ARBITRAGE EN VERTU DE LA LOI SUR LE RÉGIME DE RETRAITE DES

ARBITRAGE EN VERTU DU

RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (Décret 841-98)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

Dossier :   GAMM :   2015-06-010

                         QH :   99764-8489

 

ENTRE :

CONSTRUCTION CONTINUUM INC.

(ci-après l’« Entrepreneur »)

 

ET :

 

LAURENT SOURROUBILLE et MARIE-MAUDE LAVAL

(ci-après le « Bénéficiaire »)

ET :

 

LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.

(ci-après l’« Administrateur »)

 

DEVANT L’ARBITRE :              Me Karine Poulin

 

Pour l’Entrepreneur :                    Monsieur Jocelyn Duff

Pour les Bénéficiaires :               Monsieur Laurent Sourroubille

Pour l’Administrateur :                 Me François-Olivier Godin

 

Date d’audience :                         11 mars 2016

Date de la sentence :                   14 octobre 2016

 

SENTENCE ARBITRALE

 


I
LE RECOURS

[1]          L’Entrepreneur, Construction Continuum inc. (ci-après l’« Entrepreneur »), conteste en vertu de l’article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement ») la décision de l’Administrateur rendue le 16 octobre 2015 et qui se lit comme suit :

1.      BRUITS DE PLOMBERIE

Les bénéficiaires nous mentionnent avoir dénoncé (voir Note A) la situation suivante :

 

·       Commentaires des bénéficiaires au moment de l’inspection :

 

Les bénéficiaires mentionnent que les bruits de plomberie perdurent, une situation qui a été dénoncée dès la préréception de l’unité puis fait l’objet de travaux correctifs.

(…)

Commentaires de l’entrepreneur au moment de l’inspection :

L’entrepreneur mentionne que d’importants travaux ont été effectués dans les deux unités, après quoi il fut vérifié si les bruits avaient bien disparu, laissant croire qu’il s’agissait d’une nouvelle situation.

·       Constat du conciliateur :

Lors de notre visite, nous avons été en mesure d’entendre des bruits de plomberie suite à l’utilisation d’appareils de la salle de bain du 3e étage. Les bruits audibles dans la chambre secondaire du 2e étage, porte (sic) à croire qu’il s’agit d’une manifestation résultant de la délation (sic) des conduits.

·       Décision

Considérant que les travaux correctifs effectués antérieurement n’ont pu résoudre les bruits de plomberie dénoncée (sic) lors de la preréception (sic);

Considérant que le niveau sonore engendré par les conduits est une malfaçon;

Par conséquent, l’entrepreneur devra faire les vérifications nécessaires et les correctifs requis, selon les règles de l’art, et l’usage courant du marché.

II
LES FAITS

[2]          Le 19 février 2013, les Bénéficiaires et l’Entrepreneur ont signé un contrat préliminaire de vente et contrat de garantie obligatoire de condominium pour l’unité située au [...], dans la ville de Montréal (ci-après appelée la « Propriété »).

[3]          Le 25 septembre 2014, la Propriété est reçue par les Bénéficiaires comme l’atteste le formulaire d’inspection préréception.

[4]          Dès la réception, les Bénéficiaires ont dénoncé des bruits de plomberie à la suite de quoi des travaux correctifs ont été effectués.

[5]          Malgré ces travaux, les bruits de plomberie se font toujours entendre et l’Entrepreneur refuse d’intervenir de nouveau pour corriger la situation, d’où la demande des Bénéficiaires requérant l’intervention de l’Administrateur le 13 juillet 2015.

[6]          Faisant suite à l’inspection effectuée le 20 août 2015, l’Administrateur rend une décision le 16 octobre 2015 par laquelle il donne raison aux Bénéficiaires et ordonne à l’Entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs selon les règles de l’art.

[7]          Le 21 octobre 2015, l’Entrepreneur conteste la décision de l’Administrateur rendue le 16 du même mois.

