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ARBITRAGE En vertu du Règlement
sur le plan de garantie |
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Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : |
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Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI) |
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Entre |
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Yves Brouillette et Louise Hébert |
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Bénéficiaires |
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Et |
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Construction Jean-F. Toulouse Inc. |
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Entrepreneur |
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Et |
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LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC. |
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Administrateur mis en cause |
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No dossier Garantie : |
035307-1 |
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No dossier SORECONI : |
071029001 |
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SENTENCE ARBITRALE |
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Arbitre : |
Alcide Fournier |
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Pour les bénéficiaires : |
Nil |
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Pour l’entrepreneur : |
Nil |
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Pour l’administrateur : |
Me Élie Sawaya |
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Date(s) d’audience : |
3 juin 2008 |
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Lieu d’audience : |
Mc Masterville |
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Date de la décision : |
23 juin 2008 |
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Identification des parties
Bénéficiaires :
Yves Brouillette
Louise Hébert
967, rue des Merisiers
Mc Masterville (Québec)
J3G 6N5
Entrepreneur :
Constructions Jean-F. Toulouse Inc.
353, rue Hébert
Sainte-Julie (Québec)
J3E 2M3
Administrateur :
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.
5930, boul. Louis-H. Lafontaine
Anjou (Québec)
H1M 1S7
Historique du dossier
8 mars 2002 : Contrat préliminaire
3 mars 2006 : Contrat de garantie
13 juin 2002 : Contrat de vente notarié
10 août 2002 : Réception du bâtiment
19 mai 2006 : Lettre des bénéficiaires
1er juin 2006 : Lettre de l’entrepreneur
20 avril 2007 : Réclamation
26 septembre 2007 : Décision de l’administrateur
29 octobre 2007 : Demande d’arbitrage
10 novembre 2007 : Nomination d’un arbitre
3 décembre 2007 : Convocation des parties à l’arbitrage pour le 23 janvier 2008
17 janvier 2008 : Report de l’audience au 11 février 2008
11 février 2008 : Audience et demande de remise accordée
12 février 2008 : Convocation des parties à l’audience du 12 mai 2008
2 mai 2008 : Convocation des parties à l’audience du 3 juin 2008
3 juin 2008 : Audience
[1] À la première audience tenue le 11 février 2008, à la résidence des bénéficiaires, les personnes suivantes sont présentes :
-Mme Louise Hébert, bénéficiaire,
-Mme Lucie Vachon, représentante de l’entrepreneur,
-Me Élie Sawaya et M. Michel Hamel, représentants de l’administrateur.
[2] À la deuxième audience tenue le 3 juin 2008 au même endroit, M. Brouillette, le bénéficiiare s’ajoute aux personnes énumérées ci haut.
[3] À la visite des lieux, l’arbitre soussigné a reçu toutes les explications relatives au problème concernant le présent litige.
Les faits
[4] Les bénéficiaires ont signé un contrat préliminaire pour l’achat de leur résidence le 8 mars 2002.
[5] Le 10 août 2002, ils signaient, sans réserve, le formulaire de réception du bâtiment.
[6] Le 3 mars 2006, ils signaient le contrat de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[7] En septembre 2005, des bardeaux d’asphalte couvrant le toit de la résidence s’arrachent, causant ainsi une infiltration d’eau.
[8] Informé de cette situation par les bénéficiaires, l’entrepreneur procède en novembre 2005 aux réparations requises.
[9] En février 2006, des bardeaux d’asphalte s’arrachent à nouveau du toit sensiblement au même endroit que la première fois.
[10] Avisé par le bénéficiaire, l’entrepreneur refuse de procéder à nouveau aux réparations parce que, selon lui, le dommage a été causé par des vents très violents et que les bénéficiaires devraient plutôt s’adresser à leur compagnie d’assurance maison.
[11] Devant ce refus, les bénéficiaires présentent des réclamations écrites à l’administrateur de la garantie des bâtiments résidentiels neufs le 29 mai 2006 et le 20 avril 2007.
[12] Après avoir fait une inspection du bâtiment, l’administrateur de la garantie décide le 13 septembre 2007 que la demande des bénéficiaires est irrecevable puisqu’elle n’a pas été présentée à l’intérieur du délai de six mois après la découverte du problème et qu’elle a été présentée plus de 3 ans après la réception du bâtiment.
Question préalable
[13] Avant d’analyser au mérite la demande des bénéficiaires, l’arbitre soussigné doit décider si le fait que le contrat de garantie n’a été signé que le 3 mars 2006, soit près de 4 ans après le contrat préliminaire, a un impact sur les délais concernant le présent litige.
