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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
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ENTRE : |
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Lina Paola Daza Espinosa et Juan Camilo Mejia Valencia |
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(ci-après les « bénéficiaires »)
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ET : |
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3858081 Canada inc. / Les Maisons Dominus |
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(ci-après l'« entrepreneur »)
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ET : |
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La Garantie Habitation du Québec inc. |
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(ci-après l'« administrateur »)
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No dossier QH : 68147 - 8516 No dossier GAMM : 2015-16-003
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SENTENCE ARBITRALE
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Arbitre : |
M. Claude Dupuis |
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Pour les bénéficiaires : |
M. Juan Camilo Mejia Valencia |
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Pour l'entrepreneur : |
Aucun représentant |
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Pour l'administrateur : |
Me François-Olivier Godin |
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Date d’audience : |
25 août 2015 |
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Lieu d’audience : |
Beloeil |
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Date de la sentence : |
5 octobre 2015 |
[1] Il s’agit ici d’une unité d’habitation non détenue en copropriété divise, située en Montérégie.
[2] Nous sommes en présence d’une maison de ville comportant trois murs extérieurs, soit un mur de façade, un mur latéral (droit) et un mur arrière.
[3] M. Maxime Renaud Beaudoin et Mme Vanessa Leblanc ont acquis de l’entrepreneur cette propriété en 2011 et l’ont ensuite vendue aux bénéficiaires actuels en 2014.
[4] Par leur demande d’arbitrage, ces derniers, à la suite de l’apparition de défectuosités sur le revêtement extérieur, réclament le remplacement intégral de celui - ci.
[5] Les bénéficiaires actuels ont découvert ladite situation en octobre 2014, soit dans la quatrième année de la garantie, et l’ont dénoncée à l’administrateur en décembre 2014.
[6] La réponse de La Garantie Qualité Habitation à cette réclamation des bénéficiaires fut la suivante :
· Décision
N’ayant pas été dénoncé par écrit à l’entrepreneur et à La garantie Qualité-Habitation dans les 3 ans suivant la prise de possession de la résidence par le premier acheteur, nous devons nous prononcer dans le cadre d’un vice de construction au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec et pour laquelle l’article 6.4.2.5 du contrat de garantie obligatoire s’applique et dont voici l’extrait :
La réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
Or, selon ce qu’il nous a été possible de constater lors de notre inspection, ce point ne peut être considéré comme un vice de construction pouvant entraîner la perte partielle ou totale de l’unité résidentielle.
Considérant mes observations;
Considérant que la situation dénoncée ne s’apparente pas à un vice de construction;
Par conséquent, La Garantie Qualité Habitation ne peut reconnaître ce point dans le cadre de son mandat.
[7] Lors de l’audience, il a été précisé toutefois que dans ce même rapport de conciliation, l’administrateur, à l’élément 1, soit « Tourelle en façade », a accueilli cette réclamation et a ordonné le remplacement total du revêtement en façade.
[8] Conséquemment, le présent dossier ne s’appliquera, à partir de maintenant, qu’au mur latéral et au mur arrière.
[9] En cours d’enquête, les personnes suivantes ont témoigné :
− M. Mathieu Landry, T.P., expert retenu par les bénéficiaires
− M. Maxime Renaud Beaudoin, premier acheteur
− M. Juan Camilo Mejia Valencia, bénéficiaire actuel
− M. Denis Robillard, T.P., conciliateur
[10] Bien que l’entrepreneur ait été dûment convoqué, aucun représentant de ce dernier n’était présent lors de l’audience.
[11] À l’appui de leur argumentation, les bénéficiaires ont soumis la jurisprudence suivante :
− Syndicat de la copropriété Les Jardins du Parc et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, sentence arbitrale rendue le 28 janvier 2010 par Me Johanne Despatis (GAMM).
− Fatima-Zohra Tiksrail et Amar Boumassi c. Bâti-Concept Plus inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., sentence arbitrale rendue le 13 septembre 2011 par Me Roland-Yves Gagné (CCAC).
− Dufresne c. H.P. Ricard inc., 2014 QCCQ 7389.
