En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI)
ENTRE
Madame Angela Tucceri Cimini
(ci-après « la Bénéficiaire »)
ET 9116-7056 Québec Inc. (Construction Sebelan)
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ
(ci-après « l’Administrateur »)
No dossier Garantie: 09-021ES
No dossier SORECONI : 090106001
Décision rendue le 25 mai 2009
Arbitre : Guy Pelletier
Pour la Bénéficiaire : Madame Angela Tucceri Cimini
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Sébastien Maheux
Pour l’Administrateur : Me Élie Sawaya, procureur
Monsieur Michel Hamel, inspecteur-conciliateur
Mandat :
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 8 janvier 2009.
Historique et pièces :
27 février 2006 : |
Contrat préliminaire de garantie |
13 octobre 2006 : |
Acte de vente |
26 mai 2008 : |
Plainte auprès de l’Administrateur |
20 août 2008 : |
Réclamation auprès de l’Administrateur |
3 décembre 2008 : |
Décision de l’Administrateur |
6 janvier 2009: |
Demande d’arbitrage |
Introduction :
[1] Le 27 février 2006, la Bénéficiaire signe le contrat préliminaire de vente et contrat de garantie.
[2] Le 26 mai 2008, la Bénéficiaire fait une plainte auprès de l’Administrateur relativement à plusieurs travaux considérés comme non terminés ou déficients.
[3] Le 20 août 2008, la Bénéficiaire complète le formulaire « demande de réclamation » et le transmet à l’Administrateur.
[4] Le 3 décembre 2008, l’Administrateur rend une décision qui porte sur 33 points. Il accueille la réclamation sur un point et ne se prononce pas sur 6 points qui sont considérés comme étant réglés avec l’Entrepreneur.
[5] Par contre, l’Administrateur rejette la réclamation sur 26 points dont les points 23 et 24 qui font l’objet du présent arbitrage. Les motifs à l’appui de la décision se lisent comme suit :
23. INFILTRATION D’EAU À L’INTÉRIEUR DE LA CHAMBRE FROIDE.
Les faits
La bénéficiaire nous a informé que l’eau s’infiltrait à l’intérieur de la chambre froide située sous le balcon arrière, ce que nous avons constaté. L’eau s’infiltre lors de grandes pluies et à la fonte des neiges.
La situation serait apparue peu de temps après l’occupation du bâtiment, soit dès l’hiver 2006-2007.
L’entrepreneur est intervenu à plusieurs reprises selon la bénéficiaire, mais de toute évidence, ses interventions n’ont pas donné les résultats escomptés.
Selon nos constatations, l’eau s’infiltre à la jonction du balcon et du parement extérieur, à la jonction du balcon et du mur de fondation, ainsi qu’à la jonction du mur de fondation et de la semelle, à la droite du balcon.
24. FISSURE SUR LE BALCON ARRIÈRE.
Les faits
La bénéficiaire nous a informé que la surface de béton arrière s’est fissurée peu de temps après la réception du bâtiment, soit dès l’hiver 2006-2007, et que l’eau s’infiltre dans la chambre froide par cette fissure, laquelle est située du coté droit de la maison, à la jonction du mur de fondations.
ANALYSE ET DÉCISION (points 23 et 24) :
Comme il fut mentionné au début du présent rapport, ces points furent dénoncés par écrit à l’administrateur en date du 26 mai et 21 août 2008.
On constate donc qu’il s’est écoulé plus de six (6) mois entre la découverte des points en question par la bénéficiaire et le moment où cette dernière les a dénoncés par écrit à l’administrateur.
En ce qui a trait au délai de dénonciation, le contrat de garantie stipule que les malfaçons, les vices cachés ou les vices majeurs, selon le cas, doivent être dénoncés par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de leur découverte ou survenance ou, en cas de vices ou de pertes graduels, de leur première manifestation.
Par conséquent, puisque le délai de dénonciation dans ce cas-ci excède le délai raisonnable qui a été établi par le législateur, l’administateur doit rejeter la demande de réclamation de la bénéficiaire à l’égard des points 23 et 24.
[6] Le 9 janvier 2009, insatisfait de la décision de l’Administrateur, la Bénéficiaire fait une demande d’arbitrage.
L’audition :
[7] L’audition se tient le 28 avril 2009 au domicile de la Bénéficiaire.
[8] La Bénéficiaire rappelle que sa demande d’arbitrage porte sur les problèmes d’infiltration d’eau dans la chambre froide (la cantine). Elle identifie deux sources d’infiltrations, la porte-patio et une fissure sur le balcon.