[14] Selon le témoignage de sa représentante, l’entrepreneur avait tout simplement oublié de faire signer le contrat de garantie au moment de la vente, et c’est à la demande de l’administrateur, qui voulait compléter son dossier, que ledit contrat de garantie a été signé.
[15] L’article 138 du règlement sur le plan de garantie énonce :
Le bénéficiaire n’est pas tenu à l’exécution de ses obligations prévues au contrat avec l’entrepreneur qu’à compter du moment où il est en possession d’un double du contrat de garantie dûment signé.
[16] Peut-on interpréter cet article à l’effet que la signature tardive du contrat de garantie dispense les bénéficiaires de respecter les délais pour présenter leur réclamation et sur la durée de la garantie elle-même?
[17] Selon le procureur de l’administrateur, cet article vise uniquement les obligations contractuelles qu’ont les bénéficiaires envers l’entrepreneur et non leurs obligations en vertu du règlement sur le plan de garantie envers l’administrateur du plan.
[18] Selon le procureur, les bénéficiaires auraient pu refuser de verser des acomptes, de payer le prix d’achat, etc…
[19] En fait, le législateur a écrit cette disposition afin d’inciter fortement les entrepreneurs à faire signer le contrat de garantie et en fournir copie aux bénéficiaires.
[20] Par ailleurs, le procureur cite la jurisprudence qui énonce que les dispositions du règlement sur le plan de garantie sont d’ordre public et qu’elles continuent de s’appliquer même si le contrat de garantie lui-même n’est pas signé, sauf, bien entendu, les obligations contractuelles des bénéficiaires envers l’entrepreneur.
[21] Pour le procureur, le principe de droit qui énonce que « nul n’est censé ignorer la loi » trouve son application dans le présent litige puisque le règlement sur le plan de garantie s’est toujours appliqué même si le contrat de garantie n’était pas signé.
[22] Pour l’arbitre soussigné, même si le fait de ne pas faire signer le contrat de garantie et en remettre une copie aux bénéficiaires constituent un manquement grave aux obligations de l’entrepreneur, il ne peut en donner une portée plus large que celle décrite à l’article 138.
[23] En effet, les bénéficiaires qui n’ont pas le double du contrat de garantie sont dispensés de leurs obligations prévues au contrat conclu avec l’entrepreneur.
[24] L’article 2 du règlement sur le plan de garantie énonce :
2. Le présent règlement s’applique aux plans de garantie qui garantissent l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur visées au chapitre 11 et résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction :
[25] Il est donc clair que l’expression « contrat conclu avec l’entrepreneur » utilisée à l’article 138 vise bel et bien le contrat de vente ou de construction d’une unité résidentielle et ne vise pas le contrat de garantie.
[26] Cependant, le 23 février 2006, par le décret 39-2006, art.17, le législateur a adopté la mesure suivante :
35.1 Le non-respect d'un délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l'entrepreneur ou l'administrateur manque à ses obligations prévues aux articles 33, 33.1, 34, 66, 69.1,132 à 137 et aux paragraphes 12, 13, 14 et 18 de l'annexe II, à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n'a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou, à moins que le délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d'un an.
[27] De plus, l’article 35.1 énumère les articles visés dont un qui concerne plus particulièrement le présent litige, à savoir :
137. L’entrepreneur doit remettre au bénéficiaire un double du contrat de garantie dûment signé et en transmettre une copie à l’administrateur.
[28] En d’autres mots, le législateur a voulu que le non-respect d’un délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie ne soit pas opposable au bénéficiaire si, entre autre, l’entrepreneur manque à son obligation de remettre à ce dernier un double document signé du contrat de garantie.
[29] Une fois cernée l’intention du législateur, peut-on conclure que cet article s’applique au présent litige puisque le contrat préliminaire de construction a été signé bien avant le 23 février 2006 et que le contrat de garantie a été signé après le 23 février 2006.
[30] Selon le code de procédure civile, les amendements apportés aux lois et règlements, lorsqu’ils concernent des délais de procédure, entrent en vigueur à la date de la proclamation, soit dans ce cas-ci, le 23 février 2006.
[31] Dans les dispositions transitoires du décret 39-2006, art. 17, il est prévu que les articles s’appliqueront aux contrats à être conclus après le 23 février 2006.
