ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec: SORECONI
ENTRE : 9267-1056 QUÉBEC INC.
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : FRANCIS GAMACHE et line émond
(ci-après les « Bénéficiaires »)
ET : LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier SORECONI : 190507002
DÉCISION
Arbitre : Me Jacinthe Savoie
Pour les Bénéficiaires : Monsieur Francis Gamache
Madame Line Émond
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Denis Filiatreault
Pour l’Administrateur : Me Éric Provençal
Dates de l’audition : 3 décembre 2019
Date de la Décision : 29 mai 2020
Identification complète des parties
Entrepreneur: 9267-1056 Québec inc.
Monsieur Denis Filiatreault
230, rue Jacques
Drummondville (Québec) J2A 3J6
Bénéficiaires : Monsieur Francis Gamache
Madame Line Émond
[...]
Drumondville (Québec) [...]
Administrateur : La Garantie Construction Résidentielle
4101, rue Molson. 3e étage
Montréal (Québec) H1Y 3L1
Et son procureur :
Me Éric Provençal
Mandat
L’Arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 26 juillet 2019.
Historique du dossier
05-07-2019 Réception de la demande d’arbitrage par le greffe de SORECONI
23-08-2019 Réception de la confirmation du paiement de la provision pour frais
29-08-2019 Transmission du cahier de pièces de l’Administrateur (A-1 à A-14)
27-09-2019 Conférence téléphonique tenant lieu et place de conférence préparatoire
01-10-2019 Émission du procès-verbal de la conférence du 27 septembre 2019 comprenant l’avis de convocation pour enquête et audition
03-12-2019 Visite des lieux
03-12-2019 Enquête et audition au Best Western Hotel Universel à Drummondville
03-12-2019 Transmission d’un courriel des Bénéficiaires accompagné de l’Annexe A du contrat de construction
03-12-2019 Transmission d’un courriel de L’Entrepreneur qui admet la validité dudit Annexe A
29-05-2020 Décision
Admissions
[1] Il s’agit d’une maison non détenue en copropriété divise et située au [...] à Drummonville (Bâtiment).
[2] Le formulaire d’inspection préréception a été signé par les parties le 1er juillet 2018, sans réserve.
[3] En date du 4 décembre 2018, une inspectrice de la ville de Drummondville effectuait une visite d’inspection du Bâtiment.
[4] Le 10 décembre 2018, cette inspectrice écrivait aux Bénéficiaires afin d’exiger que certains travaux soient complétés dans les meilleurs délais, le tout pour respecter les normes minimales de la règlementation en vigueur. L’exigence visait notamment l’installation d’une ventilation mécanique avec sortie extérieure pour la hotte de la cuisinière.
[5] Le 14 décembre 2018, les Bénéficiaires transmettaient une copie de la lettre de la ville à l’Entrepreneur.
[6] Le 25 février 2019, les Bénéficiaires transmettaient une demande de réclamation auprès de l’Administrateur.
[7] Le 4 juin 2019, l’Administrateur émettait une décision (Décision), laquelle accueillait le point 4 intitulé « installation de la ventilation mécanique - hotte de la cuisinière », de la façon suivante:
«Les bénéficiaires dénoncent l’absence d’un conduit de ventilation mécanique à l’intérieur du mur de la cuisine muni d’une sortie extérieure pour la hotte de la cuisinière, situation qu’ils ont constatée lors de la réception d’un avis de la ville de Drummondville leur indiquant que cet élément ne répondait pas aux normes minimales de la réglementation en vigueur.
Les bénéficiaires précisent qu’initialement, au contrat signé entre les parties, il était prévu que les travaux relatifs à la cuisine soient pris en charge par le sous-traitant de l’entrepreneur, mais qu’après réflexion et dans le but de limiter les dépenses, ces derniers ont pris l’initiative d’acheter les armoires directement chez le fournisseur Réno Dépôt et ils précisent que seule la hotte de cuisinière était à leur charge.
Ces derniers mentionnent également que le réaménagement de la cuisine n’a jamais été mis en doute, mais uniquement l’achat des armoires.
Les bénéficiaires nous informent que le plan initial démontrait un aménagement de la cuisine identique à celui fourni à Réno Dépôt pour soumission, mais également à celui en place après l’installation des cabinets de cuisine.
