TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 ARBITRAGE SELON LE

RÈGLEMENT SUR LE

PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

 (Chapitre B-1.1, r. 8)

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

(Organisme d’arbitrage accrédité par la Régie du bâtiment du Québec)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

No dossier S18-110201-NP                      Groupe Pentian Développement Inc.

 

L’Entrepreneur

c.

 

Julie Lévesque

et

Dominique Archambault

 

Bénéficiaires

 

                                                                       Et :                                        

 

La Garantie de Construction Résidentielle (GCR)

 

L’Administrateur    

 

 

DÉCISION ARBITRALE

 

 

Arbitre :                                                         Roland-Yves Gagné

 

Pour l’Entrepreneur :                                   Madame Najwa Kerbaj

                                                                       Monsieur Charles Valenti

           

Pour les Bénéficiaires :                              Madame Julie Lévesque

                                                                       Monsieur Dominique Archambault

           

Pour l’Administrateur :                                Me Éric Provençal

                                                                       Monsieur Martin Bérubé

 

Date de la décision :                                   27 février 2019


 

Description des parties

 

ENTREPRENEUR :

 

Groupe Pentian Développement Inc.

a/s Madame Najwa Kerbaj

1650 rue Cunard, Laval, Qc. H7S 2B2

 

BÉNÉFICIAIRES :

 

Madame Julie Lévesque

Monsieur Dominique Archambault

[...], Montréal, Qc. [...]

 

ADMINISTRATEUR :

 

Garantie Construction Résidentielle

a/s Me Éric Provençal

7171 Jean Talon Est, bureau 200, Montréal, Qc. H1M 3N2


PIECES

 

L’Administrateur a produit les pièces suivantes :

 

A-1 :      Contrat de garantie signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 4 février 2017 ;

A-2 :      Contrat préliminaire signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 5 février 2017 ;

A-3 :      Formulaire d’inspection préréception signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 27 novembre 2017 ;

A-4 :      Contrat de vente d’un immeuble au comptant signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 30 novembre 2017 ;

A-5 :      Échange de courriels entre les Bénéficiaires et l’Administrateur datées du 13(2) avril 2018 et du 3 mai 2018, est jointe une lettre des Bénéficiaires ;

A-6 :      Formulaire de dénonciation signé par les Bénéficiaires le 27 mai 2018 ;

A-7 :      Lettre de l’Entrepreneur aux Bénéficiaires datée du 30 août 2017 ;

A-8 :      Lettre de l’Entrepreneur aux Bénéficiaires datée du 15 septembre 2017 ;

A-9 :      Courriel émis par l’Entrepreneur aux Bénéficiaires et à l’Administrateur daté du 15 mai 2018, auquel est jointe une lettre datée du 24 avril 2018 ;

A-10 :    L’État de renseignements d’une personne morale au registre des entreprises du Québec de Groupe Pentian Développement inc. daté du 12 novembre 2018 ;

A-11 :    En liasse, la décision de l’Administrateur datée du 3 octobre 2018, ainsi que l’accusé de réception de Postes Canada de l’Entrepreneur daté du 4 octobre 2018 ;

A-12 :    Le courriel de la notification de l’organisme d’arbitrage daté du 5 novembre 2018 auquel sont jointes la lettre de notification, la demande d’arbitrage et la décision de l’administrateur datée du 3 octobre 2018 déjà soumise en A-11 ;

A-13 :    Curriculum vitae de Monsieur Martin Bérubé.

 

Les Bénéficiaires ont produit les pièces suivantes :

 

B-1 :      Relevé 22 novembre 2017 ;

B-2 :      Chèque 19 octobre 2017 ;

B-3 :      Feuille de route non signée.

 

L’Entrepreneur a produit les pièces suivantes :

 

E-1 :      Chronologie Entrepreneur et Clients ;

E-2 :      Arguments au soutien de la demande d’arbitrage ;

E-3 :      Archives - Environnement Canada - Mai, juin, juillet et août 2017 ;

E-4 :      Courriels en liasse.


 

INTRODUCTION

 

[1]        Le Tribunal d’arbitrage est initialement saisi du dossier suite à une demande d’arbitrage par l’Entrepreneur, reçue par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) le 2 novembre 2018, et par la nomination du soussigné comme arbitre le 27 novembre 2018.

[2]        Aucune objection quant à la compétence du Tribunal d’arbitrage n’a été soulevée par les parties et la juridiction du Tribunal est alors confirmée.

[3]       Il s’agit d’un dossier où toutes les parties ont témoigné de bonne foi et de façon respectueuse les unes envers les autres, le quantum des factures et leurs paiements ne sont contestés.

 

Décision de l’Administrateur

[4]       Le 3 octobre 2018, l’Administrateur rend la décision suivante en résumant les faits au tout début (pièce A-11) :

1. Relogement, déménagement et entreposage

Le 4 février 2017, les bénéficiaires signaient avec l’entrepreneur un contrat préliminaire pour l’achat d’une maison en rangée située au [...]  à Montréal. Selon le contrat, la réception de la maison devait avoir lieu le 1er juillet 2017.

Or il appert que la maison n’a été reçue par les bénéficiaires que le 27 novembre 2017. Les bénéficiaires réclament donc les frais de retard pour la période s’échelonnant du 31 octobre au 27 novembre 2017, soit une période de vingt-sept (27) jours, ces derniers ayant laissé tomber le retard pour la période s’échelonnant du 1er juillet au 30 octobre 2017. Au soutien de leur demande, les bénéficiaires ont soumis des factures relatives au relogement, à l’entreposage et au déménagement totalisant 6 504,96$.

[…] L’Entrepreneur, au jour de la présente et bien qu’il s’y était engagé, n’a pas transmis à l’administrateur les informations justifiant le retard et les motifs relatifs à l’utilisation de la clause 5.14 concernant la sélection de choix des finis, de même qu’une entente entre les parties le justifiant. […]

Par conséquent, l’entrepreneur devra rembourser aux bénéficiaires la somme maximale autorisée au Règlement, à savoir 6 000$.

 

Première base de la demande d’arbitrage : l’Entrepreneur n’a pas présenté sa preuve devant l’Administrateur

[5]       Le premier argument de l’Entrepreneur (pièce E-2) est qu’il n’a pas pu faire toute sa preuve devant l’Inspecteur-conciliateur de l’Administrateur, et qu’il n’a jamais été avisé de la réclamation des Bénéficiaires contrairement à ce qu’il voit sur le site web de la GCR, à l’effet que l’Entrepreneur est contacté quand il y a une réclamation des Bénéficiaires.

[6]       L’obligation d’aviser l’Entrepreneur est prévue à l’article 34 3e du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après nommé le Règlement:

34. La procédure suivante s’applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l’article 27:

1° le bénéficiaire dénonce par écrit à l’entrepreneur le défaut de construction constaté et transmet une copie de cette dénonciation à l’administrateur en vue d’interrompre la prescription;

2° au moins 15 jours après l’expédition de la dénonciation, le bénéficiaire avise par écrit l’administrateur s’il est insatisfait de l’intervention de l’entrepreneur ou si celui-ci n’est pas intervenu; il doit verser à l’administrateur des frais de 100 $ pour l’ouverture du dossier et ces frais ne lui sont remboursés que si la décision rendue lui est favorable, en tout ou en partie, ou que si une entente intervient entre les parties impliquées;

3° dans les 15 jours de la réception de l’avis prévu au paragraphe 2, l’administrateur demande à l’entrepreneur d’intervenir dans le dossier et de l’informer, dans les 15 jours qui suivent, des mesures qu’il entend prendre pour remédier à la situation dénoncée par le bénéficiaire;

4° dans les 15 jours qui suivent l’expiration du délai accordé à l’entrepreneur en vertu du paragraphe 3, l’administrateur doit procéder sur place à une inspection;

5° dans les 30 jours qui suivent l’inspection, l’administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l’absence de règlement et en transmettre copie, par poste recommandée, aux parties impliquées. […]

 

[7]       Sur le premier point, l’Inspecteur-conciliateur affirme à l’audience avoir téléphoné aux bureaux de l’Entrepreneur pour avoir leur version et que personne ne l’a rappelé.

