la situation observée concernant le crépi résulte vraisemblablement du fait que la surface de la fondation n’avait pas été bien nettoyée avant qu’on y applique le crépi. Il s’agit, selon lui, d’une malfaçon mais pas d’un vice caché ni d’un vice majeur au sens du Plan.
Point 2. Gonflement du plancher du sous-sol
[11] Selon ce que raconte monsieur Louis, au moment de la réception, un léger bombement du plancher était présent à un seul endroit. L’entrepreneur lui a alors dit de laisser passer une année et que la situation allait probablement se régler d’elle-même.
[12] Or, ajoute monsieur Louis, l’année passe mais le léger bombement y est toujours. Il tente donc de joindre l’entrepreneur quelque part en aout ou en septembre 2007, mais en vain : tous ses appels étant demeurés sans réponse.
[13] Les choses en restent là jusqu’en septembre 2010, alors que le locataire de l’appartement du sous-sol lui demande de venir constater l’état du plancher : celui-ci est gonflé en plusieurs endroits et les lattes situées au pourtour de la salle à manger et du corridor sont déformées. Il y a également présence d’interstices entre les lattes au point où on y voit le béton logé dessous. En effet, le plancher a été installé directement sur le béton, une malfaçon que reconnait l’administrateur. Selon le bénéficiaire, ce qu’il aperçoit en 2010 est différent du problème de bombement noté à la réception. Il appelle donc son notaire qui lui suggère de communiquer avec l’administrateur puisqu’il bénéficie d’une garantie de 5 ans.
PLAIDOIRIES
Bénéficiaire
[14] Sommairement, l’essentiel des propos du bénéficiaire est qu’il croyait que le Plan couvrait l’ensemble des vices susceptibles d’affecter sa propriété pour une période de cinq ans à compter de la réception et que ces derniers pouvaient valablement être dénoncés à l’administrateur à n’importe quel moment à l’intérieur de cette période.
[15] Monsieur Louis reconnait avoir eu en main une copie du Plan, mais sans connaitre ses dispositions et ses délais dont l’administrateur aurait dû, selon lui, l’informer en temps utile. Ce qu’il n’a fait qu’en mars 2011 dans le cadre de sa décision.
Administrateur
[16] Se tournant d’abord vers le point 1, la procureure rappelle que la situation a été dénoncée plus de deux ans après sa découverte, donc bien à l’extérieur du délai de six mois prévu au Plan.
[17] Concernant le point 2, la procureure, sans nier que le problème soulevé par le bénéficiaire puisse constituer une malfaçon ou un vice caché, rappelle que bien que le bénéficiaire l’a dénoncé à la réception, ce dernier a trop tardé avant d’aviser l’administrateur du défaut de l’entrepreneur de le corriger. Pour la procureure, puisque le Plan ne prévoit pas de délai précis pour présenter sa réclamation dans un tel cas, il faut s’en remettre à la prescription de trois ans du Code civil du Québec.
[18] La procureure ajoute, à titre subsidiaire, que même si l’on prenait pour acquis que la situation observée en 2010 était effectivement nouvelle par rapport à celle observée à la réception, il reste que cette situation aurait été dénoncée dans la quatrième année. Ainsi, pour être couverte sous la garantie contre les vices de construction au sens du paragraphe 10 (5) du Plan, il aurait fallu que ce problème en soit un qui affecte la structure ou la stabilité de l’immeuble, ce qui, soutient la procureure, n’est pas le cas en l’espèce, ne s’agissant pas d’un problème de cette nature.
ANALYSE ET DÉCISION
[19] Cette sentence porte sur les points 1 et 2 de la décision rendue par l’administrateur.
[20] Le Plan énonce et encadre les obligations respectives de l'entrepreneur et de l’administrateur envers le bénéficiaire. L’article 10 du Plan se lit ainsi :
La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
1. le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaires n’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;
2. la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaires n’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;
3. la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4. la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
5. la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
[21] Ainsi, en outre de la garantie applicable au moment de la réception, le Plan comporte trois garanties dont la durée respective est d’un an pour les malfaçons non apparentes, de trois ans pour les vices cachés et de cinq ans pour les vices de construction. En substance, malfaçon, vice caché et vice de construction sont des notions voisines qui se distinguent entre elles essentiellement par leur gravité relative.
[22] Comme l’indique un examen des dispositions du Plan, la seule présence d’une malfaçon, apparente ou non, d’un vice caché ou même d’un vice de construction n’est pas suffisante pour ouvrir droit à un recours en faveur d’un bénéficiaire. Il faut aussi que le problème soit découvert puis dénoncé par écrit, aussi bien à l’entrepreneur qu’à l’administrateur, et cela dans les délais prescrits.
