ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI)

______________________________________________________________________

 

Entre

Sandra Hermann et Daniel Paquette

Bénéficiaire

Et

Les Habitations F. Gaudreault Inc.

Entrepreneur

Et

LA GARANTIE DES MAISONS NEUVES DE l’APCHQ Inc.

Administrateur mis en cause

 

 

No dossier Garantie :

029357

No dossier SORECONI :

060714001

 

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

______________________________________________________________________

 

Arbitre :

Alcide Fournier

 

 

Pour les bénéficiaires :

Me Gilles Brazeau

 

 

Pour l’entrepreneur :

M. François Gaudreault

 

 

Pour l’administrateur :

Me Luc Séguin

 

Date(s) d’audience :

3 novembre 2006

 

 

Lieu d’audience :

Montréal

 

 

Date de la décision :

1er décembre  2006

______________________________________________________________________

 

 

 


Identification des parties :

 

 

 

 

 

 

 

Bénéficiaires :

 

Daniel Paquette

Sandra Hermann

10, rue des Dinars

Blainville, Qc

J7C 5R3

 

 

 

 

 

 

 

Entrepreneur :

 

Les Habitations F. Gaudreault Inc.

1320, chemin Côte Terrebonne

Terrebonne, Qc

J6Y 1G6

 

 

 

 

 

 

 

Administrateur :

 

La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ Inc.

5930, boul. Louis-H. Lafontaine

Anjou, Qc

H1M 1S7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mandat :  L’arbitre a reçu son mandat de Soreconi le 17 août 2006.

 

 

 

 

 

 

Historique du dossier :

 

 

 

 

19 février 2002 :                   Contrat de garantie

 

18 juin 2002 :                        Liste d’éléments à vérifier

 

21 juin 2002 :                        Réception du bâtiment

 

30 mai 2003 :                       Avis de fin des travaux

 

23 novembre 2005 : Rapport d’expertise des laboratoires de la Montérégie

 

7 février 2006 :                     Lettre  de Mes Brazeau, Grégoire et Cliche

 

14 mars 2006 :                     Demande de réclamation

 

16 mars 2006 :                     Réponse de l’entrepreneur

 

21 avril & 4 mai 2006 :        Lettre de Mes Brazeau, Grégoire & Cliche adressée à l’administrateur

 

1er juin 2006 :                        Inspection du bâtiment

 

13 juin 2006 :                        Décision de l’administrateur

 

14 juillet 2006 :                     Demande d’arbitrage

 

17 août 2006 :                      Nomination d’un arbitre

 

21 septembre 2006 :           Convocation des parties

 

3 novembre 2006 :               Audience

 

 


[1]        À la visite des lieux et à l’audience sont présentes les personnes suivantes :

 

 

-          M. Daniel Paquette et son procureur, Me Gilles Brazeau

-          M. François Gaudreault, entrepreneur

-          M. Alain Deschênes et Me Luc  Séguin, de l’administrateur de la Garantie

 

 

[2]        Un seul point est en litige et lors de la brève visite des lieux, l’arbitre soussigné a pu constater la situation.

 

 

[3]        Durant l’audience, le procureur du bénéficiaire dépose 11 photographies prises le 9 novembre 2005 et montrant le bassin de captation situé au sous-sol.

 

 

[4]        Par ailleurs, concernant le rapport des Laboratoires de la Montérégie du 23 novembre 2005, le procureur de l’administrateur admet que l’auteur du rapport dirait la même chose que ce qui est contenu au rapport s’il avait à témoigner à la présente audience.

 

 

[5]        Les bénéficiaires ont acquis de Les Habitations F. Gaudreault Inc. leur résidence située au 10, rue Dinars à Blainville le 21 juin 2002.

 

 

[6]        La liste d’éléments à vérifier et la réception du bâtiment ont été signées le 21 juin 2002.

 

 

[7]        Dans l’avis de fin des travaux datés du 30 mai 2003, l’entrepreneur informe l’administrateur que tous les travaux relatifs à la résidence du bénéficiaire sont terminés depuis le 8 juillet 2002.

 

 

[8]        Dans son témoignage, M. Paquette affirme que dans les premiers mois d’occupation, une senteur forte de dégageait du bac de captation après une forte pluie.