[8]       Le Règlement a prévu un processus d’arbitrage.

[9]       L’Entrepreneur a produit une demande d’arbitrage en vertu de l’Article 35 du Règlement :

Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.

 

[10]    L’arbitrage est un procès « de novo », au cours duquel l’Entrepreneur peut apporter toute preuve nouvelle.

[11]    La Cour supérieure a confirmé récemment dans 9264-3212 Québec Inc. c. Moseka[1] les décisions rendues en ce sens par les arbitres en vertu de Règlement [2]:

[20] […] L’arbitre peut entendre des témoins, recevoir des expertises et procéder à l’inspection des biens ou à la visite des lieux. 

[…] [24] Le Tribunal rappelle que l’arbitre ne siège pas en appel ou en révision de la décision du Conciliateur. Il ne procède pas non plus à décider en se basant uniquement sur le dossier transmis. Les parties peuvent être représentées par avocat devant lui, comme ce fut le cas dans ce dossier.

[12]    L’Entrepreneur a pu faire sa preuve devant le Tribunal d’arbitrage et c’est sur la base de toute la preuve que le soussigné rend la présente décision.

[13]    Sur le deuxième point, soit l’avis à être envoyé à l’Entrepreneur, l’analyse du Règlement montre une différence de traitement pour les réclamations sous l’article 26 du Règlement (comme ici, retard avant la réception des travaux) et l’article 27 (dommages après la réception).

[14]    La procédure prévue pour la présente réclamation est ainsi définie par l’article 33.1 du Règlement :

33.1. La procédure suivante s’applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l’article 26:

1° au plus tard dans les 6 mois qui suivent la réception du bâtiment, le bénéficiaire doit transmettre à l’entrepreneur par écrit une demande de remboursement des frais de relogement, de déménagement et d’entreposage de ses biens incluant les pièces justificatives, et en transmettre une copie à l’administrateur. En l’absence de règlement, au moins 15 jours après l’expédition de la demande, le bénéficiaire en avise par écrit l’administrateur qui doit statuer sur la demande dans les 30 jours qui suivent la réception de cet avis;

 

[15]    Les réclamations sous l’article 26 du Règlement ne semblent donc pas prévoir d’avis par écrit subséquent par l’Administrateur à l’Entrepreneur, contrairement aux réclamations sous l’article 27.

[16]    Cependant, en plus de l’appel téléphonique logé par l’Inspecteur-conciliateur avant de rendre sa décision, l’Entrepreneur a été avisé de la réclamation des Bénéficiaires de mai 2018, puisque son contrôleur y a répondu par lettre du 15 mai 2018 (pièce A-9) et sa lettre a été envoyée par courriel en c.c. à « Réclamation GCR », la GCR était donc au courant de la base de la position de l’Entrepreneur au moment de rendre sa décision bien qu’il n’en avait pas les détails :

Le deuxième retard, qui faisait l’objet de notre lettre du 15 septembre 2017, était dû au fait qu’on ne pouvait pas procéder avec la construction de votre unité résidentielle car vous n’aviez pas fourni vos sélections de finitions ni signé la feuille de route. Le manque de ces détails a causé des retards importants dans les travaux de finition et donc contribué au retard de livraison. Vous ne pouvez pas maintenant prétendre qu’on vous a causé un préjudice.

[17]    Quoiqu’il en soit, même si l’Entrepreneur est convaincu que s’il avait pu présenter sa preuve à l’Administrateur, la décision aurait été différente, cette prétention est la base même du différend que le Tribunal d’arbitrage doit trancher, et c’est le fond du dossier qui fait l’objet de la présente décision, traité ci-après.

 

Deuxième base : Précipitation (pluie) et Grève

[18]    Les faits cités (pluie et grève) sont antérieurs au 30 août 2017, date à laquelle l’Entrepreneur fixa la date de livraison au 31 octobre 2017 (pièce A-8, voir ci-après) et les Bénéficiaires ne tiennent pas rigueur l’Entrepreneur pour les évènements d’avant cette date.

[19]    D’ailleurs, l’Administrateur note dans sa décision :

Les bénéficiaires réclament donc les frais de retard pour la période s’échelonnant du 31 octobre au 27 novembre 2017, soit une période de vingt-sept (27) jours, ces derniers ayant laissé tomber le retard pour la période s’échelonnant du 1er juillet au 30 octobre 2017

[20]    Le soussigné n’a donc pas à disposer de ce point.

 

Troisième base : faute des clients et absence de faute de l’Entrepreneur

[21]    La troisième base touche le fond du différend, soit la responsabilité de l’Entrepreneur à payer les sommes prévues à l’article 26 du Règlement :

3° le relogement, le déménagement et l’entreposage des biens du bénéficiaire dans les cas suivants:

a) le bénéficiaire ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l’entrepreneur à moins que les acomptes ne soient remboursés;

b) il ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l’entrepreneur afin de permettre à l’administrateur de parachever le bâtiment.

 

[22]    L’Entrepreneur détaille ainsi sa demande d’arbitrage sur ce point :

3. Délais encouru par le client, choix des finis et couleur manquante:

a. Nous avons reçu la feuille de route signée par le client le 13 octobre 2017.

Celle-ci aurait dû être soumise au mois de juillet 2017.

Le client ajoute énormément d’extras et personnalisations à sa maison.

Nous avons besoin beaucoup plus de temps pour compléter ce que le client nous demande. Seulement pour la fabrication des armoire de cuisine, le délai est de 8 semaines après que la commande soit faite.

On ne procède à aucune commande si la FDR [note du soussigné : Feuille de Route] n’est pas signée par les clients et approuvée par le promoteur.

En plus, le délai pour les comptoirs en Quartz est de 2 semaines après l’installation des armoires de cuisine.

Ces deux modifications ou commandes prenne en tout un total de 10 semaines.

Sachant qu’il a envoyé sa FDR le 13 octobre, c’est impossible de livrer sa maison pour le début novembre, car il faut compter 10 semaines après le 13 octobre.

Le client était au courant de tout ce qui se passe puisque c’est lui qui faisait tous les changements et retardait dans la prise de décision des choix des finis.

Nous l’avons avisé dans la lettre du mois de septembre, que nous ne pouvons plus respecter la date de livraison car il n’avait pas remis ses choix.

Malgré cela, il n’a pas hésité à faire plus de changements.

b. Dans ses correspondances avec le vendeur Nicolas Bel, l’acheteur n’arrête pas de faire des changements sur ces choix de couleur, choix de coulis, fait des modifications dans les filages de sa maison et les plans électriques.

Plus de demandes, pIus de délais pour la livraison.

Conteste prix des extras, tente de négocier etc… On peut pas respecter les dates si l’acheteur ne respecte pas nos délais et répond dans un délai raisonnable avec ses choix.

Le client a ajouté au-delà de $26 300 + Txs ; impossible à produire une maison avec ce type d’extras contrairement à un client avec des choix standards dont la majorité sont disponibles en stock.

