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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

SORECONI

Dossiers nos :

SORECONI: 060124001; 060124002; 060124003; 060124004; 060124005; 060124006; 060124007; 060124008; 060124009; 060124010; 060124011; 060124012; 060124013.

APCHQ : 05-029-1; 05-029-2; 05-029-3; 05-029-4; 05-029-5; 05-029-6;
05-029-7; 05-029-8; 05- 029-9; 05-029-10; 05-029-11; 05-029-12; 05-029-13.

 

 

ENTRE :

3984583 CANADA INC. (JOBIKO CONSTRUCTION)

                                                                                           (ci-après l’entrepreneur»)

ET :

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ

                                                                                                     (ci-après l’administrateur)

ET :

LINA AL-KARKHI ET RICHARD LABRÈCHE; CÉLINE LONG ET PIERRE GAÉTAN MICHON; PIERRE DORION; NATHALIE RHÉAUME;
MARC LAFLEUR; CARMEN DAGENAIS ET JACQUES PICHETTE;
DANIEL BLOUIN; ANDRÉE-SUZANNE ISABELLE;
AGATHE MURRAY; SYLVIE LONGTIN; ROSELINE GALIPEAU

                                              (ci-après les bénéficiaires)

 

 

 

DEVANT L’ARBITRE :

 Me Johanne Despatis

 

 

Pour l’entrepreneur :

Me Jean Carol Boucher

Pour l’administrateur :

Me François Laplante

Pour les bénéficiaires :

Mes Lucien Boucher et Martin Binet

Dates de l’audience :

4, 5, 6 février; 4, 11, 12, 13 mars; 6, 30 mai; 9, 17 juin 2008.

Date de la sentence:

20 août 2008

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

Adjudex inc.

0709-8280-SOR

SA-8045

I

INTRODUCTION

 

[1]               Le présent litige concerne le bien-fondé de 13 demandes d’arbitrage présentées le 23 janvier 2006 en vertu de l’article 35 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (décret 841-98), le Règlement, par Jobiko Construction, l’entrepreneur, à l’encontre d’autant de décisions, toutes au même effet, rendues par l’administrateur en 2006.

[2]               L’administrateur y ordonne à l’entrepreneur en vertu de l’article 26 du Règlement de remettre aux signataires de contrats préliminaires d’achat de copropriétés, les bénéficiaires, les acomptes reçus d’eux. Cette disposition se lit ainsi :

La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

1° dans le cas d'un contrat de vente:

a) soit les acomptes versés par le bénéficiaire;

b) soit le parachèvement des travaux lorsque le bénéficiaire est détenteur des titres de propriété et qu'une entente à cet effet intervient avec l'administrateur;

2° dans le cas d'un contrat d'entreprise:

a) soit les acomptes versés par le bénéficiaire à la condition qu'il n'y ait pas d'enrichissement injustifié de ce dernier;

b) soit le parachèvement des travaux lorsqu'une entente à cet effet intervient avec l'administrateur;

3° le relogement, le déménagement et l'entreposage des biens du bénéficiaire dans les cas suivants:

a) le bénéficiaire ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l'entrepreneur à moins que les acomptes ne soient remboursés;

b) il ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l'entrepreneur afin de permettre à l'administrateur de parachever le bâtiment.

            [Caractères gras ajoutés]

 

[3]               Un premier groupe de bénéficiaires est représenté par Me Martin Binet. Il s’agit de :

Ø     Lina Al-Karkhi et Richard Labrèche

Ø     Céline Long et Pierre Gaétan Michon

Ø     Pierre Dorion

Ø     Nathalie Rhéaume

[4]               Le second groupe est représenté par Me Lucien Boucher. Il s’agit de :

Ø     Marc Lafleur

Ø     Carmen Dagenais et Jacques Pichette

Ø     Daniel Blouin

Ø     Andrée-Suzanne Isabelle

Ø     Agathe Murray

Ø     Sylvie Longtin

Ø     Roseline Galipeau

[5]               Hormis le fait que le montant des acomptes versés par chacun diffère, les décisions contestées sont identiques par ailleurs. Bien que l’une d’elle soit datée du 11 mai 2006, sa contestation par l’entrepreneur a été jointe à ses demandes d’arbitrage présentées en janvier 2006 à l’encontre des autres décisions toutes rendues le 9 janvier précédent.

[6]               À titre d’illustration, je reproduis celle rendue dans le dossier de madame Long et monsieur Michon :

Objet : Décision

[...]

Suite aux nombreux problèmes survenus relativement à la construction des bâtiments situés au 8-10, 18-20 et 28-30, rue de l’Aviron à Hull, ci-après appelés « Bâtiments », nous sommes dans l’obligation de réévaluer notre position quant aux remboursements des acomptes des bénéficiaires de la garantie qui ont fait une telle demande.

En effet, il appert que le chantier a été abandonné le ou vers le 15 septembre 2004 pour les Bâtiments. Depuis cette date, aucun autre travaux n’a été fait par votre entreprise, laissant les bâtiments inachevés. Depuis cette date, les Bâtiments ont subi de nombreux dommages suite à des infiltrations d’eau ou de la présence de pigeons, notamment.

Également plusieurs hypothèques légales de la construction ont été publiées sur les Bâtiments.

De plus, le 24 mai 2005, la Banque Canadienne Impériale de commerce (CIBC) obtenait un jugement en délaissement forcé et était autorisée à vendre sous contrôle de justice les bâtiments situés au 8-10 et 18-20, rue de l’Aviron à Hull, suite au défaut de votre entreprise de rembourser le prêt hypothécaire qui lui avait été consenti. A ce jour, votre entreprise n’a pas remédié à ce défaut.

Votre entreprise n’est plus accréditée à La Garantie des maisons neuves depuis le 18 août 2004. D’autre part, votre entreprise ne détient plus de licence de la Régie du bâtiment du Québec depuis le mois de juin 2005.

De plus, quant au bâtiment situé au 28-30, rue de l’Aviron, La Garantie des maisons neuves a déjà remboursé la somme de 35 250,00 $ suite à l’annulation des contrats préliminaires des bénéficiaires William Antony Watkins et Amélie Pruneau, vu le défaut de votre entreprise de le faire.

De plus, les bénéficiaires nous ont fait parvenir copie d’une mise en demeure datée du 2 décembre 2005 adressée à 3984583 Canada inc. demandant à votre entreprise de terminer les travaux et de leur fournir des titres clairs dans un délai de 7 jours, conformément à la clause 27 de leur contrat préliminaire, laquelle se lit comme suit :

DÉFAUT DU VENDEUR

27. Advenant un retard dans la livraison, les parties aux présentes conviennent que les pénalités à être payées par le vendeur, à titre de dommages liquidés, seront uniquement celle prévues au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, lesquelles constitueront un règlement complet et final de tout litige.

Sous réserve de la clause pénale stipulée ci-haut, le défaut par le vendeur de respecter l’une ou l’autre des clauses et obligations lui incombant en vertu du présent contrat permettra au promettant-acheteur de le résilier, après l’écoulement d’un délai de sept (7) jours pour remédier au défaut à compter de l’envoi d’un avis écrit à cet effet, auquel cas le vendeur devra remettre au promettant-acheteur les acomptes reçus en excédent des travaux réalisés, le tout sans préjudice à tout autre recours.

À ce jour, force est de constater que votre entreprise n’a pas remédié à ce défaut.

Par conséquent, vous êtes formellement mis en demeure de rembourser les acomptes versés par les bénéficiaires, au montant de [...] dans les 15 jours de la réception des présentes.

 À défaut par votre entreprise de rembourser les acomptes aux bénéficiaires, la Garantie des maisons neuves sera dans l’obligation d’effectuer ce remboursement conformément aux dispositions du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et de le réclamer judiciairement à 3984583 Canada inc.

Conformément à la procédure prévue au Règlement, vous pouvez contester cette décision en la soumettant à un organisme d’arbitrage, dans les 15 jours de la réception de ladite décision. [...]

 

[7]               Avant de poursuivre avec le résumé de la preuve, quelques remarques liminaires s’imposent.

[8]               Les 13 recours dont je suis saisie et qui sont entendus conjointement, ont initialement été engagés au printemps 2006 devant un autre arbitre. Ceux-ci m’ont éventuellement été confiés en septembre 2007, de l’accord de toutes les parties qui se sont également entendues sur la façon pratique de reprendre l’instance devant moi. 

[9]               Il faut aussi savoir qu’en outre des présents recours, d’autres intentés en mai 2006 en Cour supérieure, district de Hull, sont également institués par l’entrepreneur. Il s’agit d’actions en dommages, notamment contre les bénéficiaires parties au présent arbitrage.

[10]           S’agissant du présent dossier, j’ai donc, afin d’en faire le tour et de bien cerner les questions en litige dès avant le début des audiences, convoqué dans les termes suivants une conférence préparatoire des différents procureurs en présence :

La présente confirme qu’une conférence téléphonique aura lieu dans les affaires mentionnées en rubrique [...]

À cette occasion, j’entends aborder avec vous les points suivants :

-          Identification  des questions qui seront débattues devant moi et que j’ai à décider;

-          Le nombre de témoins que vous entendez convoquer;

-          Le nombre de journées d’audiences nécessaires ainsi que le calendrier de celles-ci;

-          Le lieu de tenue des audiences.

 

[11]           Cette conférence est tenue par voie téléphonique le 17 octobre 2007. Il ressort alors des opinions exprimées que l’affaire nécessitera en tout six séances.

[12]           La position que l’entrepreneur, qui est la partie demanderesse en arbitrage, annonce avoir l’intention de tenir est résumée au procès-verbal de la conférence préparatoire en question, à savoir : 

Ø     L’administrateur a-t-il l’autorité pour réviser une décision qu’il aurait lui-même rendue antérieurement?

