ARBITRAGE
EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE
PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Chapitre B-1.1, r. 8)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec :
SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS (SORECONI)
ENTRE :
SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES 348 ADOLPHE-CHAPLEAU
(ci-après le « Bénéficiaire »)
ET
CONSTRUCTION POLY-CONCEPT INC.
(ci-après l’« Entrepreneur »)
ET
LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier SORECONI : 201109001
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Me Karine Poulin
Pour le Bénéficiaire : Christian Alary
Pour l’Entrepreneur : Me Valérie Lessard
Pour l’Administrateur : Me Nancy Nantel
Date de l’audience : 21 janvier 2021
Date de la décision : 22 janvier 2021
Identification complète des parties
BÉNÉFICIAIRE :
Syndicat des copropriétaires 348 Adolphe-Chapleau
a/s Christian Alary
[...]
Sainte-Anne-des-Lacs (Québec) [...]
ENTREPRENEUR :
Me Valérie Lessard
Ponce avocats
300-3030, boul. Curé-Labelle
Laval (Québec) H7P 0H9
ADMINISTRATEUR :
Me Nancy Nantel
La Garantie de Construction Résidentielle (GCR)
4101, rue Molson, 3e étage
Montréal (Québec) H1Y 3L1
ATTENDU QUE l’Administrateur a rendu une décision le 14 août 2020 dans le dossier 106437-3308;
ATTENDU QUE l’Entrepreneur conteste en arbitrage les points 1 à 18 de la décision rendue;
ATTENDU QU’une audition portant sur les points 1 et 7 uniquement était fixée au 15 décembre 2020;
ATTENDU QUE la procureure de l’Entrepreneur a informé l’arbitre soussignée le 14 décembre 2020, qu’un règlement portant sur ces deux (2) points uniquement est intervenu entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur;
ATTENDU QU’à la demande des parties, une sentence constatant le règlement et en consignant les termes a été rendue le 15 décembre 2020, ordonnant aux parties de s’y conformer;
ATTENDU QUE ledit règlement prévoit que l’Entrepreneur doit soumettre à la Ville de Bois-des-Filion (ci-après la « Ville »), avec copie aux parties, des plans et devis pour l’exécution des travaux prévus au point 7 de la décision de l’Administrateur, au plus tard le 15 janvier 2021, avec pour objectif d’avoir en main des plans et devis approuvés d’ici le 30 janvier 2021;
ATTENDU QUE l’Entrepreneur a effectivement déposé auprès de la Ville des plans et devis le 15 janvier 2021 et que les parties en ont reçu copie;
ATTENDU QUE le 20 janvier 2021, le Bénéficiaire a communiqué à Me Marwa Daher, procureure de la Ville, ainsi qu’aux autres parties et à l’arbitre, deux (2) résolutions de son conseil d’administration à l’effet qu’il refuse les plans préparés par l’architecte de l’Entrepreneur et transmis à la Ville et demande des modifications à ceux-ci;
ATTENDU QUE Me Daher a écrit aux parties de même jour pour les informer que l’analyse des plans était suspendue, vu le désaccord du Bénéficiaire, et octroyait aux parties jusqu’au 22 janvier 2021 pour qu’un dénouement positif intervienne, à défaut de quoi une procédure judiciaire serait déposée;
ATTENDU QUE l’audition de la cause relativement aux points 2 à 6 et 8 à 18 était fixée au 21 janvier 2021;
ATTENDU QUE le 20 janvier 2021, en fin de journée, la procureure de l’Entrepreneur a informé l’arbitre soussignée qu’une entente est intervenue entre l’Entrepreneur et le Bénéficiaire, réglant l’ensemble des points contestés;
ATTENDU QUE l’Administrateur n’est pas partie à l’entente intervenue;
ATTENDU QU’à la lumière de la contestation des plans par le Bénéficiaire plus tôt ce même jour, il était nécessaire de clarifier si le règlement intervenu disposait de la contestation des plans;
ATTENDU QUE l’audition a été tenue comme prévu, gérant la question de la contestation des plans et entérinant l’entente intervenue le 20 janvier 2021 de même qu’une autre conclut le 21 janvier 2021 concernant les plans contestés;
ATTENDU QU’au terme de l’audition, un (1) seul point de désaccord subsiste en lien avec les plans contestés;
ATTENDU QU’il est opportun que l’arbitre décide du seul point de désaccord pour ainsi mettre un terme au litige opposant les parties;
ATTENDU QUE les parties ont eu l’opportunité de faire valoir leur point de vue relativement au seul point non réglé;
ATTENDU QUE les parties ont demandé à l’arbitre soussignée de constater le règlement intervenu le 20 janvier 2021 dans le cadre d’une sentence et d’ordonner aux parties de s’y conformer;
ATTENDU QUE, par ailleurs, l’entente signée entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur le 20 janvier 2021 comporte une coquille, c’est-à-dire que le dernier ATTENDU devrait indiquer que l’Entrepreneur se désiste de sa demande d’arbitrage plutôt qu’un désistement bilatéral, le Bénéficiaire ne s’étant pas pourvu en arbitrage de la décision contestée;