[32] Or, le contrat de garantie a été signé et copie reçue par les bénéficiaires le 3 mars 2006, soit quelques jours après la proclamation de l’article 35.1.
[33] L’arbitre soussigné estime que le législateur a voulu que les délais ne soient pas opposables au bénéficiaire tant et aussi longtemps que l’entrepreneur ne lui remette une copie signée du contrat de garantie même s’il s’est écoulé près de 4 ans entre la signature du contrat préliminaire de construction et la signature du contrat de garantie.
[34] Ce manquement de l’entrepreneur à son obligation de faire signer le contrat de garantie et d’en remettre copie aux bénéficiaires est la cause de l’imbroglio juridique actuel.
[35] De plus, le législateur attache une très grande importance à cette obligation de l’entrepreneur puisque son non-respect est assorti des sanctions des plus sévères allant de la suspension des délais ( art.35.1) au non paiement des sommes qui lui sont dues par les bénéficiaires ( art. 138).
[36] Tout au long des deux témoignages, les bénéficiaires ont affirmé qu’ils ne connaissaient pas les conditions de mise en œuvre de la garantie ni la nature des garanties dont ils bénéficiaient.
[37] L’arbitre soussigné a dû les informer des délais pour faire valoir une réclamation, les garanties respectives pour les vices cachés et pour les vices majeurs, etc…
[38] En fait, les bénéficiaires ont affirmé avoir été informé de l’existence d’un contrat de garantie lorsqu’ils ont signé le 3 mars 2006.
[39] Selon eux, ils n’avaient pas été informés du contenu dudit contrat de garantie avant cette date.
[40] Par ailleurs, aucune preuve n’a été faite que l’ignorance des bénéficiaires du contenu de la garantie n’ait pas été le résultat du fait qu’ils n’aient pas signé et reçu copie du contrat de garantie.
[41] Même si toutes les autres conditions ne sont pas réunies, dans le présent litige, un fait indéniable demeure, à savoir que le contrat de garantie conclu entre les bénéficiaires, l’entrepreneur et l’administrateur a été signé le 3 mars 2006, soit après l’entrée en vigueur de l’article 35.1 et que cet article doit trouver application.
[42] Selon l’arbitre soussigné, le présent litige en est un où doit s’appliquer l’article 116 du règlement.
116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit : il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.
[43] Dans le présent litige, faire en sorte que la réclamation des bénéficiaires est hors délai et donc irrecevable est tout à fait inéquitable puisqu’elle est le résultat direct d’un manquement grave de l’entrepreneur.
[44] Par ailleurs, le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs a été adopté pour protéger les consommateurs acheteurs de maisons neuves, et il doit être interprété en leur faveur.
[45] En conclusion, l’arbitre soussigné estime qu’en équité, tous les délais opposables aux bénéficiaires en vertu du plan de garantie ont été suspendus entre la date de signature du contrat préliminaire de construction (8 mars 2002) et la date de la signature du contrat de garantie par les bénéficiaires ( 3 mars 2006) et qu’ainsi aucun délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie ne sont expirés depuis plus d’un an., y compris celui de la garantie de 3 ans.
[46] Dans sa décision du 26 septembre 2007, l’administrateur a rejeté la demande des bénéficiaires en invoquant le non-respect des délais et ne s’est pas prononcé sur le fond du litige, à savoir quels travaux doivent être faits par l’entrepreneur pour remédier aux dommages causés par l’infiltration d’eau et pour remédier à l’état du revêtement du toit.
[47] L’arbitre soussigné a le pouvoir de réviser les décisions rendues par l’administrateur et sur le fond du litige, il n’y a pas une telle décision.
[48] En conséquence, l’arbitre soussigné retourne le dossier à l’administrateur pour qu’il rende une décision sur le fond du litige permettant ainsi aux bénéficiaires et à l’entrepreneur de présenter leurs preuves.
[49] Finalement, les bénéficiaires ayant eu gain de cause sur au moins un point, les frais d’arbitrage sont à la charge de l’administrateur.
[50] Après analyse de la preuve, de la loi et du règlement, l’arbitre soussigné :
- renverse la décision de l’administrateur,
- déclare que les délais invoqués par l’administrateur ne sont pas opposables aux bénéficiaires,
- retourne le dossier à l’administrateur pour qu’il rende une décision sur le mérite du litige,
- compte tenu des vacances de la construction, accorde à l’administrateur jusqu’au 31 août 2008 pour rendre sa décision,
- condamne l’administrateur à payer les frais d’arbitrage.
Alcide Fournier