ARBITRAGE
En vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs
CANADA
Province du Québec
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC)
No dossier Garantie : 155427-3391
No dossier CCAC : S22-110901-NP
Entre
(les « Bénéficiaires »)
Et
(l’ « Entrepreneur »)
Et
(l’ « Administrateur »)
______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
Arbitre : Me Reynald Poulin
Pour les bénéficiaires : Me Pierre Soucy
Pour l’entrepreneur : | Me Yannick Richard |
|
|
Pour l’administrateur :
| Me Nancy Nantel |
Date(s) d’audience : | 6 juin 2023 |
|
|
Lieu d’audience : | 79 boul. René Lévesque Est, Québec. |
|
|
Date de la décision : | 24 juillet 2023 |
______________________________________________________________________
[1] L’Entrepreneur porte en arbitrage la décision de l’Administrateur rendue le 3 novembre 2022 laquelle accueille la réclamation des Bénéficiaires portant sur plusieurs dommages affectant leur résidence et découlant d’un mouvement des fondations du bâtiment, tels que notamment des fissures dans les murs et les fondations ainsi qu’une surélévation des planchers.
[2] À titre préliminaire, l’Entrepreneur s’adresse au Tribunal d’arbitrage afin de faire trancher un moyen d’irrecevabilité visant la décision de l’Administrateur.
[3] Précisons d’emblée qu’un moyen d’irrecevabilité à toutes fins similaires a été présenté par l’Entrepreneur dans le dossier d’arbitrage numéro S22-110902-NP concernant une autre bénéficiaire. Vu les similitudes entre les deux dossiers, les parties ont convenu de procéder à une audition unique sur preuve commune pour la présentation de ce moyen. Bien qu’il ait été requis que le Tribunal rende des décisions séparées, il lui sera loisible de faire référence ci-dessous aux éléments de preuve qui lui ont été soumis dans les deux dossiers lors de cette audition commune.
[4] Essentiellement, l’Entrepreneur prétend qu’il n’a pas agi à titre d’entrepreneur général chargé de la construction de la résidence des Bénéficiaires et plus spécifiquement qu’il n’a pas exécuté les travaux de fondations.
[5] Son rôle dans la construction se limitant à l’installation de la résidence préfabriquée sur les fondations déjà implantées au terrain, l’Entrepreneur prétend ne pas être tenu d’honorer quelconque garantie à l’égard des Bénéficiaires pour un problème relatif aux fondations du bâtiment. La décision de l’Administrateur rendue le 3 novembre 2022 lui serait donc inopposable.
[6] Il ajoute qu’une autre entreprise, laquelle n’est pas partie au présent processus d’arbitrage, Action Maisons inc., est plutôt celle qui aurait agi à titre d’entrepreneur général chargé de la construction de la résidence, qui aurait procédé à l’implantation des fondations et donc, qui serait responsable envers des Bénéficiaires d’honorer le contrat de Garantie Construction Résidentielle (« GCR ») pour ce qui a trait aux vices de fondations.
[7] L’Administrateur et les Bénéficiaires soumettent quant à eux que les contrats de garantie GCR et de vente de la résidence ont été conclus entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur partie au processus d’arbitrage, ce qui rend ce dernier responsable de tout vice couvert par la garantie, y compris les vices de fondations.
[8] Voyons ce qu’il en est.
[9] Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (le « Règlement ») s’applique aux plans de garantie qui garantissent l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur et résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction d’une maison unifamiliale neuve et isolée[1].
[10] Il est établi en jurisprudence[2] que le Règlement est d’ordre public et donc, que les parties à un plan de garantie ne peuvent y déroger contractuellement. Un plan de garantie offert à un bénéficiaire en vertu du Règlement ne peut prévoir une protection moindre que celle prescrite par le Règlement.
[11] Nous reprenons les propos de l’auteur De Andrade[3] qui écrit ce qui suit quant aux objectifs poursuivis par le législateur lors de l’adoption du Règlement, lesquels doivent guider le tribunal dans l’application dudit Règlement :
Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs a été institué par le gouvernement du Québec afin de protéger les acheteurs et améliorer la qualité des constructions neuves.
Les dispositions à caractère social de ce règlement visent principalement à remédier au déséquilibre existant entre le consommateur et les entrepreneurs lors de mésententes dans leurs relations contractuelles. En empruntant un fonctionnement moins formaliste, moins onéreux et mieux spécialisé, le système d’arbitrage vient s’insérer dans une politique législative globale visant l’établissement d’un régime complet de protection du public dans le domaine de la construction résidentielle.