Tous ces surplus ajoutent des délais de fabrication et de livraison qui ne sont pas prévus dans notre cédule.

c. Le client n’a jamais répondu à la lettre ou on lui confirme que sa date de livraison ne sera pas respecté et qu’il n’aura pas une nouvelle date de livraison tant et aussi longtemps qu’il n’a pas finalisé ses choix.

d. Le client a visité le chantier le 16 oct et a vu que le gypse n’est pas installé et c’est normal… dans son courriel le lendemain, aucune question sur le délai mais il questionnait plutôt sur les extras.

e. C’est seulement le 19 octobre que le client commence a questionner sur date de livraison, il s’est entendu avec les acheteurs de sa maison pour le 9 novembre .. Il mentionne que jusqu'à présent on travaille avec des dates abstraites et il faut les rendre concrètes.

f. Aucune correspondance par courriel entre le 19 octobre et 10 novembre.

 

PREUVE À L’AUDIENCE

[23]    Les Bénéficiaires témoignent à l’effet avoir fait affaires avec Nicolas Bel, représentant des ventes de l’Entrepreneur, comme on peut le voir sur son site web.

[24]    Pendant son délibéré, le soussigné a vu le site web de l’Entrepreneur[3], et sur ce site, le représentant des ventes Nicolas Bel.

[25]    Ce représentant, qui utilise entre autres, une adresse de courriel de l’Entrepreneur, @pentian.ca, est aussi courtier immobilier pour une firme de courtiers immobiliers connue.

[26]    Les Bénéficiaires avaient acheté le bâtiment résidentiel sous condition de pouvoir vendre leur immeuble actuel (au moment de la signature du contrat), ils donnent mandat au représentant des ventes de l’Entrepreneur, de vendre leur propre immeuble.

[27]    Ils affirment que l’agent d’immeuble représentant des ventes leur a dit que :

[27.1]    cela rassurerait l’Entrepreneur de savoir qu’il voit à cette vente ;

[27.2]    de plus, cela va assurer une transition facile entre la vente de leur immeuble actuel et leur emménagement dans leur nouvelle maison.

[28]    Le Bénéficiaire affirme à l’audience que :

[28.1]    98% de ses contacts avec l’Entrepreneur l’ont été par l’entremise de son représentant des ventes Nicolas Bel ;

[28.2]    que Nicolas Bel avait l’habitude de rappeler par téléphone et non pas de répondre par écrit ;

[28.3]    que Nicolas Bel était bien au courant

[28.3.1]        des dates de la vente de leur condo précédent ;

[28.3.2]        et de leurs obligations quant à l’occupation de ce condo par le nouvel acquéreur après la vente ;

[28.3.3]        et le fait qu’ils avaient dû reporter leur déménagement.

[29]    Le Bénéficiaire ajoute que :

[29.1]    l’Entrepreneur l’a envoyé voir des fournisseurs qui n’étaient pas au courant

[29.1.1]        de ce qui était inclus dans le prix ; ou

[29.1.2]        de ce que les Bénéficiaires devaient payer de leurs poches ; et

[29.1.3]        en plus d’autres détails plus techniques,

ce qui a entraîné plusieurs va-et-vient et plusieurs rencontres ;

[29.2]    « ce n’est pas qu’on voulait pas, c’est qu’on ne savait pas ce qui était en extra, l’information venait au compte-goutte ».

[30]    Vu l’absence de réclamation pour la période d’avant le 31 octobre 2017, le Tribunal d’arbitrage se penche ici sur les évènements qui ont suivi la lettre du 30 août citée ci-après.

[31]    Le 30 août 2017, les promettant-acheteurs de cinq unités résidentielles, dont les Bénéficiaires, reçoivent une lettre envoyée par email puis reçue par courrier recommandée (pièce A-8), signée par Charles Valenti, tel qu’il appert du témoignage de ce dernier à l’audience :

Objet : Avis de nouvelle date de livraison […]

Nous vous remercions pour la confiance que vous nous avez témoigné en choisissant notre entreprise pour construire votre nouvelle unité résidentielle. Notre mission est de nous assurer de répondre à vos attentes et de vous offrir une expérience client exceptionnelle tout au long du processus d’achat ainsi qu’un excellent service après-vente.

C’est pourquoi nous devons vous informer qu’il y a un changement à la date prévue de livraison qui était stipulée dans le contrat préliminaire que vous avez signé le 5 février 2017.

Comme vous l’avez certainement constaté, les conditions météorologiques [….] la grève a aussi entraîné […]

Ces événements imprévisibles et hors de notre contrôle nous obligent donc à repousser la date de livraison de toutes les unités du projet Place Daudet. De ce fait votre unité ne sera disponible pour livraison qu’à partir du 31 octobre 2017.

[32]    Trois jours avant l’envoi de cette lettre, le 27 août 2017, le Bénéficiaire avait envoyé le courriel suivant à Nicolas Bel, représentant de l’Entrepreneur (courriel 2017-08-27 Feuille de route [...] (unité 3), E-4 en liasse):

Bonjour Nicolas!

 

Voici la feuille de route remplie dans la mesure du possible en date d’aujourd’hui. Je met aussi en attachement l’annexe pour la feuille de route avec les détails que je ne peux pas spécifier dans la feuille de route. J’y ai surligné en jaune les détails qui restent à venir.

 

Plusieurs choix entrainent des extras, tu t’en doutes surement. Voici une liste des extras pour simplifier […]

 

Pour ces extras, nous offrons […] plus taxes. Est-ce que ça convient?

 

La grosse question qui reste, tel que discuté au téléphone hier, est pour la robinetterie de la douche de la salle de bain des maitres.

 

[33]    Le lendemain 28 août, deux jours avant la lettre du 30 août, Nicolas Bel lui répond :

 

Tu trouveras ci-joint la feuille de route mise à jour avec ta feuille d’annexe (J’ai surligner en vert, les points que j’ai réussit à mettre dans la feuillette route).

 

Voici quelques questions :Pour la salle à manger, tu veux la même céramique que la cuisine ? Autres Point discutés que je retrouve pas dans la feuille de route : Es ce que tu veux toujours§  La robinetterie du bain de la sdb familale ne doit pas être du côté de la toilette?§  Le Grout-Shield ? Où?

Extra prévu dans le contrat original que je retouve pas dans la feuille de route : Es ce que tu veux toujours§  les 2 pieds de comptoir supplémentaire ?§  portes insonorisées: salle d'eau, salles de bain à l'étage, et chambre des maîtres ?§  pocket door pour lchambre des maîtres ?§  armoire-pharmacie agencée au-dessus de la toilette des 2 salle de bain ?

·         Il y a un extra au que tu n’a pas compter […]  Il possible qu’on obtienne quelques rabais de fournisseur, […]  

Il me manque toujours sur ma check-list :

·         Plan électrique

·         Plan cuisine

·          Il me faut les choix pour 

§  pour le coulis

§  pour le backsplash

§  pour les portes

§  pour les poignée pour les portes

§  Main courante

 

[34]    Deux heures et demi plus tard le 28 août le Bénéficiaire répond (2017_08_28_Re : feuille de route [...] (unité 3) :

Donc voici les réponses: […]

 

En gros, l’annexe que j’ai envoyé (ainsi que le prix) sont pour les amendements au contrat original que nous avons signé au printemps. C’est pour ça que je n’avais pas inclus les 4 derniers points plus haut dans l’annexe.

 

J’ai en effet oublié les armoires pleines hauteur de ma liste d’extra, pardon. Ça devrait s’y trouver. J’ai aussi oublié le matériel thermoplastique pour les armoires de cuisine, ça devrait aussi y être.

 

Pour la main courante, est-ce que j’ai bien vu que c’est un autre […] pour le merisier teint? C’est en plus du prix du reste de l’escalier?!