[8]          Le jour de l’audition, le Tribunal a visité la Propriété en cause afin d’y faire ses propres constatations.

III
LA PREUVE

Entrepreneur

[9]          Jocelyn Duff, architecte et président de l’Entrepreneur, témoigne lors de l’audience.

[10]       Tout d’abord, il indique que les Bénéficiaires ont omis de dénoncer la situation lors de la réception de leur unité, laquelle situation était apparente et devait être dénoncée dès lors pour être couverte par le plan de garantie.

[11]       Par la suite, il se rattrape et indique que les Bénéficiaires ont effectivement dénoncé un problème de bruit en lien avec la plomberie lors de la réception de leur unité mais il soutient que le problème allégué par les Bénéficiaires n’est pas le même que celui dénoncé lors de la réception de l’unité et pour lequel des travaux correctifs ont été apportés en mars 2015.

[12]       Selon lui, le problème original provenait de l’unité voisine, alors que le problème actuel se situe à l’intérieur même de la Propriété des Bénéficiaires. Monsieur Duff dit avoir effectué des travaux à deux (2) reprises, la dernière étant en mars 2015.

[13]       À cette date, il dit avoir laissé les murs ouverts un certain temps afin de laisser l’opportunité aux Bénéficiaires d’évaluer la situation et de voir si les bruits sont résorbés suite aux travaux correctifs. Selon son témoignage, les Bénéficiaires se sont déclarés satisfaits des travaux et les murs ont été refermés.

[14]       Il indique ensuite qu’il n’a plus entendu parler des Bénéficiaires  jusqu’à ce qu’il reçoive la lettre de l’Administrateur à l’effet qu’il y aurait une inspection des lieux au mois d’août 2015 suite à une demande des Bénéficiaires.

[15]       Monsieur Duff explique ensuite les différentes normes prévues au Code du bâtiment (ci-après appelé le « Code ») en matière de bruit et il souligne que les bruits entendus chez les Bénéficiaires sont normaux, bien qu’il n’ait fait aucun test. Par ailleurs, il précise que le Code ne prévoit aucune norme pour les bruits provenant de l’intérieur même de l’unité.

[16]       Il réfère également le Tribunal au Guide de performance de l’APCHQ, guide auquel il souligne la participation de Monsieur Bigras, inspecteur-conciliateur en l’instance, à sa confection et son élaboration. Il insiste notamment sur le fait que le guide indique que l’évaluation du bruit doit être faite de manière objective et non subjective et qu’il est normal d’entendre certains bruits, notamment des bruits suite à la dilatation des tuyaux d’eau chaude en hiver.

[17]       Il précise que les bruits chez les Bénéficiaires ne sont aucunement des coups de bélier mais plutôt qu’il s’agit de bruits dû à la dilatation des tuyaux. Il justifie ainsi son refus d’intervenir.

[18]       Contre-interrogé par le procureur de l’Administrateur, il confirme que le coin de la chambre au 3e étage observé lors de la visite des lieux est le même que celui indiqué dans la liste de déficiences préparée par les Bénéficiaires lors de la réception de l’unité et déposée sous la cote A-5. Il confirme également que c’est en relation avec les bruits entendus dans ce coin que les travaux ont été faits. Il précise toutefois que c’était toujours en lien avec des bruits provenant de l’unité voisine.

[19]       Il répète à nouveau que les bruits en question n’ont pas été dénoncés lors de la réception. Suite à l’indication du Tribunal suivant laquelle la réception a été faite avec réserves, il indique que la liste de déficiences doit être faite à même le formulaire de préréception et qu’en l’instance, la Bénéficiaire avait fait une liste manuscrite. Il était alors convenu qu’il prenne la liste, en fasse une copie puis la leur remette par la suite. Néanmoins, il n’a jamais eu cette liste malgré ses nombreuses demandes jusqu’à ce qu’il reçoive une version écrite à l’ordinateur le 6 octobre suivant. Il dit que la liste qu’il a alors reçue était beaucoup plus longue que celle confectionnée lors de l’inspection préréception.