Ils mentionnent au surplus que l’électricien, au moment des travaux d’électricité au stade des travaux de charpente, a procédé sans contrainte à l’installation de la prise électrique destinée à l’utilisation de la cuisinière au bon endroit.
L’entrepreneur mentionne pour sa part que la coordination des travaux de ventilation était compliquée en raison de l’implication d’un autre fournisseur d’armoires et de modifications présumées du plan initial. L’entrepreneur aurait donc convenu sur place avec les bénéficiaires que le conduit d’extraction de la hotte serait installé par eux et qu’il se déchargeait de ces travaux.
L’inspection des lieux et l’analyse du rapport de la ville de Drummondville nous ont permis de constater l’absence d’un conduit de ventilation mécanique muni d’une sortie extérieure à l’endroit de la hotte de cuisinière, situation sans aucun doute non conforme aux normes en vigueur.
Notre visite nous a également permis de constater que les cabinets d’armoire de cuisine proviennent en effet du fournisseur Réno Dépôt mais que l’aménagement de la cuisine est demeuré identique à celui illustré sur les plans d’aménagement initiaux.
L’analyse du dossier nous a permis de comprendre que la hotte de cuisinière était en effet sous la responsabilité des bénéficiaires,[…]
L’administrateur, à l’égard de la prétendue entente entre les parties au moment de l’installation des cabinets de cuisine, à savoir que l’entrepreneur se déchargeait des travaux d’installation du conduit d’évaluation de la hotte de la cuisinière, considère que l’entrepreneur ne peut se soustraire à ce type de travaux en raison de l’exigence prévue au CNB 2010 en vigueur.
L’administrateur considère également que les bénéficiaires ne peuvent être tenus responsables de la situation dénoncée considérant qu’ils ne sont pas des professionnels dans le domaine et qu’à ce moment, ils avaient entièrement confiance en l’entrepreneur.
De plus, l’administrateur considère que l’entrepreneur ne peut verbalement exclure, lors de l’installation des cabinets d’armoire de cuisine, des travaux qui auraient dû être en place au préalable dans la cloison adjacente à l’emplacement de la cuisinière, lequel emplacement était pourtant évident pour l‘électricien lors des travaux d’électricité.
La lecture du devis nous a également permis de remarquer que seule la hotte de cuisinière était exclue comme tel du contrat.
Dans les circonstances, l’administrateur est d’avis que la situation dénoncée doit faire l’objet de correctifs.
L’entrepreneur étant le professionnel, a la responsabilité de privilégier la méthode corrective la plus appropriée et efficiente pour corriger la situation.»
[8] Le 5 juillet 2019, l’Entrepreneur portait le point 4 de la Décision en arbitrage pour les raisons suivantes :
[8.1] Les Bénéficiaires ont retiré du contrat de l’Entrepreneur l’installation du conduit de ventilation de la hotte de la cuisinière ayant prévu avec lui qu’ils se gardaient la responsabilité de l’installer;
[8.2] L’absence du conduit était apparente pour les Bénéficiaires et n’a pas été dénoncée par écrit à l’Entrepreneur au jour de la réception du Bâtiment.
[9] Toutes les pièces produites au dossier ont été admises par l’ensemble des parties.
Visite des lieux et audition
[10] Une visite des lieux et une audition ont eu lieu le 3 décembre 2019.
[11] Étaient présents lors de l’audition:
Pour les Bénéficiaires : Monsieur Francis Gamache
Madame Line Émond
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Denis Filiatreault, représentant de l’Entrepreneur
Monsieur Mathieu Carrier, employé
Monsieur Michael Drouin, employé
Pour l’Administrateur : Madame Marie-Pier Bédard, conciliatrice décisionnaire
Me Éric Provençal
[12] Tant les Bénéficiaires que l’Entrepreneur ont témoigné sur leurs relations contractuelles et sur les litiges les ayant opposés tout au long de cette affaire. L’audition a démontré la mésentente entre ces parties et leur animosité réciproque. Toutefois, le Tribunal ne traitera que de la question en litige, soit le point 4 de la Décision.