 

Voici le détail des extras de mon coté (en ajoutant le […]$ des armoires que j’avais oublié):

 

[35]    Le lendemain de la lettre du 30 août, par courriel du 31 août 2017, envoyé après 22 :00, le Bénéficiaire écrit (2017_08_31 Re : Feuille de route) :

 

Voici la nouvelle annexe avec les changements, ainsi que la feuille de route à jour. […] Voici un résumé des changements pour la feuille de route: […] Et voici un résumé des changements pour l’annexe: […]

En prenant en considération le changement de date de livraison de dernière minute (qui représente un bris de la clause 4.2 du contrat préliminaire), la difficulté à obtenir plusieurs informations en lien avec le projet (longs délais dans les réponses du constructeur), des extras pour certains détails de finition qui nous semblent être la base pour un projet dit “de luxe” et l’absence de plans détaillés qui nous a forcé à payer une designer d’intérieur pour les créer (par exemple les plans d’élévation de la cuisine), je crois qu’il est raisonnable d’offrir […]$ (avant taxes) pour ces nouveaux extras. (nos caractères gras)

 

[36]    Deux jours après l’envoi de la lettre du 30 août, le vendredi 1er septembre 2017, Nicolas Bel (adresse de courriel finissant par @pentian.ca) écrit (ce courriel est à la suite du suivant sur le fichier) :

Bonjour Dominique 

 

Pour les poignées de porte, j’ai un seul fini disponible en chrome (Extra de […]$ par porte) (le type de chromé est au choix du promoteur). Es ce qu’on y va avec cette option ?

 

Pour la rampe entre le 2ème étage et la mezzanine es-ce que tu veux aussi la rampe avec les tige en métal verni à […]$ ?

 

Mise appart les détails pour la céramique, j’ai vais pouvoir entrée toutes les modification directement sur la feuille de route.

Donc je pense qu’è la fin on ne va ce servir de l’annexe que pour la céramique. (Voir les pièce jointe)

 

Reviens moi avec tes réponses aux questions aujourd’hui, pour que je puisse envoyer la feuille de route.

Il faudrait finaliser l’annexe cette fin de semaine

 

Bonne journée

 

[37]    Le dimanche 3 septembre 2017, le Bénéficiaire répond (2017_09_03 Re : Feuille de route):

Je n’ai aucun choix sur le fini/couleur des poignées de portes? Ça me semble vraiment limite, ça. On ne veut rien de “luisant”, style poli. Et une couleur dans les tons d’argent/chrome, pas de laiton.

 

Pour ce qui est de la rampe du 2e étage, on va prendre le même type de main courante avec les tiges de métal, oui.

 

Quelques notes/questions sur la feuille de route et l’annexe “abrégée”:

1.    Je ne vois nul part spécifié que le haut des armoires doit être ouvert (pas de finition avec un caisson de gypse), mais j’imagine que c’est le standard d’où l’omission? Je ne veux juste pas qu’il y ait de confusion par rapport au contrat préliminaire.

2.    Je ne vois pas de mentions pour les planchers chauffant?

Aussi, j’ai quelques ajouts simples:

1.    Ajout d’une prise 240V dans le garage (pour éventuel chargeur d’auto électrique)

2.    Ajout d’une prise électrique en haut des armoires de cuisine (le plus bas possible, près du dessus des armoires pour ne pas être visible du sol)

3.    Ajouts de 10 lumière encastrées (dont 6 au RdC, plan électrique à venir, probablement en début de semaine)

[38]    Le 4 septembre 2017 après 20 :00, le Bénéficiaire envoie ce courriel en mettant Nicolas Bel en c.c. (2017_09_04Détail cuisine [...] (Unité 3 Bloc 2))

Tel qu'entendu plus tôt au téléphone, voici les plans d'élévations pour la cuisine. Il y a eu des changements depuis notre rencontre à votre bureau!

Cependant, quelques notes/corrections […]

Des versions corrigées des différents plans seront bientôt disponibles.

S'il y a quelque question que ce soit, surtout ne pas hésiter à me contacter! Mon numéro de mobile est […]

Finalement, serait-il possible de nous confirmer par téléphone ou courriel quand le marquage au plancher sera fait? Ainsi nous pourrons prendre RV pour une visite du chantier avec notre designer pour valider le positionnement de l'éclairage encastré.

[39]    Le 15 septembre 2017, l’Entrepreneur, représenté cette fois par Charles Valenti, envoie la lettre suivante « par courrier commandé et par email » (pièce A-8) :

Objet : Avis important - Retard sélection des finis - unité DTH 2.3

Madame, Monsieur,

Dans le processus d’acquisition d’une nouvelle construction, il y a plusieurs étapes cruciales à respecter afin de permettre au promoteur de planifier les travaux pour pouvoir livrer le produit à la date prévue (le paiement des dépôts, l’obtention d’une acceptation hypothécaire, le choix des matériaux et finis, etc.). Le manquement ou le non-respect de certaines de ces étapes, peut occasionner d’importants délais dans la livraison.

Présentement, nous faisons face à une situation déplorable ayant un énorme impact sur la date de livraison indiquée dans notre dernière correspondance du 31 août. Le processus et la réception de la sélection des finis et des matériaux a pris d’importants retards ce qui engendre des délais supplémentaires dans les commandes auprès des fournisseurs. Il est à noter qu’aucune commande aux fournisseurs n’est effectuée avant de recevoir le document dûment signé de votre part et par le fait même, ce dernier doit être approuvé et accepté par le promoteur. L’article 5.14 du contrat préliminaire que vous aviez signé, stipule que vous aviez sept (7) jours pour remettre au promoteur la sélection de vos options.

5.14 Le promettant-vendeur offrira au promettant-acheteur certains options de base, incluant notamment les choix de couleurs et de modèles d’éléments relatives à la décoration de l’immeuble, basées sur les spécifications telles que déterminées dans l’annexe C. Le promettant-acheteur accepte de remettre au promettant-vendeur sa sélection d’options dans les sept (7) jours de l’avis du promettant-vendeur, à défaut de quoi, le promettant-vendeur pourra sélectionner les options de son choix.

Il vous a été demandé de remplir la « Feuille de route » pour les choix de couleurs et matériaux au mois de juillet avant les vacances de la construction. Puisqu’en date d’aujourd’hui, nous n’avons pas reçu vos choix, nous sommes dans l’obligation d’arrêter tous les travaux intérieurs dans votre maison jusqu’à l’obtention de tous les documents pertinents complétés et signés. Lorsque votre dossier sera complet, nous vous aviserons de la nouvelle date de livraison.

Nous vous rappelons qu’en effectuant votre choix parmi la sélection du promoteur, vous vous assurez que la livraison soit plus rapide et dans le cas contraire, des délais et/ou des frais supplémentaires seront ajoutées.

Finallement, il est primordial de prendre un rendez-vous avec le représentant des ventes si vous désirez faire la visite du chantier, car vous devez être accompagnés. En effet, il est interdit de vous rendre seul sur le chantier.

Nous vous prions d’agréer […]

[40]    A l’audience l’Entrepreneur affirme qu’il a une obligation de livrer ce que l’acheteur achète mais s’il ne sait pas ce qu’il doit livrer il ne peut pas livrer.

[41]    Malgré les prétentions de l’Entrepreneur sur les conséquences juridiques de sa lettre, soit qu’au 15 septembre, il n’avait plus de date de livraison, son représentant des ventes Nicolas Bel reconfirme la date de livraison du 31 octobre; il écrit le 20 septembre à 19 :02, à peine cinq jours de calendrier ou trois jours ouvrables plus tard : (fichier 2017_09_20 Re : Extras Bois d’Or, 2e courriel du fichier, pièce E-4)

Bonsoir Dominique

Ci-joint la modification au contrat pour Bois d’Or.