 

 

[9]        Informé de cette situation par le bénéficiaire, l’entrepreneur est venu une première fois pour nettoyer le bassin de captation au mois de juillet ou août 2002 selon les souvenirs du bénéficiaire.

 

 

[10]     À la fin de l’été, l’entrepreneur est intervenu une deuxième fois pour installer une pompe submersible et sceller le bassin de captation.

 

 

[11]     Dans son témoignage, l’entrepreneur affirme avoir utilisé de la paille lors du coulage des semelles et des fondations de la résidence, pour éviter le gel.

 

 

[12]     Selon lui, le pourrissement des résidus de paille emprisonnés sous le béton a pu causer ces odeurs nauséabondes.

 

 

[13]     En novembre 2005, à la suite du visionnement d’une émission de télévision portant sur l’ocre ferreux, le bénéficiaire décide d’ouvrir le bassin de captation et découvre la présence d’une pâte rougeâtre dans l’eau qui s’y trouve.

 

 

[14]     Le 9 novembre 2005, le bénéficiaire procède au nettoyage du bassin de captation et prend des photos, avant, pendant et après le nettoyage.

 

 

[15]     Durant la même période, il prend un échantillon d’eau qu’il fait analyser par les Laboratoires de la Montérégie.

 

 

[16]     Ce dernier a lui-même confié l’échantillon d’eau à Bodycote Essai matériaux Canada Inc., un autre laboratoire qui confirme la présence d’ocre ferreux.

 

 

[17]     Le 23 novembre 2005, le Laboratoire de la Montérégie écrit :

 

 

« Le résultat d’analyse indique une concentration de 2400NPP par 100 mi d’échantillon. La présence de bactéries de type Naumanmiella a été observée dans l’échantillon. Ces dernières sont des bactéries du fer associées au colmatage de drain par l’ocre ferreux. »

 

 

[18]     Après avoir pris connaissance de ce rapport, l'entrepreneur a excavé le drain français à l’arrière gauche de la maison, a procédé à une inspection  par caméra et nettoyé sous pression le drain, a installé deux cheminées de nettoyage et a remplacé la pompe  submersible dans le bassin de captation.

 

 

[19]     À la fin de son témoignage, le bénéficiaire précise que conformément à la recommandation de l'entrepreneur, il a procédé avec le  « backwash » de la piscine, au nettoyage périodique du drain français.

 

 

[20]     Il précise également qu’en novembre 2005, il n’a pas constaté d’odeurs nauséabondes, ni autres problèmes tels qu’infiltrations d’eau au sous-sol.

 

 

[21]     Par contre, il a constaté lors de l’excavation faite par l’entrepreneur, que la semelle des murs de fondation baignait dans l’eau.

 

 

[22]     Finalement, il affirme que la valeur de revente de sa maison sera affectée par la présence  d’ocre ferreux et en fera diminuer la valeur.

 

 

[23]     Dans son témoignage, M. Gaudreault affirme agir dans la région comme entrepreneur depuis 19 ans et y construit environ 20 maisons par année.

 

 

[24]     Il sait que dans la région de Blainville, le niveau supérieur de la nappe phréatique est élevé et il s’assure que le drain est bien installé.

 

 

[25]     Le drain installé dans le présent dossier est constitué d’un tuyau perforé recouvert d’une membrane et est conforme aux pratiques en vigueur en 2002.

 

 

[26]     L’entrepreneur affirme qu'en 2006, il est plutôt recommandé de poser un tuyau perforé sans membrane et que la dite membrane est installée à l’extérieur de la pierre concassée placée autour du drain.

 

 

[27]     Il affirme que lors de l’inspection du drain avec une caméra, il a pu constater que le drain n’était pas écrasé, qu’une certaine quantité de dépôt sédimentaire était présente, ce qui est normal.

 

 

[28]     À sa connaissance, le drain n’était pas colmaté à aucun endroit.

 

 

[29]     Interrogé par le procureur des bénéficiaires, l'entrepreneur affirme avoir installé des cheminée de nettoyage afin de ne plus avoir à creuser s’il devient nécessaire de nettoyer le drain ou de procéder à un entretien  régulier du drain.