Position de l’Entrepreneur
Denis Filiatreault
[13] Il ressort du témoignage de monsieur Filiatreault que :
[13.1] Le contrat préliminaire a été convenu le 16 avril 2018. En conséquence, tout ce qui a été fait au préalable aurait dû être mis à la poubelle, y compris l’Annexe A signée le 22 mars 2018. Cette Annexe prévoyait notamment que la ventilation de la sortie de la hotte de la cuisinière était incluse alors que la hotte elle-même était exclue;
[13.2] Par la suite, il a affirmé que cette partie de la ventilation était comprise dans le contrat de construction;
[13.3] Les murs de gypse de la cuisine étaient fermés le 1er juin 2018. Cette fermeture n’a pas de conséquence sur la ventilation de la hotte de la cuisinière puisque cette dernière passe par le plafond. Il y a deux façons de faire, soit une par les murs et l’autre par le plafond, qui est la plus facile;
[13.4] Les Bénéficiaires ont décidé de s’occuper eux-mêmes des armoires de cuisine. Ils ont acheté les caissons chez Réno Dépôt et ont embauché un tiers pour procéder à leur installation;
[13.5] Puisque les Bénéficiaires n’arrivaient pas à se décider quant au plan des armoires, il était impossible pour l’Entrepreneur d’installer le conduit de ventilation mécanique raccordé à la hotte de la cuisinière. En effet, il ne connaissait pas l’emplacement exact de ladite cuisinière;
[13.6] En conséquence, lors d’une rencontre tenue à la fin du mois de juin 2018, il a été convenu entre monsieur Filiatreault et les Bénéficiaires, que ces derniers seraient responsables de cet aspect de la ventilation. Deux employés de l’Entrepreneur étaient présents lors de la rencontre mais n’ont pas activement participé à la discussion;
[13.7] Il admet que le plan de cuisine d’origine et celui de Réno Dépôt étaient le même, et ce, à l’exception de l’ajout d’un îlot. Toutefois, les Bénéficiaires regardaient « l’option de placer les trucs ailleurs ». Ce n’est que beaucoup plus tard, qu’ils ont décidé de faire le plan tel quel;
[13.8] Il affirme qu’il était impossible pour l’électricien de savoir où installer la prise de la cuisinière. Il ne sait pas : 1) comment l’électricien a pu l’installer 2) quand la prise a été installée entre le 1er et le 28 juin 2018 et 3) si le fil électrique a été enroulé ou non dans le mur ou le plafond avant l’installation de la prise;
[13.9] En réponse à une question, il indique qu’aucun crédit n’a été appliqué pour cette exclusion;
[13.10] Les Bénéficiaires ont aménagé dans le bâtiment une semaine avant le 1er juillet 2018, soit pendant l’installation des armoires;
[13.11] Il a laissé le formulaire d’inspection préréception aux Bénéficiaires une journée avant la signature du formulaire qui a eu lieu le 1er juillet 2018. Il est allé chercher le document le lendemain.
Mathieu Carrier
[14] Le témoignage de monsieur Carrier, surintendant au sein de l’Entrepreneur, se résume ainsi :
[14.1] Il a signé une lettre le 30 avril 2019 qui précisait notamment : « Étant donné que les armoires de cuisine n’étaient pas prêtes à installer et que le client en était encore au positionnement des caissons, il était impossible d’installer la ventilation de la hotte. Il a été convenu que le client le ferait lui-même. Nous avons même fourni des conseils à savoir comment faire l’installation. »;
[14.2] Donc, il était présent lors de la rencontre tenue à la fin du mois de juin 2018 mais ne peut préciser qui était là exactement, à l’exception du Bénéficiaire et de monsieur Filiatreault;
[14.3] Il a aidé les Bénéficiaires à installer la hotte et a inversé le moteur du ventilateur;
[14.4] Selon lui, le plan de la maison a changé comme par exemple l’emplacement des prises électriques. Par la suite, il affirme qu’il ne sait pas si le plan a été modifié. Il termine en confirmant que ce qui a été installé ressemble au plan original;
[14.5] Il admet que l’emplacement de la cuisinière est le même mais que les mesures n’étaient pas définies. Il ajoute que les Bénéficiaires ne savaient pas quelle sorte de hotte allait être installée;
[14.6] En conséquence, il a suggéré l’installation de la hotte de la manière la plus simple possible soit sans tuyau de ventilation.
