ARBITRAGE
EN VERTU DURÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIES DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS(c. B-1.1, r. 8)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du Bâtiment du Québec :
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)
ENTRE : Madame Valérie HAMELIN
(ci-après la « Bénéficiaire »)
ET : GROUPE SYLVAIN FARAND INC.
(ci-après l’« Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.
(ci-après l’« Administrateur »)
Nº dossier CCAC : S13-121002-NP
Nº dossier du Plan de Garantie : 198489-1
Nº dossier de l’arbitre : ARB-3706
SENTENCE ARBITRALE
RENDUE SUR REQUÊTE EN EXCEPTION DÉCLINATOIRE
Arbitre : Me Jean Robert LeBlanc
Pour le Bénéficiaire : Madame Valérie Hamelin
Pour l’Entrepreneur : Madame Sylvie Poirier
Pour l’Administrateur : Me Patrick Marcoux (Marcoux Avocats)
Date d’audience : 27 mars 2014
Date de la décision : 26 avril 2014
IDENTIFICATION DES PARTIES
Bénéficiaire : Madame Valérie Hamelin
[…] Vaudreuil-Dorion, QC […]
Entrepreneur : Groupe Sylvain Farand Inc.
64, boulevard Harwood
Bureau 100
Vaudreuil-Dorion, QC J7V 1X3
Administrateur : La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.
5930, boulevard Louis-H. Lafontaine
Anjou, QC H1M 1S7
Et son procureur :
Me Patrick Marcoux
Marcoux Avocats
DÉCISION
Mandat :
L’arbitre a reçu son mandat duCCAC le 13décembre 2013.
Valeur en litige :
Entre 3 000 et 7 000$
Chronologie du dossier :
8 avril 2011 : Signature du contrat préliminaire et du contrat de garantie (ci-après la « Garantie »);
15 juillet 2011 : Réception du bâtiment par la Bénéficiaire;
7 octobre 2011 : Signature de l’Acte de vente notarié;
1er février 2013 : Lettre de dénonciation de la Bénéficiaire à l’Entrepreneur avec copie à l’Administrateur;
11 septembre 2013 : Inspection du bâtiment par Madame Anne Delage pour l’Administrateur;
2 décembre 2013 : Décision de l’Administrateur;
10 décembre 2013 : Demande d’arbitrage par la Bénéficiaire;
13 décembre 2013 : Nomination de l’arbitre;
29 janvier 2014 : Transmission par l’Administrateur (par messager) à l’arbitre du cahier de pièces;
11 mars 2014 : Tenue de la Conférence préparatoire par téléphone.
L’Administrateur formule une objection préliminaire en exception déclinatoire pour tardivité de la réclamation de la Bénéficiaire en vertu de la Garantie. L’objection étant fondée sur le fait que le délai de dénonciation des malfaçons, des vices cachés ou des vices majeurs excède le délai raisonnable de six (6) mois de leur découverte ou survenance ou, en cas de vices ou de pertes graduels, de leur première manifestation.
Lors de cette conférence téléphonique, la Bénéficiaire allègue avoir transmis par courriel à l’Administrateur le, ou vers le 5 janvier 2012 une dénonciation écrite relative aux défectuosités des planchers de sa résidence. Toutefois, elle ne possède plus, ni de copie papier ni de copie électronique dudit courriel l’ayant supprimé du système de courrier électronique qu’elle utilise. Elle s’engage à tenter d’en récupérer copie électronique auprès de Hotmail et ce, dans les prochains jours.
Le procureur de l’Administrateur déclare que l’Administrateur n’a, à sa connaissance, aucun exemplaire ni trace de l’existence d’un tel courriel. L’Administrateur reconnaît que la preuve de l’existence d’un tel courriel, pourrait l’amener à modifier sa position. L’arbitre informe les Parties que selon le résultat des démarches de la Bénéficiaire, il agira et prendra les décisions qui s’imposeront dans les circonstances et invite les Parties à lui faire leurs commentaires à cet égard.