[Nos soulignements]
[12] L’identité de la personne morale chargée d’honorer la garantie GCR dépend de l’analyse de la documentation contractuelle convenue entre les parties ainsi que du contexte entourant la conclusion de celle-ci. Il importe donc de revenir sur les faits mis en preuve entourant la conclusion des contrats de vente et de garantie de la résidence des Bénéficiaires pour déterminer à qui revient l’obligation de garantie.
[13] À l’été 2018, les Bénéficiaires se rendent aux bureaux d’Action maisons inc. à Sainte-Eulalie afin de faire l’acquisition d’un projet de résidence clé en main à construire sur un terrain qui leur appartient. Ils font alors la rencontre de Mme Sylvie Bruneau qui s’identifie comme la représentante d’Action Maisons inc.
[14] Des maisons préfabriquées modèles vendues par l’Entrepreneur se trouvent sur place afin d’en permettre la visite et des enseignes, aussi sur place, affichent les noms et logos de l’Entrepreneur et d’Action Maisons inc.
[15] Le 26 juillet 2018, les Bénéficiaires concluent quatre contrats au moment de procéder à l’achat de leur résidence. Ces quatre contrats sont signés aux bureaux de vente d’Action maisons inc. à Sainte-Eulalie par les Bénéficiaires et Mme Bruneau.
[16] Dans un premier temps, les Bénéficiaires concluent avec l’Entrepreneur le contrat de vente numéro 13490[4] pour l’achat d’une maison modèle 818 avec garage et patio couvert pour le prix de 160 485,55 $, taxes incluses. Le contrat est signé par les Bénéficiaires et Mme Sylvie Bruneau, laquelle y est identifiée comme représentante de l’Entrepreneur. L’Entrepreneur y intervient à titre de vendeur et indique son numéro de licence d’entrepreneur général et spécialisé de la Régie du bâtiment du Québec dans l’en-tête du contrat.
[17] Dans un deuxième temps, les Bénéficiaires et l’Entrepreneur signent un document intitulé « devis de soumission »[5], lequel détaille les inclusions aux travaux prévus, leurs coûts et indique en en-tête que ce devis fait partie intégrante du contrat d’entreprise intervenu entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires. Selon la preuve présentée à l’audition, malgré que l’on utilise les termes « contrat d’entreprise », il est fait référence ici au contrat de vente numéro 13490. Par le biais de cette clause, le devis de soumission est donc intégré au contrat de vente 13490.
[18] Ce devis de soumission comporte le logo de l’Entrepreneur en en-tête de toutes les pages et se divise en deux sections, soit une première section au prix de 139 583 $, taxes en sus (160 485,55 $, taxes incluses) pour l’installation des modules de maison
préfabriqués et une deuxième section prévoyant les allocations de travaux de chantier pour le prix de 62 077 $, taxes en sus.
[19] Le logo d’Action Maisons inc. est reproduit avant le début de la section des allocations pour travaux de chantier au milieu de la quatrième page du document, laquelle section comporte notamment l’inclusion des travaux de fondations. Néanmoins, le logo de l’Entrepreneur figure également dans l’en-tête au début de la même page. [20] Le devis de soumission comporte les indications suivantes :
Le présent devis de soumission fait partie intégrante du contrat d’entreprise intervenu entre les parties ci-haut désignées.
1. Les parties conviennent que ce devis daté du 25 juillet 2018 remplace tout autre document précédent à cette date.
2. Les parties conviennent que le nouveau montant du contrat d’entreprise est maintenant de : 201 660 $ + txs et qu’il est conditionnel à ce que l’autorisation de mise en production soit signée avant le 4 août 2018. Les modalités de paiement seront ajustées lors de sa signature.
[21] Dans un troisième temps, les Bénéficiaires concluent un contrat de garantie GCR[6] avec l’Entrepreneur uniquement. Ce dernier intervient à titre d’Entrepreneur chargé de la construction de la résidence et indique être titulaire d’une licence de la Régie du bâtiment du Québec numéro 5683-4724 ainsi que d’une accréditation délivrée par l’Administrateur pour la construction de la résidence.
[22] Le contrat de garantie GCR désigne la résidence des Bénéficiaires située au [...] à St-Célestin comme étant l’immeuble concerné par la garantie et réfère au contrat de vente numéro 13490 comme étant visé par la garantie. Il comprend toutes les garanties usuelles qui doivent être minimalement accordées par un entrepreneur général à un bénéficiaire conformément au Règlement, dont notamment la garantie relative aux vices de bâtiment découverts dans les 5 années de la fin des travaux[7]. Aucune exclusion de couverture n’y est décrite concernant les travaux qui seraient effectués par un sous-traitant.