[20]       Il réitère que les bruits entendus proviennent de l’intérieur de l’unité des Bénéficiaires et non d’une unité voisine comme c’était le cas lors de la réception. Selon lui, il s’agit de nouveaux bruits.

[21]       Contre-interrogé ensuite par le Bénéficiaire, il est forcé d’admettre qu’il est faux qu’il n’a plus entendu parler des Bénéficiaires suite aux travaux effectués en mars 2015 jusqu’à ce qu’il reçoive la lettre de l’Administrateur. De fait, il est forcé d’admettre avoir discuté du problème avec les Bénéficiaires en juin 2015 mais dit ne plus se souvenir du courriel des Bénéficiaires daté du 4 juin 2015. Il dit ne pas avoir lu ledit courriel alors que pourtant, il y a répondu le 8 juin.

Bénéficiaires

[22]       Le Bénéficiaire Laurent Sourroubille témoigne pour son bénéfice et celui de sa conjointe, copropriétaire.

[23]       Monsieur Sourroubille explique que lors de l’inspection préréception du 25 septembre 2013, sa conjointe et lui ont noté divers problèmes et qu’ils s’étaient entendu avec l’Entrepreneur pour que sa conjointe rédige une liste au propre des problèmes constatés et que cette liste lui serait transmise dans les jours suivants.

[24]       Cette liste a été envoyée à l’Entrepreneur le 6 octobre 2014, soit moins de 2 semaines suivant la réception de l’unité, et fait état d’un problème de bruit de tuyauterie. Afin d’obtenir de l’Entrepreneur que des travaux correctifs soient faits à cet égard, ils ont dû dénoncer la situation par écrit à celui-ci et à l’Administrateur le 10 décembre 2014.

[25]       Le témoin explique que sa réclamation de juillet 2015 porte sur des bruits de plomberie en provenance de leur unité non de celle de sa voisine.

[26]       Monsieur Sourroubille explique que les bruits entendus lors de l’inspection préréception sont les mêmes que ceux faisant l’objet du présent dossier, d’autant plus que le problème vient du même endroit.

[27]       En ce qui concerne les travaux correctifs, le témoin corrobore la version de l’Entrepreneur voulant que des travaux correctifs aient été effectués par ce dernier en mars 2015 et qu’il était satisfait du résultat des réparations au moment des événements. Il précise toutefois que les bruits ont disparu un certain temps mais qu’ils reviennent par la suite. Ils tolèrent la situation pour un moment mais, en juin, la situation devient intenable, d’où le courriel du 4 juin 2015 à l’Entrepreneur puis la réclamation auprès de l’Administrateur.

[28]       Contre-interrogé par l’Entrepreneur, il confirme que les bruits semblent maintenant provenir de l’intérieur de leur unité et non plus de l’unité voisine. Il maintient qu’il s’agit de la même problématique et non d’une nouvelle. Il confirme de nouveau que, suite à l’intervention de l’Entrepreneur en mars 2015, le niveau sonore était acceptable. Il doute toutefois que plusieurs tests aient été faits à la suite des travaux puisqu’à son souvenir, les murs ont été refermés rapidement.

Administrateur

[29]       Monsieur Jean-Pierre Bigras, inspecteur-conciliateur, témoigne en preuve principale pour l’Administrateur.

[30]       Monsieur Bigras est l’auteur de la décision rendue le 16 octobre 2015 qui fait aujourd’hui l’objet de la contestation de l’Entrepreneur.

[31]       Lors de sa visite du 20 août 2015, il a confirmé qu’outre lui, il n’y avait que le Bénéficiaire (Monsieur Sourroubille) et l’Entrepreneur de présents.

[32]       Durant cette inspection, et afin de procéder de manière efficace à l’évaluation de la problématique, il a recueilli les commentaires de l’Entrepreneur et du Bénéficiaire quant à la chronologie des événements.