Considérant le motif invoqué dans la décision de l’Administrateur, l’objection préliminaire en exception déclinatoire qui en découle, l’absence pour le moment d’une expertise professionnelle sur les défectuosités alléguées et le coût d’une telle expertise pour la Bénéficiaire, les Parties ont accepté que l’audience du 27 mars 2014 ne porte que sur la Requête en exception déclinatoire de l’Administrateur et l’arbitre en a pris acte;
15 mars 2014 : La Bénéficiaire confirme par courriel à l’arbitre qu’elle est incapable de récupérer ou de faire récupérer une copie électronique du courriel de dénonciation daté du 5 janvier 2012.
20 mars 2014 : Le Tribunal arbitral rend une Décision interlocutoire ordonnant à l’Administrateur de déposer en preuve lors de l’audience sur sa Requête en exception déclinatoire laquelle sera entendue le 27 mars prochain, toute correspondance (échange de courriels, lettres, accusé de réception, demande de payer les frais d’ouverture de dossier ou autre) entre la Bénéficiaire et l’Administrateur qui pourrait soutenir ou infirmer la position de la Bénéficiaire à l’effet qu’elle aurait dénoncé par écrit (notamment par courriel) les problèmes relatifs aux planchers de sa résidence en date du, ou vers le 5 janvier 2012;
27 mars 2014 : Audition de la Requête en exception déclinatoire au CENTRE COMMUNAUTAIRE de Vaudreuil-sur-le-Lac.
26 avril 2014 : Décision arbitrale.
APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PROCÉDURES, ENTENDU LA PREUVE TESTIMONIALE, EXAMINÉ LA PREUVE DOCUMENTAIRE AINSI QU’ÉCOUTÉ LES ARGUMENTS DES PARTIES, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE REND LA DÉCISION SUIVANTE SUR UNE OBJECTION PRÉLIMINAIRE DE L’ADMINISTRATEUR QUANT À LA RECEVABILITÉ DE LA RÉCLAMATION DE LA BÉNÉFICIAIRE:
[1] Il s’agitd’un arbitrage en vertu du Règlement sur le plan de garanties des bâtiments résidentiels neufs[1](ci-après le « Règlement ») demandé par la Bénéficiaire qui conteste une décision rendue le 2 décembre 2013 par l’Administrateur en vertu duditRèglement. Aucune objection préliminaire n’ayant été soulevée sur sa compétence, le Tribunal arbitral se déclare compétent à trancher le présent arbitrage.
[2] Cependant, une objection préliminaire en exception déclinatoire a été déposée par l’Administrateur qui soutient que la réclamation de la Bénéficiaire est irrecevable et que l’arbitre ne doit pas l’entendre et rejeter la demande d’arbitrage parce que la dénonciation par écrit des malfaçons, des vices cachés ou des vices majeurs a été faite dans un délai qui excède le délai raisonnable établi par le législateur lequel ne peut excéder six (6) mois depuis leur découverte ou survenance ou, en cas de vices ou de pertes graduels, de leur première manifestation.
[3] À la suite d’une entente entre les Parties à cet effet lors de la Conférence téléphonique préparatoire du 11 mars 2014 et dont l’arbitre a pris acte, l’audience du 27 mars 2014 portait uniquement sur l’objection préliminaire en irrecevabilité de la réclamation de la Bénéficiaire. La seule question qui doit être tranchée par le Tribunal arbitral est donc celle de la recevabilité de la réclamation.
[4] Le Tribunal arbitral doit donc déterminer si la Bénéficiaire a présenté sa demande écrite de réclamation à l’Administrateur à l’intérieur du délai raisonnable de six (6) mois de la découverte du problème et ce, conformément aux dispositions du Règlement.
Les faits
[5] La preuve révèle notamment que la Bénéficiaire et monsieur Alexandre Ward ont signé le contrat préliminaire et le contrat de garantie le 8 avril 2011.Toutefois, c’est la Bénéficiaire seule qui a signé la Déclaration de réception du bâtiment, le 15 juillet 2011.
[6] En effet, le 29 avril 2011, par annexe de modifications (# MO 27972) à la Promesse d’achat intervenue par l’intermédiaire d’un Courtier immobilier,monsieur Ward a cédé et transféré tous ses droits et intérêts dans la propriété à la Bénéficiaire.