ATTENDU QUE les parties ont demandé à l’arbitre de rectifier le dernier ATTENDU de l’entente dans le cadre de ladite sentence;
ATTENDU QUE les parties ont également demandé à l’arbitre soussignée de constater le règlement intervenu le 21 janvier 2021 entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur eu égard aux plans contestés et d’ordonner aux parties de s’y conformer;
ATTENDU QUE l’entente intervenue est confidentielle et ne saurait être divulguée, sous réserve des exceptions spécifiques qu’elle comporte à cet égard;
ATTENDU QUE les parties ont également demandé à l’arbitre que les plans sur lesquels elles se sont entendues et qui sont joints en annexe sous pli cacheté soient transmis à la procureure de la Ville, par l’arbitre;
ATTENDU QUE lesdits plans ont été transmis à Me Daher par l’arbitre à la fin de l’audition du 21 janvier 2021 et que celle-ci en a confirmé réception le même jour;
ATTENDU QUE les parties souhaitent que l’arbitre demeure saisie du dossier en cas de difficulté dans l’exécution des ententes conclues;
CONSIDÉRANT CE QUI PRÉCÈDE, IL NE RESTE PLUS QU’À DÉCIDER DU POINT SUIVANT :
Point 7 : matériau de l’issue de secours
I
LE DIFFÉREND
[1] Le différend qui oppose les parties porte sur le choix du matériau à utiliser dans la conception de l’escalier de l’issue de secours. Il s’agit du seul point non réglé et sur lequel le Tribunal doit se pencher.
II
POSITION DES PARTIES
[2] L’architecte mandaté par l’Entrepreneur recommande que l’escalier de l’issue de secours soit en acier soudé. Il représente que ce matériau est conforme et approprié pour l’escalier en question. De plus, après vérification, l’architecte informe les parties et le Tribunal que selon les informations préliminaires recueillies, il semblerait que le coût de l’aluminium soit près du double de celui de l’acier soudé. C’est donc de l’acier soudé que l’Entrepreneur souhaite utiliser.
[3] Quant au Bénéficiaire, il demande que l’escalier soit en aluminium. Il soutient que l’acier soudé requiert un entretien régulier, contrairement à l’aluminium. De fait, il expose que s’il avait acheté l’immeuble sur plan (c’est-à-dire, avant sa construction), qu’il aurait exigé de l’aluminium. C’est d’ailleurs ce qu’il a demandé et obtenu pour l’autre immeuble qu’il possède, soit celui situé au 370, boul. Adolphe-Chapleau. Selon lui, le fabricant de l’escalier du 370 lui a affirmé que le coût de l’aluminium est similaire à celui de l’acier soudé.
[4] Il émet l’opinion comme quoi l’Entrepreneur est de mauvaise foi depuis le début du dossier.
III
LES ARGUMENTS AU SOUTIEN
[5] La procureure de l’Entrepreneur soumet au Tribunal que son client a le choix de la méthode corrective et que son obligation est de fournir un escalier conforme. Or, le matériau recommandé par l’architecte rencontre les normes en vigueur. Il n’existe aucun motif pour exiger de l’Entrepreneur qu’il installe autre chose, d’autant plus que ce qu’il propose est conforme.
[6] Elle rappelle que l’Entrepreneur a construit un immeuble qui est conforme aux plans et devis soumis à la Ville de Bois-des-Filion et approuvés par elle. Si une erreur a été commise, elle ne provient pas de l’Entrepreneur, mais plutôt de la Ville qui a approuvé des plans non conformes.
[7] De plus, en sus du permis émis par la Ville, l’Entrepreneur possédait également une lettre d’un professionnel qui affirmait que les plans étaient conformes à la règlementation en vigueur.
[8] Elle conclut donc qu’il n’est pas ici question de mauvaise foi de sa part, ni de tentative d’échapper à ses obligations comme le prétend le Bénéficiaire.
[9] Quant à l’Administrateur, il est représenté par Me Nantel. Cette dernière abonde dans le sens de sa collègue en ce qui concerne les obligations légales de l’Entrepreneur en vertu du plan de garantie. Pourvu que la solution apportée soit conforme à la règlementation en vigueur, la méthode corrective lui appartient. Par ailleurs, conformément aux enseignements de la Cour d’appel, ce dernier n’a pas à fournir la meilleure solution, mais seulement une solution conforme[1].
[10] D’ailleurs, Me Nantel souligne le fait que le Bénéficiaire a acheté et payé un immeuble qui ne possédait pas d’issue de secours. Bien que l’Entrepreneur ait l’obligation de livrer un immeuble conforme et qu’il est normal que ce soit à lui qu’incombe le coût de le rendre comme tel, il n’en demeure pas moins que le prix payé par le Bénéficiaire lors de l’acquisition reflète les coûts engagés par l’Entrepreneur, en tenant compte d’une marge de profit. Elle prétend donc qu’un enrichissement est ici fourni au Bénéficiaire, sans frais additionnels.