Ø     Dans l’affirmative, les conditions permettant à l’administrateur d’ainsi  réviser une décision étaient-elles rencontrées en l’espèce?

[13]           Le procès-verbal de cette conférence téléphonique est transmis aux parties
le 22 octobre 2007 et l’invitation formelle leur est faite d’y réagir si elles ne le jugeaient pas conforme. Je n’ai reçu aucune réaction de qui que ce soit concernant l’identification des questions en litige.

[14]           Cette position annoncée par l’entrepreneur est d’ailleurs réitérée dans la déclaration que son procureur fait à l’ouverture des audiences alors qu’il réaffirme essentiellement les mêmes deux moyens, i.e.:

Ø     Premièrement, les décisions en litige rendues par l’administrateur
le 9 janvier 2006 étaient en fait la révision de 13 décisions rendues par celui-ci en septembre 2005. Ces décisions avaient été défavorables aux bénéficiaires qui, déjà à l’époque, avaient réclamé le remboursement de leurs acomptes versés à l’entrepreneur. Or, selon ce moyen, l’administrateur n’aurait pas l’autorité en vertu du Règlement d’ainsi réviser et renverser ses propres décisions.

Ø     Le second moyen, subsidiaire au précédent, est que de toute façon les 13 décisions rendues en janvier 2006 ne sont pas conformes au Règlement en ce que les circonstances de l’affaire ne permettaient pas à l’administrateur d’ordonner à l’entrepreneur le remboursement des acomptes reçus.

[15]           Comme de raison, ce sont ces paramètres qui m’ont, une fois l’instruction engagée, guidée dans la détermination ponctuelle des éléments de preuve susceptibles d’être pertinents au débat tenu devant moi. Cela m’a notamment amenée à signaler à plus d’une reprise que le présent tribunal n’est pas saisi d’un recours en dommages mais bien du droit au remboursement d’acomptes ordonné en vertu du Règlement.

[16]           En dépit du balisage relativement précis du débat intervenu au début, le procureur de l’entrepreneur annonce après déjà quelques jours d’audience, qu’il entend soulever un moyen jamais mentionné jusque-là, moyen selon lequel certains agissements et omissions des bénéficiaires ou de leurs représentants avaient en quelque sorte empêché l’entrepreneur de pouvoir rencontrer ses obligations en vertu du Règlement. Selon ce moyen, le présent tribunal devrait en substance conclure à l’extinction de l’obligation de l’entrepreneur de rembourser leurs acomptes aux bénéficiaires en vertu du Règlement. Bref, par compensation, s’il y avait droit pour les bénéficiaires de recouvrer leurs acomptes en vertu du Règlement, il y avait extinction de cette créance en raison de dommages causés à l’entrepreneur.

[17]           Ce nouvel argument coïncide avec un incident soulevé au cours de la septième journée d’audience, tenue le 13 mars 2008. Ce jour-là, le procureur de l’entrepreneur signifie en effet formellement aux autres parties ainsi qu’à moi-même qu’il entend présenter une procédure interlocutoire dans le cadre du recours engagé en Cour supérieure contre notamment les bénéficiaires. En gros, il y invoque litispendance entre ce recours et la présente instance et y conclut que la Cour supérieure devrait ordonner le sursis du présent arbitrage. Cela dit, au moment d’ainsi signifier sa procédure, le procureur ne me demande pas de surseoir, se contentant de la résumer en faisant part de son intention de la plaider en Cour supérieure.

[18]           Puisque la huitième journée d’arbitrage ne devait se tenir qu’en début mai et que selon toutes les apparences le but de la signification de la requête en cours d’audience ce 13 mars était de m’amener à surseoir spontanément à cet arbitrage sans attendre un ordre de la Cour, en prévision de cette audience, j’ai demandé dans les termes suivants aux parties le 11 avril de me faire connaitre d’avance leur point de vue sur l’à-propos de surseoir :

Comme je vous l’indiquais au terme de notre septième journée d’instruction dans les dossiers en titre, il m’apparait opportun à la lumière de ce qui s’y est passé à date de faire le point auprès de vous de manière quelque peu formelle. Même si mon intervention peut sembler susceptible de retarder les choses, je l’estime nécessaire et suis confiante qu’elle saura contribuer à ce que l’audience puisse se compléter de manière diligente et efficace, dans le respect des droits de chacun.

Ce litige réunit en fait treize dossiers parallèles. Fort simple au départ, l’affaire, initialement engagée devant un autre arbitre en 2006, a pris une dimension insoupçonnée dans des circonstances que vous connaissez bien et sur lesquelles il n’y a pas lieu de revenir.

En mai 2007, vous avez convenu d’une transaction à l’effet de reprendre l’instance devant un nouvel arbitre, mandat qui m’a été confié en août suivant. Nos premiers échanges formels remontent à la conférence préparatoire tenue le 17 octobre 2007 et sur laquelle je reviendrai plus loin.

Le présent litige, né de l’application du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (décret 841-98), le Plan, concerne le bien fondé de treize demandes d’arbitrage au même effet toutes présentées par l’entrepreneur à l’encontre d’autant de décisions, toutes au même effet, rendues par l’administrateur le [9] janvier 2006.

Pour faire court, l’administrateur ordonnait alors à l’entrepreneur en vertu de l’article 26 du Plan de remettre aux bénéficiaires, signataires de contrats de vente de copropriétés construites par lui, les acomptes reçus de ces derniers.  Il s’agit donc d’un appel institué en janvier 2006 en vertu de l’article 35 du Plan à l’encontre d’une ordonnance de restituer des acomptes.

[...]

En outre de celui-ci, d’autres recours ont également été institués par l’entrepreneur, en mai 2006, ceux-là en Cour supérieure. Il s’agit de réclamations en dommages, notamment contre les bénéficiaires qui sont parties au présent arbitrage. Je crois comprendre que l’instruction de cette affaire devant la Cour supérieure n’a pas encore commencé.

[...]

En l’espèce, la matérialité du versement des acomptes n’est pas en litige. Ce qui l’est est la question de savoir s’il y a oui ou non lieu à leur remboursement. L’entrepreneur soutient que non et les bénéficiaires que oui. C’est là, le seul litige dont je suis saisie.

L’audience devant moi a débuté le 4 février 2008 avec les déclarations d’ouverture de chacun immédiatement suivies de la preuve de l’entrepreneur. L’instruction s’est poursuivie les 5 et 6 du même mois, puis les 4, 11, 12 et 13 mars 2008.

L’entrepreneur a déclaré sa preuve close après la quatrième journée d’instruction et les bénéficiaires entrepris la leur depuis.

Or, au cours de notre dernière séance, la septième tenue le 13 du dernier mois, le procureur de l’entrepreneur, Me Jean Carol Boucher, a signifié aux autres parties ainsi qu’à moi-même une procédure incidente présentée dans le cadre de son recours engagé en Cour supérieure, procédure signée la veille. Celle-ci est assortie des déclarations solennelles usuelles, dont l’une signée par Alain Ménard, représentant de l’entrepreneur, et une autre, par Me Boucher, lui-même, qui attestent tous deux que les allégations qu’on y lit sont vraies.

L’entrepreneur invoque litispendance entre les procédures engagées par lui en Cour supérieure et la présente instance. Il demande donc à la Cour une ordonnance à notre endroit en vue du sursis de la présente instance.

Au moment de signifier sa procédure en sursis au présent tribunal ainsi qu’à ses collègues, Me Jean Carol Boucher, procureur de l’entrepreneur dans les deux instances, n’a pas demandé que nous sursoyons de plein gré aux procédures actuelles. Il n’a pas non plus prétendu que nous devrions le faire. En fait, la chose n’a pas été abordée devant moi ni la question de sa portée sur l’instance présente.

J’ai depuis eu l’occasion de prendre plus amplement connaissance de la demande d’ordonnance de sursis et je crois utile d’en citer de brefs extraits, notamment l’affirmation suivante :

14. [...] le débat juridique [devant l’arbitre et devant la Cour supérieure] porte essentiellement à savoir si la requérante et entrepreneur [...] était en droit de requérir des promettants acheteurs la signature des contrats de vente et de la déclaration de co-propriété, au cours des mois de septembre et octobre 2004. [Caractères gras ajoutés]

Ou encore les conclusions suivantes demandées à la Cour :

Déclarer qu’il y a litispendance en rapport avec la question à savoir s’il y avait possibilité ou impossibilité, pour les requérants de procurer un titre clair aux intimés, considérant que cette question mixte de faits et de droit est au cœur de la solution de la demande d’arbitrage en vertu du Règlement sur les maisons neuves de l’APCHQ, [...].

Ordonner que la procédure d’arbitrage entreprise dans les dossiers d’arbitrage [...] soient suspendus jusqu’à ce que jugement final soit rendu dans les dossiers de la Cour supérieure [...]. [Caractères gras ajoutés]

De même, l’énoncé suivant fait dans les déclarations solennelles de monsieur Ménard et de Me Boucher signées le 12 mars 2008 et produites auprès de la Cour :

Tous les faits allégués à la présente requête sont vrais.

Bien que consciente que toute la question de l’à-propos d’un sursis n’a pas formellement été abordée devant moi et sans préjuger de ce que vous pourriez en dire, je crois nécessaire dans l’intérêt de tous de faire le point à ce stade. En effet, et sauf erreur, nulle part dans le cadre de la conférence préparatoire qui a précédé notre audience ou dans le cadre des déclarations d’ouverture de chacun des procureurs, a-t-il été question d’un débat juridique qui s’écarterait des paramètres découlant du Plan.

D’autre part, je suis soucieuse que la suite de l’instruction prévue pour les 6 et 7 mai prochain ne se tienne pas de manière inutile, sinon illégale. Si c’était le cas, il en résulterait pour tous des ennuis, délais et frais inutiles sans compter des risques accrus d’une judiciarisation supplémentaire de toute cette affaire.