[23] En l’espèce, l’administrateur a écarté les réclamations en litige en invoquant leur tardivité alléguée. Il s’agit donc de voir en premier lieu si le bénéficiaire a ou non dénoncé ces problèmes à l’administrateur en conformité du Plan.
Point 1. Crépi de béton recouvrant l’escalier et les fondations
[24] Le bénéficiaire déclare avoir découvert ce problème quelque part au printemps 2008. Selon le dossier, il ne l’a dénoncé à l’administrateur que deux ans plus tard soit en septembre 2010. Or, selon le Plan, pareille dénonciation écrite devait être faite à l’entrepreneur ainsi qu’à l’administrateur dans un délai n’excédant pas 6 mois de sa découverte. Donc quelque part à la fin 2008.
[25] Finalement, le bénéficiaire n’a présenté aucun argument susceptible de m’amener à le relever de ce délai. Il n’y a donc lieu de réviser la position de l’administrateur à l’égard de cette réclamation.
Point 2. Gonflement du plancher du sous-sol
[26] Ici, l’administrateur oppose au bénéficiaire un autre argument de tardivité à l’effet que le bénéficiaire aurait attendu trop longtemps avant d’aviser l’administrateur du défaut de l’entrepreneur d’intervenir de manière efficace. En effet, sans nier que le problème soulevé par le bénéficiaire puisse constituer une malfaçon ou un vice caché au sens du Plan, l’administrateur soutient que même s’il avait signalé un problème de gonflement dès la réception, le bénéficiaire a trop tardé en ne lui présentant une réclamation à ce sujet que quatre plus tard.
[27] L’article 18 du Plan énonce le mécanisme de mise en œuvre des garanties qu’il comporte. Cet article stipule :
18. La procédure suivante s'applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l'article 10:
1- dans le délai de garantie d'un, 3 ou 5 ans selon le cas, le bénéficiaire dénonce par écrit à l'entrepreneur le défaut de construction constaté et transmet une copie de cette dénonciation à l'administrateur en vue d'interrompre la prescription ;
2- au moins 15 jours après l'expédition de la dénonciation, le bénéficiaire avise par écrit l'administrateur s'il est insatisfait de l'intervention de l'entrepreneur ou si celui-ci n'est pas intervenu; il doit verser à l'administrateur des frais de 100 $ pour l'ouverture du dossier et ces frais ne lui sont remboursés que si la décision rendue lui est favorable, en tout ou en partie, ou que si une entente intervient entre les parties impliquées;
3- dans les 15 jours de la réception de l'avis prévu au paragraphe 2, l'administrateur demande à l'entrepreneur d'intervenir dans le dossier et de l'informer, dans les 15 jours qui suivent, des mesures qu'il entend prendre pour remédier à la situation dénoncée par le bénéficiaire;
4- dans les 15 jours qui suivent l'expiration du délai accordé à l'entrepreneur en vertu du paragraphe 3, l'administrateur doit procéder sur place à une inspection;
5- dans les 20 jours qui suivent l'inspection, l'administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l'absence de règlement et en transmettre copie, par poste recommandée, aux parties impliquées. En l'absence de règlement, l'administrateur statue sur la demande de réclamation et ordonne, le cas échéant, à l'entrepreneur de rembourser au bénéficiaire le coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes et de parachever ou corriger les travaux dans le délai qu'il indique, convenu avec le bénéficiaire ;
6- à défaut par l'entrepreneur de rembourser le bénéficiaire, de parachever ou de corriger les travaux et en l'absence de recours à la médiation ou de contestation en arbitrage de la décision de l'administrateur par l'une des parties, l'administrateur, dans les 15 jours qui suivent l'expiration du délai convenu avec le bénéficiaire en vertu du paragraphe 5, effectue le remboursement ou prend en charge le parachèvement ou les corrections, convient pour ce faire d'un délai avec le bénéficiaire et entreprend, le cas échéant, la préparation d'un devis correctif et d'un appel d'offres, choisit des entrepreneurs et surveille les travaux;
[…]
[28] Ainsi, selon cette disposition, le bénéficiaire désireux de se prévaloir d’une des garanties offertes à l’article 10 du Plan, doit dénoncer par écrit son intention de le faire à l’entrepreneur et en transmettre une copie à l'administrateur, à l’intérieur des délais prévus à l’article 10.
[29] Toujours selon l’article 18, si la suite qu’y donne l'entrepreneur ne le satisfait pas, le bénéficiaire s'adresse alors directement à l'administrateur à qui il demande d'intervenir.
[30] Ici, l’administrateur reconnait que la situation a été signalée au moment de la réception du bâtiment mais reproche au bénéficiaire d’avoir tardé de l’informer de son insatisfaction à la suite du défaut d’intervenir de l’entrepreneur en vue de corriger le défaut constaté et dénoncé.