[33]       À la lumière des commentaires des parties et des constatations qu’il a pu effectuer lui-même lors de l’inspection, Monsieur Bigras dit avoir conclu que la dilatation des tuyaux était la cause probable des sons entendus par les Bénéficiaires. Selon lui, il ne s’agit pas de la découverte d’un nouveau problème mais plutôt de la découverte d’une nouvelle source au même problème.

[34]       Il a également ajouté que le problème allégué par les Bénéficiaires devait être considéré comme étant une malfaçon en ce que les travaux correctifs de mars 2015 avaient été mal faits par l’Entrepreneur.

[35]       Selon le témoignage de Monsieur Bigras, il ne s’agissait pas d’un problème spontané, mais bien d’un problème récurrent. Le fait que le bruit fut jugé intermittent ne pouvait faire échec au recours des Bénéficiaires.

[36]       Monsieur Bigras indique qu’au moment de rendre sa décision, il ne s’est pas basé uniquement sur le Guide de performance de l’APCHQ et sur le Code du bâtiment, mais qu’il s’est également basé sur son expérience ainsi que sur ses observations du 20 août 2015. Il ajoute qu’en sus du Guide de performance, il doit aussi considérer la quiétude des habitants qui, en l’espèce, est perturbée.

[37]       Il confirme les propos de l’Entrepreneur voulant que les observations des déficiences alléguées doivent être faites en fonction de critères objectifs liés à l’industrie et non subjectifs.

[38]       De plus, dans le cadre de son analyse, il doit aussi se demander si la situation pourrait être autrement. Une réponse affirmative s’impose dans le présent dossier, d’où sa décision. Il estime que le travail a été mal fait.

[39]       Il note également que l’Entrepreneur met beaucoup d’emphase sur le fait qu’il s’agirait d’un autre problème que celui dénoncé à l’origine alors qu’en fait, le délai prévu au Règlement relatif aux malfaçons non apparentes est de un (1) an.

[40]       En ce sens, s’il s’agit du même problème, celui-ci a été dénoncé au moment de la réception et les travaux correctifs effectués n’ont pas été efficaces.

[41]       S’il s’agit d’un nouveau problème découvert ultérieurement, celui-ci n’était pas apparent lors de la réception et peut être couvert par la garantie s’il est découvert dans l’année suivant la réception et dénoncé conformément au Règlement, comme c’est le cas en l’espèce.

[42]       Quoiqu’il en soit, il précise qu’il est possible qu’un même problème ait des causes multiples et que l’une d’elle soit prédominante de sorte que les autres sources puissent temporairement ne pas être apparentes. Il estime que c’est ce qui s’est passé ici. Le problème en provenance de l’unité voisine était prédominant de sorte que celui lié à l’unité même s’en est trouvé caché. La première cause ayant été résolue, la deuxième est devenue apparente.

[43]       Quant au Code, il traite des bruits aériens et non des bruits de plomberie ou d’impact. Par ailleurs, le Code national de la plomberie prévoit certaines normes. Il ajoute que les Codes énoncent des standards minimums mais que rien n’empêche un Entrepreneur de faire mieux que ce que les différends codes prévoient. Il importe de tenir compte des besoins et préoccupations des clients. S’il est normal d’entendre certains bruits, il n’est pas normal ni acceptable d’entendre ceux qui auraient pu être évités.

IV
PLAIDOIRIES

Entrepreneur

[44]       D’emblée, l’Entrepreneur soumet au Tribunal qu’il est anormal de devoir mettre le Guide et les Codes de côté si on peut toujours tout remettre en question au motif qu’on peut toujours faire mieux. Il souligne que la subjectivité que cela entraîne rend difficile pour un entrepreneur de livrer une unité de condominium.

[45]       Il invite le Tribunal à considérer le fait que le Guide de performance existe pour éviter qu’un entrepreneur doive se soumettre aux caprices de chaque bénéficiaire.

[46]       Il argumente que rien dans la preuve ne permet au Tribunal de constater que les travaux correctifs qui ont été faits en mars 2015 ne respectaient pas les règles de l’art.