[7] Dès le mois d’août 2011, la Bénéficiaire constate que les planchers de sa résidence qui sont du type flottant, gonflent. Elle s’en plaint à l’Entrepreneur qui initialement tente de remplacer partiellement les planchers, constate une différence de lustre et convient finalement de remplacertous les planchers par un produit de qualité supérieure à celle installée à l’origine. L’Installation des nouveaux planchers est prévue pour la mi-septembre 2011.
[8] Lors de l’installation des nouveaux planchers,même si l’installateur et le représentant du fournisseur des planchers sont en désaccord sur certains aspects techniques, les planchers sont installés.
[9] Les planchers qui font l’objet de la réclamation de la Bénéficiaire sont donc ceux de modèle Colorado # 77204 Snow Massdistribués parla compagnie Goodfellow, fournis par Matériaux Coupal et installés chez la Bénéficiaire le 15 ou le 16 septembre 2011 par un certain monsieur Robillard.
[10] Toutefois ces nouveaux planchers bougent. En effet, la preuve révèle que dès la mi-octobre 2011 des écarts entre les planches apparaissent, s’agrandissent progressivement et atteignent en certains endroits un (1) centimètre et à d’autres endroits de la résidence jusqu’à deux (2) et même deux centimètres et demi (2½).
[11] La Bénéficiaire se plaint de cette situation à l’Entrepreneur qui change quelques planches. Toutefois, quelques jours plus tard le mouvement des planches reprend et de nouveaux écarts se créent entre elles.
[12] À l’audience, la représentante de l’Entrepreneur attribue ces mouvementsde planches et les écarts créés entre elles à un taux d’humidité trop élevé dans la résidence de la Bénéficiaire et au fait qu’il s’agit de planchers « flottants » dont les planches ont environ 3 pieds de long et 3 ou 4 pouces de large pour lesquelles il faut prévoir lors de l’installation, un certain jeuen prévision de l’expansion des matériaux.
[13] Pendant les mois qui suivent, la Bénéficiaire continue de revendiquer la correction de la situation auprès de la responsable du service après-vente de l’Entrepreneur mais sans résultats concrets.
[14] Selon le témoignage non contredit de la Bénéficiaire et soutenu par un courriel transmis le 5 janvier 2012 par la Bénéficiaire à la représentante du service après-vente, madame Sylvie Poirier, elle retient la suggestion de cette dernière de faire une réclamation à l’APCHQ en vertu de la Garantie.
[15] La Bénéficiaire témoigne à l’effet que ce même jour elle a communiqué avec le service des réclamations de l’Administrateur, leur a transmis un courriel le, ou vers le 5 janvier 2012,tel qu’exigépour obtenir le formulaire de demande de réclamation qu’elle a reçu rapidement maisqu’elle a complété uniquement le, ou vers le 22 février 2012.Cependant, elle ne l’a jamais transmis à l’Administrateur croyant sa réclamation peu crédible parce qu’elle avait complété le formulaire à la main.
[16] Or, la Bénéficiaire a répété au Tribunal arbitral lors de l’audience ce qu’elle avait déclaré pendant la conférence préparatoire relativement au courriel transmis à l’Administrateur le, ou vers le 5 janvier 2012, c’est-à-dire qu’elle avait supprimé définitivement de son système de courrier électronique (Hotmail) leditcourriel ne le croyant plus utile après la demande de réclamation faite à l’Administrateur, le 1er février 2013.
[17] Selon son témoignage non contredit, il est impossible de récupérer un courriel supprimé définitivement sur le système de courrier électronique de Hotmail privant ainsi la Bénéficiaire d’un élément de preuve très important.
[18] Conformément à la décision interlocutoire du Tribunal arbitral rendue le 20 mars 2014, l’Administrateur lui soumet lors de l’audience une copie d’échanges de communications électroniques entre le procureur de l’Administrateur et une agente administrative du Service de la conciliation qui établit que l’Administrateur n’a en dossier aucune dénonciation provenant de la Bénéficiaire au sujet des problèmes relatifs aux planchers de sa résidence qui soit préalable à celle de février 2013.[2]
[19] Une ultime vérification faite par téléphone par le procureur de l’Administrateur auprès d’une personne du Service à la clientèle de l’Administrateur le jour de l’audience confirme l’absence d’une dénonciation ainsi que l’absence d’autres documents provenant de la Bénéficiaire au sujet des problèmes relatifs aux planchers de sa résidence en début de l’année 2012.
