Deschênes c

Deschênes c. 9126-5520 Québec inc. (Habitation Deux D)

2009 QCCQ 947

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

JOLIETTE

LOCALITÉ DE

REPENTIGNY

« Chambre civile »

N° :

730-32-005712-067

 

 

 

DATE :

6 février 2009

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JULIE MESSIER, J.C.Q.

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MARIE-CHRISTINE DESCHÊNES - et -

ANDRÉ LACASSE

 

Partie demanderesse

c.

 

9126-5520 QUÉBEC INC., faisant affaires sous le nom HABITATION DEUX D - et -

DANIEL DAIGNEAULT - et -

SERGE DUFRESNE

 

Partie défenderesse

 

 

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JUGEMENT

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[1]                Marie-Christine Deschênes et André Lacasse (ci-après Deschênes) réclament 7,000.00 $ en dommages pour stress, troubles et inconvénients, suite à la construction de leur résidence par la partie défenderesse 9126-5520 Québec inc., faisant affaires sous le nom d’Habitation Deux D, Daniel Daigneault et Serge Dufresne (ci-après Deux D);

[2]                Deux D conteste la demande indiquant que c'est à juste titre qu'ils ont cessé de faire des travaux puisqu'une facture n'était pas payée;

[3]                Quant à Daniel Daigneault et Serge Dufresne, ils nient toute responsabilité pour absence de lien de droit;

LES FAITS :

[4]                Les faits pertinents retenus par le Tribunal pour décider du litige sont les suivants;

[5]                Le 15 juin 2006, Deschênes achète un immeuble de Deux D, garantie par La Garantie des bâtiments résidentiels neuf de l'APCHQ inc.;

[6]                Daniel Daigneault et Serge Dufresne sont respectivement président et secrétaire de Deux D à l'époque;

[7]                Ni l'un, ni l'autre ne prend d'engagement personnel dans la transaction;

[8]                Dès la prise de possession de l'immeuble, Deschênes a des troubles.  À son arrivée, le ménage n'est pas fait et des outils ont été laissés sur place, posant un danger;

[9]                Une saga commence, impliquant l'APCHQ, les troubles majeurs découverts sont les suivants :

·        Absence de rampe;

·        Porcelaine manquante;

·        Absence de mur coupe-feu;

·        Escalier intérieur non conforme, présentant un danger de chute;

[10]            Ce n'est que le 18 octobre 2007 que l'APCHQ effectue les derniers travaux, soit 1 an et 4 mois après la prise de possession;

[11]            Durant cette période, Deux D a fait maintes promesses non tenues et finalement, c'est l'APCHQ qui a terminé les travaux et en a chargé les frais à Deux D;

[12]            Deschênes qui est enceinte durant une partie de cette période, réclame pour:

        i.            La perte de temps que Deux D lui a causée;

      ii.            Pour la perte de jouissance de l'immeuble durant 1 an et 4 mois;

    iii.            Pour les dangers et les troubles vécus durant 1 an et 4 mois causés principalement par un escalier dangereux, absence de mur coupe-feu et absence de rampe;

     iv.            Pour la perte de valeur d'une résidence neuve ayant déjà fait l'objet de plusieurs réparations;

       v.            Pour la pose d'un plancher non conforme à celui choisi;

[13]            La partie défenderesse ne propose que des excuses et rejette la faute sur ses fournisseurs;

LE DROIT :

[14]            Afin de faciliter une meilleure compréhension du jugement par les parties, il est opportun de reproduire ici les articles qui reçoivent application dans la présente cause :

« 2803 C.c.Q. :  Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

6 C.c.Q. :  Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.

7 C.c.Q. :  Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi.

1375 C.c.Q. :  La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction.

317 C.c.Q. :  La personnalité juridique d'une personne morale ne peut être invoquée à l'encontre d'une personne de bonne foi, dès lors qu'on invoque cette personnalité pour masquer la fraude, l'abus de droit ou une contravention à une règle intéressant l'ordre public.

10 Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

1˚¨        le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

2˚         la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

3˚         la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

4˚         la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

5˚         la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation. »

[15]            Il est de l'obligation de Deschênes de faire la preuve de l'absence de bonne foi de Deux D dans l'exécution de leurs obligations contractuelles, et ensuite, elle doit faire la preuve de ses dommages et du lien de causalité entre les deux;

[16]            Il appert du paragraphe 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs que la compensation monétaire recherchée au présent ne fait pas partie des éléments couverts par la garantie;

[17]            Le recours est recevable devant la Cour du Québec;

[18]            Dans leur traité sur « Les obligations »[1] les auteurs Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin s’expriment sur la notion de bonne foi prévue à l’article 1375 du Code civil du Québec de la façon suivante :