[23] Encore une fois, le contrat est signé par Mme Sylvie Bruneau, laquelle y est identifiée comme représentante de l’Entrepreneur et par les Bénéficiaires.
[24] Les Bénéficiaires signent finalement un document intitulé « ANNEXE C contrat de sous-traitance »[8]. Le contrat comporte le logo d’Actions maisons inc. Bien qu’il date du
25 juillet 2018, il a été mis en preuve à l’audition que ce contrat a été signé par les Bénéficiaires et Mme Bruneau à la même occasion que les trois autres contrats précités et a été annexé au devis de soumission conclu entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires.
[25] Ce contrat prévoit essentiellement les travaux de fondation et d’excavation et les autres travaux en chantier qui sont envisagés à la résidence des Bénéficiaires, pour un prix total de 62 077 $, taxes en sus.
[26] À l’audition, le Bénéficiaire, M. François Trouvé, témoigne à l’effet que le projet de construction résidentielle qui lui est présenté par Mme Sylvie Bruneau le 26 juillet 2018 est un projet clé en main. Cette dernière s’identifie à lui comme étant la représentante de l’Entrepreneur et signe les documents contractuels à cet effet. Aucune indication ne lui est donnée à ce moment à l’effet qu’un entrepreneur verrait à exécuter les travaux de fondations dans un premier temps et qu’un entrepreneur distinct verrait à fabriquer et installer la résidence sur les fondations dans un deuxième temps.
[27] À l’audition, Mme Bruneau témoigne à l’effet qu’une fois le contrat de vente, le devis de soumission et le contrat de garantie GCR signés par les Bénéficiaires, celle-ci les transmet à l’Entrepreneur pour approbation, ce que ce dernier a fait. L’approbation des quatre contrats précités par l’Entrepreneur fait l’objet d’une preuve incontestée.
[28] Aux termes de la preuve présentée devant lui, le Tribunal d’arbitrage conclut que la garantie GCR offerte par l’Entrepreneur aux Bénéficiaires s’étend à l’entièreté de leur résidence y compris les travaux en chantier, et ce, pour les raisons qui suivent.
[29] Bien que le devis de soumission comporte une section distincte pour les travaux en chantier, il y est expressément prévu que l’entièreté du devis, soit la section concernant la fourniture de la maison préfabriquée et la section concernant les travaux en chantier, fait partie intégrante du contrat de vente numéro 13490 intervenu entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires.
[30] Il y est également prévu que le contrat total conclu entre les parties désignées comme étant l’Entrepreneur et les Bénéficiaires est d’un montant de 201 660 $, taxes en sus, ce qui inclut le montant alloué à la construction des fondations de la résidence. L’Entrepreneur est donc lié envers les Bénéficiaires pour la construction entière de leur résidence, y compris la fourniture des travaux en chantier. En signant ce contrat et en ayant fait affaire avec une seule représentante agissant pour le biais de l’Entrepreneur et d’Action maisons inc., les Bénéficiaires croient avoir retenu les services d’un entrepreneur unique qui leur fournira une résidence clé en main.
[31] Action maisons inc. n’étant pas désignée à titre de partie au devis de soumission, celui-ci ne peut la lier contractuellement. D’ailleurs, le devis est signé par un représentant de l’Entrepreneur et des Bénéficiaires seulement. Aucun espace de signature n’est réservé à un représentant d’Actions maison inc. Tout porte à croire à la lecture du contrat que l’Entrepreneur s’engage envers les Bénéficiaires à leur fournir un projet clé en main. [32] Le Tribunal ne retient pas l’argument de l’Entrepreneur selon lequel les Bénéficiaires auraient conclu un contrat de sous-traitance distinct avec Action maisons inc. par la signature du contrat de sous-traitance[9]. Ce document ne comprend pas de désignation claire des parties permettant de comprendre que les Bénéficiaires s’apprêtent à confier un contrat à un entrepreneur distinct. Au surplus, il est signé au même moment que les contrats de vente, de garantie GCR et le devis de soumission. Encore une fois, Mme Bruneau y intervient comme représentante et signe ce contrat qui est annexé au reste de la documentation contractuelle.