− Alexandra Fortier et Jean-François Laporte et Administrateur de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. et Construction Réjean Lamontagne inc., sentence arbitrale rendue le 23 octobre 2006 par Me Bernard Lefebvre (GAMM).
[12] Au soutien de ses prétentions, le procureur de l’administrateur a déposé les sentences suivantes :
− Syndicat de copropriété du 670 Montée Masson, Mascouche c. Développement Magma inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., sentence arbitrale rendue le 19 décembre 2011 par Me Pierre Boulanger (CCAC).
− Syndicat de la copropriété des Habitations Henri-Deslongchamps et La Garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ et Gestion Giovanni Scalia inc., sentence arbitrale rendue le 26 décembre 2006 par Me Johanne Despatis (GAMM).
[13] Les parties ont accordé au soussigné un délai de soixante (60) jours à compter de la date d’audience pour rendre sentence dans la présente affaire.
[14] Dès la visite des lieux, le soussigné a été en mesure de constater l’état assez lamentable du revêtement extérieur sur le mur latéral et le mur arrière, soit un revêtement de bois usiné de marque St-Laurent.
[15] On peut aisément apercevoir des gonflements, des gondolements, des joints disloqués, de la détérioration de calfeutrage, des bordures de fenêtre dégradées, etc.
[16] Lors de son témoignage, M. Robillard, conciliateur, nous répète à peu près ces mêmes déficiences (gonflement de déclin, calfeutrage) et il affirme qu’il y a un manque de ventilation à la base; il ajoute de plus que cette installation ne rencontre pas les recommandations du manufacturier.
[17] Interrogé par le soussigné sur les conséquences à venir, le témoin admet que cette situation, à long terme, va causer des problèmes.
[18] Constatant la gravité de son affirmation, M. Robillard a par la suite modifié un peu son témoignage, ajoutant que « les problèmes ne sont pas immédiats, pas obligatoires, la structure n’est pas encore affectée, ça pourrait venir… »
[19] Par problème, on entend évidemment : structure affectée par l’humidité et la moisissure.
[20] L’expert retenu par les bénéficiaires, M. Mathieu Landry, constate également que dans la confection du mur latéral et du mur arrière, les recommandations du manufacturier ainsi que certaines normes du Code national du bâtiment n’ont pas été respectées.
[21] Il soumet que dans le mur latéral, il y a un manque de ventilation, et que sur le mur arrière, il y a de la fourrure, mais que la ventilation est également compromise.
[22] Il répète qu’en l’absence de solin, la ventilation est fatalement compromise.
[23] Je reproduis ci-après deux paragraphes du rapport de l’expert Landry : [pages 8 et 10]
Conséquemment, la pose des moulures sans les espacements prescrits de 3/8 po aura mené au gauchissement des moulures tout en ouvrant les pores de la fibre de bois favorisant sa dégradation prématurée ainsi que son écaillement.
[…]
Conséquemment, puisque la ventilation est compromise et que le seuil du porte-à-faux emprisonne l’humidité, une dégradation prématurée des composantes s’est produite sous forme de pourriture et de gauchissement.
[24] Toujours selon M. Landry, le manque de ventilation cause une accumulation d’humidité pouvant affecter la structure interne du bâtiment. La dégradation actuelle, anormale en regard de l’âge du bâtiment, ne s’arrêtera pas, elle va plutôt se poursuivre.
[25] Il rappelle que le mur de façade n’a pas de chambre à air, que le mur latéral et le mur arrière ont une chambre à air, mais sans ventilation.
[26] M. Landry conclut son rapport comme suit : [page 24]
● par conséquent, afin d’éviter tout dommage conséquentiel tel que la détérioration de la structure et le risque de contamination fongique affectant la qualité de l’air ambiant pouvant rendre les lieux inhabitables, nous recommandons la réfection complète du REVÊTEMENT ST-LAURENT et son système de support intégrant une ventilation avec lame d’air drainante et solinage selon les Lois, Codes et Normes en vigueur lors de la construction d’origine.
[27] Cette qualification par l’expert des bénéficiaires de l’état actuel du revêtement du mur latéral et du mur arrière du bâtiment n’est absolument pas contredite par l’administrateur. Ce dernier, pour expliquer le refus de la présente réclamation, soutient qu’il n’existe aucune preuve à l’effet que la structure interne de l’édifice soit affectée.
