TTRIBUNAL D’ARBITRAGE
(constitué en vertu du règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs sous l’égide de la société pour la résolution des conflits inc. (soréconi), organisme d’arbitrage agréé par la régie du bâtiment du québec chargée d’administrer la Loi sur le bâtiment (l.r.q. c. b-1.1))
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
DOSSIER N° : 061018003
(025316 GMN)
MONTRÉAL, le 22 mai 2009
ARBITRE : Me ROBERT MASSON, ing., C. Arb.
Teymour sharifi et froogh Rezanejhad
Bénéficiaires - Demandeurs
c.
groupe immobilier grilli inc.
Entrepreneur - Défenderesse
et
La Garantie DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L'APCHQ INC.
Administrateur de la garantie - Défenderesse
SENTENCE ARBITRALE
[1] Le Tribunal d'arbitrage est saisi d'une demande d'arbitrage formulée en vertu de l'article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (Règlement).
[2] La demande d’arbitrage est faite le 18 octobre 2006 et l’arbitre soussigné est mandaté le 13 novembre suivant. La procédure d’arbitrage débute le 27 novembre 2006 et une audience préliminaire est tenue par conférence téléphonique le 23 janvier 2007. De nombreux délais, causés par le manque de disponibilités des parties et le manque de préparation du bénéficiaire, surviennent avant que ne débute l’audience au mérite de la présente demande d’arbitrage. Cette audience au mérite a lieu le 3 février 2009, précédée par une visite des lieux le même jour. Au terme de la dite audience au mérite, la cause est mise en délibéré pour permettre au bénéficiaire de déposer une preuve documentaire additionnelle qu’il ne retrouvait pas au moment de l’audience. Le 13 février 2009, le bénéficiaire a été réputé renoncer à déposer le document en question et a été déclarer forclos de le faire. Le délibéré s’est terminé à cette date.
[3] Au début de l’audience préliminaire, les parties, personnellement ou par leurs représentant et procureurs, acceptent la nomination du soussigné comme arbitre. Elles reconnaissent la compétence de l’arbitre soussigné pour entendre et pour trancher le différend qui les oppose. Elles conviennent que la décision de l’arbitre les liera et conviennent de s’y conformer. Aux termes de la Loi, la sentence arbitrale est finale et sans appel (L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2).
[4] À cette même occasion, l’arbitre rappelle aux parties que cet arbitrage est régi par les lois en vigueur dans la Province de Québec dont le Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs (Règlement). Les règles de preuve et les règles de procédure sont celles du Code civil du Québec et du Code de procédure civile, assouplies pour favoriser la meilleure et toute l’administration de la preuve.
La demande d’arbitrage (Les questions soumises à l'arbitrage)
[5] La demande d’arbitrage porte sur tous les points (numéros 1 à 9) de la décision de l'administrateur de la garantie consignée au rapport d'inspection du 19 septembre 2006, à savoir :
§ 1 : Infiltration d’eau via la toiture ;
§ 2 : Joints de mortier du parement de briques de largeur variable ;
§ 3 : Porte patio arrière ;
§ 4 : Différence esthétique par rapport à la brochure publicitaire ;
§ 5 : Fissures dans les joints de mortier du parement de brique ;
§ 6 : Fissures à la dalle de béton du garage ;
§ 7 : Fissures à la dalle de béton du garage, au coin droit de la porte montante ;
§ 8 : Craquement ponctuel au plancher de l’étage ;
§ 9 : Fissure à la fondation du garage.
[6] Les bénéficiaires réclament la correction des malfaçons.
[7] Faute de preuve à cet égard, la valeur de la demande d’arbitrage ou valeur des travaux de correction dont il est question aux points numéros 1 à 9 de la décision de l’administrateur de la garantie précitée est estimée par le soussigné à moins de 15 000 $.
Les faits
[8] Teymour Sharifi (Sharifi) signe la déclaration de réception du bâtiment le 8 novembre 2001, sous réserve de certains éléments à parachever. Les bénéficiaires deviennent propriétaires de la résidence dont il est ici question le 22 novembre 2001 pour l’avoir acheté de l’entrepreneur. Ils adressent une réclamation à La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. (La Garantie) le 18 mai 2006.