Pour toutes ces raisons, j’ai donc décider de demander au procureur de l’entrepreneur de formellement me faire savoir d’ici le 18 courant, donc par écrit avec copie aux autres parties à la même date, s’il estime toujours que la présente instruction devrait être suspendue, avec ou sans ordonnance de la Cour supérieure ; et pourquoi. 

Pour leur part, les procureurs des bénéficiaires et de l’administrateur auront jusqu’au 25 courant pour réagir, par écrit et sommairement à la réponse que le procureur de l’entrepreneur m’aura donnée.

Bien que je vous demande de me faire connaitre votre position par écrit, je ne vous demande pas des plaidoyers écrits mais seulement l’expression sommaire de votre position, histoire de vérifier s’il y a ou non accord ou désaccord entre vous, sur quoi et pourquoi.

S’il y a désaccord, je vous ferai savoir dans la semaine du 28 avril la façon dont j’entendrai aborder la suite, notamment à la lumière des suggestions que, le cas échéant, vous aurez pu me faire à ce sujet dans la correspondance que je vous demande de m’adresser.

 

[19]           Comme c’était à prévoir, il y avait désaccord entre les parties sur l’à-propos de la poursuite du présent arbitrage. Estimant dans le meilleur intérêt de tous, ne fut-ce que pour éviter aux parties des démarches et des frais inutiles, que la question soit tranchée avant la poursuite de la présentation de la preuve au fond, j’ai indiqué aux parties que l’audience du 6 mai serait consacrée à cette seule question. J’allais alors permettre aux parties de compléter leur point de vue sur l’à-propos de surseoir volontairement à l’arbitrage comme il était demandé à la Cour supérieure de l’ordonner.

[20]           Cette question a donc été discutée devant moi le 6 mai 2006. À cette occasion, le procureur de l’entrepreneur, qui n’avait toujours pas effectivement plaidé sa demande de sursis à la Cour supérieure, annonce qu’il fera le nécessaire pour qu’elle le soit rapidement et cela avant la reprise annoncée de l’arbitrage devant moi. De sorte que selon l’accord des parties, je n’ai pas eu à me pencher sur l’à-propos de surseoir, la requête devant être tranchée par la Cour supérieure.

[21]           Or, comme question de fait, la demande n’a pas été plaidée devant la Cour et les parties se retrouvent devant moi.

[22]           Selon l’horaire convenu au départ, le 9 juin sera l’avant-dernière journée d’audience, la dernière étant fixée au 17 du même mois. Le procureur de l’entrepreneur fait alors savoir que s’il n’a pas présenté sa requête à la Cour supérieure avant la fin des plaidoiries prévues pour le 17, il n’y donnerait pas suite et je pourrais prendre l’affaire en délibéré et rendre sentence d’ici la fin août 2008. La requête n’a finalement jamais été plaidée.

[23]           Comme on le verra plus loin, le procureur de l’entrepreneur devait toutefois en cours de plaidoirie présenter certains arguments étrangers à ceux identifiés au départ. J’y reviendrai.

 

II

PREUVE

 

[24]           L’histoire remonte à 2002 alors que l’entrepreneur entreprend la construction de trois blocs de copropriétés sur la rue de l’Aviron à Gatineau.

[25]           Avant même la construction, les copropriétés des blocs 1 et 2 sont réservées par les bénéficiaires qui signent chacun à cette fin un contrat dit préliminaire en vue de la construction et de l'achat d’une copropriété. Un des bénéficiaires réserve également une copropriété dans le bloc 3.

[26]           Chacun verse alors à l’entrepreneur une somme de 1 000 $ à titre de premier acompte, suivi quelques jours ou semaines plus tard, suivant les cas, d’un second acompte plus substantiel.

[27]           Chaque bénéficiaire convient dans ce contrat qu’il versera le solde du prix lors de la signature de l’acte de vente à intervenir devant le notaire. Il est convenu que le transfert de titre ne se fera qu’à cette occasion.

[28]           De même, le contrat préliminaire stipule sous le titre Date d’occupation une date butoir à laquelle l’immeuble vendu sera substantiellement terminé et prêt pour l’occupation. Cette date diffère d’un bénéficiaire à l’autre et se situe entre octobre 2002 et décembre 2003.

[29]           En raison de circonstances décrites par l’entrepreneur comme ayant été hors de son contrôle, il s’avère que les travaux sont retardés, si bien que les bénéficiaires ne peuvent pas prendre possession à la date prévue.

[30]           Ce n’est éventuellement qu’en avril 2004, pour les bénéficiaires du bloc 1, et en juin, août ou septembre suivant pour ceux du bloc 2, que les bénéficiaires entrent finalement dans leurs unités dans les circonstances décrites plus loin mais sans qu’un acte de vente ait été conclu.

[31]           Selon tous les bénéficiaires entendus, la construction n’est pas terminée à l’époque où ils entrent dans leur unité mais chacun le fait vu en pratique la nécessité de se loger quelque part. Ils signent alors un document intitulé Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment et prescrit par l’administrateur communément appelé Étape 5. Ce document contient comme son nom l’indique une liste des travaux à parachever et des éléments à corriger. À l’exception d’un cas, tous les bénéficiaires signent ce document dans lequel ils déclarent accepter le bâtiment sous réserve de la liste préétablie, laquelle énumère les éléments à parachever et à corriger.

[32]           Interrogés sur les raisons pour lesquelles ils avaient signé ce document, les bénéficiaires expliquent à tour de rôle l’avoir fait sur l’invitation et l’insistance de l’entrepreneur qui leur aurait alors dit que ce formulaire devait absolument être rempli avant qu’ils occupent leur unité de manière à assurer de mettre en œuvre la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ. Monsieur Alain Ménard, représentant de l’entrepreneur, leur aurait dit que cette formalité était nécessaire à l’APCHQ.

[33]           Jamais, au moment de leur signature de ce document, l’entrepreneur ne fait part aux bénéficiaires qu’il éprouve des problèmes de financement en vue de compléter son chantier, ce que les bénéficiaires réalisent dans les semaines et mois qui suivent.

[34]           Au même moment où il les invite à signer le document Étape 5, l’entrepreneur fait également signer à certains d’entre eux une convention de préoccupation.

[35]           Concrètement, selon les bénéficiaires, les travaux n’avancent pas de manière significative et à l’été 2004, les relations avec l’entrepreneur toujours à court de financement se détériorent. Ce dernier cherchera même vainement à obtenir directement de certains bénéficiaires le financement qui lui manque pour terminer les travaux.

[36]           Il s’ensuit que les sous-traitants attendus ne se présentent plus sur le chantier avec le résultat que l’on devine sur les travaux. Aux dires de l’entrepreneur, ce refus résultait en bonne partie du climat malsain engendré par la méfiance des bénéficiaires.

[37]           Les bénéficiaires entendus sont venus expliquer à tour de rôle l’état dans lequel était leur unité et les travaux qu’ils ont eux-mêmes dû effectuer. Bien que les parties privatives aient été vivables, selon les dires des bénéficiaires, il restait quand même un bon nombre de petits travaux à parachever ou corriger.

[38]           Il en était toutefois tout autrement des parties communes. Une bénéficiaire, corroborée par d’autres, en dira qu’il s’agissait d’un chantier de construction non sécuritaire : les balcons extérieurs ne sont pas terminés, pas plus que les rampes et escaliers extérieurs, les fascias et soffites ne sont pas installés de sorte que les pigeons s’installent sous les toits avec tous les inconvénients que cela amène sans compter l’eau qui s’infiltre à l’intérieur.

[39]           Pour les bénéficiaires, les immeubles devaient être complétés avant qu’ils en deviennent propriétaires. 

[40]           Malgré la situation, le 9 septembre 2004, l’entrepreneur met en demeure certains bénéficiaires de passer acte dans les termes suivants :

[…]

C’est pourquoi vous êtes formellement requis de vous déplacer et passer titre devant le notaire Jacques Séguin, le 21 septembre courant, à une heure qui vous sera transmise par la secrétaire de celui-ci.

A défaut d’ainsi vous déplacer et signer l’acte de vente, procéder aux ajustements et régler tout accessoire, soyez actuellement par la présente, formellement avisé qu’au terme du délai écoulé de sept jours suivant votre défaut d’ainsi vous gouverner le 21 septembre courant, la promesse d’achat vente sera par le seul écoulement du temps annulée, vos dépôts encaissés et l’expulsion judiciaire s’en suivra.

 

[41]           Un mois plus tard, une seconde mise en demeure est envoyée cette fois-ci à tous les bénéficiaires. On peut y lire :

Veuillez prendre note que vous êtes formellement requise de vous déplacer et passer titre devant le notaire Jacques Séguin, soit le 15 ou le 16 octobre courant, à une heure que vous assignera sa secrétaire, […]. Vous devez la joindre au […].

 

[42]           Les bénéficiaires consultent et décident sur la foi des conseils juridiques reçus de ne pas donner suite à la demande de l’entrepreneur.

[43]           Selon ma compréhension de leurs témoignages, leurs raisons d’agir ainsi tiennent d’une part au fait que la construction tant des parties privatives que communes n’est pas terminée; et d’autres part, au fait que selon les informations qu’ils détiennent, les titres des propriétés ne sont pas clairs, l’immeuble n’étant pas libre de toutes charges, et que le texte des déclarations de copropriétés déjà publiées était inadéquat.

[44]           Pour sa part, l’entrepreneur affirme que ces circonstances ne justifiaient pas le refus des bénéficiaires de passer titre. Pourquoi? D’abord, il soutient qu’il détenait une assurance titre; ensuite, les bénéficiaires bénéficiaient de la garantie de l’administrateur qui leur assurait que les travaux seraient complétés et finalement, les problèmes allégués dans les déclarations de copropriété n’étaient pas une justification pour leur refus.