Il s’agit du prix le plus bas qu’a négocié le promoteur avec bois d’or.

Nous avons besoin de ton acceptation demain pour démarrer la production des armoires pour livrer la maison avant le 31 octobre.

Nicolas Bel

Courtier Immobilier 

[42]    Le Bénéficiaire répond le même jour, le 20 septembre à 19 :44 :

Bonjour Nicolas,

 

Suite à notre conversation téléphonique, j'ai revisé le document de modification ligne par ligne, et il y a en effet des items qui ne devraient pas s'y trouver:

1.     La porte pour l'ouverture de la grillette s'y trouve en double, soit aux items #3 ("Porte flip pour grille pain", […]$) et #7 ("Porte HL Pour Grilette", […]$)

2.    Tous les tiroirs de la cuisine sont chargés en extra. En assumant qu'un cabinet de 3 tiroirs est inclu d'un coté ou de l'autre du poêle, l'item #10 ("Meuble avec 3 tiroirs gauche de poêle", […]$) ne devrait pas être en extra.

Finalement, l'extra de […]$ pour les 4 tiroirs à fermeture silencieuse (point #13) est justifié car il s'agit du mécanisme pour les 4 tiroirs de plus que nous avons demandé. Il ne faut pas oublier que nous avons aussi droit à une crédit de […]$ (avant taxes) en raison de l'extra que nous avions payé pour la finition en gypse en haut des armoires, que nous ne prenons plus finalement. En tout, je calcule donc qu'il y a […]$ (avant taxes) de trop sur le document de modification, soit […]$ + [….]$ + 10% de frais administratifs. Ainsi, le bon sous-total (avant taxes) pour la modification devrait être […]$. Merci, Dominique

[43]    Le Bénéficiaire répond le 22 septembre à 14 :37 par courriel non seulement en cc. à Nicolas Bel, mais comme adresse principale à info@pentian.ca, qui est l’adresse de courriel utilisé par l’Entrepreneur pour l’envoi de sa lettre du 15 septembre (Re : Avis important)

Ce courriel est pour vous avisé qu’en date d’hier, jeudi le 21 septembre 2017, nous avons fourni les dernières informations et choix de finitions à notre vendeur, Nicolas Bel. Nous considérons donc la situation comme réglée.

Nous tenons tout de même à préciser que la vaste majorité des choix de finitions avaient été fournies à Nicolas le 4 septembre dernier. Les seules choix manquants étaient soit des choix dont nous n’étions pas au courant (comme le type de tiges et de poteaux pour les rampes d’escalier), soit des choix pour lesquels il nous manquait des informations cruciales (comme les modèles de lumières encastrées), soit des détails d’installation qui nous étaient impossible de fournir avant d’avoir des mesures précises (comme les plans d’installation pour l’éclairage et le filage/câblage).

[44]    Le 23 septembre 2017, Nicolas Bel envoie le courriel suivant :

Tu trouveras ci-joint la feuille de route finale.

La feuille exclu les extra chez Bois d’Or (le promoteur dois me revenir avec l’annexe corrigée) […]

[45]    Malgré la lettre du 15 septembre 2017, à l’effet que les travaux intérieurs étaient arrêtés, il n’en fut rien, puisque la preuve démontre qu’ils ont continué, preuve donc que l’Entrepreneur n’a pas exigé, pour la reprise des travaux intérieurs, la fameuse feuille de route.

[46]    Le 16 octobre 2017, les Bénéficiaires font une visite pré-gypse de la maison.

[47]    Le 17 octobre 2017, le Bénéficiaire écrit (Suivi inspection), sans faire référence à des travaux arrêtés :

Bonjour Nicolas,

 

Suite à l'inspection d'hier, j'ai quelques points à soulever:

1.    En regardant mes photos d'hier, j'ai remarqué que seulement un des deux fils électriques pour les prises futures dans le long mur mitoyen du RdC est présent. La facture d'extra de l'électricien mentionne pourtant bien 2 sorties futures installées, qui sont aussi très clairement indiquées sur le plan d'éclairage.

2.    J'aimerais qu'on me confirme l'installation du fil à hauts-parleurs que j'ai donnée à Jean hier. Le fil doit être passé comme le plan que j'ai donné à Jean en même temps l'indique, soit des coins avant et arrière gauche (à 1pi du plafond et 2pi des murs extérieurs) jusqu'au milieu de mur mitoyen droit, en bas du mur (à 1-2pi du sol, comme toute prise normale). Comme j'ai donné un peu plus de 100pi de fil 16/2 à Jean, je m'attend à ce qu'il y ait en masse de lousse à chaque terminaison.

3.    Jean m'a aussi dit qu'il allait faire deux "encoches" dans les entremises pour passer des fils à bas voltage, là où il y a des prises murales pour TV (soit celles faites à ~52po de hauteur dans le salon du RdC et la mezzanine). Est-ce qu'on peut confirmer que c'est bien fait?

Pour la confirmation, j'apprécierais soit des photos, soit une visite rapide de 2-3 minutes (je suis très disponible, comme d'habitude).

 

[48]    Le 19 octobre 2017, après 20 heures, le Bénéficiaire a envoyé le courriel qui suit, qui n’a fait pas l’objet d’une réponse au dossier par l’Entrepreneur (2017_10_19 Arrangement pour retard de livraison) :

Bonjour Nicolas,

Nous avons finalement pu nous entendre avec les acheteurs pour repousser leur emménagement. L'entente se fera entre particuliers, et non pas par l'entremise de la notaire.

La meilleure date que nous avons pu obtenir est le 9 novembre. Il serait donc important que les travaux sur la maison soient terminés pour cette date.

Peux-tu t'assurer de ton coté que la maison sera livrée avant ou pour cette date? Je crois qu'un délai supplémentaire de 9 jours sera suffisant, puisque Jean nous avait parlé d'une "grosse semaine" de retard.

J'aimerais donc avoir une confirmation de la livraison pour cette date. Nous travaillons avec des dates très "abstraites" pour l'instant et je crois qu'il est grand temps de les rendre plus concrètes afin que l'on puisse finaliser nos préparatifs (déménageurs, hypothèque, notaire, branchements Bell, livraisons de meubles, etc).

[49]    Le 20 octobre 2017 il(s?) visite(nt?) le chantier.

[50]    Les Bénéficiaires négocient par l’intermédiaire de Nicolas Bel, cette fois en sa capacité d’agent d’immeuble des Bénéficiaires, de pouvoir rester dans leur ancien condo du 31 octobre au 12 novembre, et le prix d’indemnité payée pour rester sur les lieux.

[51]    Ils n’ont pas envoyé de lettre à l’Entrepreneur après le 31 octobre, croyant qu’ils étaient devant un fait accompli quant au fait qu’il y avait retard.

[52]    Le 12 novembre ils se retrouvent « sans logis ».

[53]    La date du 31 octobre est passée, et ils n’ont aucune nouvelle pour une date de livraison.

[54]    Le 10 novembre le Bénéficiaire envoie ce courriel à Jean Narbonne, chef du chantier de l’Entrepreneur, et Nicolas Bel :

Bonjour Jean, Nicolas,

En observant la photo de la cuisine prise cette semaine avec toi, Jean, j’ai remarqué quelque chose qui clochait. Je suis retourné voir aujourd’hui et j’ai pu constater qu’une planche d’un des cabinets de l’îlot (celui le plus près de la porte patio) a été cassée. Une tentative semble avoir été faite pour la rafistoler, mais le résultat est franchement médiocre. Je voudrais que cette pièce soit remplacée avant que les comptoirs ne soient posés.