[9] Joanne Tremblay, inspecteur de La Garantie, procède à l’inspection du bâtiment le 30 août 2006. Elle rédige la décision de l’administrateur de la garantie le 19 septembre 2006.
[10] Relativement au point numéro 1 de la décision, l’administrateur de la garantie écrit :
“Il a été convenu entre les parties qu’à l’intérieur d’un délai de quinze (15) jours suivant la réception de la présente, l’entrepreneur effectuera les travaux mentionnés au point 1 qui suit.
Compte tenu de cette entente, La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ n’a pas à statuer sur ce point dans le cadre du contrat de garantie.
1. infiltration d’eau via la toiture
Une infiltration d’eau via la toiture fut réparée par l’entrepreneur, il y a deux ans.
Lors de fortes pluies, cette infiltration d’eau est toutefois récurrente, causant des dommages jusqu’au plancher sous-jacent.
Entente :
Tel que convenu entre les parties, l’entrepreneur apportera de nouveaux correctifs à la noue causant problème.
Après quelques jours de pluie, advenant que la situation se soit résorbée, il complétera les travaux intérieurs inhérents à la présente situation.”
[11] Quant aux points 2 à 9 de la décision précitée, l’administrateur de la garantie écrit :
“La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ ne peut considérer les points 2 à 9 dans le cadre du contrat de garantie :
Concernant les points 2 à 9 qui suivent, il est mentionné au contrat de garantie que les malfaçons, les vices cachés ou les vices majeurs, selon le cas, doivent être dénoncés par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur [de la garantie] dans un délai raisonnable lequel ne peut excéder six (6) mois de leur découverte ou survenance ou, en cas de vices ou de pertes graduels, de leur première manifestation.”
[12] Relativement au point numéro 2, l’administrateur ajoute que la situation fut dénoncée par écrit dans la cinquième et dernière année de la garantie et qu’elle ne rencontre pas les critères et le degré de gravité d’un vice de construction, d’un vice de conception ou d’un vice de sol. Quant aux points numéros 3 à 8, ils ont été dénoncés dans un délai supérieur aux cinq ans prescrits par le Règlement. Et il termine ainsi : “Par conséquent La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ ne peut intervenir sur ces points.”
[13] Concernant le point numéro 4, l’administrateur de la garantie rajoute qu’il s’agit de la dénonciation d’une question d’esthétisme que le Règlement ne couvre pas.
[14] Enfin, au point numéro 9, l’administrateur de la garantie précise :
“Nous avons constaté qu’une fissure d’environ 8 mm est présente dans le mur de fondation, au coin gauche en bas de la porte de service du garage, tout comme dans le gypse, au-dessus de cette même porte.
Une fissuration en escalier est également visible dans le parement de briques, au dessus de cette même porte.
Des infiltrations de sable y sont également visibles.
L’entrepreneur serait intervenu à la fin de 2004, bien que les correctifs apportés n’aient pas donné les résultats escomptés, les fissures apparaissant de nouveau.
Toutefois, La Garantie a été informé de la situation pour une première fois, qu’en mai 2006.”
[15] Non satisfait des décisions de l’administrateur de la garantie contenues à son rapport d’inspection précité, les bénéficiaires demandent l’arbitrage.
[16] L’entrepreneur conteste la demande du bénéficiaire sur le fond même de cette réclamation. L’administrateur de la garantie conteste la demande à la fois sur le fond et au motif que cette demande est irrecevable, ayant été déposée le 18 octobre 2006 bien au-delà des délais prescrits au Règlement pour s’en prévaloir.
Discussion
A) La loi des parties
[17] Le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, mis en vigueur en vertu de la Loi sur le bâtiment, a été institué par le gouvernement du Québec afin de protéger les acheteurs et d'améliorer la qualité des constructions neuves.