[45]           L’entrepreneur ajoute que si les bénéficiaires avaient effectivement passé titre, il aurait de son côté obtenu le financement nécessaire pour payer ses fournisseurs et compléter ses travaux demeurés en suspens et non, selon lui abandonnés. En outre, ajoute l’entrepreneur, à cette date,  les parties privatives pouvaient déjà servir à l’usage auquel elles étaient destinées et il ne restait que les parties communes à parachever, ce qu’il ne pouvait pas faire sans l’argent des bénéficiaires.

[46]           Après cette impasse entre bénéficiaires et entrepreneur, à partir d’octobre 2004, plusieurs hypothèques légales seront enregistrées contre les immeubles.

[47]           Puis en novembre 2004, certains des bénéficiaires retiennent Me Pierre Leduc, qui adresse le 18 du même mois la mise en demeure suivante :

Nous avons reçu mandat des représentants de tous les acheteurs d’unités de condominium situés au 8, 10, 18, 20, 28 et 30 de l’Aviron à Gatineau, [...] de vous faire parvenir la présente.

Nous sommes mandatés de mettre votre société en demeure de compléter avant le 1er décembre 2004, tous les travaux inachevés au complexe connu comme étant le « Domaine des sources » et ce tant au niveau des travaux qui reste à faire sur les unités privatives et exclusives que les parties communes.

De plus, nous sommes mandatés de mettre votre société en demeure de procéder aux modifications des déclarations de copropriétés déjà publiées, celles-ci étant inadéquates pour compléter les transactions faisant en sorte que nos clients puissent compléter les transactions des différentes unités de copropriétés.

 Les deux éléments ci-haut mentionnés, sont la source, entre autre, de tous les problèmes que font face nos clients et qui empêchent ceux-ci de compléter les transactions pour qu’ils deviennent propriétaires de chacune des unités de condominium qu’ils ont promis achetés de votre société.

Votre société est enfin en demeure et avisée que nos clients réclameront des dommages suite aux fautes lui sont entièrement imputables. [sic]

 

[48]           L’entrepreneur reconnait avoir reçu cette mise en demeure. Bien qu’il estimait que la déclaration de copropriété n’avait pas à être modifiée, il fait quand même le nécessaire pour qu’une nouvelle déclaration soit enregistrée le 14 décembre 2004. Pour le reste, l’entrepreneur ne donne pas suite, ne sachant, dit-il, pas trop de quels travaux il était question dans la lettre de Me Leduc. Tout en reconnaissant en contre interrogatoire que les obligations des acheteurs ne prennent effet qu’à la fin des travaux, il réitère ne pas avoir su en novembre 2004 quels travaux étaient finis ou non. Il ajoutera qu’à cette époque, il n’avait pas abandonné les travaux, ces derniers étant simplement suspendus.

[49]           Puis, la CIBC, principal créancier de l’entrepreneur, enregistre le 1er décembre 2004 un préavis d’exercice de son intention d’exercer son droit hypothécaire en vue de la vente en justice des immeubles. Elle obtiendra éventuellement un jugement en ce sens à la fin mai 2005.

[50]           Peu avant ce jugement, l’entrepreneur convoque à la mi-mai 2005 une rencontre des bénéficiaires afin de faire avec eux le point sur la situation. Il leur écrivait alors :

Aux occupants du Domaine des Sources

Vous êtes formellement invité à assister à une rencontre Lundi le 16 mai à 19 heures à la salle Roland Giguère situé à :

[...]

La rencontre à pour but de vous informer sur la position des différentes parties concernées dans la finition du Projet Domaine des Sources.

Des représentants de l’APCHQ, institutions financières et créancier et représentant légaux seront présent pour vous expliquer la situation actuelle et avenir.

Il est de votre intérêt d’être présent avec ou sans vos représentants légaux. [sic]

 

[51]           Les bénéficiaires ne s’y présentent pas. Tous ceux entendus à l’instruction viendront dire qu’ils avaient perdu confiance en l’entrepreneur et jugeaient vain de s’y présenter.

[52]           Au cours de l’été 2005, certains des bénéficiaires tentent mais en vain de négocier une convention d’achat directement avec la CIBC qui rejette leurs offres jugées insuffisantes. À la fin août 2005, la CIBC avise leur procureur qu’ils devront quitter les lieux sous peine d’être eux-mêmes tenus responsable des dettes de l’entrepreneur.

[53]           À l’exception de l’un deux qui avait déjà quitté, les autres bénéficiaires quittent effectivement les lieux dans les semaines ou mois qui suivent, dépendant des cas.

[54]           Parallèlement à leurs négociations avec la CIBC, les bénéficiaires avaient mandaté Me Roger Paradis afin de récupérer les acomptes versés. Celui-ci présente le 28 juillet 2005 à l’administrateur une demande en ce sens au nom de chacun. Je reproduis à titre d’illustration celle fait au nom de madame Long et monsieur Michon :

[...]

Nos clients nous informe que le […], ils ont promis d’acheter de Jobiko Construction Inc., et cette dernière s’engageait à livrer un logement en copropriété divise située au 20, rue de l’Aviron, app. 3, en la ville de Gatineau, province de Québec.

À ladite date, une somme de [...] fut remise à Jobiko Construction Inc. et une attestation d’acompte émise en vertu de la Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. datée du même jour fut remise à nos clients, le tout tel qu’il appert de ladite attestation annexée à la présente.

Jobiko Construction Inc. est dans l’impossibilité de passer titre en faveur de notre client compte tenu du jugement en délaissement forcé et vente sous contrôle de justice prononcé le 24 mai 2005 par la Cour supérieure du district de Montréal, dont vous trouverez également copie ci-joint.

En conformité avec la clause 2.1 du Contrat de garantie, nos clients sont en droit de demander le remboursement de l’acompte versé, soit la somme de [...]

De plus, en vertu de la clause 2.3 dudit contrat, nos clients demandent le remboursement de leurs frais de relogement, de déménagement et d’entreposage de ses biens, lesquels totalisent la somme de [...]. Cette somme est réduite à la somme de [...] compte tenu de la clause 5 qui limite à 5,000.00$ le montant pouvant être réclamé à cet item.

Conformément au contrat intervenu entre nos clients et Jobiko Construction Inc. et compte tenu du Contrat de garantie et du jugement rendu par la Cour supérieure, le contrat est réputé résilié pour l’avenir et par conséquent, vous êtes dument requis de nous faire parvenir la somme de [...]. [sic]

 

[55]           Le 14 septembre 2005, le procureur de l’administrateur communique formellement à l’entrepreneur ces réclamations dans les termes suivants :

[...]

Nous désirons vous aviser que nous avons reçu, de la part de vos clients occupants les immeubles du 8 et 10 de l’Aviron ainsi que ceux occupants le 18 et 20 de l’Aviron à Hull, des demandes en remboursement d’acompte suite au jugement obtenu par votre créancier hypothécaire, CIBC.

 Le total de ces réclamations s’élèvent, selon les limites de la Garantie, à cent quatre-vingt-dix sept mille deux cents trente-deux dollars et cinquante sous (197 232.50$), le tout conformément aux attestations d’acompte de ces douze (12) clients.

Par conséquent, en vertu du contrat de garantie, nous vous demandons de nous faire part de vos intentions dans ce dossier, par écrit, dans les (15) jours suivant le présent avis.

Vos clients prétendent que, suite au jugement de la CIBC, le contrat préliminaire qu’ils ont signé avec votre entreprise est réputée résilié pour l’avenir.

Veuillez prendre note qu’à défaut de donner suite à la présente à l’intérieur du délai accordé, notre cliente procèdera à l’analyse des réclamations afin de statuer dans le cadre du contrat de garantie. [sic]

 

[56]           L’entrepreneur réagit en faisant savoir à l’administrateur qu’il estime les réclamations des bénéficiaires mal fondées, d’une part, parce que contrairement à leur affirmation, il y avait eu, selon lui, réception des parties privatives, et d’autre part, parce que la CIBC n’avait pas donné suite au jugement qu’elle avait obtenue. Il déplorait également le manque de collaboration des bénéficiaires. Il concluait en demandant à l’administrateur d’attendre avant de se prononcer sur la demande des bénéficiaires. Il écrit :

Les temps qui s’annonce semble se converger vers une confrontation légale pour le règlement de cette situation entre les deux parties. Il serait pertinent que votre cliente demeure en attente des jugements à venir avant de décider quelque remboursement que ce soit.  

 

[57]           Parallèlement à ces autres démarches, monsieur Jocelyn Dubuc, coordonnateur au service de l’administrateur, écrit le 28 septembre 2005 à chacun des bénéficiaires ainsi qu’à l’entrepreneur. Ce document se lit comme suit :

La présente fait suite à votre demande de réclamation en remboursement d’acompte pour votre unité.

La décision de rembourser un acompte dans le cas où l’entrepreneur n’est pas en situation de faillite ne relève pas de notre juridiction. En effet, un remboursement de l’acompte dans la situation actuelle signifierait l’annulation du contrat que vous avez conclut avec « Jobiko ».

Or, La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., ci-après « la Garantie », ne possède pas le pouvoir de prononcer la nullité ou la résolution d’un contrat intervenu entre des bénéficiaires de la Garantie et un entrepreneur accrédité, cette juridiction relevant plutôt d’un tribunal de droit commun.

Par conséquent, afin que vous puissiez vous prévaloir de la garantie en remboursement d’acompte, vous devrez vous adresser à la cour pour faire établir la nullité ou la résolution de votre contrat.

Dans les circonstances, nous ne pouvons donner suite à votre demande présentement.

Votre dossier demeurera tout de même ouvert et la Garantie pourra réévaluer sa position dans l’éventualité que :

1-      Vous obtenez un jugement confirmant l’annulation de votre contrat préliminaire;

2-      L’entrepreneur déclarerait faillite;

3-      La Banque Impériale de Commerce (CIBC) exécuterait le jugement obtenu le 24 mai 2005 et qu’elle procéderait à une vente sous contrôle de justice.