Voir la photo que j’inclus a ce courriel.

[55]    Le 10 novembre 2017, pour la première fois, les Bénéficiaires apprennent qu’ils ont rendez-vous chez le notaire le 27 novembre 2017.

[56]    Le 27 novembre, le notaire les attendait, mais avant d’aller chez le notaire, ils sont passés inspecter la maison et le chef du chantier Jean Narbonne était surpris de les voir.

[57]    Le représentant de l’Entrepreneur à l’audience, Charles Valenti, affirme qu’il n’a jamais donné instructions à qui que ce soit de livrer l’unité résidentielle ni de passer devant le notaire le 27 novembre 2017.

[58]    Il admet toutefois que :

[58.1]    ce notaire est le notaire de l’Entrepreneur ;

[58.2]    l’inspection préréception du 27 novembre qui a précédé la signature chez le notaire s’est bien faite par ses deux représentants, le formulaire contenant les deux signatures pour l’Entrepreneur, soit Jean Narbonne, son chef de chantier, et Nicolas Bel, son agent d’immeuble/vendeur.

[59]    Le 26 janvier 2018 le Bénéficiaire écrit, sans référer aux dommages pour retard de la livraison:

Bonjour M. Valenti,

Je fais suite à nos échanges courriel s’échelonnant du 30 novembre au 2 décembre 2017.

Nous y avions discuté de remises et compensations pour différents problèmes et oublis lors de la construction de notre unité. Le montant était à venir, mais j’ai décidé de faire les calculs moi-même.

Pour le plancher chauffant de la salle de bain familiale, nous avons payé […]$ (avant taxes). Une fois qu’on ajoute les taxes, les intérêts d’hypothèque que nous devrons payer sur ce montant ainsi qu’une compensation pour la privation de jouissance (ce plancher est, tel que je l'avais prévu, particulièrement froid l’hiver), je crois qu’une remise de […]$ serait appropriée.

Pour ce qui est de la réparation de la céramique du mur de la douche de la salle de bain familiale, nous n’avons présentement ni le temps ni l’énergie (en grande partie dû aux travaux qui sont toujours en cours ou en attente d’exécution dans notre unité, et ce depuis maintenant 2 mois) de nous occuper de cette réparation. Par conséquent, nous vous demandons un montant forfaitaire de […]$ (pour enlever la tuile actuelle, acheté de nouvelles tuiles, et la pose de celles-ci) et nous considérerons le dossier réglé.

Courriels produits en E-4

[60]    Avant de conclure la section « Preuve », le Tribunal ajoute que l’Entrepreneur a produit à l’audience, à la demande du soussigné puisque l’adjointe du représentant y faisait référence, un fichier contenant les courriels échangés avec le Bénéficiaire.

[61]    Le fichier a été envoyé au soussigné et aux autres personnes présentes à l’audience par courriel le jour même.

[62]    Ces courriels n’ont pas été lus à l’audience mais pendant le délibéré.

[63]    Le Tribunal a déclaré à l’audience qu’il débuterait son délibéré après le vendredi 8 février 2019 à 17 :00, pour permettre à tous de les lire, de pouvoir s’objecter quant à leur production seulement, et de pouvoir plaider tout nouveau point qui apparaîtrait de ces courriels.

[64]    Il n’y a pas eu, par la suite, de nouvelles représentations sur ces courriels.

 

 

 

PLAIDOIRIES

[65]    L’Entrepreneur plaide l’absence de faute, il ne pouvait rien faire, tel qu’expliqué dans sa lettre du 15 septembre.

[66]    Il a reçu la confirmation pour l’armoire le 10 octobre, cela prend huit semaines pour les recevoir (on est rendu au 12 décembre), puis il faut les installer, mesurer sur place les quartz, c’est un autre deux semaines, et c’est seulement après leur installation que l’on peut installer l’évier de cuisine « comment peut-on être en défaut? ».

[67]    Il a une obligation de livrer ce que l’acheteur achète mais s’il ne sait pas ce qu’il doit livrer il ne peut pas livrer.

[68]    En aucun cas il n’a informé les Bénéficiaires d’une nouvelle date de livraison après l’annulation de la date du 15 septembre.

[69]    Il ajoute qu’il n’a jamais donné instructions à ce qu’une inspection et un emménagement ait lieu le 27 novembre, ni une signature au notaire le 27 novembre.

[70]    L’Administrateur plaide qu’on ne peut pas transférer le fardeau de la livraison aux Bénéficiaires.

 

DÉCISION

[71]    Avec égards, vu la preuve, vu le Règlement, le Tribunal d’arbitrage n’a d’autres choix que de rejeter la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur.

[72]    L’Entrepreneur a convenu de la date de livraison par lettre signée le 30 août 2017 par une personne autorisée, pour une livraison le 31 octobre 2017.

[73]    Les faits invoqués par l’Entrepreneur pour annuler unilatéralement le 15 septembre cette date convenue du 31 octobre, étaient déjà connus de lui le 30 août 2017 et aucun élément de faute ou négligence des Bénéficiaires qui aurait pu survenir entre le 30 août et 15 septembre 2017 n’a été allégué ou prouvé à l’audience.

[74]    Il est important de souligner la base du recours des Bénéficiaires puis la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur.

[75]    Le recours est en vertu du Règlement et non devant les tribunaux de droit commun.

[76]    L’article 7 du Règlement est à l’effet que le plan de garantie obligatoire couvre les obligations de l’entrepreneur envers un bénéficiaire pour les travaux de construction d'un bâtiment résidentiel neuf visé par le présent Règlement :

7. Un plan de garantie doit garantir l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par la présente section.

[77]    Ce Règlement a été décrété par le Législateur pour couvrir le bâtiment des Bénéficiaires selon ses dispositions, Règlement que notre Cour d’appel a jugé comme étant d’ordre public :

[77.1]    dans Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL[4]:

[13]        Le Règlement est d'ordre public.  Il détermine notamment les dispositions essentielles du contrat de garantie en faveur des tiers.  Le contrat doit de plus être approuvé par la Régie du bâtiment (art. 76);

[77.2]    dans La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause[5]

[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.

 

[78]    Les Bénéficiaires réclament les frais de déménagement, relocation et entreposage pour le retard de livraison de leur bâtiment résidentiel.

[79]    Ce recours est prévu à l’article 26 du Règlement qui parle de date convenue :

3° le relogement, le déménagement et l’entreposage des biens du bénéficiaire dans les cas suivants:

a) le bénéficiaire ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l’entrepreneur à moins que les acomptes ne soient remboursés;

b) il ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l’entrepreneur afin de permettre à l’administrateur de parachever le bâtiment

[80]    Le contrat signé le 4 février 2017 par les Bénéficiaires (et le 5 par l’Entrepreneur) traite ainsi de cette date :

4. Date de clôture

4.1 Le promettant-vendeur prévoit que la date provisoire où l’immeuble sera substantiellement terminé et prêt pour occupation vers le mois de juin 2017.

4.2 Le promettant-acheteur reconnait et accepte que la date mentionnée ci-haut soit une date provisoire. Le promettant-vendeur pourra réviser la date provisoire au moment du début de la construction des travaux de construction de l’immeuble. Le vendeur aura la possibilité de porter la date révisée d’occupation pour une période ne pouvant dépasser six (6) mois. Le promettant-vendeur donnera un avis écrit au promettant-acheteur de la date confirmée d’occupation au moins soixante (60) jours avant la date confirmée d’occupation.