[18] Le Procureur général du Québec s'exprimait ainsi alors qu'il intervenait dans un débat concernant une sentence arbitrale rendue en vertu du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs où il avait été appelé :
"Les dispositions à caractère social de ce règlement visent principalement à remédier au déséquilibre existant entre le consommateur et les entrepreneurs lors de mésententes dans leurs relations contractuelles. En empruntant un fonctionnement moins formaliste, moins onéreux et mieux spécialisé, le système d'arbitrage vient s'insérer dans une politique législative globale visant l'établissement d'un régime complet de protection du public dans le domaine de la construction résidentielle." [1]
[19] Le contrat de garantie fourni par l’entrepreneur est un contrat du type contrat de cautionnement par lequel La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. garantit l’exécution des travaux convenus par un entrepreneur en construction. Ce contrat est à la fois un cautionnement d’exécution, garantissant la complète exécution des travaux, et un cautionnement contre les malfaçons, garantissant la qualité des travaux exécutés.
[20] Ce contrat de cautionnement est un contrat intervenu en marge d’un autre contrat, le contrat d’entreprise (le contrat de construction), et au bénéfice d’une tierce partie, le propriétaire, qui n’y intervient pas.
[21] C’est un contrat conditionnel et limitatif en ce que la caution indique explicitement dans quelles conditions s’ouvriront les garanties qu’elle offre et quelles sont ces garanties. On retrouve ces conditions à l'article 7 du Règlement :
“Un plan de garantie doit garantir l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues [au Règlement].” (Le soulignement est du Tribunal d’arbitrage).
[22] C’est aussi un contrat de cautionnement réglementé car toutes les clauses du contrat sont la reproduction intégrale, en faisant les adaptations nécessaires, d’extraits du Règlement qui impose cette intégralité.
[23] À cet égard, il est utile de reproduire l'article 10 du Règlement traitant de la garantie relative aux bâtiments non détenus en copropriété divise :
"10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
1° le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception… ;
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception…;
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons ;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil ;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation." (Les soulignements sont du Tribunal d'arbitrage).
[24] Enfin, le Tribunal d’arbitrage est d’opinion que l'économie générale du Règlement et les buts visés par le législateur, tel que l'exprime plus haut le Procureur général du Québec, l’inscrivent au type des lois de la protection du consommateur. Il est d’ordre public et on ne peut y déroger. À preuve, les articles suivants du Règlement :
“3 Tout plan de garantie auquel s’applique le présent règlement doit être conforme aux normes et critères qui sont établis et être approuvé par la Régie [du bâtiment du Québec].
4 Aucune modification ne peut être apportée à un plan approuvé à moins qu’elle ne soit conforme aux normes et critères établis par le présent règlement.
5 Toute disposition d’un plan de garantie qui est incompatible avec le présent règlement est nulle.
...
19.1 Le non-respect d'un délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l'entrepreneur ou l'administrateur manque à ses obligations... à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n'a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou que le délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d'un an.
...
105 Une entente [suivant la médiation] ne peut déroger aux prescriptions du présent règlement.
...
138 Le bénéficiaire n'est tenu à l'exécution de ses obligations prévues au contrat conclu avec l'entrepreneur qu'à compter du moment où il est en possession d'un double du contrat de garantie dûment signé.
139 Toute clause d’un contrat de garantie qui est inconciliable avec le présent règlement est nulle.
140 Un bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère le présent règlement.”
[25] L'article 6.1 de la Loi sur la protection du consommateur (L.R.Q., c. P-40.1) confirme aussi cette classification :
"6.1 Le présent titre, le titre II relatif aux pratiques de commerce, les articles 264 à 267 et 277 à 290 du titre IV, le chapitre I du titre V et les paragraphes c, k et r de l'article 350 s'appliquent également à la vente, à la location ou à la construction d'un immeuble…"
[26] Et l'article 1384 du Code civil du Québec en fait, à certaines conditions, un contrat de consommation :
"1384. Le contrat de consommation est le contrat dont le champ d'application est délimité par les lois relatives à la protection du consommateur, par lequel l'une des parties, étant une personne physique, le consommateur, acquiert, loue, emprunte ou se procure de toute autre manière, à des fins personnelles, familiales ou domestiques, des biens ou des services auprès de l'autre partie, laquelle offre de tels biens ou services dans le cadre d'une entreprise qu'elle exploite."
[27] Pour résumer. La garantie offerte par l’entrepreneur et administrée par La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc. dans le cadre du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs est un contrat de cautionnement réglementé. C'est aussi un contrat s’inscrivant au titre des lois de la protection du consommateur et, à certaines conditions, un contrat de consommation. Enfin, c'est un contrat d’ordre public.