« L’équité et la bonne foi faisaient partie de notre vocabulaire juridique bien avant la réforme du Code civil. Là où le Code civil du Québec se démarque de son prédécesseur, c’est eu égard à l’ampleur qu’il confère à ces termes. De leur participation à de simples règles particulières, l’équité et la bonne foi sont désormais érigées en principe généraux du droit des obligations. Il ne fait aucun doute que ces principes vont assez souvent entrer en conflit avec celui de l’autonomie de la volonté. Mais le Québec est loin d’être le seul pays où doivent être faits des ajustements fondamentaux dans le droit des contrats. »

[19]            De plus, aux pages 109 et 110 de leur traité, les auteurs Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin ajoutent ce qui suit :

« 89.     Bonne foi : on doit d’abord rappeler le sens subjectif, traditionnel, de la bonne foi. En fait, ce premier concept de bonne foi a deux acceptions dans le vocabulaire juridique. La première est celle qui oppose bonne foi à mauvaise foi; est de bonne foi toute personne qui agit sans intention malicieuse. Notons immédiatement à cet égard que l’article 2805 C.c.Q. édicte une présomption générale et réfragable de bonne foi. Le deuxième sens traditionnel de la bonne foi est l’ignorance ou la perception erronée de la réalité; une personne est de mauvaise foi lorsqu’elle agit en sachant qu’elle le fait de façon illégale ou illégitime.

Ces deux acceptions de la bonne foi renvoient à la disposition d’esprit dans laquelle se trouve une personne lorsqu’elle agit. Le Code civil en consacre une troisième, que l’on avait vu affirmée dans une trilogie de la Cour suprême (Banque Nationale du Canada c. Soucisse, [1981] 2 R.C.S. 339 ; Banque Nationale du Canada c. Houle, [1990] 3 R.C.S. 122 ; Banque de Montréal c. Bail Ltée, [1992] 2 R.C.S. 554 ). Cette bonne foi, dite objective, a un sens beaucoup plus large, soit celui de norme de comportement acceptable. […] ou encore elle renvoie simplement au bons sens; la bonne foi est donc devenue l’éthique de comportement exigée en matière contractuelle (comme d’ailleurs dans bien d’autres matières). Elle suppose un comportement loyal et honnête. On parle alors d’agir selon les exigences de la bonne foi. Ainsi, une personne peut être de  bonne foi, c’est-à-dire ne pas agir de façon malicieuse ou agir dans l’ignorance de certains faits, et agir tout de même à l’encontre des exigences de la bonne foi, soit en violant des normes de comportement objectives généralement admises dans notre société. (Le soulignement est de la soussignée) »

[20]             Puis à la page 133 de leur traité, ils ajoutent ce qui suit :

« Dans notre droit, on l’a vu, la bonne foi dans l’exécution du contrat est érigée en principe général. Dans les articles 7 et 1375 C.c.Q., le législateur s’est livré à un exercice de codification de ce principe dégagé par la jurisprudence, notamment dans la décision de la Cour suprême, et par certains auteurs de doctrine. On y retrouve aujourd’hui la source de l’exigence de ne pas abuser de ses droits dans l’exécution et l’extinction du contrat. » (Le soulignement est de la soussignée)

[21]            Il découle de l'ensemble de la preuve que Deux D n'a pas agi de bonne foi, suite à la livraison de la résidence neuve à Deschênes;

[22]            Il a fait à maintes reprises des promesses non tenues, a nié l'ensemble des problèmes, et finalement il a omit de coopérer avec l'APCHQ bien qu'il se fût engagé à le faire;

[23]            Les agissements de Deux D sont la cause des troubles, inconvénients, et stress vécus par Deschênes, sans oublier la diminution de valeur de la résidence;

[24]            Le Tribunal évalue arbitrairement à 5,000.00 $ les dommages subis par Deschênes;

[25]            Il n'y a pas lieu d'accueillir la demande personnellement contre Daigneault et Dufresne, car le Tribunal ne retrouve pas au fait des présentes la preuve que les administrateurs ont utilisé la compagnie comme écran pour camoufler l'existence d'une fraude, d'un abus de droit ou d'une contravention à une règle d'ordre public;

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

REJETTE la demande contre les défendeurs DANIEL DAIGNEAULT et SERGE DUFRESNE;

ACCUEILLE en partie la demande contre 9126-5520 QUÉBEC INC., faisant affaires sous le nom d’HABITATION DEUX D;

CONDAMNE la partie défenderesse 9126-5520 QUÉBEC INC., faisant affaires sous le nom HABITATION DEUX D à payer à la partie demanderesse la somme de 5,000.00 $ portant intérêts au taux légal, majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, et ce, à compter de l'assignation, ainsi que les frais judiciaires de 149.00 $.

 

 

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JULIE MESSIER, J.C.Q.

 

Date d’audience :

17 décembre 2008

 



[1] Jean-Louis Baudoin et Pierre-Gabriel Jobin, Les obligations, 5e éd, Cowansville, Éditions Yvon Blais,

1998, p. 109