[81]    Alors que Nicolas Bel avait affirmé verbalement que la date de livraison serait le 30 septembre 2017, les Bénéficiaires ont considéré que la lettre du 30 août 2017 était conforme à cette clause du contrat, soit que la date confirmée d’occupation le 31 octobre 2017.

[82]    Ainsi,

[82.1]    d’une part, le contrat prévoyait la possibilité pour l’Entrepreneur de porter la date révisée d’occupation pour une période de six (6) mois ;

[82.2]    d’autre part, le 30 août, l’Entrepreneur prend la décision en vertu de son contrat de porter la date révisée d’occupation pour une période plus courte, de quatre mois, soit le 31 octobre 2017.

[83]    Ainsi,  

[83.1]    d’une part, le représentant de l’Entrepreneur à l’audience a convenu d’une date d’occupation dans une lettre du 30 août ;

[83.2]    d’autre part,

[83.2.1]        seize jours plus tard,

[83.2.2]        un vendredi après-midi 15 septembre 2017, à 15 :25[6],

[83.2.3]        alors qu’il n’y a aucun fait nouveau quant à une feuille de route signée ou non, en référant à une demande du mois de juillet donc antérieure à la lettre du 30 août (« Il vous a été demandé de remplir la « Feuille de Route » pour les choix de couleurs et matériaux au mois de juillet avant les vacances de la construction. Puisqu’en date d’aujourd’hui, nous n’avons pas reçu vos choix »)

le représentant de l’Entrepreneur fait envoyer une lettre particulière aux Bénéficiaires, à l’effet qu’il déconfirme unilatéralement de la date convenue.

[84]    Ainsi,  

[84.1]    d’une part, le représentant de l’Entrepreneur à l’audience allègue avoir unilatéralement « déconvenue » une date convenue à cause de la faute des Bénéficiaires et avoir arrêté les travaux intérieurs ;

[84.2]    d’autre part, la preuve démontre que d’autres mandataires, dont Nicolas Bel, qui ont, en droit, lié l’Entrepreneur, ont continué :

[84.2.1]        de convenir de la date convenue du 31 octobre (voir le courriel du 20 septembre)

[84.2.2]        et ont continué des travaux intérieurs.

[85]    Ainsi,

[85.1]    d’une part, le représentant de l’Entrepreneur témoigne à l’audience que pour que la maison soit prête pour le 31 octobre 2017, il fallait qu’il ait en sa possession pour le 1er septembre les détails pour les armoires pour pouvoir les commander,

[85.1.1]        car cela prend de quatre à six semaines,

[85.1.2]        puis on a deux autres semaines pour compléter l’intérieur,

[85.1.3]        donc cela fait huit semaines à partir du 1er septembre ;

[85.2]    d’autre part,

[85.2.1]        le même représentant envoie une lettre moins de 48 heures avant le 1er septembre, soit le 30 août 2017, sans avoir cette commande, et convient de la date du 31 octobre et sans apporter la preuve de la différence de situation du 30 août au 1er septembre pouvant supporter son affirmation ;

[85.2.2]        le représentant des ventes de l’Entrepreneur envoie un courriel trois semaines après le 1er septembre, soit le 20 septembre, dans laquelle il écrit que s’il a la commande maintenant l’Entrepreneur pourra livrer pour le 31 octobre;

[85.2.3]        le Bénéficiaire a répondu le jour même au courriel du représentant des ventes de l’Entrepreneur;

[85.2.4]        le Bénéficiaire a envoyé un courriel le 23 septembre affirmant que pour lui tout était en ordre, et

85.2.4.1.    personne ne lui a écrit pour le contredire;

85.2.4.2.    plus particulièrement, le représentant des ventes ne lui a pas écrit pour annuler la date du 31 octobre contenue dans son courriel du 20 septembre.

[86]    En réplique aux plaidoiries des Bénéficiaires et de l’Administrateur, l’Entrepreneur a plaidé que :

[86.1]    « on a prouvé que la lettre du 15 septembre n’a jamais été répondue,

[86.2]    on a tout fait de notre côté pour aviser et notifier le client,

[86.3]    pour nous la feuille de route doit être signée (par le client) et contre-signée par nous et on n’a pas donné d’autres dates à la réception de la feuille de route »;

[86.4]    toutefois,

[86.4.1]        les courriels (pièce E-4) de son représentant des ventes à partir du 20 septembre et ceux des Bénéficiaires démontrent que la preuve ne supporte pas cette réplique - le Tribunal réitère ici que ces courriels, en possession de l’adjointe du représentant, ont été lus après l’audience et que le représentant a témoigné à l’audience de bonne foi ;

[86.4.2]        de plus, l’inspection préréception a eu lieu le 27 novembre même si le représentant de l’Entrepreneur présent à l’audience n’avait pas donné personnellement d’instructions en son sens ;

[86.4.3]        enfin, le représentant de l’Entrepreneur présent à l’audience s’est présenté le 30 novembre 2017, trois jours plus tard, pour signer le contrat de vente que les Bénéficiaires avaient signé le 27 novembre, et a donc, ratifié ce qui s’est passé le 27 novembre seulement trois jours plus tard, soit la livraison, inspection pré-réception, vente, effectuées par ses autres représentants Nicolas Bel et Jean Narbonne.

[87]    L’Entrepreneur ajoute à l’audience que ce n’est pas parce qu’on effectue une inspection préréception que cela veut dire qu’on va emménager tout de suite dans la maison, que les gens peuvent procéder à l’inspection et décider que la maison n’est pas terminée et emménager plus tard.

[88]    D’une part, le Tribunal d’arbitrage réitère ici la définition de la « réception » à l’article 25 du Règlement défini ainsi cette réception :

«réception de la partie privative»: l’acte par lequel le bénéficiaire déclare accepter la partie privative qui est en état de servir à l’usage auquel on la destine et dont, s’il y a lieu, certains travaux sont à parachever ou à corriger

[89]    D’autre part, cette inspection a été effectuée en présence de deux représentants de l’Entrepreneur qui ont utilisé le formulaire prévu en vertu du même Règlement pour effectuer l’inspection pré-réception.

[90]    Cette inspection se fit sur le formulaire Garantie Construction Résidentielle (pièce A-3), il est écrit « […] une inspection avant la réception est requise par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. L’inspection préreception doit être faite conjointement par le ou les bénéficiaires de la garantie et l’entrepreneur ».

[91]    Il s’agit des dispositions du premier paragraphe de l’article 33 du Règlement :

33. Chaque partie privative visée par la garantie doit être inspectée avant la réception. Cette inspection doit être effectuée conjointement par l’entrepreneur et le bénéficiaire à partir d’une liste préétablie d’éléments à vérifier fournie par l’administrateur. Le bénéficiaire peut être assisté par une personne de son choix.

 

[92]    Il y a une différence entre la définition de la réception « en état de servir à l’usage » avec celle de fin des travaux des parties privatives, des travaux peuvent ne pas avoir été finis (Article 25 du Règlement):

«fin des travaux des parties privatives»: la date à laquelle tous les travaux de l’entrepreneur convenus par écrit avec le bénéficiaire et relatifs à sa partie privative sont exécutés ou au plus tard la date de fin des travaux des parties communes;

 

[93]    L’Entrepreneur est une société incorporée et la preuve démontre que même si ses engagements par l’entremise de Nicolas Lebel n’étaient pas portés à la connaissance personnelle du représentant présent à l’audience, dont la bonne foi n’est pas contestée, les engagements ou représentations du premier ont lié l’Entrepreneur.

[94]    Même si l’Entrepreneur a parlé par deux représentants différents, les Bénéficiaires ont eu comme interlocuteur principal, le représentant des ventes.

[95]    Cela étant statué, le Tribunal d’arbitrage ajoute ce qui suit de façon subsidiaire.