[28] C'est en gardant à l'esprit toutes ces considérations et en s'appuyant sur les textes de loi que le Tribunal d'arbitrage analyse les questions qui lui sont soumises.
B) Analyse
[29] À l’égard du point numéro 1, infiltration d’eau via la toiture, Sharifi témoigne que la toiture a été réparée une dernière fois en 2007 et qu’elle ne coule plus depuis mais que, et malgré une entente à cet égard, les dommages causés à l’intérieur par les infiltrations d’eau n’ont pas été réparés.
[30] Jean-Paul Carney était contremaître chez l’entrepreneur à l’époque qui nous concerne. Contre interrogé, il témoigne que les travaux de réparation de la toiture ont été exécutés par le sous-traitant. Le bénéficiaire n’en a pas été informé car les sous-traitants ne prennent généralement pas de rendez-vous lorsqu’il s’agit de travaux à l’extérieur. Quant aux travaux à l’intérieur, ils n’ont pas encore été exécutés à cause du refus du bénéficiaire de donner accès à l’entrepreneur.
[31] Le procureur de l’entrepreneur dépose une lettre de l’entrepreneur à Sharifi, datée du 26 janvier 2007 (E-1), qu’il est utile de reproduire :
“Monsieur,
Suite aux discussions intervenues avec M. Jean-Paul Carney relativement à ce dossier, nous vous adressons la présente.
Groupe Immobilier Grilli Inc. a toujours été et est encore prête à faire toutes les démarches et travaux nécessaires pour régler l’infiltration d’eau dont votre immeuble est l’objet.
D’après M. Carney, le problème a été réglé et Groupe Immobilier Grilli Inc. serait disposée à procéder à toutes les réparations intérieures pour terminer cette affaire.
Advenant que l’infiltration d’eau ne soit pas réglée, notre cliente retournera lors de pluies pour constater l’infiltration et corrigera tout ce qui est nécessaire de corriger en plus de refaire les travaux de finition intérieure.
En conséquence, si vous acceptez que les travaux intérieurs soient faits, vous voudrez bien communiquer avec le soussigné et si vous croyez que des infiltrations d’eau sont encore existantes, vous voudrez bien communiquer avec M. Jena-Paul Carney au numéro… dès que vous constaterez ladite infiltration et ce dernier se présentera chez vous pour en trouver la cause.
Monsieur Carney est disponible 24 heures par jour, 7 jours par semaine à ce numéro.
Dans l’attente de vos commentaire…
Papineau & associés
(s) Yves Papineau”
[32] Traitant de la lettre E-1, le procureur de l’entrepreneur plaide que les travaux de correction des dommages causés à l’intérieur par les infiltrations d’eau ne sont pas encore réparés par la seule omission, incurie ou négligence du bénéficiaire à informer l’entrepreneur qu’il est disposé à ce que les travaux de réparation soient faits. Il soumet également que la lettre E-1 démontre que l’entrepreneur accepte la décision de l’administrateur de la garantie à l’égard du point numéro 1 et qu’il est toujours disposé à s’acquitter de ses obligations dès que le bénéficiaire lui en donnera l’occasion. Pour ces motifs, il soumet que l’arbitre n’a pas de juridiction à l’égard du point numéro 1.
[33] Pour tous les motifs exprimés ci haut à l’égard du point numéro 1, infiltration d’eau via la toiture, de la décision de l’administrateur de la garantie du 19 septembre 2006, plus particulièrement eu égard à la décision de l’administrateur de la garantie sur cette question et eu égard à la lettre du 26 janvier 2007 de l’entrepreneur au bénéficiaire, le Tribunal d’arbitrage constate qu’il n’a aucune juridiction. En conséquence, le Tribunal d’arbitrage décline juridiction à cet égard.
[34] À l’égard des points numéros 2 et 5, joints de mortier du parement de briques de largeur variable et fissures dans les joints de mortier du parement de briques, de la décision de l’administrateur de la garantie du 19 septembre 2006, le bénéficiaire Sharifi admet qu’il a reçu un paiement de 4 000 $ de l’entrepreneur. Ce montant a été payé par l’entrepreneur pour que le bénéficiaire entreprenne lui-même la réfection des travaux qu’il estime nécessaire et au deuxième motif que ce motif de brique ne serait plus distribué sur le marché.