[47]       L’Entrepreneur fait le parallèle entre le présent dossier et un autre dossier semblable où les propriétaires se sont désistés de leur demande en raison du fait que les bruits étaient intermittents tout comme dans le cas des Bénéficiaires. Il indique qu’il ne peut affecter du personnel à « chasser des fantômes »…

[48]       Monsieur Duff rappelle que lors des réparations effectuées en mars 2015, les Bénéficiaires étaient très satisfaits du résultat et que les bruits ne se sont plus manifestés pendant plusieurs mois.

[49]       Il est impossible de prévenir tous les bruits ambiants et c’est pour cette raison que le Guide de performance énonce des seuils de tolérance.

Administrateur

[50]       De son côté, Me Godin soumet au Tribunal que la décision rendue par l’Administrateur le 16 octobre 2015 doit être maintenue.

[51]       Au soutien de sa position, il rappelle que les travaux effectués en mars 2015 n’ont pas réglé le problème de bruit dénoncé par les Bénéficiaires dès la réception de l’unité le 25 septembre 2014. Il rappelle que les bruits entendus sont les mêmes que ceux dénoncés à l’origine et que les travaux effectués, de bonne foi, n’ont pas suffi à corriger entièrement la situation.

[52]       Contrairement à l’Entrepreneur, l’Administrateur soutient qu’il n’est pas pertinent de savoir si le bruit provient de l’unité voisine ou de l’unité même des Bénéficiaires. Soit le bruit existe, soit il n’existe pas. Il rappelle que l’Entrepreneur est assujetti à une obligation de résultat et qu’il se doit de corriger toutes les sources du problème.

[53]       L’Administrateur ne remet pas en question la bonne foi de l’Entrepreneur qui a tenté d’apporter les correctifs appropriés en mars 2015, mais de toute évidence, le problème n’a pas disparu et il lui appartient d’effectuer les travaux requis.

[54]       Par ailleurs, Me Godin soutient que le Guide de performance n’énonce aucune norme, mais qu’il est plutôt indicatif de ce que devrait être le seuil de tolérance acceptable des habitants d’une propriété. En l’espèce, ledit Guide prévoit que de légers tic tic sont permis. Ici, les tic tic ne sont pas légers au sens du Guide de performance.

[55]       L’expérience de Monsieur Bigras est suffisante pour lui permettre d’apprécier la nature des déficiences dénoncées et rien dans la preuve n’a démontré que la prétention de l’Entrepreneur est plus plausible que celle de l’Administrateur.

[56]       L’Administrateur ajoute que la malfaçon existante en l’espèce est couverte par le plan de garantie qu’il administre et qu’il convient de faire droit à la réclamation des Bénéficiaires.

[57]       Bien qu’il soit inconvenant pour l’Entrepreneur qu’une deuxième source au problème existe, il n’en demeure pas moins que les travaux doivent être faits. Il ne saurait être question de faire porter aux Bénéficiaires le fardeau de ne pas avoir identifié toutes les causes dès le départ.

Bénéficiaire

[58]       À l’instar de l’Administrateur, les Bénéficiaires sont d’avis qu’ils ne peuvent être tenus responsables d’un problème qui relève de l’Entrepreneur et qui pourrait leur causer préjudice au moment de la vente.

[59]       Monsieur Sourroubille soumet au Tribunal que ce problème cause aussi un préjudice à sa voisine, puisque cette dernière entend également les bruits qui sont causés par l’utilisation d’appareils provoquant la dilatation des tuyaux comme le démontre le courriel reçu en date du 6 mars 2016 (pièce B-1).

[60]       Les Bénéficiaires soulèvent finalement l’incohérence qui résulterait d’une décision qui accueillerait la demande de l’Entrepreneur alors que ce dernier a constaté le problème par le passé, l’a réparé, l’a de nouveau constaté, au même endroit, mais refuse maintenant de réparer.