[20] Par ailleurs, en février 2012, l’Entrepreneur propose à la Bénéficiaire de faire exécuter certaines réparations et de changer des planches du plancherpar d’autres installateurs que l’Entrepreneur considère « neutres ». Vers le 5 mars 2012, la Bénéficiaire refuse cette solutionet toute modification à ses planchers par ces installateurs car à son avis ils ne sont pas « neutres ».
[21] La preuve révèle que c’est le 29 janvier 2013 que la Bénéficiaire s’adresse par téléphone à l’Administrateur pour entamer une démarche de demande de réclamation en vertu de la Garantie.
[22] La Bénéficiaire témoigne à l’effet que la personne du Service à la clientèle qui lui a répondu refuse de lui ouvrir un dossier car elle considère sa demande de réclamation hors délai mais, après discussion, fini par accepter d’agir car il y avait un dossier d’ouvert. Elle demande ensuite à la Bénéficiaire de transmettre un courriel à l’Administrateur pour se faire transmettre un formulaire de demande de réclamation.
[23] La Bénéficiaire procède tel que demandé et transmet à l’Administrateur sa demande de réclamation ainsi que le montant des frais requis le tout étant reçu par l’Administrateur le 1er février 2013.
[24] La représentante de l’Entrepreneur témoigne à l’effet qu’elle a alors reçu un avis de l’Administrateur l’informant de la réclamation de la Bénéficiaire en vertu du contrat de Garantie.
[25] Elle communique alors pour la dernière fois avec la Bénéficiaire pour lui proposer de réparer les planchers mais ce, sans lui promettre qu’elle sera pleinementsatisfaite.
[26] La démarche de réclamation s’engage, l’inspection des planchers a lieu le 11 septembre 2013, la décision de l’Administrateur est émise le 2 décembre 2013 et le recours à l’arbitrage est déposé le 10 décembre 2012.
Les arguments des Parties
[27] En plus de plaider sa bonne foi et sa sincérité, la Bénéficiaire plaide avoir droit aux bénéfices de la Garantie parce qu’elle a fait une première demande de réclamation à l’Administrateur par écrit conformément au Règlement en temps opportun soit, en janvier 2012 mais reconnaît être incapable d’en fournir la preuvedocumentaire et que le Tribunal arbitral doit retenir son témoignage à cet effet.
[28] L’Entrepreneur rappelle au Tribunal qu’il a reçu l’avis règlementaire de l’Administrateur dans les jours qui ont suivis la dénonciation de la Bénéficiaire datée du 1er février 2013 mais qu’il n’a pas reçu un tel avis relativement aux planchers de la résidence de la Bénéficiaire en début d’année 2012 à l’époque où la Bénéficiaire allègue avoir fait une première dénonciation écrite.
[29] L’Administrateur soutient que le fardeau de prouver qu’elle avait dénoncé par écrit les problèmes des planchers de sa résidence dans le délai raisonnableétabli par le législateur,lequel ne doit pas excéder six (6) mois de la découvertedesdits problèmes, incombait à la Bénéficiaire en vertu de l’article 2804 du Code civil du Québec, fardeau dont elle ne s’est pas déchargée.
« 2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. »[3]
[30] L’Administrateur ne conteste pas que la Bénéficiaire ait pu communiquer avec son Service à la clientèle durant l’hiver 2012 toutefois, une communication téléphonique n’emporte pas dénonciation écrite.
[31] L’Administrateur ajoute que la Bénéficiaire, dans un courriel adressé à l’Entrepreneur le 19 février 2012, lui demande de lui ouvrir un dossier avec l’Administrateur.
« […] Faites quelques choses ou ouvre moi un dossier apchq. (sic) »[4]
[32] Il précise au Tribunal arbitral que si la Bénéficiaire avait déjà ouvert un dossier de réclamation auprès de l’Administrateur en janvier 2012, il était donc devenu totalement inutile de demander à l’Entrepreneur d’en ouvrir un pour elle, le 19 février suivant.