[35] Contre interrogé par le procureur de l’entrepreneur aux fins de bien consigner les termes de l’entente écrite dont le bénéficiaire est le seul à détenir un exemplaire, Sharifi ajoute que la dite entente contient aussi une clause de garantie. Incapable de retrouver le document au moment de l’audience pour en faire la démonstration, le Tribunal d’arbitrage acceptera de mettre la cause en délibéré à la fin de l’audience pour lui permettre de retrouver le document. On connaît la suite.
[36] L’entente intervenue entre le bénéficiaire et l’entrepreneur suffit au Tribunal d’arbitrage pour rejeter la demande d’arbitrage à l’égard des points numéros 2 et 5, joints de mortier du parement de briques de largeur variable et fissures dans les joints de mortier du parement de briques, de la décision de l’administrateur de la garantie du 19 septembre 2006.
[37] En conséquence, pour les motifs exprimés ci avant, le Tribunal d’arbitrage est d’opinion de rejeter et il rejette la demande d’arbitrage à l’égard des points numéros 2 et 5, joints de mortier du parement de briques de largeur variable et fissures dans les joints de mortier du parement de briques, de la décision de l’administrateur de la garantie du 19 septembre 2006 et il maintient, bien que pour des motifs différents, la décision précitée de l’administrateur de la garantie.
[38] À l’égard du point numéro 9, fissure à la fondation du garage, de la décision de l’administrateur de la garantie du 19 septembre 2006, Sharifi souhaite assigner Jean-Noël Mainville, représentant technique de Alerte Fissure Inc. relativement à une proposition-devis daté du 11 juin 2008 que ce dernier a préparé à la demande du bénéficiaire concernant des travaux de stabilisation d’une partie des fondations sur pieux d’acier pour le bâtiment dont il est ici question.
[39] Les procureurs de l’entrepreneur et de l’administrateur de la garantie se sont objectés au dépôt en preuve du document précité au motif qu’il ne s’agit pas d’une opinion d’expert mais plutôt d’une soumission de travaux accompagnée d’un devis. Le Tribunal d’arbitrage a accueilli cette objection. Le témoignage verbal de Mainville a par ailleurs été admis sous réserve par le Tribunal d’arbitrage.
[40] D’emblée, Mainville informe qu’il témoigne contre son gré. Son mandat était de relever les niveaux des fondations pour en déterminer la stabilité du bâtiment. Toutes les mesures prises varient entre 0 et moins de ½ pouce de dénivellation démontrant la stabilité de la maison, sauf au coin du garage où la dénivellation mesurée est de ½ pouce.
[41] Johanne Tremblay est l’inspecteur de l’administrateur de la garantie. Elle constate que la fissure à la fondation du garage est identique en ce jour de la visite des lieux à ce qu’elle a relevé en 2006. Cette absence de tout tassement différentiel sur une période de 3 ans confirme, dit-elle, la stabilité du bâtiment.
[42] Pour les motifs exprimés ci avant, le Tribunal d’arbitrage est d’opinion de rejeter et il rejette la demande d’arbitrage à l’égard du point numéro 9, fissure à la fondation du garage, de la décision de l’administrateur de la garantie du 19 septembre 2006 et il maintient la décision précitée de l’administrateur de la garantie.
[43] Quant à tous les autres points, les points numéros 3, 4, 6, 7 et 8 de la décision de l’administrateur de la garantie du 19 septembre 2006, il est mis en preuve que les situations dénoncées sont des malfaçons et que Sharifi a eu connaissance des malfaçons dès le moment des travaux ou peu après la date d’occupation en 2001 et en 2002 et que la réclamation des bénéficiaires n’a été faite par écrit à l’administrateur de la garantie que le 18 mai 2006, soit entre 4 ans et 4½ ans après la fin des travaux ou de la découverte des malfaçons.