Michael Drouin
[15] Monsieur Drouin affirme, d’entrée de jeu, qu’il n’a pas une très bonne mémoire.
[16] Il explique qu’il a signé la même lettre du 30 avril 2019 que monsieur Carrier. Toutefois, il précise qu’il devait travailler lors de la rencontre. Il ne sait pas s’il était présent ou s’il a entendu quelqu’un rapporter les propos tenus lors de cette rencontre. Il n’a pas l’impression d’avoir participer à la discussion.
[17] De plus, il ne se rappelle pas si, au moment de la rencontre, il y avait un plan pour la cuisine. Toutefois, il imagine que la cuisinière est au même endroit sur le plan d’origine et le plan de planification de Réno Dépôt. Mais ajoute qu’un changement d’un pied peut faire toute la différence.
[18] Il termine en disant qu’il ne sait pas pourquoi il parle du positionnement de la cuisinière alors que tous en arrive à la conclusion qu’elle a toujours été au même endroit.
Position des Bénéficiaires
Line Émond
[19] Madame Émond explique que le seul changement fait au plan original de la cuisine est l’enlèvement du comptoir pour le remplacer par un îlot. Le reste n’a jamais été modifié entre le plan original et l’installation des caissons d’armoires.
[20] Elle ne comprend pas pourquoi la ventilation de la hotte de la cuisinière n’a pas été installée puisque la disposition de la cuisinière n’a jamais changé.
[21] Madame Émond indique qu’elle ne connaît rien à la ventilation.
[22] En ce qui a trait à la réception du Bâtiment, elle précise que les Bénéficiaires n’ont pas fait « le tour » du Bâtiment avec l’Entrepreneur. Le formulaire d’inspection préréception était déjà complété lorsqu’il leur a été présenté et la signature est intervenue chez l’Entrepreneur. Elle ajoute qu’elle avait confiance en monsieur Filiatreault.
[23] Lorsque l’Entrepreneur lui demande si c’est possible que le formulaire ait été signé sur la table de cuisine des Bénéficiaires après avoir eu le formulaire en mains 24 heures au préalable, elle répond qu’elle ne le sait pas.
[24] Elle précise que les armoires ont été installées le 24 juin 2018. Quant à la hotte de la cuisinière, elle a été mise en place entre le 24 juin et le 1er juillet 2018 avec l’aide de monsieur Carrier.
[25] Elle a appris qu’il manquait un conduit de ventilation se raccordant à la hotte de la cuisinière par le biais de la représentante de la ville de Drummondville en décembre 2018.
Francis Gamache
[26] Monsieur Gamache explique qu’il a signé le Formulaire d’inspection préréception sans prendre le temps de consulter le document. En effet, monsieur Filiatreault lui avait dit qu’il n’avait rien à craindre, que tout serait fait à son entière satisfaction et qu’il s’agissait d’une procédure purement administrative.
[27] Les Bénéficiaires ont aménagé dans le Bâtiment le 1er juillet 2018.
[28] Ce n’est que lorsque la représentante de la ville de Drummondville a souligné les non-conformités à la réglementation qu’il a su qu’il manquait un conduit de ventilation. Il ajoute que, dans la mesure où il en aurait eu connaissance au moment de la réception, il n’aurait jamais accepté cette situation et n’aurait pas effectué le dernier versement à l’Entrepreneur en date du 13 juillet 2018.
[29] Il souhaitait que la ventilation soit insérée dans les murs.
[30] Il affirme n’avoir jamais discuté avec monsieur Filiatreault de la ventilation de la hotte de la cuisinière. De plus, monsieur Filiatreault était rarement sur les lieux pendant la construction.
Position de l’Administrateur
Marie-Pier Bédard
[31] L’Administrateur fait entendre madame Bédard, conciliatrice décisionnaire dans la présente affaire.
