CENTRE D’ARBITRAGE COMMERCIAL
NATIONAL ET INTERNATIONAL DU QUÉBEC
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
DOSSIER N°: 02-1203
MONTRÉAL, le 23ième jour de mai Deux Mil Trois.
ARBITRE : Me ROBERT MASSON, ing., arb.
Constructions Inédites Inc.
Entrepreneur - Demanderesse
c.
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.
Garantie - Défenderesse
et
Julie Fortin et Jocelyn Pépin
Bénéficiaires - Mis en cause
SENTENCE ARBITRALE
[1] Il s’agit d’un arbitrage institué en vertu de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q., c. B-1.1) et du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2) ci-après « Règlement ».
[2] Les bénéficiaires font construire une résidence neuve par l’entrepreneur. Dans la première année de la construction, un problème apparaît concernant les planchers de bois franc. Des espacements inacceptables, disent les bénéficiaires, sont apparus entre les lattes. Incapables de s’entendre avec l’entrepreneur, ils dénoncent le problème à La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. (La Garantie).
[3] L’inspecteur-conciliateur Yvan Gadbois, T. P., fait une inspection des planchers le 16 octobre 2002 et rend des décisions concernant les espacements entre les lattes des planchers le 15 novembre 2002.
[4] Non satisfait des décisions de l’inspecteur-conciliateur, l’entrepreneur demande l’arbitrage.
[5] La valeur de cette demande d’arbitrage telle qu’établie lors de l’audition se situe, selon le remède choisi, entre 3,500.00 $ et 9,500.00 $.
[6] L’arbitre soussigné a été mandaté par le Centre d’arbitrage commercial national et international du Québec (CACNIQ) conformément à son « Règlement d’arbitrage sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs » ci-après « RAPG ».
[7] De nombreux délais ont eu lieu avant la date d’audition et pour des motifs variés, savoir : retard de La Garantie à déposer au CACNIQ les provisions pour frais demandées ; congés des Fêtes de Noël et du Nouvel An 2003 ; non disponibilité des bénéficiaires durant leur période de vacances.
[8] La demande d’arbitrage a été reçue par le CACNIQ le 3 décembre 2002 et toutes les causes de délai ou de suspension étaient levées le 14 février 2003. À la demande de l’arbitre, toutes les parties ont consenti à toutes les prorogations de délais survenues dans ce dossier, ont accepté de proroger au 22 avril 2003 inclusivement le délai accordé à l’arbitre pour débuter l’audition de la demande d’arbitrage et à cet égard ont signé un consentement aux prorogations de délais.
[9] Par la même occasion, les parties ont confirmé avoir convenu ou accepté la nomination du soussigné comme arbitre. Elles ont aussi reconnu la compétence de l’arbitre soussigné pour entendre et pour trancher le différend qui les oppose. Elles ont enfin convenu que la décision de l’arbitre les liera et ont convenu de s’y conformer. Aux termes de la Loi, la sentence arbitrale est finale et sans appel (L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2).
[10] Une visite des lieux a été faite le 22 avril 2003 au 1800, rue Gilles-Lupien à Trois - Rivières, la résidence des bénéficiaires, suivie de l’audition de la demande d’arbitrage.
[11] Au début de l’audition, l’arbitre a rappelé aux parties qu’elles sont régies par les lois en vigueur dans la Province de Québec, par le Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs et par le Règlement d’arbitrage sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. Il a été convenu que les règles de preuve et les règles de procédures seraient celles du Code civil du Québec et du Code de procédure civile, assouplies pour favoriser la meilleure et toute l’administration de la preuve.
[12] Les personnes dont les noms suivent étaient présentes lors de la visite des lieux et de l’audition :
Alain Perron, président, Constructions Inédites Inc. ;
Jocelyn Pépin, bénéficiaire ;
Me François Caron, procureur de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ ;
Yvan Gadbois, T. P., inspecteur-conciliateur.
La demande d’arbitrage
[13] Le rapport d’inspection compte sept (7) points. La demande d’arbitrage indique que l’entrepreneur est en désaccord avec la décision du conciliateur sur tous les points.
Les faits
[14] La question se résume simplement. Peu après la construction de la résidence des bénéficiaires, un problème apparaît concernant les planchers de bois franc. Des espacements inacceptables disent-ils sont apparus entre les lattes.