[44] À cet égard, Sharifi plaide qu’il a commis une erreur en croyant qu’il pouvait attendre la fin de la limite de 5 ans de la garantie, référence qu’il ne précise pas, eu égard aux périodes de garantie indiquées à l'article 10 du Règlement, avant de présenter une réclamation. Il plaide également qu’il a aussi été leurré par les représentations de l’entrepreneur qui promettait d’exécuter les travaux de réparation sans jamais s’acquitter de ses obligations ; d’où encore sont retard à produire une réclamation.
[45] De ce qui précède, la Tribunal d’arbitrage retient que malgré de nombreuses dénonciations de malfaçons à l’entrepreneur, le bénéficiaire a attendu environ 4 ans avant d’en informer par écrit l’administrateur de la garantie. De toute évidence, le bénéficiaire se méprend entre le délai de dénonciation qui est de 6 mois et la période de garantie.
[46] Le procureur de l’administrateur de la garantie plaide que l’article 10 du Règlement traite des vices et malfaçons en regard de la garantie et signale que dans tous les cas, ces vices et malfaçons doivent être dénoncés par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur de la garantie, au moment de la réception du bâtiment ou, le cas échéant, dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte.
[47] Le procureur de l’administrateur de la garantie cite plusieurs arrêts du Tribunal d’arbitrage siégeant en vertu du règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs qui analysent la question du délai de dénonciation par écrit qui ne peut excéder 6 mois. Ces arrêts peuvent être répartis en 2 groupes. Dans le premier, se trouvent les arrêts qui reprennent les termes de l’article 10 du Règlement et qui traitent simplement d’un délai raisonnable [2]. Dans le second groupe, se trouvent les arrêts qui qualifient le délai de délai de rigueur, de délai de déchéance ou de dispositions qui ne permettent pas à l’arbitre de prolonger le dit délai [3].
[48] Dans une décision [4] rendue à l’égard de l’article 19 du Règlement qui traite du délai pour soumettre un différend à l’arbitrage, l’honorable Ginette Piché, j.c.s., traite de la question du délai ainsi :
“ 18 À la page 8 de sa décision, l'arbitre dira ceci:
La preuve démontre sans aucun doute que l'erreur ou la négligence de l'avocat a occasionné la tardiveté de la demande d'arbitrage par les bénéficiaires dans le délai fixé par le règlement.
Cependant, compte tenu du règlement du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, il n'y a aucun silence (sic) qui permet de proroger un délai, alors que les jurisprudences présentées par Me Janson permettaient à la Cour de proroger un délai.
De plus, loin d'être silencieux, les articles 19 et 35 du Règlement édictent que le délai mentionné pour faire une demande d'arbitrage est de rigueur, le tribunal d'arbitrage ne peut le proroger.
L'article 19 du règlement se lit ainsi:
Article 19:
«Le bénéficiaire ou l'entrepreneur insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 15 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministère du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 15 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.»
L'article 35 dit que le bénéficiaire ou l'entrepreneur doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 15 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur. (…)
19 Dans son volume sur l'Interprétation des Lois (2), Pierre-A Côté dira, au sujet de l'emploi du mot «doit» (ou «shall») que, s'il fait présumer le caractère impératif d'une disposition, il ne crée qu'une présomption relative pouvant être écartée. Il dira:
«Il ne suffit pas qu'une disposition soit impérative pour que sa violation entraîne une nullité, il faut que son observation soit imposée à peine de nullité, ou, si l'on préfère, qu'elle soit de rigueur. La présence du mot «doit» ne devrait jamais permettre, à elle seule, de décider si une prescription a été imposée à peine de nullité. L'article 51 de la Loi d'interprétation québécoise, comme l'article 11 de la loi canadienne, «établit bien la distinction entre ce qui est facultatif et ce qui ne l'est pas, mais n'édicte par la nullité de ce qui n'a pas été fait (selon la loi).» (p. 299)
«À défaut de texte formel, l'intention du législateur de sanctionner ou non de nullité l'inobservation d'une règle de forme devra être déduite d'un ensemble de facteurs. À ce sujet, il a été dit qu'“aucune règle générale ne peut être formulée et que, dans chaque cas d'espèce, on doit considérer l'objet de la loi.» (p. 300)
«Les tribunaux porteront une attention particulière au préjudice causé dans les circonstances par le vice de forme et au préjudice que causerait une déclaration de nullité.» (p. 302)
«Le législateur n'étant pas censé vouloir que sa loi produise des résultats injustes, on présumera qu'il n'entend pas assortir une disposition d'une sanction de nullité s'il en résulte un mal social ou individuel trop important compte tenu de l'objet de la disposition.» (p. 303)
20 Il ne faut jamais oublier en effet que «la procédure ne sert qu'à faire apparaître le droit et non à l'occulter»(3)
21 La Cour d'appel dans l'arrêt de Entreprises Canabec inc. c. Raymond Laframboise (4) dira que «la déchéance n'est pas la règle et ne se présume pas. Hormis les cas où le législateur s'est exprimé de façon claire, précise et non ambiguë, il n'existe aucun délai de déchéance véritable».