[33] L’Administrateur plaide que la preuve démontre que la prépondérance des probabilités milite en faveur de l’inexistence d’une dénonciation écrite de la Bénéficiaire le, ou vers le 5 janvier 2012.
[34] L’Administrateur plaide également que la dénonciation écrite de la Bénéficiaire au sujet des planchers qu’elle prétend défectueux a été faite quinze (15) mois après la découverte de la situation soit, le 1er février 2013.L’Administrateur reconnaissant comme point départ du calcul du délai raisonnable règlementaire, le mois d’octobre 2011 et non pas le mois d’août 2011,étant donné que le plancher entier a été changé en septembre précédent.
[35] Selon le Règlement, la dénonciation écrite doit être faite à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans un délai raisonnable qui ne peut excéder six (6) mois de la découverte du vice ou de la malfaçon.
[36] L’Administrateur plaide que la dénonciation est donc tardive puisqu’elle a été reçue le 1er février 2013et en conséquence la demande d’arbitrage doit être rejetée.
[37] Au soutien de sa position, l’Administrateur invoque plusieurs décisions arbitrales qui font jurisprudence en reconnaissant que le Règlement et le Contrat de garantie des maisons neuves exigent que la dénonciation écrite soit faite à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans un délai raisonnable qui ne peut excéder six (6) mois de la découverte du vice ou de la malfaçon et que ce délai de rigueur, emporte déchéance, ne s’interrompt pas, ne se suspend pas et ne se proroge pas et ce, même pour des motifs d’équité.[5]
L’analyse et la décision
[38] Après avoir pris connaissance des procédures, entendu la preuve testimoniale, examiné la preuve documentaire, entendu les arguments des Parties, examiné le droit et la jurisprudence qui sont applicables et sur le tout délibéré.
[39] Le Tribunal croit en la bonne foi et la sincérité de la Bénéficiaire quia témoigné à l’effet qu’elle avait transmis à l’Administrateur une dénonciation écrite relative aux défectuosités des planchers de sa résidence le, ou vers le 5 janvier 2012.
[40] Mais en l’absence de toute preuve documentaire corroborative, autant de la part de la Bénéficiaire qu’en provenance de l’Administrateur auquel le Tribunal arbitral avait même ordonné de déposer en preuve lors de l’audience toute correspondance (échange de courriels, lettres, accusé de réception, demande de payer les frais d’ouverture de dossier ou autre) entre la Bénéficiaire et l’Administrateur qui pourrait soutenir ou infirmer la position de la Bénéficiaire à l’effet qu’elle aurait dénoncé par écrit (notamment par courriel) les problèmes relatifs aux planchers de sa résidence en date du, ou vers le 5 janvier 2012, le Tribunal arbitral conclut quela Bénéficiairene s’est pas déchargée de son fardeau de preuveet que l’inexistence d’une dénonciation écrite conforme au Règlement en date du, ou vers le 5 janvier 2012 est plus probable que son existence.
[41] En conséquence, la prépondérance de preuve amène donc le Tribunal arbitral à retenir la date du 1er février 2013 comme étant la premièredate à laquelle l’Administrateur a reçu la dénonciation écrite de la Bénéficiaire tel que le Règlement l’exige.
[42] La dénonciation écrite de la Bénéficiaire, relativement aux défectuosités des planchers de sa résidence déjà constatés en octobre 2011, a donc été faite environ quinze (15) mois plus tard.
[43] Le Tribunal arbitral étant tenu de trancher le litigeconformément au droit et à la jurisprudence qui sont applicables.Il doit tenir compte des dispositions pertinentes du Règlement[6] qui le prévoient et de la jurisprudence arbitrale majoritaire et constante depuis plusieurs années qui reconnaît que le Règlement et le Contrat de garantie des maisons neuves exigent que la dénonciation écrite soit faite à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans un délai raisonnable qui ne peut excéder six (6) mois de la découverte du vice ou de la malfaçon, pour décider du sort de la Requête de l’Administrateur. [7]
[44] Le silence de la Bénéficiaire entre octobre 2011, époque où elle découvre de nouveau des espacements entre les planches des planchers de sa résidence, et février 2013 lui est fatal puisque sa Demande de réclamation écrite relativement aux problèmes des planchers de sa résidence est soumise à l’Administrateur dans un délai qui excède six (6) mois de sa découverte.