L’entrepreneur deviendrait alors dans l’impossibilité de respecter le contrat préliminaire parce qu’il ne pourrait passer titre.

Vu ce qui précède, il est également prématuré de statuer sur votre demande de remboursement des frais de relogement, de déménagement et d’entreposage. Tel que le prévoit le contrat de garantie à l’article 2.3 a), si une des trois (3) situations mentionnées plus haut survenait et que nous devions rembourser l’acompte, ces frais ne seraient pas couvert par le plan de garantie. [sic]

 

[58]           C’est cette lettre dont l’entrepreneur soutient qu’il s’agit d’une décision que l’administrateur aurait sans droit révisée dans la décision de janvier 2006, dont appel ici.

[59]           Interrogé à ce sujet, monsieur Dubuc dira qu’il ne fallait pas voir dans cette lettre une décision formelle mais tout au plus une lettre répondant à certains points soulevés dans la réclamation reçue de Me Paradis et l’informant que l’administrateur ne pouvait pas pour l’instant s’en mêler vu qu’il estimait en substance qu’il n’était pas de sa juridiction d’annuler un contrat préliminaire. 

[60]           Il raconte qu’au moment d’écrire cette lettre, il n’avait ni examiné plus à fond les dossiers ni reçu la réponse de l’entrepreneur rapportée plus haut.

[61]           Il signale qu’il avait dès alors indiqué ne pas pouvoir dans l’immédiat donner suite à la demande tout en mentionnant selon lui à titre d’exemples que certaines circonstances pourraient l’amener à le faire plus tard. Il dira que son énumération n’était pas exhaustive s’agissant des circonstances les plus plausibles.

[62]           On a interrogé monsieur Dubuc sur les raisons pour lesquelles l’administrateur n’aurait pas suivi la procédure de l’article 34 du Règlement qui prévoit notamment une inspection lorsqu’une réclamation est présentée. Celui-ci répond n’avoir pas jugé nécessaire de le faire dans ce cas parce que de manière générale on ne suit pas cette procédure lorsqu’il y a demande de remboursement d’acomptes, l’analyse se faisant essentiellement à partir des documents produits et d’une vérification auprès du contentieux.

[63]           De son côté, l’entrepreneur dira n’avoir pas été contacté par monsieur Dubuc avant de recevoir sa lettre du 28 septembre 2005 ni avoir lui-même cherché à communiquer avec l’administrateur après la réception de cette lettre.

[64]           À la fin novembre et début décembre 2005, il reçoit de nouvelles mises en demeure des bénéficiaires lui demandant de terminer les travaux et de leur fournir un titre clair à défaut de quoi ceux-ci considéreraient le contrat préliminaire comme étant résilié en vertu de sa clause 27.

[65]           L’entrepreneur ne donne pas suite à ces mises en demeure mais entreprend de faire lui-même constater par huissier le fait que les bénéficiaires qui avaient déserté les copropriétés suite à l’avis de la CIBC, les avaient endommagés, en outre d’être partis avec des effets ne leur appartenant pas; ce que nieront en substance les bénéficiaires.

[66]           Une fois en possession du constat demandé au huissier, l’entrepreneur communique avec monsieur Bruno Nantel qu’il identifie comme étant directeur général de l’APCHQ et une rencontre a lieu le 22 décembre 2005. Y participent Me Laplante, le procureur de l’administrateur ainsi que messieurs Ouimet, directeur du service d’inspection de l’administrateur et Nantel, inspecteur-conciliateur.

[67]           L’entrepreneur fait part du constat préparé par huissier et s’en suit une discussion qui se termine sur une impasse, l’entrepreneur estimant que la décision de l’administrateur avait été déjà prise à l’effet qu’il devait rembourser les acomptes. Il demande alors à l’administrateur de ne lui signifier sa décision en ce sens qu’au début janvier.

[68]           Interrogé à ce sujet, monsieur Ouimet niera avoir jamais indiqué à l’entrepreneur qu’une décision était déjà prise au moment de la rencontre du 22 décembre. Ce dernier, affirme-t-il, a plutôt demandé qu’avant toute décision un délai lui soit accordé afin de pouvoir transmettre certaines informations supplémentaires à l’administrateur, ce qu’il n’aurait finalement pas fait. C’est au terme de ce délai que les décisions en litige ont été rendues. 

[69]           Monsieur Ouimet ajoute pour sa part avoir été saisi du dossier suite à la lettre du 28 septembre 2005 de monsieur Dubuc rapportée plus haut. C’est alors qu’il affirme avoir pour la première fois pris connaissance de certaines circonstances qui justifiaient à ses yeux une nouvelle évaluation de la situation.

[70]           Tout en reconnaissant que ces circonstances ne constituaient pas à strictement parler des faits nouveaux, i.e. des faits qui seraient survenus après l’intervention de monsieur Dubuc dans ces dossiers, monsieur Ouimet ajoute qu’il s’agissait toutefois de faits nouvellement portés à la connaissance de l’administrateur et que celui-ci estimait significatifs.

[71]           Certains de ces faits lui sont rapportés par un des bénéficiaires rencontré le 23 novembre 2005 à qui il écrit le même jour au sujet de la possibilité d’être remboursé de ses acomptes. 

[72]           Monsieur Ouimet reçoit subséquemment certaines informations de la part du contentieux et prend aussi connaissance d’autres renseignements dont notamment la lettre suivante adressée à monsieur Dubuc par certains bénéficiaires le 3 novembre 2005 :

Par la présente, à titre d’ancien prometteur-acheteur de l’unité située à l’adresse citée en rubrique, je désire m’informer auprès de l’APCHQ de l’évolution de mon dossier en ce qui concerne le remboursement de mon acompte.

Depuis que j’ai reçu votre lettre, datée du 28 septembre 2005, je n’ai plus entendu parler de rien, sauf des rumeurs à l’effet que je serais remboursé incessamment. Pour faire suite à votre lettre, j’aimerais vous rappeler les faits suivants :

·        Il n’y a pas eu d’activités sur ce chantier depuis l’été 2004. Depuis ce temps les lieux se sont détériorés à un rythme effarant. Un arrêt d’activités aussi long justifie à mon point de vue la demande de remboursement de mon acompte.

·        Bien qu’elle ne soit pas techniquement en faillite, la société … est à tout le moins insolvable ce qui l’empêche de terminer les travaux. Vos pamphlets stipulent que les remboursements sont accordés en cas de faillite ou d’insolvabilité.

·         La CIBC qui a obtenu le 24 mai 2005 un jugement en délaissement forcé de la Cour supérieure du Québec ne reconnait pas mon contrat préliminaire. Malgré que j’aie fait une offre raisonnable le 12 août dernier, offre qui tenait compte des suppléments qu’il me faudrait débourser pour terminer tous les travaux, la Banque a jugé que cela était insuffisant. Elle exige que je paye le prix du marché pour acquérir mon unité, dans l’état actuel des lieux, sans aucune garantie et à mes risques et périls, ou que je quitte tout simplement les lieux.

·        Enfin, un jugement a été rendu le 30 mai 2005 à la Cour supérieure du Québec en faveur d’Amélie Pruneau c. 3984583 Canada Inc. (…). Dans ce jugement, il est déclaré résolu le contrat préliminaire et condamne la partie défenderesse à rembourser les sommes dues avec intérêts. Il s’agit d’un précédent qui plaide en ma faveur.

En tenant compte de ces faits, il me semble justifier de demander le remboursement de mon acompte sans aucune autre forme de tracasseries administratives et légales.  

 

[73]           On a aussi interrogé monsieur Ouimet sur la décision de l’administrateur de considérer qu’il n’y avait pas eu, par les bénéficiaires, réception au sens du Règlement. Monsieur Ouimet explique que dans 99% des cas, il y a concomitance entre la réception formelle et le transfert des titres alors qu’ici il s’était écoulé plus de 18 mois depuis la soi-disant réception sans qu’il y ait passation de titre. Ainsi, il explique que malgré la présence au dossier d’une telle déclaration semblant l’affirmer, l’administrateur a jugé qu’il n’y avait pas eu réception vu qu’il n’y avait pas eu transfert des titres et qu’il était au moment de sa décision impensable qu’une telle passation ait lieu. En somme, explique en substance monsieur Ouimet, dans le cas des bénéficiaires la réception définitive n’a jamais eu lieu et celle faite l’avait été sous réserve et n’était plus valable pour les fins du Règlement.

[74]           C’est là pour nos fins, l’essentiel de la preuve présentée.

 

 

 

 

 

 

III

PLAIDOIRIES

 

Entrepreneur

[75]           Se tournant d’abord vers le régime juridique de la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, le procureur soutient qu’il faut interpréter les dispositions du Règlement en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’un régime privé et facultatif qui, selon lui, tire son origine de l’APCHQ, une association à but lucratif, qui en assure le contrôle et l’administre.

[76]           Par conséquent, poursuit le procureur, il serait, d’une part, faux de prétendre que ce régime de garantie poursuit des objectifs sociaux et, d’autre part, incorrect d’interpréter le Règlement dans le contexte de la Loi sur la protection du consommateur. En somme, pour le procureur, il ne s’agit pas d’une garantie d’ordre public à caractère social et on ne peut l’assimiler aux règles de protection économique des consommateurs.

[77]           Poursuivant, le procureur de l’entrepreneur soutient que le cadre juridique de la Garantie est celui prévu au Règlement et que ce cadre ne se réfère aucunement à des clauses contractuelles de quelque contrat préliminaire, comme celui intervenu ici. Ainsi, poursuit le procureur, les seuls éléments qui définissent et encadrent la juridiction de l’arbitre sont ceux contenus au Règlement, ce qui exclut donc les clauses du contrat préliminaire, notamment ses articles 27 et 28 relatifs à la faculté d’un bénéficiaire ou de son entrepreneur de résilier un tel contrat préliminaire.