 

 

[30]     À ce propos, il déclare qu’une firme spécialisée en ce domaine recommande de nettoyer les drains une fois par an à l’aide du cycle « backwash » du filtre de la piscine.

 

 

[31]     Interrogé par son procureur, M. Deschêne, le représentant de la Garantie, affirme qu’il a eu l’opportunité d’étudier le phénomène de l’ocre ferreux avec les plus grands spécialistes actuels dans ce domaine au Canada.

 

 

[32]     Selon lui, le phénomène d’ocre ferreux est relativement récent et existe dans plusieurs régions du Québec.

 

 

[33]     Ce phénomène se produit lorsqu’une bactérie contenue dans le sol est mise en contact avec de l’eau et de l’oxygène; il se forme alors un dépôt visqueux communément appelé ocre ferreux.  

 

 

[34]     Il note d’abord que la réclamation des bénéficiaires a été présentée dans la 4è année de la garantie et pour être couverte par celle-ci, le désordre doit avoir la gravité d’un vice majeur au sens du code civil.

 

 

[35]     Or, selon lui, le désordre dont de plaignent  les bénéficiaires n’atteint pas ce niveau de gravité et par conséquent, n’est pas couvert par la garantie.   

 

 

[36]     De plus, même si un dépôt d’ocre ferreux a été découvert dans le bac de captation, il n’est pas prouvé qu’un tel dépôt se retrouve dans le tuyau du drain.

 

 

[37]     Il note également que dans le présent litige, les bénéficiaires n’ont pas déclaré d’autres désordres tel qu’une infiltration d'eau ou inondation du sous-sol.

 

 

[39]     Finalement, selon lui, il est normal que des sédiments se déposent au fond du bassin de captation, et dans le présent litige, l’eau ferrugineuse étant en contact avec l’oxygène, il est normal que de la rouille ou ocre ferreux se dépose au fond de ce bassin.

 

 

 

Le droit

 

 

[40]     Le règlement prévoit à l’article 10 :

 

10.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

 

  1°    le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

  2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

  3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

 

  4°    la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

 

  5°    la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

 

 

D. 841-98, a. 10; D. 39-2006, a. 1.

 

 

 

Analyse de la preuve et décision

 

 

[41]     Devant un tribunal, le demandeur doit établir le bien-fondé de sa demande; en d’autres termes, il a le fardeau de prouver qu’il a raison.

 

 

[42]     Dans le présent litige, les bénéficiaires craignent qu’éventuellement le drain autour des murs de fondation soit obstrué par l’ocre ferreux et que des dommages surviennent à ce moment à leur résidence.

 

 

[43]     Suite à l’analyse d’un échantillon d’eau prélevé dans le bassin de captation les « Laboratoires de la Montérégie » concluait à la présence de bactéries du fer associées au colmatage de drain par l’ocre ferreux.

 

 

[44]     Ce même laboratoire ajoute dans ses conclusions : «  La réalisation d’une inspection  visuelle par caméra permettant de valider l’état du drain de fondation ».

 

 

[45]     À la suite de ce rapport, l’entrepreneur a réalisé une inspection visuelle par caméra du drain installé autour de la résidence des bénéficiaires.

 

 

[46]     À l’audience, l’entrepreneur a affirmé que cette inspection a démontré que le drain n’était pas écrasé ni obstrué.

 

 

[47]     Le bénéficiaire était présent lors de l’inspection du drain par caméra et a pu voir l’ensemble de l’intérieur du drain sur un écran relié à la caméra.

 

 

[48]     À l’audience, le bénéficiaire n’a pas contredit les propos de l’entrepreneur, affirmant que le drain n’était pas obstrué.

 

 

[49]     La preuve prépondérante révèle donc que malgré la présence d’ocre ferreux dans la bassin de captation, le drain au pourtour de la maison n’est pas obstrué.

 

 

[50]     Au soutien de son argumentation, le procureur des bénéficiaires a produit deux décisions : Douillard  c. Les Entreprises Robert Bourgoin Ltée et La Garantie Qualité Habitation, Soreconi, 18 décembre 2005, Me Marcel Chartier et Hubert & Raymond c. Construction  Réjean D’Astou et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Soreconi, 11 novembre 2005, Me Marcel Chartier.