[31] Comme on le voit à son examen, l’article 18 ne stipule pas de délai qu’un bénéficiaire devrait observer entre le moment où un problème est dénoncé à la réception et l’avis à l’administrateur auquel il demande d’intervenir en raison de l’insuffisance ou de l’inexistence d’une intervention correctrice de l’entrepreneur.
[32] Pourrait-on prétendre devant le silence du Plan qu’il n’y a pas de délai, qu’aucune prescription ne s’applique et qu’un bénéficiaire pourrait n’aviser l’administrateur de son insatisfaction que des années plus tard?
[33] La procureure de l’administrateur a plaidé que tel n’est pas le cas et que comme tous les recours civils, la réclamation dont il s’agit est sujette à un délai; en l’occurrence celui du droit commun prévu à l’article 2925 du Code civil du Québec qui dispose :
L'action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier et dont le délai de prescription n'est pas autrement fixé se prescrit par trois ans.
[34] Faute d’argument à l’effet contraire, il me parait donc raisonnable de faire droit à l’argument suggéré et de retenir que la prescription prévue à l’article 2925 du Code civil du Québec s’applique ici.
[35] Selon la preuve, le bénéficiaire a signalé à la réception le 21 septembre 2006 qu’il y avait un bombement au plancher du sous-sol. L’entrepreneur n’a fait aucune démarche corrective et plutôt suggéré d’attendre et de laisser passer une année. Toujours en présence du problème, un an plus tard, le bénéficiaire tente en vain de joindre l’entrepreneur. Malgré l’échec de ses efforts, les choses en restent là et ce n’est qu’en 2010, selon la preuve, donc quatre ans après la réception qu’il saisit l’administrateur du problème et exerce son recours. Hélas, rendu en septembre 2010, plus de trois ans s’étaient écoulés depuis la réception en septembre 2006. Cet avis à l’administrateur était tardif et donc, sa réclamation irrecevable.
[36] Le bénéficiaire a également soutenu, à titre subsidiaire, que la situation observée en 2010 était nouvelle par rapport à celle observée à la réception et qu’il s’agirait donc d’une dénonciation distincte de celle faite en 2006. Selon cet argument, cela signifie que le point 2 n’aurait été découvert et dénoncé qu’au terme de la quatrième année de garantie, donc alors que les couvertures de garantie offertes par le Plan contre les malfaçons (un an suivant la réception), et contre les vices cachés (trois ans suivant la réception) étaient déjà expirées. Il ne resterait plus comme garantie possible pour le bénéficiaire en vertu du Plan que celle contre les vices de construction.
[37] La notion de vice de construction couverte par le Plan provient de l'article 2118 du Code civil du Québec qui dispose :
À moins qu'ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d'un vice de conception, de construction ou de réalisation de l'ouvrage, ou, encore, d'un vice du sol.
[38] Selon la jurisprudence, le problème susceptible d’être reconnu comme un vice de construction doit en être un d’une gravité susceptible d’entrainer la perte totale ou partielle de l’ouvrage. Autrement dit, pour qu’une déficience soit qualifiée de grave ou sérieuse, selon l'article 2118, elle doit présenter une gravité susceptible de mettre en péril la solidité ou la stabilité de l'immeuble. (voir : Thérèse ROUSSEAU-HOULE, Les contrats de construction en droit public et privé, Montréal, Wilson & Lafleur, 1982; Argonal inc. c. Sector Barbacki Shemie & Associés ltée, AZ-50081857 )
[39] En l’espèce, le bénéficiaire, qui en avait le fardeau, n’a présenté aucune preuve permettant de conclure à l’égard de ce point qu’il s’agissait d’un vice de construction, i.e. d’un problème grave susceptible d’entrainer la perte totale ou partielle de l’ouvrage. D’ailleurs, monsieur Lalancette convient que la situation observée contrevient aux règles de l’art mais nie qu’elle soit de la nature d’un vice de construction.
[40] Par conséquent, même en prenant pour acquis que le défaut dénoncé serait distinct de celui dénoncé en septembre 2006, il ne peut pas malheureusement pour le bénéficiaire être qualifié de vice de construction.
[41] Il en résulte que je n’ai guère d’autre choix que de conclure au rejet des réclamations relatives aux points 1 et 2 ; et de là, à celui du présent recours, celui-ci étant limité à ces deux points.
[42] Qu’en est-il des frais d’arbitrage ? Il m’apparait justifié dans les circonstances que les frais des présentes soient à la charge de l’administrateur. Je déclare donc, conformément aux dispositions de l'article 123 du Plan que les coûts des présentes seront à la charge de l'administrateur.
Montréal, ce 5 octobre 2011
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Johanne Despatis, arbitre
Adjudex inc.
1103-8400-GAMM
SA-8088