[33] Le seul fait que ce contrat comporte un logo d’Action maisons inc., dont la grosseur est par ailleurs plus que réduite, ne permet pas de conclure qu’il constitue un contrat entièrement distinct ne liant pas l’Entrepreneur. La preuve présentée à cet effet ne permet pas au Tribunal d’arbitrage de conclure que ce contrat ne vise qu’Action maisons inc. à titre de partie alors qu’il a été conclu à la même occasion que les autres documents contractuels précités, avec la même représentante de l’Entrepreneur. On y indique même que le « Manufacturier avise l’acheteur qu’il doit prévoir une pente qui fera en sorte que l’eau s’éloignera de l’immeuble ». Cette référence au fabricant de la maison préfabriquée porte plutôt à croire que c’est l’Entrepreneur qui y intervient à titre de partie, et non Action maisons inc.
[34] Mentionnons également que les similitudes évidentes entre le nom utilisé par l’Entrepreneur, Expert maisons inc., et celui d’Action maisons inc., additionné au fait que Mme Bruneau agisse simultanément comme représentante des deux entreprises contribuent à la confusion créée entre les deux entités dans l’esprit du consommateur.
[35] Au final, aux termes des analyses de la documentation contractuelle présentée dans son ensemble aux Bénéficiaires et du contexte de signature, le Tribunal d’arbitrage conclut que l’Entrepreneur s’est porté garant de ces travaux envers les Bénéficiaires, et ce, même si Actions maisons inc. a dans les faits réalisé les travaux d’implantation des fondations à la résidence.
[36] Ceci est confirmé par le fait que l’Entrepreneur seulement a conclu le contrat de garantie GCR avec les Bénéficiaires, lequel offre une garantie pour l’ensemble de la résidence sans aucune exclusion relative aux travaux de fondations et fait référence au contrat de vente numéro 13490, lequel inclut tous les travaux de chantier par le biais de la mention au devis de soumission. Ce qui précède est d’ailleurs conforme aux dispositions du Règlement.
[37] Tout consommateur raisonnablement avisé et placé dans les mêmes
circonstances que les Bénéficiaires aurait compris, à la lecture des contrats de vente et de garantie, que le projet de construction clé en main incluait la fourniture des fondations et une couverture de garantie à l’égard de ceux-ci par l’Entrepreneur.
[38] Le fait que les Bénéficiaires aient payé directement Actions maisons inc. pour la portion des travaux en chantier ne peut avoir pour effet de décharger l’Entrepreneur des obligations de garantie contractées envers ces premiers.
[39] L’Entrepreneur soumet également qu’il n’est pas tenu d’honorer la garantie puisqu’il n’a pas inclus les travaux de fondations dans le formulaire d’enregistrement du bâtiment auprès de la garantie GCR daté du 21 août 2018. Cet argument ne lui est d’aucun secours.
[40] Le Tribunal d’arbitrage est d’avis que l’Entrepreneur ne peut réduire unilatéralement la garantie offerte aux Bénéficiaires par le biais d’un formulaire d’enregistrement du bâtiment qui est transmis à la GCR postérieurement à la signature du contrat de garantie conclu avec les Bénéficiaires. Ce document n’a par ailleurs jamais été porté à la connaissance des Bénéficiaires avant l’ouverture du processus d’arbitrage.
[41] Il a aussi été mis en preuve que ce formulaire constitue l’unique enregistrement du bâtiment auprès de la GCR et qu’Action maisons inc. n’a jamais procédé de son côté à un tel enregistrement pour les fondations du bâtiment seulement ou pour les autres travaux en chantier qu’elle a effectués à la résidence.
[42] D’ailleurs, l’Entrepreneur n’a jamais exclu du formulaire d’enregistrement du bâtiment les autres travaux en chantier exécutés par Action maisons inc., tels que par exemple, l’électricité et la plomberie. Cet élément milite en faveur du fait que l’Entrepreneur s’est bel et bien engagé envers les Bénéficiaires à garantir l’ensemble de la résidence, y compris les travaux réalisés par Action maisons inc.
[43] La couverture de garantie minimale doit être offerte par l’Entrepreneur conformément au Règlement et ne peut être restreinte unilatéralement par l’envoi du formulaire d’enregistrement du bâtiment à l’Administrateur. Conclure autrement aurait pour effet de priver les Bénéficiaires d’une partie de la garantie à laquelle ils ont droit en vertu du Règlement pour les fondations de leur résidence, puisqu’ils n’ont conclu aucun autre contrat de garantie avec Action maisons inc. et que la résidence n’a pas non plus été enregistrée par cette dernière auprès de l’Administrateur.
[44] Rappelons que le Règlement est d’ordre public et vise la protection des citoyens dans le cadre de l’achat d’importance que représente l’acquisition d’une résidence neuve. Un entrepreneur ne saurait faire usage de tactiques contractuelles afin de semer la confusion ou le doute dans l’esprit du consommateur quant à l’identité du cocontractant avec qui ce dernier transige réellement pour ensuite tenter de réduire unilatéralement la portée de la garantie offerte.