V
ANALYSE ET DÉCISION

[61]       Le présent dossier soulève la question de l’existence ou non d’une malfaçon et de l’appréciation de la situation eu égard aux normes applicables.

[62]       En l’espèce, le Tribunal s’est déplacé sur les lieux afin de faire ses propres constats le jour de l’audition, à la suite de quoi l’audience a débuté.

[63]       À l’instar de l’Administrateur, le Tribunal est d’avis qu’il importe peu de déterminer si la déficience alléguée est la même qu’à l’origine ou s’il s’agit d’une nouvelle déficience découverte par la suite. Dans un cas comme dans l’autre, le résultat est le même à la lumière des délais courus.

[64]       La malfaçon apparente et découverte au moment de la réception est couverte par la garantie en vertu de l’article 27 (2) du Règlement. Celle non apparente au moment de la réception et découverte dans l’année suivant la réception est également couverte par la garantie en vertu de l’article 27 (3) du Règlement si elle est dénoncée par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans les six (6) mois suivant sa découverte.

[65]       La véritable question ici est celle de savoir si la situation observée chez les Bénéficiaires doit être considérée comme une malfaçon au sens du Règlement.

[66]       Considérant qu’il s’agit d’une demande de l’Entrepreneur, il lui appartient de démontrer au Tribunal que la décision de l’Administrateur est erronée. Sans que ce fardeau ne soit indu, il doit offrir une preuve convaincante.

[67]       En l’espèce, les bruits dénoncés ont été entendus et les travaux effectués n’ont manifestement pas corrigé adéquatement la situation. Ceux-ci sont suffisamment dérangeants pour altérer la qualité de vie des Bénéficiaires et de l’occupante de l’unité voisine.

[68]       Le Tribunal constate qu’une mauvaise compréhension du Règlement par l’Entrepreneur est en cause et explique en partie sa position. Cependant, un autre motif sous-tend la position de l’Entrepreneur et c’est la valeur du Guide de performance auquel il prête valeur de norme.

[69]       Le Tribunal est d’avis que ce guide est un outil développé au fil du temps afin d’uniformiser les pratiques et de maintenir un standard acceptable de qualité. Toutefois, le Guide ne remplace pas les lois ni les normes officielles en vigueur. Par conséquent, le Guide de performance ne supplante ni le Code national du bâtiment, ni le Code national de la plomberie.

[70]       Les normes énoncées à l’un ou l’autre de ces codes n’ont pas été plaidées. Par ailleurs, le fardeau de la preuve reposant sur l’Entrepreneur, il n’appartenait pas aux autres parties de faire cette preuve en sa place et lieu.

[71]       Le Tribunal ne voit rien dans la preuve qui permette d’écarter le témoignage de Monsieur Bigras qui affirme que les bruits entendus chez les Bénéficiaires constituent  bel et bien une malfaçon au sens du Règlement.

[72]       En conséquence, le Tribunal maintient la décision rendue par l’Administrateur le 16 octobre 2015 et rejette la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur.

[73]       Conformément à l’article 123 du Règlement, les frais du présent arbitrage sont à la charge de l’Entrepreneur et de l’Administrateur, en parts égales.

EN CONSÉQUENCE, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

REJETTE la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur;

MAINTIENT la décision rendue par l’Administrateur le 16 octobre 2015;

ORDONNE à l’Entrepreneur de se conformer à la décision rendue le 16 octobre 2015 et ce, dans les trente (30) jours de la réception de la présente sentence et, À DÉFAUT par l’Entrepreneur de corriger la situation dans le délai susdit, ORDONNE à l’Administrateur d’effectuer les travaux nécessaires en conformité avec le Règlement;

CONDAMNE l’Administrateur et l’Entrepreneur à payer les frais du présent arbitrage en parts égales.

 

                                                                              Montréal, ce 14 octobre 2016

 

 

 

 

                                                                                                                                                           

                                                                              Me Karine Poulin, arbitre

 

 

G1115-64

S/A 151