[45] Comme le délai raisonnable de six (6) mois établi par le législateur est un délai de déchéance, qui ne s’interrompt pas, qui ne se suspend pas et qui ne se proroge pas et ce, même pour des motifs d’équité, la Bénéficiaire est déchue de son droit de recours à l’égard des problèmes des planchers de sa résidence dans le cadre de la Garantie. Son droit est éteint dès que la période est expirée tel que le souligne Me Ewart [8]dans une décision arbitrale de mai 2008.
[46] La Bénéficiaire n’a pas respecté ce délai de rigueur et elle est malheureusement victime de sa propre inaction. Dura lex, sed lex[9].
[47] En conséquence, le Tribunal arbitral doit accueillir l’objection préliminaire en exception déclinatoire de l’Administrateur quant à la recevabilité de la réclamation de la Bénéficiaire, rejeter la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire et maintenir la décision de l’Administrateur.
[48] Quant aux coûts de l’arbitrage, étant donné que la Bénéficiaire n’a obtenu gain de causesur aucun aspect de sa réclamation, l'article 123 alinéa 2 du Règlement[10]s’applique et l’arbitre devrait départager les coûts de l’arbitrage entre la Bénéficiaire et l’Administrateur.
[49] Toutefois, dans les présentes circonstances qui sont déjà assez pénibles pour la Bénéficiaire, l’Administrateur, lors de sa plaidoirie, a offert de payer tous les frais de l’arbitrage et ce, malgré la disposition du Règlement mentionnée plus haut. Ce dont le Tribunal arbitral tient compte.
[50] Le Tribunal rappelle aux Parties que l’arbitre désigné est autorisé par la Régie du bâtiment du Québec à trancher tout différend découlant des plans de Garantie existant en vertu du Règlement que sa décision lie les Parties et qu’elle est finale et sans appel.
[51] Enfin, le Tribunal souligne que la présente décision arbitrale est rendue uniquement et strictement dans le cadre de l’application du Règlement et qu’en conséquence elle est sans préjudice et sous toutes réserves des droits d’une Partie d’intenter tout recours approprié devant les tribunaux civils ayant compétence, sujet bien entendu, aux règles de droit commun et de prescription civile, le cas échéant.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE la Requête en exception déclinatoire de l’Administrateurquant à la recevabilité de la réclamation de la Bénéficiaire;
REJETTE la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire;
MAINTIENT la décision de l’Administrateur rendue le 2 décembre 2013;
PREND ACTEde l’offre de l’Administrateur de payertous les frais du présent arbitrage;
CONDAMNEdonc l’Administrateur aux entiers frais et dépensdu présent arbitrage;
LE TOUT sans préjudice et sous toutes réserves des droits de la Bénéficiaire d’intenter tout recours approprié devant les tribunaux civils.
Longueuil, le 26 avril 2014
(s) Jean Robert LeBlanc
__________________________
Me Jean Robert LeBlanc
Arbitre / CCAC
[1]Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, L.R.Q. c. B-1.1, r. 8.
[2]Pièce A-6
[3]Code civil du Québec, L.R.Q. c. C-1991, art. 2804
[4]Pièce A-3 page 18/25
[5]Danesh c. Solico et al., SORECONI, 07082100, rendue le 5 mai 2008, par Me Jean Philippe Ewart, par. 64.
Carrier c. Construction Paul Dargis Inc. et al., CCAC, S09-061001-NP, rendue le 9 avril 2010, par Me Reynald Poulin, par. 72 à 75.
Giroux et al. c. Construction David Perreault Inc. et al., SORECONI,131206001, rendue le 21 novembre 2013 par Me Jean Robert LeBlanc, arbitre, par. 74 et 76.
[6] Supra, note 1, art. 10 3o
[7] Supra, note 5
[8]Supra, note 5, Décision Danesh c. Solico et al.
[9] La loi est dure, mais c’est la loi.
[10]Supra, note 1, art. 123 alinéa 2.