ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)
ENTRE : MADAME CHRISTINE DESGAGNÉS
(ci-après désignée « la Bénéficiaire »)
MONCEL DÉVELOPPEMENT INC.
(ci-après désignée « l’Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.
(ci-après désignée « l’Administrateur »)
No dossier CCAC : S10-300802-NP
No dossier arbitre : 9964-20844
Arbitre : Me Jean Dallaire
Pour la Bénéficiaire : Madame Christine Desgagnés
Mme Isabelle Guimont
Pour l’Entrepreneur : (absent)
Pour l’Administrateur : Me Patrick Marcoux
Audience : 4 octobre 2010
Lieu d’audience : Étude Bernier Beaudry inc.
3340, rue de la Pérade, bur. 300
Québec (Québec) G1X 2L7
Date de la sentence : 15 octobre 2010
Identification complètes des parties
Arbitre : Me Jean Dallaire
3340, rue de la Pérade, bur. 300
Québec (Québec) G1R 4T4
Bénéficiaire : Mme Isabelle Desgagnés
[…] Québec (Québec) […]
Entrepreneur : Moncel Développement inc.
(sans adresse)
Administrateur : La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.
5930, boul. Louis-H. Lafontaine
Anjou (Québec) H1M 1S7
Son procureur :
Me Patrick Marcoux
Savoie Fournier
APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PROCÉDURES, ENTENDU LA PREUVE ET LES ARGUMENTS DES PARTIES, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE REND LA SENTENCE SUIVANTE :
[1] La Bénéficiaire a acquis de la Société immobilière Vertigo inc. (ci-après appelée « Vertigo ») un immeuble en copropriété divise, numéro […], à être construit au [...], à Québec, et étant désigné comme étant le projet de la Cité de Moncel ;
[2] Ce contrat, qui n’était pas assorti d’un contrat de garantie, détaillait en quelque sorte les travaux à exécuter dans ce qui pourrait ressembler à un devis sommaire ;
[3] L’occupation était prévue pour le 1er septembre 2007 ;
[4] Le contrat préliminaire était conditionnel à ce que la Bénéficiaire vende sa propriété. Il était également prévu au contrat qu’elle verserait en acompte la somme de 30 000,00 $ lorsqu’elle serait vendue ;
[5] Le 4 octobre 2007, plus d’un mois après la date de livraison prévue, la Bénéficiaire rencontre la représentante de Vertigo, madame Marie-Hélène Poulin, qui représente dorénavant un nouvel entrepreneur, en l’occurrence Moncel Développement inc. Diverses ententes écrites interviennent alors entre la Bénéficiaire et son nouvel entrepreneur;
[6] D’abord, dans ce qui semble être un addenda au contrat préliminaire du 11 février 2007 qui était intervenu avec Vertigo, l’Entrepreneur accepte de prendre à sa charge le déménagement de la Bénéficiaire et de lui payer un logement mensuellement jusqu’à la livraison de son unité de condominium ;
[7] Ensuite, toujours à cette même date, la Bénéficiaire signe un contrat de garantie avec l’Entrepreneur sur le formulaire prescrit par l’Administrateur. Finalement, toujours à cette même date, la Bénéficiaire remet un acompte de 15 000,00 $ par chèque à l’ordre de l’Entrepreneur pour lequel elle a reçu une attestation d’acompte sur le formulaire également prescrit par l’Administrateur ;
[8] Il est ici utile de souligner que tous les documents du 4 octobre 2007 portent la signature de madame Marie-Hélène Poulin, représentante de l’Entrepreneur, celle-là même qui avait signé le contrat préliminaire du 11 février 2007 pour Vertigo ;
[9] Le 7 mars 2008, le contrat préliminaire a été de nouveau modifié par l’Entrepreneur avec le consentement de la Bénéficiaire relativement à la superficie et la date de prise de possession ;
[10] Le projet ne verra jamais le jour et le 8 mars 2010, la Bénéficiaire demandera le remboursement de son acompte ;
[11] Dans une décision rendue le 10 août 2010, l’Administrateur a rejeté la demande de remboursement d’acompte de la Bénéficiaire en ces termes :
« Selon la documentation produite au dossier par la promettant acheteur, le versement de cet acompte découlerait d’un contrat préliminaire intervenu entre Société immobilière Vertigo inc. et la promettant acheteur en date du 11 février 2007.
Société immobilière Vertigo inc. n’était pas accréditée auprès de l’administrateur en date du 11 février 2007. En effet, l’accréditation de cet entrepreneur a été en vigueur du 21 septembre au 17 juin 2008.
De même, Développement Moncel inc. n’était plus accrédité auprès de l’administrateur en date du 11 février 2007. En effet, l’accréditation de cet entrepreneur a été en vigueur du 18 septembre au 17 juin 2008.