[15] Le rapport de l’inspecteur-conciliateur se résume tout aussi simplement. Chacun des sept points de son rapport s’intitule ainsi : “Espacement aux lattes de bois du plancher ...”. Chacun des points du rapport correspond à une pièce de la résidence soit : salle à manger, passage du rez-de-chaussée, salon, passage de l’étage, chambre numéro 1, chambre numéro 2 et chambre de bébé. Suit le correctif exigé : “ l’entrepreneur devra corriger le nombre important d’ouvertures entre les planches de bois au plancher de ...” ou “l’entrepreneur devra corriger les ouvertures entre les planches de bois présentes à environ toutes les [quatre (4), cinq (5) ou dix (10)] planches au plancher de ...”.
[16] La visite des lieux a permis de constater les nombreux espacements des lattes de bois du plancher décrits au rapport de l’inspecteur dans toutes les pièces de la résidence. En plus des espacements, les bouts de certaines planches ainsi espacées ont gondolé ou se sont relevées, créant ainsi des inégalités dans le plancher qui peuvent être dangereuses.
Le litige
[17] Les bénéficiaires ne sont pas satisfaits de la qualité du travail non plus que du résultat. Ils demandent que les planchers soient tous arrachés et refaits à neuf.
[18] L’inspecteur conciliateur exige que “l’entrepreneur [corrige] les ouvertures entre les planches”.
[19] Et l’entrepreneur qui veut bien corriger les déficiences se trouve pris entre l’arbre et l’écorce. D’un côté il y a les bénéficiaires qui exigent rien de moins que la démolition et la reconstruction à neuf et de l’autre il y a l’inspecteur qui demande des corrections.
[20] Mais voilà ! Le problème vient du fait que l’inspecteur-conciliateur n’indique pas de quelle manière devront être corrigés les planchers et que l’entrepreneur ne veut pas risquer de faire un travail qui soit jugé insatisfaisant par les bénéficiaires et de devoir tout recommencer par la suite. Il demande donc des directives plus précises qui lient toutes les parties en l’instance.
[21] Lors de l’audition, l’entrepreneur a convenu que le résultat de la pose du plancher exige des corrections. Cependant, plutôt que de tout arracher et de reconstruire comme l’exigent les bénéficiaires, il préconise un travail de correction où il enlèverait quelques lattes de part et d’autre des endroits où des interstices se sont créés pour refaire le tout soigneusement et faire en sorte qu’il n’y ait plus d’espacement entre les planches. Un travail minutieux par un poseur de plancher minutieux ne laissera aucune trace.
[22] L’inspecteur-conciliateur a indiqué lors de l’audition qu’il était d’accord avec la méthode préconisée par l’entrepreneur. Il a indiqué au Tribunal d’arbitrage qu’habituellement, pour ce genre de déficience, il ne recommande pas de méthode de correction dans son rapport d’inspection pour laisser à l’entrepreneur le choix de la méthode de correction avec laquelle il est le plus à l’aise compte tenu de son expérience.
[23] Monsieur Pépin, le bénéficiaire réitère son exigence que les planchers soient refaits à neuf. Il indique cependant des inquiétudes dans le cas où la décision arbitrale irait dans le sens d’une correction des travaux : sablage et vernissage, poussière et odeurs, peinture des endroits qui auront été endommagés, période des travaux, etc..
Décision
[24] Aux termes d’un « Contrat de garantie - Étape 3 », La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. s’est portée caution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur en construction, la demanderesse en l’instance. Ce contrat, du type du contrat de cautionnement par lequel La Garantie garantit l’exécution des travaux convenus par l’entrepreneur, est à la fois un cautionnement d’exécution garantissant la complète exécution des travaux et un cautionnement contre les malfaçons garantissant la qualité des travaux exécutés.
[25] Ce contrat de cautionnement est aussi un contrat intervenu en marge d’un autre contrat. Il est un accessoire au contrat principal, le contrat de construction, fait au bénéfice d’une tierce partie, le propriétaire, qui n’y intervient pas.
[26] C’est aussi un contrat conditionnel et limitatif en ce que la caution indique explicitement dans quelles conditions s’ouvriront les garanties qu’elle offre et quelles sont ces garanties.
[27] À cet égard, il est utile de reproduire la clause suivante du contrat de garantie qui régit la présente affaire :
“3.2 Malfaçon
...
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de lAPCHQ inc. réparera les malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, malfaçons qui sont visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil du Québec et qui ont été dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte des malfaçons.”