[9] Madame Tucceri témoigne à l’effet qu’elle n’a pas constaté de problème en 2006 ni en 2007 en regard de la fissure sur le balcon. C’est seulement en février 2008 que les infiltrations d’eau ont été observées à cet endroit, selon elle.
[10] Me Sawaya demande à madame Tucceri à quel moment elle a contacté l’Entrepreneur pour dénoncer les problèmes; il lui demande aussi si l’Entrepreneur est venu les réparer.
[11] Madame Tucceri confirme que monsieur Maheux a fait faire des réparations pour contrôler les infiltrations d’eau sous la porte-patio en injectant un scellant, mais que ça n’a pas réglé le problème.
[12] Monsieur Maheux témoigne à l’effet qu’il ne peut confirmer les dates d’intervention. Il dit cependant qu’un « produit expansif » a été injecté pour la première fois en 2007 sous la porte-patio.
[13] Une visite des lieux, soit le balcon arrière et la chambre froide située en dessous de celui-ci, permet d’observer qu’il y a eu des infiltrations d’eau à la jonction du balcon et de la porte-patio, ainsi qu’au plafond, au pourtour des murs de béton de la chambre froide.
[14] Madame Tucceri pointe la structure de bois qui a servi de coffrage à la dalle de béton du plancher du balcon et qui porte des marques caractéristiques témoignant de la survenance d’infiltrations d’eau.
[15] Madame Tucceri rappelle qu’il faut distinguer deux problèmes différents : l’infiltration d’eau sous la porte-patio, soit le point 23, et celui au plafond, en périphérie de la chambre froide qui est apparu en 2008, identifié dans la décision comme étant le point 24, « fissure sur le balcon arrière».
[16] La visite des lieux a permis de constater la présence de fissures en surface de la dalle de béton du balcon. Il appert que celles-ci ont été réparées à l’aide d’un coulis de ciment comme en témoigne monsieur Maheux.
[17] Me Sawaya demande à monsieur Hamel, l’inspecteur-conciliateur de l’Administrateur, d’expliquer sa décision.
[18] Monsieur Hamel témoigne à l’effet que madame Tucceri lui a dit que des infiltrations étaient survenues dans la chambre froide parce que le balcon s’était fissuré en 2006-2007 et que, de ce fait, il devait rejeter la réclamation car il s’était écoulé plus de 6 mois entre la découverte du problème et le moment où celui-ci a été dénoncé à l’Administrateur.
[19] En argumentation, madame Tucceri se dit en désaccord avec les dates retenues par monsieur Hamel. Elle plaide que lors de l’inspection faite par monsieur Hamel, en novembre 2008, il était possible de constater qu’il y avait eu infiltrations d’eau à deux endroits différents.
[20] Par contre, elle rappelle que ces infiltrations ne sont pas survenues au même moment et qu’il ne faut pas confondre les infiltrations d’eau sous la porte-patio apparues en premier et celles survenues plus tard en 2008, suite à la formation de fissures en surface de la dalle de béton.
[21] Appelé à témoigner sur ce point, monsieur Maheux n’a pas de commentaires à formuler sur ces précisions et ajoute : « pour les dates, je ne peux jurer ». Il reconnaît toutefois avoir fait des réparations en 2008.
[22] Me Sawaya plaide à l’effet que les problèmes dénoncés en mai et août 2008 n’ont pas la gravité de vices cachés. Il rappelle que le délai de 6 mois pour dénoncer la situation est un délai de rigueur.
[23] Me Sawaya plaide que le délai de 6 mois, pour dénoncer le problème, est un délai de déchéance et que, dans ce cas-ci, il s’est écoulé plus d’un an avant que la Bénéficiaire ne dénonce la situation par écrit à l’Administrateur. Il conclut qu’il faut rejeter la demande pour non-respect du délai prescrit au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[24] À l’appui de son argumentation Me Sawaya dépose la décision du 14 janvier 2009 de Me Jean-Philippe Ewart[1].
Analyse :
[25] Dans le présent cas, l’arbitre doit déterminer si la réclamation de la Bénéficiaire en regard des infiltrations d’eau dans la chambre froide, a été faite dans le délai de 6 mois de la première manifestation tel que prescrit par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[26] Il convient de rappeler le droit applicable en ce qui concerne la couverture de la garantie. L’article 10 du règlement se lit ainsi:
10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
1° le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
(les soulignements sont de l’arbitre)
[27] La décision de l’Administrateur s’appuie sur le motif que « le délai de dénonciation dans ce cas-ci excède le délai raisonnable qui a été établi par le législateur. »
[28] Il y a lieu de déterminer le moment de la première manifestation des infiltrations d’eau dans la chambre froide et le délai encouru depuis ce moment jusqu’à la réclamation de la Bénéficiaire auprès de l’Administrateur.