Par ailleurs, les documents de la promettant acheteur indiquent qu’elle a versé une somme de quinze mille dollars (15 000 $) à Développement Moncel inc. par chèque daté du 4 octobre 2007. La promettant acheteur produit une attestation d’acompte de la même date et du même montant signée par Développement Moncel inc. Ce paiement n’a donc pas été fait à l’entreprise avec laquelle la promettant acheteur a conclu le contrat du 11 février 2007. »
[12] L’Administrateur a déposé une preuve documentaire démontrant que Vertigo n’était pas accréditée auprès de l’Administrateur en date du 11 février 2007 et, qu’au surplus, elle ne détenait pas la licence appropriée délivrée par la Régie du bâtiment. Elle a toutefois rectifié sa situation le 21 septembre 2007 lorsqu’elle a obtenu sa licence d’entrepreneur général suite à son accréditation auprès de l’Administrateur ;
[13] La preuve démontre également qu’au 4 octobre 2007, l’Entrepreneur était accrédité auprès de l’administrateur et qu’il détenait les licences requises depuis le 18 septembre 2007 ;
[14] La Bénéficiaire, quant à elle, a témoigné que le contrat préliminaire était conditionnel à ce qu’elle vende sa résidence. Lorsqu’elle fut vendue, elle a rencontré madame Marie-Hélène Poulin le 4 octobre 2007 pour remettre l’acompte et signer les documents dont il a été précédemment question ;
[15] Madame Poulin a quant à elle été entendue et elle explique que Vertigo avait été remplacée par l’Entrepreneur dans le cadre d’une réorganisation corporati-ve. Bien qu’elle n’ait pas souvenir exact d’en avoir discuté avec la Bénéficiaire, c’est ce qu’elle expliquait aux clients lorsque la question lui était posée ;
[16] Elle n’avait pas exigé d’acompte le 11 février 2007 puisque la Bénéficiaire n’avait pas vendu sa résidence et que le projet n’en était qu’au début ;
[17] En octobre 2007, lorsque la condition fut levée, elle a alors reçu l’acompte de 15 000,00 $ pour l’Entrepreneur ;
[18] Madame Poulin n’a par ailleurs pas jugé utile de modifier le contrat préliminaire de février 2007, contrat qui comprenait tous les détails de la construction, puisque l’Entrepreneur entendait se servir de l’ancien ;
[19] Il s’agit donc de décider si l’Administrateur était justifié de refuser de considérer le contrat de garantie conclu entre la Bénéficiaire et l’Entrepreneur au moment où ce dernier a reçu l’acompte ;
[20] La preuve est incontestable à l’effet que Vertigo ne détenait pas la licence d’entrepreneur général l’autorisant à exécuter ou faire exécuter les travaux à la signature du contrat préliminaire. Par contre, au moment où l’acompte a été versé, cette dernière avait rectifié sa situation car elle détenait la licence requise et était accréditée auprès de l’Administrateur, mais la demande de la Bénéficiaire n’est pas adressée en vertu du contrat avec Vertigo ;
[21] L’Administrateur n’a pas considéré que le contrat de garantie signé avec l’Entrepreneur pouvait être générateur de droit, de sorte qu’il a conclu que l’acompte, ayant été versé à une personne autre que l’Entrepreneur au sens du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1], ne donnait pas droit à la garantie ;
[22] Avec égard pour l’Administrateur, le Tribunal croit qu’il aurait dû plutôt conclure au remboursement de l’acompte qui a été versé par la demanderesse ;
[23] D’abord, le contrat préliminaire était conditionnel à la vente de la résidence de la Bénéficiaire. Il décrivait de façon suffisamment précise la nature des travaux à être exécutés et il fut alors convenu qu’un acompte, ou un premier versement, serait versé à l’entrepreneur au moment de la levée de la condition ;
[24] Ensuite, au 4 octobre 2007, date où la condition fut levée, l’Entrepreneur encaisse l’acompte, prend entente pour le paiement d’un logement à la Bénéficiaire dans l’attente de la livraison de l’unité de condo et procède à des modifications au contrat intervenu avec Vertigo ;
[25] Il est manifeste que l’Entrepreneur entendait assumer les obligations de Vertigo, sans compter les autres modifications au contrat préliminaire intervenues le 7 mars 2008 ;
[26] Finalement, Madame Marie-Hélène Poulin est la représentante de Vertigo et de l’Entrepreneur. Les actionnaires et les administrateurs des deux corporations sont sensiblement les mêmes ;
[27] Il y a donc eu novation par substitution de débiteurs. Les articles pertinents du Code civil du Québec édictent :
« 1660. La novation s'opère lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l'ancienne, laquelle est éteinte, ou lorsqu'un nouveau débiteur est substitué à l'ancien, lequel est déchargé par le créancier; la novation peut alors s'opérer sans le consentement de l'ancien débiteur.(notre soulignement)
Elle s'opère aussi lorsque, par l'effet d'un nouveau contrat, un nouveau créancier est substitué à l'ancien envers lequel le débiteur est déchargé. »
Et l’article 1661 du Code civil du Québec :
« 1661. La novation ne se présume pas; l'intention de l'opérer doit être évidente. »
[28] L’intention de nover était évidente. Madame Marie-Hélène Poulin, qui repré-sentait alors l’Entrepreneur, a été affirmative sur l’intention de l’Entrepreneur, au 4 octobre 2007, qu’il n’avait pas besoin de rédiger un nouveau contrat puisque l’ancien, celui convenu avec Vertigo, continuait à s’appliquer ;
[29] Lorsque la Bénéficiaire a versé son acompte, elle acceptait la substitution de Vertigo par l’Entrepreneur et, puisque ce dernier était accrédité auprès de l’Administrateur, le paiement de l’acompte était couvert par la garantie prévue au Règlement ;
[30] Compte tenu de la décision du Tribunal sur ce point, il est inutile d’examiner les effets qu’aurait eus l’encaissement de l’acompte en application d’un contrat de garantie qui aurait été signé sans un contrat de construction valablement formé ;
Pour ces motifs, le Tribunal d’arbitrage ;
ACCUEILLE favorablement la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire ;
CONDAMNE l’Administrateur à rembourser l’acompte de 15 000,00 $ versé le 14 octobre 2009 à la Bénéficiaire, avec intérêts au taux légal depuis le 8 mars 2010, date de la réception de la demande par l’Administrateur ;
CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage, y compris les frais d’assignation au montant de 121,73 $ de madame Marie-Hélène Poulin, conformément à l’article 123 al. 2 du Règlement.
Québec, le 15 octobre 2010
___________________________________
Me Jean Dallaire
Arbitre / Centre Canadien d’Arbitrage
Commercial