[78]           S’agissant plus particulièrement des articles 25 à 40 du Règlement, le procureur soutient que sa mécanique générale veut qu’un bénéficiaire présente une réclamation, réclamation suivie d’une décision de l’administrateur, décision contre laquelle l’entrepreneur ou le bénéficiaire peut ensuite se pourvoir en arbitrage.

[79]           Donc, poursuit le procureur, une des premières exigences du système est qu’une décision ait été rendue par l’administrateur. Or, soutient-il, ce ne fut pas le cas en l’espèce alors que l’administrateur ne s’est jamais prononcé sur le fond et que ce sont plutôt des individus non habilités à parler au nom de l’administrateur qui l’ont fait. Leurs propos étaient donc inopposables à l’entrepreneur et aux bénéficiaires en outre d’être ceux d’individus et non d’une personne morale au sens de l’article 41 du Règlement. Celui-ci, poursuit le procureur, prévoit en effet que seule une personne morale dont l’unique objet est d’administrer des garanties financières [...] peut obtenir l’autorisation de la Régie pour administrer un plan approuvé. 

[80]           Or, selon Me Boucher, les décisions rendues les 28 septembre 2005 puis 9 janvier 2006 émanaient d’individus et non d’une personne morale, cette dernière ne pouvant être qu’un groupe de personnes décidant d’une question par voie de résolution.

[81]           Or, ajoute le procureur, la preuve n’a démontré ni résolution d’une personne morale non plus qu’une décision qui aurait délégué les pouvoirs d’une telle personne morale à des personnes physiques comme messieurs Dubuc et Ouimet. Le procureur écrit :

Les décisions du 28 septembre 2005 et de 9 janvier 2006 ne sont pas celles de l’administrateur :

- l’administrateur est une personne morale or une personne morale agit par règlement ou résolution

- aucune preuve que la décision est celle d’une personne morale

- aucune preuve que Messieurs Ouimet et Dubuc ont un pouvoir d’agir comme administrateur

- ils sont employés de l’APCHQ et non de la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ - voir rapport cidreq

 

[82]           Au surplus, fait valoir Me Boucher, messieurs Dubuc et Ouimet auraient tous deux lors de leur témoignage affirmé être employés de l’APCHQ et non de l’administrateur, deux entités distinctes. En outre, dit-il, l’administrateur n’aurait aucun employé selon le registre CIDREQ dont il produit un relevé au moment de sa plaidoirie. En somme, selon le procureur, il n’y a jamais eu de décision de l’administrateur.

[83]           Quoi qu’il en soit, poursuit Me Boucher, même si messieurs Dubuc et Ouimet avaient été habilités à agir comme ils l’ont fait, ce qu’il nie, ceux-ci auraient quand même dû se conformer au Règlement, ce qu’ils n’auraient pas fait. D’une part, en effet, ils n’auraient pas suivi la procédure de l’article 34 du Règlement ni agi de manière impartiale et neutre et cela d’autant qu’il s’agit d’employés de l’APCHQ, un facteur indicatif en partant d’un conflit d’intérêts.

[84]           Commentant ensuite la portée qu’une décision arbitrale rendue dans le cadre du Règlement est susceptible d’avoir, le procureur affirme que contrairement à ce qui est le cas dans d’autres législations, le Règlement ne contient pas de dispositions qui prévoient que l’arbitre puisse rendre toute décision qui lui paraitrait juste. Cela étant, poursuit le procureur, l’arbitre du Règlement ne pourrait donc en l’espèce que constater que l’administrateur s’est ou non comporté en conformité du Règlement et rien d’autre.

[85]           Insistant sur le fait que les décisions des 28 septembre et 6 janvier ne seraient pas des décisions rendues par l’administrateur au sens du Règlement, le procureur soutient que l’arbitre ne pourrait qu’en constater le fait en outre que celles-ci n’auraient de toute façon pas été conformes au Règlement.

[86]           Elles ne le sont pas, soutient le procureur, parce qu’elles ignorent le fait qu’il y avait bel et bien eu réception du bâtiment par les bénéficiaires, un fait qu’on ne saurait nier au nom de l’existence d’un contrat clés en main.

[87]           Commentant la notion de réception, le procureur fait valoir que le Règlement affirme qu’il peut y avoir réception même si certains travaux restent à parachever ou à corriger. Ainsi, selon lui, on ne pourrait nier qu’il y a eu réception parce que certains travaux n’auraient pas été finis.

[88]           Reconnaissant que l’usage est que la réception se fasse en même temps que le contrat notarié, le procureur nie que la réception soit subordonnée à la signature d’un tel acte notarié. Ce n’est pas, poursuit le procureur, ce que le Règlement prévoie.

[89]           Se tournant ensuite vers la décision présumée de septembre 2005, le procureur soutient que l’inspecteur y confond les termes annulation et résiliation et qu’il y indiquait trois circonstances précises susceptibles de permettre une réévaluation subséquente de la demande de remboursement. Or, soutient-il, aucune d’elles ne s’était réalisée lorsque monsieur Ouimet a quelques mois plus tard révisé la position de son collègue et conclut qu’il y avait lieu d’ordonner le remboursement. Or, ce n’était pas là une réévaluation mais bien une modification d’une décision.

[90]           En outre, ajoute le procureur, monsieur Ouimet n’a pas agi de manière impartiale en acceptant de conseiller un des bénéficiaires et en prenant parti pour ces derniers.

[91]           Ce dernier aurait fait fi des règles de justice naturelle et n’aurait pas, comme le veut l’article 34 du Règlement, donné la chance à l’entrepreneur d’être entendu. Pour le procureur, monsieur Ouimet a été juge et partie dans sa propre cause en outre d’avoir excédé sa compétence.

[92]           Passant en revue chacun des éléments considérés par monsieur Ouimet, le procureur affirme que le seul élément factuel nouveau était les mises en demeure transmises à l’entrepreneur à la fin novembre et début décembre 2005. Or, soutient-il, les conséquences de cette mise en demeure ne relevaient pas de l’administrateur en ce sens qu’il ne pouvait pas, plus qu’avant, en conclure que le contrat préliminaire était de ce seul fait résilié.

[93]           Pour le procureur, rien ne justifiait la décision présumée de janvier 2006 en outre que dans le contexte monsieur Ouimet n’était pas neutre.

[94]           Enfin, conclut le procureur, dans l’hypothèse où les articles 27 et 28 du contrat préliminaire seraient jugés de la compétence de l’administrateur, il reste que ce dernier aurait rendu une décision erronée à leur sujet.

 

Bénéficiaires

[95]           Les bénéficiaires sont divisés en deux groupes, chacun représenté par un procureur. Ces derniers ont présenté des plaidoiries complémentaires.

Plaidoirie présentée par Me Binet

[96]           D’entrée de jeu, Me Binet souligne le fait que la plaidoirie de son vis-à-vis a largement débordé les questions en litige identifiées avant que ne débute l’audience.

[97]           En réponse à l’argument voulant que messieurs Dubuc et Ouimet n’auraient pas pu agir au nom de l’administrateur, le procureur invoque la théorie de l’indoor management

[98]           Au surplus, ajoute le procureur, c’est à celui qui veut contester la délégation de pouvoir qui doit en faire la preuve. D’ailleurs, se demande le procureur, comment l’entrepreneur peut-il présenter une demande d’arbitrage à l’encontre d’une décision s’il n’y a pas eu de décision?

[99]            Se tournant ensuite vers l’affirmation de son vis-à-vis selon laquelle le Règlement ne serait pas d’ordre public, le procureur soutient que cela va à l’encontre de toute la jurisprudence rendue en matière de Plan de garantie.

[100]       Quant aux pouvoirs de l’arbitre, ceux-ci, affirme le procureur, ne se limitent pas à décider si une décision a ou non été rendue mais bien de s’assurer le cas échéant de sa conformité au Règlement, y compris, selon l’article 116 du Règlement, en faisant appel à l’équité.

[101]       Se tournant vers la décision rendue le 9 janvier 2006, le procureur soutient qu’il s’agit là de la seule et unique décision rendue en l’espèce et qu’elle se fondait sur des faits nouvellement portés à la connaissance de l’administrateur.

[102]       Pour ce qui est de la lettre du 28 septembre 2005, le procureur fait valoir qu’il s’agissait là d’une simple lettre ne comportant pas de décision et qui indiquait aux bénéficiaires que certaines circonstances pouvaient conduire au remboursement d’acomptes.

[103]       Revenant sur les faits énoncés à la décision en litige, le procureur soutient que la preuve les a tous démontrés. En effet, soutient le procureur, la preuve prépondérante démontre que le chantier a été abandonné à la mi-septembre 2004 et que depuis cette date, aucuns autres travaux n’ont été faits par l’entrepreneur. La preuve, au surplus non contredite, et supportée par des photos, démontre que les bâtiments sont demeurés inachevés et inoccupés et qu’ils ont subi de nombreux dommages, en raison notamment d’infiltrations d’eau et de la présence de pigeons.

[104]       Quant à la présence de plusieurs hypothèques légales enregistrées contre les bâtiments par des fournisseurs et autres créanciers de l’entrepreneur, le procureur me renvoie aux extraits de l’index aux immeubles qui révèlent qu’en date du 9 janvier 2006, 12 hypothèques légales de construction et 8 de justice étaient enregistrées contre les immeubles en question.

[105]       Passant ensuite au jugement en délaissement forcé, le procureur souligne que les bénéficiaires ont bel et bien été expulsés par la CIBC et que l’entrepreneur n’a pas démontré avoir fait quelque effort pour tenter d’empêcher cette situation de se produire. Dans ces circonstances, le procureur demande comment un entrepreneur peut-il sérieusement prétendre pouvoir conserver les acomptes reçus de gens expulsés de ces propriétés?