 

[96]    Le représentant de l’Entrepreneur à l’audience dit qu’il s’agit de maisons personnalisées et que le client doit faire beaucoup de choix.

[97]    Les Bénéficiaires ne sont pas des experts dans le domaine de la construction immobilière.

[98]    Sur réception de la lettre du 30 août, le Bénéficiaire écrit par courriel du 31 août 2017, envoyé après 22 :00, (2017_08_31 Re : Feuille de route) :

la difficulté à obtenir plusieurs informations en lien avec le projet (longs délais dans les réponses du constructeur), des extras pour certains détails de finition qui nous semblent être la base pour un projet dit “de luxe” et l’absence de plans détaillés qui nous a forcé à payer une designer d’intérieur pour les créer (par exemple les plans d’élévation de la cuisine).

 

[99]    Dans l’affaire Construction R. Cloutier inc. c. Entreprises CJS inc.[7], la Cour supérieure écrit :

[130] L'entrepreneur a aussi une obligation de renseignement auprès de son client telle qu'établie à l’article 2102 C.c.Q. qui prévoit:

«  Art. 2102.  L'entrepreneur ou le prestataire de services est tenu, avant la conclusion du contrat, de fournir au client, dans la mesure où les circonstances le permettent, toute information utile relativement à la nature de la tâche qu'il s'engage à effectuer ainsi qu'aux biens et au temps nécessaires à cette fin. »

[131] Dans son ouvrage, « Les contrats d'entreprise, de prestations de services et l'hypothèque légale »[19][8], le professeur Karim commente la portée de l'article 2102 C.c.Q.. comme suit:

« Afin de donner un consentement valable, le client doit être en mesure de conclure le contrat d'entreprise ou de services en toute connaissance de cause, de façon libre et éclairée.  C'est ce qui explique la nature protectrice et pré contractuelle du devoir d'information de l'article 2102 C.c.Q..  L'entrepreneur ou le prestataire de services est tenu à une obligation de renseignements ayant pour objet la divulgation des risques concernant la nature des tâches, les biens, la qualité et le coût des matériaux, et le temps nécessaire pour l'exécution des travaux, à moins d'indication contraire telle qu'une clause d'exonération. »

[132] L'obligation d'information de l'entrepreneur doit être évaluée en fonction de la nature du contrat mais également du degré de connaissances du client [20][9].

[100] Karim[10] écrit également :

En d’autres termes, l’’entrepreneur ou le prestataire de services doit remplir son obligation de renseignement et s’acquitter de son devoir de conseil non seulement lors de la conclusion du contrat, mais aussi tout au long de sa durée.

Conclusion

[101] En résumé, considérant :

[101.1] que chaque cas est un cas d’espèce ;

[101.2] que l’Entrepreneur a convenu de la date de livraison par lettre signée par une personne autorisée le 30 août 2017, pour une livraison le 31 octobre 2017 ;

[101.3] que les faits invoqués le 15 septembre par l’Entrepreneur pour annuler unilatéralement cette date convenue étaient connus de lui le 30 août 2017, et aucun élément de faute ou négligence des Bénéficiaires qui aurait pu survenir entre le 30 août et 15 septembre 2017 n’a été allégué ou prouvé à l’audience ;

[101.4] que la date de livraison a été fixée par la suite par l’Entrepreneur le 27 novembre 2017;

[101.5] que le représentant de l’Entrepreneur présent à l’audience a ratifié la vente et la livraison du bâtiment résidentiel devant son notaire le 30 novembre en acceptant le contrat de vente sans protêt ;

[101.6] que le retard a causé un préjudice aux Bénéficiaires, préjudice prévu au Règlement ;

[101.7] que les Bénéficiaires ont prouvé leur préjudice et le paiement de leurs dommages ;

vu la preuve, y compris pour le quantum des dommages et leurs paiements, vu le Règlement, malgré la bonne foi du représentant de l’Entrepreneur présent à l’audience, le Tribunal d’arbitrage n’a d’autres choix que de rejeter la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur.

 

FRAIS

 

[102] L’article 123 du Règlement se lit ainsi :

123. Les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur. […]

 

[103] Le soussigné conclut que si le Législateur a pris la peine d’inscrire les mots « partagés à parts égales » dans cet article, c’était que là était son intention et le soussigné n’a pas la compétence juridictionnelle pour modifier un texte qui est clair.

[104] Le Tribunal d’arbitrage conclut que les coûts de l’arbitrage seront partagés à parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur car ce dernier est le demandeur.

[105] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

[106] REJETTE la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur;

[107] MAINTIENT la décision de l’Administrateur du 3 octobre 2018;

[108]  ORDONNE à l’Entrepreneur de rembourser aux Bénéficiaires la somme de 6 000$ dans les trente (30) jours de la date de la présente décision envoyée le même jour par courriel aux parties, à noter qu’il s’agit d’un délai de rigueur et qu’à défaut par l’Entrepreneur de rembourser cette somme aux Bénéficiaires dans ce délai, ORDONNE à l’Administrateur, comme caution des obligations de l’Entrepreneur en vertu du Règlement, de rembourser aux Bénéficiaires la somme de 6 000$ dans les trente (30) jours supplémentaires ET RÉSERVE à ce dernier ses recours subrogatoires contre l’Entrepreneur en cas de paiement aux Bénéficiaires comme caution ;

 

[109]  ORDONNE que les frais d’arbitrage soient payés moitié par l’Administrateur moitié par l’Entrepreneur avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.

                                                                       Montréal, le 27 février 2019

__________________________

ROLAND-YVES GAGNÉ

ARBITRE



[1] 9264-3212 Québec Inc. c. Moseka 2018 QCCS 5286 (Hon. Juge Johanne Brodeur).

[2] 3093-2313 Québec c. Létourneau et Bouchard et la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ CCAC S15-022401-NP, Décision rectifiée du 12 novembre 2015, Roland-Yves Gagné, arbitre, paragraphe [335]; Syndicat des copropriétaires 6613-6635 boul. des Laurentides Laval c. 9141-0001 Québec Inc. et Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, (CCAC S14-070901-NP, 1er juin 2015, Yves Fournier, arbitre), paragraphe [68] à [76]. Gauthier et Gagnon c. Goyette Duchesne Lemieux inc. et La Garantie des Bâtiment Résidentiels Neufs de l’APCHQ inc., SORECONI 050629001, 3 novembre 2006, Jeffrey Edwards, arbitre, paragraphe [130].

[3] http://pentian.ca/fr/property/place-daudet/

[4] 2011 QCCA 56.

[5] AZ-50285725, 15 décembre 2004, J.E. 2005-132 (C.A.). Au même effet, Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal 2013 QCCA 1211.

[6] Courriel après celui du 22 septembre (pièce E-4, 2017_09_22 Re : Avis Important)

« On Sep 15, 2017, at 15:25, Groupe Pentian <info@pentian.ca> wrote:

<2017-09-15_DTH2-3_Avis Important.pdf> »

[7] 2007 QCCS 652 (Hon. juge Denis Jacques).

[8] [19] Vincent KARIM, Les contrats d'entreprise de prestations, de services et l'hypothèque légale, Montréal, Wilson et Lafleur, 2004, p. 66

[9] [20] V. Denys-Claude LAMONTAGNE, Droit spécialisé des contrats, vol. 2, Cowansville, Éd. Yvon Blais, 1999, p. 120; V. aussi Olivier F. KOTT et Claudine ROY, La construction au Québec: perspectives juridiques, Montréal, Wilson et Lafleur, 1998, p. 370 ss.

[10] op. cit., 2e édition, 2011, p. 510 paragraphe 1208.