[28] En l’espèce, la décision de l’inspecteur-conciliateur à l’effet que l’entrepreneur doive corriger le nombre important d’ouvertures entre les planches de bois au plancher ou que l’entrepreneur doive corriger les ouvertures entre les planches de bois présentes à environ toutes les quatre (4), cinq (5) ou dix (10) planches au plancher a été complété lors de l’audition par l’addition de : « en faisant faire le travail par un poseur de plancher minutieux qui enlèverait quelques lattes de part et d’autre des endroits ou des espacements sont apparus pour refaire le tout soigneusement et faire en sorte qu’il n’y ait plus d’espacements inacceptables entre les planches ».
[29] Dans la mesure où la décision de l’inspecteur-conciliateur est complétée pour éviter toute ambiguïté et que l’entrepreneur est d’accord pour effectuer ainsi les travaux de correction, l’arbitre n’a pas la juridiction d’imposer un plus grand fardeau à La Garantie qui, aux termes du paragraphe 2 de l’article 3.2 du Règlement prend seul la décision de réparer et la méthode de réparation des malfaçons.
[30] À l’audition, il a également été question que le meilleur temps pour effectuer les travaux de correction qui minimiserait les inconvénients chez chacun serait dans la période des mois de juin, juillet et août. Les parties devront donc prendre toutes les dispositions pour que le travail soit effectué durant cette période.
[31] Accessoirement aux décisions qui précèdent, le Tribunal d’arbitrage est conscient que le sablage des planchers occasionnera de la poussière et la nécessité de certaines retouches de peinture aux murs, plinthes et cadres de portes. Aussi, tout comme l’aurait fait l’inspecteur-conciliateur si ses décisions avaient été dans le sens de celles du Tribunal d’arbitrage, le Tribunal d’arbitrage ordonne à l’entrepreneur de prendre tous les moyens nécessaires pour minimiser les inconvénients dus à la poussière, de faire le ménage de la résidence à la fin des travaux de sablage et d’effectuer les retouches de peinture aux murs, aux plinthes et aux cadres de portes rendues nécessaires par les travaux de correction.
[32] Aux termes du contrat de garantie, si l’entrepreneur faisait défaut de parachever ou de corriger les travaux à exécuter, La Garantie, qui cautionne l’exécution et la qualité des travaux, devrait les faire exécuter par un autre entrepreneur et partant elle assurerait la surveillance de ces travaux. Il en va de même que ce soit l’entrepreneur ou un autre qui exécute les travaux.
[33] L’article 123 du Règlement édicte que : “Les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.” Il en sera donc ainsi.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE:
[34] MAINTIENT, en les complétant, chacune des décisions de l’inspecteur-conciliateur énoncées dans son rapport d’inspection du 15 novembre 2002.
[35] COMPLÈTE chacune des décisions de l’inspecteur-conciliateur en rajoutant à chacun des points de son rapport “en faisant faire le travail par un poseur de plancher minutieux qui enlèvera quelques lattes de part et d’autre des endroits ou des espacement sont apparus pour refaire le tout soigneusement et faire en sorte qu’il n’y ait plus d’espacements inacceptables entre les planches.”
[36] ORDONNE à l’entrepreneur d’exécuter les travaux de corrections exigés aux paragraphes 1 à 7 du rapport d’inspection de l’inspecteur-conciliateur daté du 15 novembre 2002 en ajoutant aux dit paragraphes ce qui doit être ajouté.
[37] ORDONNE que les travaux de correction soit faits durant la période des mois de juin, juillet et août 2003.
[38] ORDONNE à l’entrepreneur de prendre tous les moyens nécessaires pour minimiser les inconvénients dus à la poussière, de faire le ménage de la résidence à la fin de travaux de sablage et d’effectuer toutes les retouches de peinture aux murs, aux plinthes et aux cadres de portes rendues nécessaires par l’exécution des travaux.
[39] DÉCLARE, dans le but de ne laisser aucune question en suspend, que la surveillance des travaux de correction des déficiences appartient à La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc..
[40] RENVOIE le dossier à La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. pour qu’il soit traité conformément aux termes et conditions du « Contrat de garantie - Étape 3 ».
[41] LES FRAIS D’ARBITRAGE sont partagés à parts égales entre l’entrepreneur et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc..
(S) Robert Masson
___________________________
Me ROBERT MASSON, ing., arb.