[106]       Au surplus, ajoute le procureur, l’entrepreneur n’est plus depuis le 18 août 2004 accrédité auprès de l’administrateur et ne détient plus depuis le mois de juin 2005 de licence de la Régie du bâtiment du Québec. Ces deux éléments, mis en preuve, poursuit le procureur n’ont pas été contestés. Cela étant, il est clair qu’en janvier 2006, l’entrepreneur quoi qu’il affirme n’était plus légalement en mesure de respecter ses propres obligations puisqu’il n’avait plus de permis pour terminer les travaux non faits.

[107]       Le procureur souligne aussi le fait que les bénéficiaires ont communiqué à l’administrateur une copie de leur mise en demeure adressée à l’entrepreneur en vertu de la clause 27 de leur contrat préliminaire avec celui-ci. Selon le procureur, il faut y voir le souhait des bénéficiaires de voir les travaux terminés et non pas une demande à l’administrateur de conclure à la résiliation des contrats, ce qu’il n’a du reste pas compétence pour décider.

[108]       Quoi qu’il en soit, poursuit le procureur, au 9 janvier 2006, l’entrepreneur n’avait toujours pas donné suite. Dans ces circonstances, l’administrateur pouvait raisonnablement conclure qu’il n’y avait pas eu réception au sens du Règlement, l’entrepreneur lui-même n’ayant pas fait ce qu’il fallait pour permettre aux bénéficiaires de passer titre. Dans les circonstances, ajoute le procureur, qui invoque l’article 116 du Règlement, il serait inéquitable et même aberrant de permettre à l’entrepreneur de conserver les acomptes.

[109]       Se tournant vers les déclarations de réception invoquées par l’entrepreneur, le procureur soutient qu’il ne peut pour les fins du Règlement, qu’y avoir une seule réception, en général, concomitante à la passation des titres. Ici, dit-il, entre l’étape 5 et la décision de janvier 2006 il s’était écoulé une période de 18 mois.

[110]       Au surplus, selon le procureur, l’entrepreneur avait fait signer ces soi-disant déclarations de réception sur la base de fausses promesses que c’était à leur avantage et ainsi obtenu leur consentement à ces déclarations de manière détournée.

[111]       À cet égard, le procureur se réfère notamment à certaines dispositions de la convention de préoccupation ainsi qu’aux témoignages des bénéficiaires. Selon lui, en agissant de la sorte l’entrepreneur contrevenait à l’article 2100 du Code civil du Québec en n’agissant pas dans le meilleur intérêt de ses clients.

[112]       En outre, ajoute le procureur, tout entrepreneur est tenu à une obligation de résultat et les difficultés qu’il a encourus ne résultent pas de la faute des bénéficiaires qui avaient compris qu’ils achetaient une copropriété clés en main. C’est d’ailleurs, ajoute le procureur, ce qui ressort du contrat préliminaire. Or, au moment où l’entrepreneur leur demande de passer titre, les travaux ne sont pas terminés. Cela étant, il n’y a pas eu réception au sens du Règlement et vu le défaut de l’entrepreneur, la décision de l’administrateur doit être maintenue et les acomptes remboursés.

Plaidoirie de Me Lucien Boucher

[113]       Répondant à l’argument voulant que l’administrateur ait illégalement révisé en janvier 2006 une décision rendue en septembre précédent, le procureur nie que l’administrateur avait rendu une décision en septembre 2005. Il a, dit-il, plutôt informé les bénéficiaires qu’il était prématuré pour lui de se prononcer sur les demandes de remboursement.

[114]       Par la suite, soutient le procureur, la preuve démontre que l’administrateur a été  mis au courant d’éléments jamais portés à sa connaissance même s’ils s’étaient passés avant.

[115]       Quoi qu’il en soit, poursuit le procureur, même si le tribunal en venait à la conclusion que la lettre de 2005 était une décision alors il devrait considérer que l’administrateur a réévalué la situation et qu’il avait compétence pour le faire.

[116]       De plus, ajoute le procureur, l’administrateur est bel et bien une personne morale et celle-ci n’est pas soumise à quelque processus judiciaire quand elle prend ses décisions. Cette personne morale administre et n’est pas soumise aux mêmes règles de justice naturelle qu’un tribunal administratif appelé à rendre des décisions quasi-judiciaires.

[117]       Se tournant vers le fond, le procureur soutient qu’il n’y a jamais eu réception des immeubles au sens du Règlement : d’une part, les déclarations en ce sens auraient été signées sous de fausses représentations et de toute façon elles n’ont jamais été suivies de la passation d’un titre. Dans ces circonstances, il serait donc contraire à l’esprit du Règlement de conclure que l’entrepreneur puisse en raison d’une soi-disant réception, garder les acomptes. La décision de l’administrateur était donc bien fondée.

 

Administrateur

[118]       Se tournant d’abord vers le possible conflit d’intérêts évoqué par Me Jean Carol Boucher entre l’APCHQ et l’administrateur, le procureur en nie tout bien fondé, affirmant qu’il s’agit là de deux entités distinctes et nullement en conflit : l’APCHQ est une association d’entrepreneurs qui a pour but de regrouper des entrepreneurs et, l’administrateur, est une compagnie qui a pour unique but d’administrer le Plan de garantie.

[119]       Après s’être étonné qu’une telle prétention sorte de la bouche d’un entrepreneur, Me Laplante, souligne que l’argument, jamais annoncé auparavant, n’est apparu qu’en plaidoirie, à la dernière minute et qu’il n’a pas fait l’objet d’aucune preuve, en outre, à ses yeux, de n’être nullement pertinent au présent débat qui porte sur le remboursement d’acomptes. Il conclut en disant se rallier à ce sujet aux plaidoiries des procureurs des bénéficiaires tout comme pour le sens à donner à la lettre de septembre 2005.

[120]       Selon la preuve, poursuit le procureur, ce n’est que subséquemment à cette lettre de septembre 2005, que l’administrateur est effectivement informé de tous les faits et c’est cette situation qui le conduit à la seule et unique décision, i.e. celle de janvier 2006.

[121]       Or, selon le procureur, les faits évoqués dans la décision de janvier 2006 n’ont jamais été contestés. Ce que l’administrateur dit dans cette décision en rapport avec l’article 27 du contrat préliminaire n’est pas qu’il considère le contrat préliminaire résilié mais plutôt qu’il s’agit d’un élément important, à savoir que l’entrepreneur avait vainement été mis en demeure et n’avait pas terminé les travaux ni pris les mesures nécessaires afin de libérer les immeubles des charges qui les grevaient.

[122]       Or, poursuit le procureur, même sans cette mise en demeure, il y avait quand même suffisamment d’éléments factuels en présence pour justifier la décision de l’administrateur : il était en effet clair que l’entrepreneur avait manqué à ses obligations tant légales que contractuelles, que les bâtiments n’étaient pas terminés et que l’entrepreneur n’avait plus de permis pour les compléter et était également incapable de fournir des titres clairs. 

[123]       Concernant la réception, le procureur souscrit aux arguments des procureurs des bénéficiaires, rappelant que selon les témoignages non contredits de messieurs Dubuc et Ouimet, la signature de l’acte de réception est habituellement concomitante à la passation de titres de propriété. Or, dans le présent cas, l’administrateur a jugé, à bon droit selon le procureur, que la réception alléguée n’avait pas eu lieu n’ayant jamais été confirmée par l’octroi de titre clair. L’administrateur était donc justifié, poursuit le procureur, de ne pas considérer la déclaration de réception comme valable.

[124]       En terminant, le procureur soutient qu’il est faux de prétendre que l’administrateur a le caractère d’un régime facultatif étranger à l’ordre public. Au contraire, dit-il, il s’agit d’un régime d’ordre public destiné à protéger les acquéreurs de maisons neuves.

[125]       Finalement, s’agissant de l’application de l’article 34 du Règlement, cette disposition, dit-il, ne s’applique pas à une réclamation en remboursement d’acompte et l’argument de l’entrepreneur à ce sujet est mal fondé. 

 

IV

ANALYSE ET DÉCISION

 

[126]       La question à décider est celle du bien fondé ou non des 13 décisions de l’administrateur rendues le 9 janvier et 11 mai 2006 d’ordonner à l’entrepreneur de rembourser les acomptes reçus des bénéficiaires.

[127]       Dès l’abord, les moyens annoncés par l’entrepreneur à l’encontre de ces 13  décision étaient que je devais répondre aux deux questions suivantes :

Ø     L’administrateur a-t-il l’autorité pour réviser une décision qu’il aurait lui-même rendue antérieurement?

Ø     Dans l’affirmative, les conditions lui permettant d’ainsi réviser une décision étaient-elles rencontrées en l’espèce?

[128]       Le premier moyen en est un en somme d’autorité. Les décisions le 9 janvier 2006 constituaient-elles en fait la révision par l’administrateur de décisions contraires rendues par lui en septembre 2005 et dans l’affirmative, l’administrateur possède-t-il l’autorité pour prendre pareille décision ?

[129]       En second, si tant est que l’administrateur ait eu l’autorité pour les rendre, ces décisions sont-elles conformes au Règlement, i.e. bien fondées eu égard aux circonstances.

[130]       Comme l’indique le résumé des plaidoiries fait plus haut, l’entrepreneur a soulevé à cette occasion des arguments qu’il n’avait pas annoncés. J’en traiterai en premier lieu parce que ceux-ci me semblent présenter les traits de moyens préliminaires préjudiciels. Un de ces arguments, soulevé pour la première fois, veut que messieurs Dubuc et Ouimet n’aient pas eu l’autorité d’agir pour l’administrateur avec pour résultat que les décisions en litige seraient invalides. Cet argument pour le moins tardif doit être rejeté.

[131]       Selon ma compréhension de cet argument, l’autorité décisionnelle au sein de l’administrateur devrait selon le Règlement s’exercer par résolution puisque l’administrateur est une personne morale. Or, on n’aurait pas démontré que messieurs Ouimet et Dubuc avaient l’autorisation d’agir au nom de l’administrateur.