[32] En résumé, cette dernière explique :
[32.1] Lors de la visite des lieux le 25 avril 2019, elle a été en mesure de confirmer qu’il n’y avait pas de conduit de ventilation de la hotte qui sortait à l’extérieur, et ce, contrairement aux exigences du Code national du bâtiment et de la municipalité de Drummondville;
[32.2] Il appert que l’emplacement de la cuisinière sur le plan initial, sur le plan de Réno Dépôt et l’emplacement réel sont le même;
[32.3] Elle ne peut expliquer pourquoi l’électricien avait suffisamment d’informations pour installer la prise de la cuisinière alors que ce n’était pas possible pour le positionnement de la ventilation de la hotte de cette même cuisinière;
[32.4] La ventilation de la hotte était comprise dans le contrat, tel qu’il appert de l’Annexe A. D’ailleurs, lors de la rencontre avec monsieur Filiatreault, ce dernier n’a jamais mentionné que l’Annexe A ne s’appliquait pas. De plus, elle considère une exclusion à un contrat uniquement si cette exclusion est convenue par écrit.
Sommaire de l’argumentation de l’Entrepreneur
[33] Monsieur Filiatreault réitère que l’Entrepreneur a fait la preuve de l’entente verbale quant à l’exclusion de la ventilation de la hotte de la cuisinière.
[34] Il rappelle que l’Entrepreneur tient à satisfaire ses clients et corrige rapidement les défauts soulevés par ces derniers. De plus, il fait état de « ses largesses » dans cette affaire.
[35] Il souligne l’intention malhonnête des Bénéficiaires et qu’il ne « portera pas le chapeau » cette fois-ci.
Sommaire de l’argumentation des Bénéficiaires
[36] Monsieur Gamache indique que monsieur Filiatreault les a intimidé et leur a manqué de respect. Depuis l’inspection du Bâtiment par la représentante de la ville de Drummondville, ils n’ont reçu que des menaces de la part de monsieur Filiatreault.
[37] Monsieur Gamache souligne qu’il appert clairement de l’Annexe A que la ventilation de la hotte de la cuisinière était comprise dans le contrat préliminaire.
Sommaire de l’argumentation de l’Administrateur
[38] Me Provençal rappelle qu’il y a deux versions divergentes quant à la ventilation de la hotte de la cuisinière : une écrite et l’autre verbale. Selon lui, il faut donner plus d’importance à l’écrit, soit l’Annexe A.
[39] Monsieur Filiatreault n’a jamais mentionné l’Annexe A ni à madame Bédard ni dans l’historique sommaire des faits qu’il a soumis à l’Administrateur.
[40] En vertu du Code national du bâtiment 2010, il était de la responsabilité de l’Entrepreneur d’installer cette ventilation.
[41] Il réitère que l’emplacement de la cuisinière a toujours été le même, et ce, tant dans le plan initial, que lors du positionnement effectif de la cuisinière. D’ailleurs l’électricien a installé la prise électrique de la cuisinière, ce qui soutient la thèse des Bénéficiaires.
[42] C’est l’Entrepreneur qui a le fardeau de prouver le bien-fondé de sa demande d’arbitrage. Il n’a pas rempli ce fardeau de preuve. En conséquence, la demande d’arbitrage doit être rejetée.
Analyse et décision
Fardeau de la preuve
[43] Puisque l’Entrepreneur conteste le bien-fondé de la décision de l’Administrateur, le fardeau de la preuve repose sur ses épaules[1]. C’est la règle de la prépondérance des probabilités qui s’applique, soit la preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence[2].
Malfaçon
[44] La Décision visée se fonde sur l’article 10 alinéa 3 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[3] (Règlement), qui se lit comme suit :
«10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
(…)
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons».
Questions en litige
[45] Trois questions se posent dans cette affaire, à savoir :
[45.1] Est-ce que la ventilation de la hotte de la cuisinière faisait partie du contrat intervenu entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur?
[45.2] Si cette portion de la ventilation était comprise dans l’entente, l’absence de conduit doit-elle être considérée comme une malfaçon apparente?
[45.3] Si on considère l’absence de conduit comme une malfaçon apparente, la réception intervenue en date du 1er juillet 2018 est-elle valable?
Première question : Est-ce que la ventilation de la hotte de la cuisinière faisait partie du contrat intervenu entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur?
[46] Une partie de la preuve de l’Entrepreneur a été présentée par le biais du témoignage de deux de ses employés. Messieurs Carrier et Drouin ont affirmé dans leur lettre du 30 avril 2019, qu’il avait été convenu que les Bénéficiaires allaient se charger eux-mêmes du conduit de ventilation de la hotte de la cuisinière. Toutefois, lors de leurs témoignages, ils n’étaient plus aussi catégoriques. Leurs mémoires défaillantes, les nombreuses contradictions dans leurs témoignages et leurs lapsus ont amené le Tribunal à ne leur accorder aucune crédibilité quant à cet aspect du dossier.