[29] Il est apparu, selon la preuve entendue qu’il faut considérer deux problèmes différents soit :
Le point 23 : INFILTRATION D’EAU À L’INTÉRIEUR DE LA CHAMBRE FROIDE;
Le point 24 : FISSURES SUR LE BALCON ARRIÈRE
[30] Selon le témoignage de l’Entrepreneur, monsieur Sébatien Maheux, les infiltrations d’eau provenant du problème d’étanchétié sous la porte-patio, identifié comme étant le point 23, sont survenues et ont été réparées en 2007 par l’injection d’un produit scellant à la jonction du balcon et du mur de fondation de la résidence, sous le seuil de la porte. Monsieur Maheux n’a pu cependant préciser le type du produit qui a été utilisé pour colmater la fissure.
[31] Madame Tucceri a démontré que d’autres infiltrations étaient apparues au plafond de la chambre froide, à la rencontre du mur de béton du côté droit de la pièce.
[32] La dalle du balcon étant en porte-à-faux, une fissure s’est développée sur le plancher du balcon à l’endroit où s’appuie la dalle du plancher sur le mur de fondation.
[33] Selon le témoignage de la Bénéficiaire, non contredit par l’Entrepreneur, ces infiltrations se sont produites en février 2008.
[34] La fissure en surface du balcon a été réparée en 2008 selon le témoignage de l’Entrepreneur. Par contre, elle est réapparue sur le balcon du coté droit.
[35] Le Tribunal doit donc, en fonction de la preuve entendue, déterminer si le problème d’infiltration d’eau a été dénoncé dans un délai de 6 mois de sa découverte tel que prescrit par le règlement.
[36] Il appert des témoignages entendus que la date de la première manifestation des infiltrations d’eau dans la chambre froide doit être établie en fonction de deux problèmes distincts.
[37] Quant au point 23 (Infiltration dans la chambre froide), la preuve a été faite que les infiltrations en provenance d’une défaillance de l’étanchéité sous la porte-patio ont été constatées en 2006 et 2007 et réparées par la suite par l’Entrepreneur soit plus d’un an avant la date de la réclamation de la Bénéficiaire adressée à l’Administrateur.
[38] Quant au point 24 (fissure sur le balcon arrière), le témoignage de la Bénéficiaire à l’effet que les infiltrations se sont produites en février 2008 n’a pu être contredit par l’Entrepreneur qui semblait peu préoccupé. Le témoignage de ce dernier s’est avéré évasif et peu convaincant.
[39] L’arbitre en vient à la conclusion qu’un doute raisonnable favorisant le témoignage de la Bénéficiaire persiste et que la réclamation de la Bénéficiaire en mai et août 2008 quant au point 24, n’est pas tardive et respecte les exigences de l’article 10 du règlement en regard du délai de dénonciation de 6 mois de la découverte du vice.
DÉCISION :
[40] L’arbitre doit statuer « conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.»
[41] À titre d’arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie du bâtiment du Québec à trancher tout différend découlant des plans de garantie. La décision doit prendre appui sur le texte du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[42] Suivant mon appréciation des faits, de la preuve versée au dossier et présentée à l’audition, des témoignages entendus et du droit applicable, je suis d’avis que la réclamation de la Bénéficiaire, en regard du point 24, respecte les exigences du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[43] En vertu de l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et vu que la Bénéficiaire a obtenu gain de cause, les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur;
123. Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation.
POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[44] MAINTIENT la décision de l’Administrateur sur le point 23, infiltration d’eau à l’intérieur de la chambre froide.
[45] ANNULE la décision de l’Administrateur sur le point 24, fissure sur le balcon arrière;
[46] RETOURNE à l’Administrateur, la plainte de la Bénéficiaire sur le point 24 pour qu’elle soit traitée tel que prescrit par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs;
[47] CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage.
Guy Pelletier
Architecte et arbitre
Laval, ce 25 mai 2009
[1] Sylvain Pomone et syndicat de la copropriéte 7615 rue Lautrec, Brossard c. Habitation Signature inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Me Jean-Philippe Ewart, 14 janvier 2009.