22 Dans la cause de Marc Deschambault c. Patrick DeBellefeuille (5) M. le juge Hébert rappellera que «pour décider s'il existe une raison véritable de proroger le délai, les tribunaux prennent en compte les circonstances générales et lorsque la partie poursuivie pouvait ne subir aucun préjudice réel autre que la perte du droit de se prévaloir de la prescription, la prorogation paraît être dans le meilleur intérêt de la justice». (…)
23 Il faut rappeler aussi, dira la Cour d'appel dans l'arrêt de Tribunal des professions c. Verreault (6) «qu'il convient d'avoir à l'esprit la philosophie rémédiatrice du Code de procédure civile auquel fait expressément référence l'article 165 du Code des professions». Il y a enfin l'article 9 du Code de procédure qui dit qu'un juge «peut, aux conditions qu'il estime justes, proroger tout délai qui n'est pas dit de rigueur». (…)
24 M. le juge Charrette dans la cause de Champagne c. Racicot (7) rappellera que si le délai est un délai de procédure, il peut être prorogé. S'il s'agit d'un délai de déchéance, la prorogation est impossible. On sait aussi qu'en l'absence d'un texte exprès, l'expiration du délai n'emporte pas déchéance. Dans son volume sur Les Obligations (8), le juge Baudouin rappelle que comme elle est exceptionnelle, la déchéance ne se présume pas, mais doit résulter d'un texte exprès. C'est l'article 2878 du Code civil du Québec qui édicte d'ailleurs que:
Le tribunal ne peut suppléer d'office le moyen résultant de la prescription. Toutefois, le tribunal doit déclarer d'office la déchéance du recours lorsque celle-ci est prévue par la loi. Cette déchéance ne se présume pas; elle résulte d'un texte exprès.
25 Le Tribunal estime que l'article 2878 s'applique ici au Règlement en cause. Le délai de 15 jours n'est pas indiqué nulle part comme étant de déchéance ou de rigueur. On peut considérer qu'il s'agit d'un délai de procédure pouvant être prorogé. Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs prévoit spécifiquement à son article 116 que si l'arbitre doit statuer conformément aux règles de droit «il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient.»”
[49] Le Tribunal d’arbitrage fait sienne l’opinion de l’honorable Juge Piché à l’effet que le délai dont il est question entre autres aux articles 10 et 19 du Règlement ne sont pas indiqués nulle part comme étant de déchéance ou de rigueur. On peut considérer qu'il s'agit d'un délai de procédure pouvant être prorogé.
[50] Cette mise au point faite, il y a maintenant lieu d’analyser la question en l’espèce à la lumière des faits mis en preuve.
[51] Dans la décision précité de Michel Gariépy c. Construction J. Thériault Inc. et al.[5], l’arbitre Me Marcel Chartier qui fait une étude assez exhaustive de la jurisprudence sur la question du délai de dénonciation des vices et malfaçons de l’article 10 du Règlement cite à plusieurs reprises des décisions de l’arbitre Claude Dupuis, ing.[6]. À celles-ci, le Tribunal d’arbitrage ajoute la décision dans Syndicat des copropriétaires «La Seigneurie Laprairie 1933» du même arbitre [7] sur la même question.