[28] Je cite ci-après l’article 10.5° du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs en vigueur à l’époque de la signature du contrat :
10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
[…]
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
[29] L’article 2118 du Code civil du Québec se présente comme suit :
2118. À moins qu'ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d'un vice de conception, de construction ou de réalisation de l'ouvrage, ou, encore, d'un vice du sol.
[30] Le soussigné analyse maintenant la jurisprudence déposée par les bénéficiaires.
[31] Or, on y indique qu’une perte potentielle suffit pour l’application de l’article 2118 du Code civil du Québec et que la menace de perte d’un ouvrage constitue un préjudice actuel (voir Syndicat de la copropriété Les Jardins du Parc et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, sentence arbitrale rendue le 28 janvier 2010 par Me Johanne Despatis).
[32] On y indique aussi que la perte sous 2118 C.c.Q. n’a pas à être totalement réalisée, le danger suffit (voir Fatima-Zohra Tiksrail et Amar Boumassi c. Bâti-Concept Plus inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., sentence arbitrale rendue le 13 septembre 2011 par Me Roland-Yves Gagné).
[33] Enfin, dans une sentence déposée cette fois par le procureur de l’administrateur (voir Syndicat de la copropriété des Habitations Henri-Deslongchamps et La Garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ et Gestion Giovanni Scalia inc., sentence arbitrale rendue le 26 décembre 2006 par Me Johanne Despatis), l’arbitre affirme, et je cite :
[32] […] La présence d’un danger sérieux susceptible d’entraîner une perte potentielle de l’ouvrage ouvre droit à la protection. En somme, on dira qu’il y a perte de l’ouvrage lorsqu’est démontré un vice de construction grave propre à affecter la solidité de l’ouvrage.
[34] Dans le présent dossier, il n’existe pas de preuve matérielle à l’effet que la structure ait déjà été affectée par l’humidité ou autre.
[35] Toutefois, les deux experts, soit celui des bénéficiaires ainsi que l’inspecteur conciliateur de l’administrateur, affirment que le danger potentiel existe, et ce, à cause de l’installation non conforme du revêtement, et tout particulièrement l’absence de ventilation.
[36] En effet, en ce qui a trait à ces murs extérieurs, la dégradation est constante et elle ne s’arrêtera pas.
[37] La menace de la perte d’ouvrage existe réellement et est même appuyée par le témoignage du conciliateur de La Garantie Qualité Habitation au cours de l’audience, lorsque ce dernier affirme qu’à long terme, il y aura un problème à la structure; comme souligné précédemment, la perte sous 2118 C.c.Q. n’a pas à être totalement réalisée, le danger suffit. Ce qui est exactement notre cas.
[38] Par la suite, le conciliateur a tenté de minimiser les conséquences de son affirmation; toutefois, le premier jet était plein de sincérité.
[39] Conséquemment, le tribunal, selon la preuve recueillie, considère que la situation du mur latéral et du mur arrière du bâtiment concerné répond aux exigences de l’article 2118 du Code civil du Québec.
[40] POUR CES MOTIFS, la présente réclamation des bénéficiaires est favorablement ACCUEILLIE.
[41] Le tribunal ORDONNE à l’entrepreneur de procéder, selon les règles de l’art, au remplacement intégral du revêtement extérieur du mur latéral et du mur arrière du bâtiment. Les travaux devront être complétés avant les vacances de la construction de l’année 2016.
[42] À défaut par l’entrepreneur de remplir ses obligations, le tribunal ORDONNE à l’administrateur d’y suppléer, et ce, dans le même délai.
[43] Conformément à l’article 124 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, le tribunal CONDAMNE l’administrateur à rembourser aux bénéficiaires les frais d’expertise encourus, soit un montant de MILLE SEPT CENT CINQUANTE-TROIS DOLLARS ET NEUF CENTS (1 753,09 $).
[44] Conformément à l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, le soussigné DÉCLARE que les coûts du présent arbitrage sont totalement à la charge de l’administrateur.
BOUCHERVILLE, le 5 octobre 2015.
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__________________________________ Claude Dupuis, arbitre |