[11] D’ailleurs, si le Bénéficiaire avait acheté l’immeuble « sur plan » et avait exigé de l’aluminium, le prix de vente aurait été en conséquence.
[12] En réplique, le Bénéficiaire soutient qu’il ne voit aucune raison pour laquelle il devrait accepter le matériau le plus cheap et qui de surcroit l’obligera à un entretien régulier, soit de peinturer l’escalier régulièrement lorsque de la rouille apparaîtra. Il réitère qu’il a exigé de l’aluminium pour le 370. Il n’existe aucune raison de croire, selon lui, qu’il aurait accepté autre chose pour le 348.
[13] Le Bénéficiaire fait valoir au Tribunal le temps consacré au dossier, tant en préparation de l’audition que depuis les deux (2) dernières années avec la Ville ainsi que les inconvénients liés à la réception d’une mise en demeure.
[14] En réponse à une question du Tribunal, il affirme qu’il pourrait accepter un certain partage des coûts advenant que l’aluminium soit plus dispendieux que l’acier soudé.
[15] Me Lessard, pour sa part, n’a pas mandat de conclure une entente quant à un éventuel partage de coût vu l’écart de prix substantiel entre les matériaux.
IV
ANALYSE ET DÉCISION
[16] Après avoir entendu les parties, le Tribunal décide comme suit.
[17] Le Tribunal est sensible aux arguments avancés par le Bénéficiaire et comprend sa frustration. Il est évident qu’il souhaite ce qu’il y a de mieux et le Tribunal le croit lorsqu’il affirme qu’il aurait exigé des escaliers en aluminium s’il avait acheté l’immeuble « sur plan ». Il est également facile d’imaginer que peinturer des escaliers en colimaçon sur trois (3) paliers de hauteur n’a rien de réjouissant.
[18] D’un autre côté, l’Entrepreneur a construit un immeuble sur la foi de plans qu’il croyait conformes à la règlementation en vigueur. De plus, sa marge bénéficiaire au moment de la vente tenait compte de son coûtant. Cependant, il se retrouve aujourd’hui à devoir faire une mise aux normes dudit immeuble, sans pour autant pouvoir exiger la contrepartie correspondante qui aurait été facturée au Bénéficiaire en d’autres temps.
[19] Face aux intérêts divergents, le Tribunal doit trancher l’objet du litige conformément aux règles de droit.
[20] Rien dans la preuve soumise ne démontre que la solution proposée par l’Entrepreneur ne soit pas conforme et adéquate. Il est également juste et équitable qu’il en soit ainsi vu l’absence de mauvaise foi de l’Entrepreneur et le fait qu’une fois ajouté l’escalier, il en résultera un enrichissement pour le Bénéficiaire et cet enrichissement n’est pas reflété dans le prix de vente payé. Si le Bénéficiaire souhaite un escalier en aluminium, il pourra conclure une entente avec l’Entrepreneur selon laquelle il assumera les coûts supplémentaires. Il devra toutefois aviser l’Entrepreneur avant que l’escalier ne soit commandé.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE
PREND ACTE du règlement confidentiel intervenu entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur le 20 janvier 2021, lequel est joint sous pli cacheté en annexe de la présente sentence pour en faire partie intégrante;
RECTIFIE le dernier ATTENDU du document faisant état du règlement intervenu le 20 janvier 2021 afin qu’il se lise comme suit :
« ATTENDU QU’en contrepartie de la présente Entente, l’Entrepreneur se désiste de sa demande d’arbitrage; »
ORDONNE aux parties de s’y conformer;
PREND ACTE du règlement confidentiel intervenu entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur le 21 janvier 2021, les termes et conditions dudit règlement ayant été convenus séance tenante entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur et ceux-ci sont rédigés par l’arbitre dans une annexe jointe à la présente sentence afin d’en préserver la confidentialité tout en faisant partie intégrante de la présente sentence;
ORDONNE aux parties de s’y conformer;
PREND ACTE de l’acceptation du Bénéficiaire des plans annexés à la présente sentence et qui en font partie intégrante;
PREND ACTE de l’engagement de l’Entrepreneur à fournir à la Ville de Bois-des-Filion tout document manquant sur demande et dans les délais impartis, l’objectif étant toujours d’avoir des plans approuvés d’ici le 30 janvier 2021;
DÉCLARE que l’Entrepreneur pourra fournir au Bénéficiaire des escaliers en acier soudé, à moins d’une entente contraire entre les parties;
DÉCLARE que la décision rendue dans le présent dossier le 15 décembre 2020 demeure applicable et n’est pas modifiée par la présente sentence;
PREND ACTE de l’exécution par l’Entrepreneur de son engagement relatif au point 1 en conformité de la décision rendue le 15 décembre 2020;
RETIENT juridiction dans le présent dossier;
LE TOUT aux frais de l’Administrateur et de l’Entrepreneur, en parts égales, conformément à l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
RÉSERVE à l’Administrateur ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur et/ou caution, pour toute somme versée, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.
Montréal, le 22 janvier 2021
Me Karine Poulin, arbitre