[52] Dans cette décision, l’arbitre Dupuis traite de la question du délai de dénonciation des vices et malfaçons de l’article 10 du Règlement ainsi :
“Quoi qu’il en soit, le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, […], édicte que les malfaçons et les vices cachés doivent être dénoncée «[…] par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte […]».
Dans le présent dossier, le délai de cinq ans ne peut être qualifié de raisonnable ; aucune preuve n’a été déposée comme quoi les bénéficiaires étaient dans l’impossibilité d’agir.
Une décision contraire serait tout à fait injuste envers l’administrateur, lequel se porterait garant des travaux alors qu’il aurait été informé de la situation cinq ans après la découverte.
Pour ces motifs, le Tribunal rejette la présente réclamation.”
[53] Le Tribunal d’arbitrage fait sienne cette décision de l’arbitre Dupuis et les motifs qui la sous-tendent, en changeant ce qui doit y être changé.
[54] En conséquence, le Tribunal d’arbitrage est d’opinion de rejeter et il rejette la demande d’arbitrage à l’égard des points numéros 3, 4, 6, 7 et 8 de la décision de l’administrateur de la garantie du 19 septembre 2006 et il maintient la décision précitée de l’administrateur de la garantie.
C) Frais d'arbitrage
[55] Quant aux frais d’arbitrage, l’article 123 du Règlement édicte que :
“Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts.”
[56] Les bénéficiaires, n’ayant obtenu gain de cause sur aucun des aspects de leur réclamation, le Tribunal d’arbitrage est d’opinion qu’ils doivent en conséquence supporter les frais de l’arbitrage.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[57] DÉCLINE juridiction à l’égard du point numéro 1, infiltration d’eau via la toiture, de la décision de l’administrateur de la garantie du 19 septembre 2006.
[58] Rejette la demande d’arbitrage à l’égard des points numéros 2 à 9 de la décision de l’administrateur de la garantie du 19 septembre 2006.
[59] MAINTIENT les décisions prises à l’égard des points numéros 2 à 9 de la décision de l’administrateur de la garantie du 19 septembre 2006.
[60] LE TOUT avec les frais de l’arbitrage à la charge des bénéficiaires conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
(S) Robert Masson
Me ROBERT MASSON, ing., C. Arb.
Date de l’audience : 3 février 2009
Fin du délibéré : 13 février 2009
Teymour Sharifi
Personnellement et pour les bénéficiaires - demandeurs;
Me Yves Papineau, avocat
Me Karl DeGrandpré, avocat
Papineau et associés, avocats
Pour l’entrepreneur - défenderesse
Me François Laplante, avocat
Savoie Fournier, avocats
Pour l’administrateur de la garantie - défenderesse
[1] Les Habitations Sylvain Ménard Inc. c. Gilles Lebire, es qualités d'arbitre, et al., 500-17-034723-075 (C.S.), Mémoire de l'intervenant Le Procureur général du Québec, p. 5.
[2] Michel Gariépy c. Construction J. Thériault Inc. et al., dossier soréconi 050407001, Me Marcel Chartier, arb., 19 mai 2005 ; Pierre Fleurant c. 9054-4851 Québec Inc. et al., dossier soréconi 060403001, Claude Mérineau, arb., 18 septembre 2006.
[3] Syndicat de copropriété du 4570-4572 de Bréboeuf Inc. c. Construction Précellence Inc. et al., dossier soréconi 050512002, Alcide Fournier, arb., 5 septembre 2005 ; Abderrahim Moustaine & Rajaa El-Houma c. Brunelle entrepreneur Inc., dossier soréconi 070424001, Me Jean Philippe Ewart, arb., 9 mai 2008 ; Syndicat de copropriété 7000 Chemin Chambly c. Landry & Pépin Construction Inc. et al., dossier soréconi 080424001, Me Michel A. Jeanniot, arb., 23 octobre 2008.
[4] Hasmik Takhmizdjian et Jack Bardakjian c. Soréconi et al., J.E. 2003-1461 (C.S.)
[5] Ibid. note 2.
[6] Ibid. note 2, par. 33, 34 et 35.
[7] Syndicat des copropriétaires «La Seigneurie Laprairie 1933» c. Le Groupe Trigone Inc. et al., dossier gamm 2006-09-010, Claude Dupuis, ing., arb., 26 septembre 2006.