[45] Par ailleurs, le Tribunal juge pertinent de distinguer l’arrêt de la Cour d’appel MVP
Rénovation (2009) inc. c. Garantie de construction résidentielle (GCR)10, soumis par
l’Entrepreneur à l’audition, lequel n’est pas utile dans le cadre du présent litige, puisque la question soumise à la Cour d’appel dans ce dossier visait à déterminer si l’entrepreneur ayant fait des travaux de sous-traitance à la résidence des demandeurs avait l’obligation de fournir un contrat de garantie et d’enregistrer celle-ci auprès de l’Administrateur. Dans cette affaire, les demandeurs avaient agi à titre d’auto-constructeurs en procédant euxmêmes à l’embauche des sous-traitants pour la construction de leur résidence. Aucun contrat de garantie n’avait été conclu entre les clients et l’entrepreneur et ces derniers n’avaient procédé à aucune inspection pré-réception du bâtiment.
[46] C’est dans ce contexte que la Cour d’appel a jugé que l’entrepreneur n’avait pas agi à titre d’entrepreneur général au bénéfice des clients qui avaient eux-mêmes coordonné les travaux de construction de la résidence et donc, qu’il n’avait pas l’obligation de fournir un plan de garantie au départ.
10 2021 QCCA 1449.
[47] Cette situation se distingue de la présente affaire où l’Entrepreneur a effectivement conclu un contrat de garantie complet avec les Bénéficiaires et a procédé à une inspection pré-réception de la résidence. La preuve présentée au Tribunal d’arbitrage amène ce dernier à conclure que l’Entrepreneur a agi dans les faits en se considérant tenu envers les Bénéficiaires de leur fournir une garantie à l’égard de l’entièreté de la résidence.
[48] Même s’il n’en était pas venu à cette conclusion aux termes de l’analyse de la documentation contractuelle et des témoignages mis en preuve, le Tribunal d’arbitrage aurait tout de même rejeté le moyen préliminaire soumis par l’Entrepreneur. En effet, la preuve présentée ne permet pas de conclure à ce stade-ci que l’Entrepreneur n’a eu aucune implication au niveau de l’exécution des travaux de fondations de la résidence.
[49] M. Normand Roussel, estimateur pour l’Entrepreneur, a témoigné à l’effet que l’Entrepreneur a procédé à la fixation des modules de maison préfabriqués sur les fondations implantées par Action maisons inc. Aucune preuve n’a été présentée quant à la cause exacte des dommages subis à la résidence des Bénéficiaires pour permettre au Tribunal d’arbitrage de conclure à ce stade-ci en l’absence de responsabilité de l’Entrepreneur à ce sujet.
[50] Considérant ce qui précède, le Tribunal doit rejeter le moyen préliminaire soumis par l’Entrepreneur et juge que ce dernier est tenu d’honorer le contrat de garantie conclu avec les Bénéficiaires visant l’entièreté de leur résidence, y compris les travaux de fondations et en chantier réalisés par Action maisons inc. Cette conclusion ne fait évidemment pas obstacle aux recours que pourrait détenir l’Entrepreneur à l’égard d’Action maisons inc. advenant que sa responsabilité soit retenue sur le fond de l’affaire, le cas échéant.
[51] Le dossier d’arbitrage verra donc à poursuivre son cours pour qu’une audition soit tenue sur le fond quant au bien-fondé de la décision rendue par l’Administrateur le 3 novembre 2022.
PAGE :
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[52] REJETTE le moyen d’irrecevabilité préliminaire formulé par l’Entrepreneur;
[53] Le tout, frais d’arbitrage à suivre.
__________________________________
Me Reynald Poulin, arbitre
[1] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, RLRQ, c B-1.1, r 8, art. 2.
[2] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ c. Desindes, 2004 CanLII 47872 (QC CA).
[3] Avelino De Andrade, « Le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs dix ans après » dans Cours de perfectionnement du notariat, vol. 2010-2, Montréal, Chambre des notaires du Québec, 2010, p. 365, citant : Bergeron et 9143-1718 Québec inc. (Aldo Construction), Me Robert Masson, arbitre, Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI), 071112001 et U-502602 GMB, 2009-01-12.
[4] Pièce A-1.
[5] Pièce A-1.
[6] Pièce A-2.
[7] Pièce A-2, clause 11.1.
[8] Pièce E-1.
[9] 9 Pièce E-1.