 

 

[51]     Dans les 2 décisions, l’arbitre écrit :

 

«  La Causa Causans ( cause causante), soit la cause déterminante génératrice du dommage, i.e. sans laquelle le dommage n’aurait pu se produire, c’est la nappe phréatique plus élevée que la dalle de béton.

 

La Causa Proxima, la cause immédiate des dommages, c’est l’infiltration d’eau.  »

 

 

[52]     Dans le présent litige, la preuve démontre qu’aucune infiltration d’eau  ne s’est produite au sous-sol de la maison des bénéficiaires.

 

 

[53]     Quant au niveau de la nappe phréatique, aucune preuve  n’a été faite à l’effet qu’elle serait plus haute que la dalle de béton du plancher du sous-sol.

 

 

[54]     Au contraire, en examinant le bassin de captation à la visite des lieux ou à l’aide des photographies déposées par les bénéficiaires, l’on peut constater que le niveau d’eau dans ledit bassin se trouve à au moins un pied plus bas que la dalle de béton.

 

 

[55]     La preuve prépondérante démontre que du printemps 2002 à l’automne 2006, la maison des bénéficiaires n’a subi aucun dommage relié à la présence d’ocre ferreux dans le bassin de captation.

 

 

[56]     Pour réussir dans leur démarche de se prémunir contre une éventualité, les bénéficiaires auraient dû établir que la seule conclusion possible, l’issue inéluctable, est le colmatage du drain.

 

 

[57]     Or, la preuve prépondérante et les faits démontrent que les éléments prérequis pour que la situation se reproduise n’ont pas été établis, entre autres la présence d’ocre ferreux dans le drain, le niveau élevé de la nappe phréatique.

 

 

[58]     Le procureur de l’administrateur a déposé une jurisprudence (voir liste en annexe) qui établit qu’un arbitre ne peut fonder sa décision  sur une hypothèse ou une appréhension, comme dans le présent litige.

 

 

[59]     Selon ce procureur, la demande du bénéficiaire  doit être rejetée puisque aucune preuve de dommages actuels n’a été faite.

 

 

[60]     Quant aux frais d’arbitrage, le règlement prévoit que l’arbitre doit partager les frais entre les parties quelque soit l’issue du litige (article 123).

 

 

[61]     L’arbitre soussigné estime que le règlement sur le plan de garantie peut être assimilé aux autres règlements pour la protection des consommateurs et que les frais encourus par le bénéficiaire pour en appeler de la décision de l’administrateur doivent être du même ordre que les frais judiciaires prévus pour l’inscription d’une réclamation à la Division des petites créances de la Chambre civile de la Cour du Québec.

 

 

[62]     Après analyse de la preuve, l’arbitre soussigné :

 

-estime que les bénéficiaires ne se sont pas acquittés du fardeau de la preuve qui leur incombe,

 

-rejette la demande d’arbitrage,

 

-condamne les bénéficiaires à payer 86. $ à titre de frais d’arbitrage,

 

-condamne l’administrateur à payer la balance des frais d’arbitrage.

 

 

Alcide Fournier

Arbitre

Liste des décisions déposées par l’administrateur

 

 

 

 

  1. Lapenna  et  Geca  c.  Les Constructions Mondi inc.  et   La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., Soreconi,  21 décembre 2005, Marcel Chartier;

 

 

 

  1. Dominguez  et  Arranz  c.  Construction André Taillon inc.  et  La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.,  Soreconi,  6 mars 2006, Alcide Fournier;

 

 

 

  1. Rochart  c. La Maison Bond inc.  et  La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.,  Soreconi,   28 février 2006,   Alcide Fournier;

 

 

 

  1. Jorge  et  Centis  c.  Les Constructions Naslin inc. et  La Garantie des bâtiments  résidentiels neufs de l’APCHQ inc.,  Soreconi,  15 mars 2006,

Me Michel A. Jeanniot;

 

 

 

  1. Roll  et  Goodman  c.  Groupe Maltais (97) inc.  et  La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.,  Soreconi,  6 juin 2006,  

Me Michel A. Jeanniot.