[47] Quant à monsieur Filiatreault, le Tribunal ne l’a pas cru quand il affirme que les Bénéficiaires ont accepté de se charger de ce conduit de ventilation. Plusieurs raisons amènent à cette conclusion, notamment :
[47.1] L’Entrepreneur a mis beaucoup d’énergie pour convaincre le Tribunal que l’Annexe A, qui indique clairement que la ventilation de la hotte de la cuisinière faisait partie du contrat de construction, aurait dû être « jetée à la poubelle » et ne pouvait trouver application;
[47.2] Par la suite, l’Entrepreneur a tenté de prouver que cette partie de la ventilation a été exclue du contrat lors d’une rencontre intervenue à la fin du mois de juin 2018. Pourquoi cette exclusion si le conduit ne faisait pas partie du contrat au départ?
[47.3] Il a également a admis que le conduit était inclut dans le contrat initial. Encore une fois, les éléments présentés sont contradictoires;
[47.4] De plus, l’électricien de l’Entrepreneur a été en mesure d’installer la prise de courant au bon endroit. Monsieur Filiatreault a été incapable d’expliquer cet état de fait alors même qu’il a affirmé à plusieurs reprises qu’il était impossible de positionner le conduit de ventilation de la hotte ou la prise de courant puisque les Bénéficiaires n’avaient pas définitivement choisi l’emplacement de ladite cuisinière;
[47.5] Non seulement aucune preuve matérielle ne vient appuyer cette affirmation mais tous les plans produits et l’installation des caissons démontrent clairement que l’emplacement de la cuisinière n’a jamais été modifié;
[47.6] Selon les affirmations de monsieur Filiatreault, les Bénéficiaires auraient renoncé à des travaux convenus sans aucune contrepartie.
[48] En conséquence, l’Entrepreneur n’a pas été en mesure de démontrer l’exclusion de la ventilation de la hotte de la cuisinière au contrat de construction.
Deuxième question : Si cette portion de la ventilation était comprise dans l’entente, l’absence de conduit doit-elle être considérée comme une malfaçon apparente?
[49] Monsieur Carrier a témoigné à l’effet qu’il avait aidé les Bénéficiaires à installer la hotte de la cuisinière. Ce faisant, il a inversé le moteur du ventilateur et a fait en sorte que « la fan [sic] sorte vers nous autres avec un filtre ».
[50] Quant aux Bénéficiaires, ils affirment qu’ils n’ont appris l’absence du conduit de ventilation que lors du passage de la représentante de la ville de Drummondville. Quatre jours après la réception de la lettre de la ville détaillant les non-conformités, les Bénéficiaires ont dénoncé le problème à l’Entrepreneur.
[51] Les agissements de monsieur Carrier et le moment de la dénonciation de la problématique à l’Entrepreneur concordent avec la position des Bénéficiaires à l’effet qu’ils n’étaient pas au courant de l’absence du conduit au moment de la réception.
[52] En conséquence, l’absence de conduit de ventilation de la hotte de la cuisinière est une malfaçon existante et non apparente au moment de la réception du Bâtiment.
Troisième question : Si on considère l’absence de conduit comme une malfaçon apparente, la réception intervenue en date du 1er juillet 2018 est-elle valable?
[53] N’ayant pas considéré l’absence de conduit comme une malfaçon apparente, il n’est pas nécessaire de répondre à cette question.
Conclusions
[54] Considérant la balance des probabilités et suivant l’appréciation des faits, des témoignages et de la preuve offerte à l’audience ainsi que de la compréhension du Règlement, le Tribunal en arrive à la conclusion que la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur quant au point 4 de la décision est rejetée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETE la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur;
MAINTIENT le point 4 de la décision du 4 juin 2019 de l’Administrateur;
RÉSERVE à l’Administrateur ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur pour toute somme versée, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement;
LE TOUT avec les frais de cette décision à la charge de l’Entrepreneur et de l’Administrateur, en parts égales, conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.
Boucherville, le 29 mai 2020
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Me Jacinthe Savoie
Arbitre / Soreconi