[132]       Avec égards, cet argument doit être rejeté. D’une part, il semble contredire les allégués avancés par l’entrepreneur lui-même dans sa requête en sursis présentée en Cour supérieure, qui constitue surement un aveu et où on peut lire :

[...]

8. Dans le cadre de leur réclamation, suivant le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, [...] les requérants se sont vus rendre deux décisions, par l’administrateur du régime, [...]

9. Dans une première décision, rendue en date du 28 septembre 2005, les représentants de la garantie des maisons neuves ont refusé d’ordonner la remise des acomptes aux promettants-acheteurs. ;

10. Dans une seconde décision, rendue en date du 6 janvier 2006, l’administrateur du régime ordonnait à la corporation requérante de rembourser aux promettants acheteurs et [...] les acomptes versés [...]

[...]

12. Considérant la décision rendue par l’administrateur du régime, la requérante demandait l’arbitrage, [...] afin que soit renverser la décision de l’administrateur du régime.

[Caractères gras ajoutés]

 

[133]       D’autre part, même si messieurs Ouimet ou Dubuc n’avaient pas pu agir comme ils l’ont fait au nom de l’administrateur, ce que par ailleurs la preuve n’a pas démontré, il s'agirait alors d'une règle de régie interne, indoor management, inopposable aux tiers. Avec égards, les bénéficiaires, tout comme l’entrepreneur du reste, étaient tout à fait justifiés de conclure que les inspecteurs étaient autorisés à agir comme ils l’ont fait. D’ailleurs, quand l’entrepreneur soutient que la lettre de septembre était une décision, décision liant l’administrateur, il va de soi que son argument présuppose que le signataire de cette lettre avait l’autorité d’engager l’administrateur.

[134]       Pour toutes ces raisons, cet argument, tardif et irrégulièrement soulevé, est mal fondé.

[135]       Qu’en est-il de cet autre argument faisant état d’une trop grande promiscuité entre l’administrateur et l’APCHQ au point d’invalider les décisions du premier?

[136]       D’une part,  l'APCHQ est une corporation sans but lucratif constituée en 1962 en vertu de la Loi des compagnies du Québec. Cette association a notamment pour objet de veiller aux intérêts de ses membres œuvrant dans l'industrie de la construction.

[137]       A la fin des années 1990, le Règlement est pris en vertu de la Loi sur le Bâtiment. Il oblige alors tous les entrepreneurs en bâtiments résidentiels neufs à adhérer à un plan de garantie destiné à garantir l'exécution des obligations légales et contractuelles des entrepreneurs.

[138]       Selon l'article 41 de ce Règlement, seule une personne morale dont l'unique objet sera d'administrer des garanties financières pourra obtenir l'accréditation auprès de la Régie en vue d’administrer un plan de garantie approuvé.

[139]       L’administrateur, i.e. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ, dont l'APCHQ est seule actionnaire, est une personne morale qui a obtenu cet aval de la Régie. L’arbitre désigné en vertu du Règlement n’a pas compétence sur la Régie du bâtiment ni sur ses décisions et rien dans la preuve indique que l’accréditation de l’administrateur ait jamais été remise en question devant une instance compétente. Cela dispose à mes yeux de cet argument.

[140]       Un dernier argument avancé in extremis par l’entrepreneur est que l’administrateur aurait été partial dans son traitement du dossier, ou encore n’aurait pas suivi la procédure usuelle de l’article 34 du Règlement

[141]       Bien que modifiée depuis, cette disposition se lisait comme suit à l’époque pertinente :

34.   La procédure suivante s'applique à toute réclamation en vertu du plan de garantie :

1° dans le délai de garantie d'un, trois ou cinq ans, selon le cas, le bénéficiaire dénonce par écrit à l'entrepreneur le défaut de construction constaté et transmet une copie de cette dénonciation à l'administrateur en vue d'interrompre la prescription;

2° au moins 15 jours après l'expédition de la dénonciation, le bénéficiaire avise par écrit l'administrateur s'il est insatisfait de l'intervention de l'entrepreneur ou si celui-ci n'est pas intervenu; il doit verser à l'administrateur des frais de 100 $ pour l'ouverture du dossier et ces frais ne lui sont remboursés que si la décision rendue lui est favorable, en tout ou en partie, ou que si une entente intervient entre les parties impliquées;

3° dans les 15 jours de la réception de l'avis prévu au paragraphe 2, l'administrateur demande à l'entrepreneur d'intervenir dans le dossier et de l'informer, dans les 15 jours qui suivent, des mesures qu'il entend prendre pour remédier à la situation dénoncée par le bénéficiaire;

4° dans les 15 jours qui suivent l'expiration du délai accordé à l'entrepreneur en vertu du paragraphe 3, l'administrateur doit procéder sur place à une inspection;

5° dans les 20 jours qui suivent l'inspection, l'administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l'absence de règlement et il en transmet copie, par poste recommandée, aux parties impliquées;

6° en l'absence de règlement, l'administrateur statue sur la demande de réclamation et, le cas échéant, il ordonne à l'entrepreneur de rembourser le bénéficiaire pour les réparations conservatoires nécessaires et urgentes, de parachever ou corriger les travaux dans le délai qu'il indique et qui est  convenu avec le bénéficiaire ;

7° à défaut par l'entrepreneur de rembourser le bénéficiaire, de parachever ou de corriger les travaux et en l'absence de recours à la médiation ou de contestation en arbitrage de la décision de l'administrateur par l'une des parties, l'administrateur fait le remboursement ou prend en charge le parachèvement ou les corrections dans le délai convenu avec le bénéficiaires et procède notamment, le cas échéant, à la préparation d'un devis correctif, à un appel d'offres, au choix des entrepreneurs et à la surveillance des travaux;

 

[142]       Selon l’article 34, le bénéficiaire qui voudrait se prévaloir d’une garantie offerte par le Règlement mais après la réception de l’immeuble doit dénoncer son intention par écrit à l’entrepreneur et en transmettre une copie à l'administrateur. Toujours selon l’article 34, si la suite qu’y donne l'entrepreneur ne le satisfait, le bénéficiaire s'adresse alors directement à l'administrateur à qui il demande d'intervenir. Dans la majorité des cas, l’administrateur nomme un inspecteur qui procède à une inspection à laquelle en général le bénéficiaire et l’entrepreneur sont présents. S'ensuit alors un processus administratif comportant plusieurs démarches et interventions de la part de l'administrateur.

[143]       Si au terme du processus, le bénéficiaire et l'entrepreneur n'en sont pas venus à une entente, l’administrateur doit se prononcer par écrit sur la réclamation du bénéficiaire.

[144]       Tout cela, évidemment sans tenir d’audience, l’administrateur n’étant pas une instance judiciaire.

[145]       Si l'administrateur juge la réclamation du bénéficiaire fondée, il peut ordonner à l'entrepreneur d’apporter certains correctifs au bâtiment. À défaut par l'entrepreneur d'obtempérer, l'administrateur prend lui-même en charge ces correctifs, étant du coup subrogé aux droits du bénéficiaire à l’égard de l'entrepreneur.

[146]       Or, selon la preuve non contredite, cette procédure que l’entrepreneur reproche à l’administrateur de ne pas avoir suivi ne s’applique pas intégralement dans un cas de demande de remboursement d’acomptes présentée sans qu’il y ait eu réception comme c’est le cas ici. À l’examen même de l’article 34, on constate qu’effectivement il s’agit d’une procédure propre aux réclamations faites subséquemment à la réception.

[147]       Avec égards, l’entrepreneur ne m’a présenté aucun argument me permettant de conclure que l’administrateur aurait erré en traitant la demande comme il l’a fait.

[148]       Cela dit, dans la mesure où l'administrateur est appelé à décider d’une réclamation impliquant deux parties opposées, il exerce une autorité qui exige qu’il agisse équitablement et de bonne foi, comme toute personne exerçant des droits civils.

[149]       En l’espèce, aucune preuve n’a été présentée qui démontrerait que tel n’a pas été le cas ici.

[150]       Avec égards, d’une part l’administrateur n’a pas de caractère judiciaire puisqu’il est en fait davantage assimilable à un assureur devant son assuré.

[151]       D’autre part, selon le régime en place, tout bénéficiaire ou entrepreneur insatisfait d’une décision de l’administrateur peut se pourvoir en arbitrage, ce qui est le cas dans le présent dossier. Le débat revêt alors une forme quasi-judiciaire où chacun peut faire valoir son point de vue dans un forum assujetti aux règles de justice naturelle.

[152]       En somme, une décision de l’administrateur n’est pas une décision judiciaire ni celle d’un corps public indépendant et autonome. Il s’agit plutôt, selon l'expression employée par la Cour supérieure dans La Garantie habitation du Québec c. Masson, REJB 2002-33076 , de la décision unilatérale du garant, en l'occurrence l'administrateur. 

[153]       Concrètement en l’espèce, l’examen de la façon dont monsieur Ouimet, le représentant de l’administrateur a agi démontre qu’il l’a fait de manière rigoureuse et honnête, ayant rencontré non seulement un bénéficiaire mais également l’entrepreneur.

[154]       D’ailleurs, la preuve a démontré que les faits sur lesquels celui-ci avait appuyé son point de vue étaient bien fondés. J’y reviendrais.

[155]       Pour toutes ces raisons, les arguments de l’entrepreneur au sujet du traitement du dossier sont donc sans fondement.

[156]       J’en reviens donc aux deux moyens annoncés au départ par l’entrepreneur.

[157]       D’abord, les décisions du 9 janvier et 11 mai 2006 étaient-elles la révision de décisions rendues en septembre 2005?

[158]       L’examen des réclamations présentées par les bénéficiaires en juillet 2005 permet d’y identifier deux demandes précises : d’une part, le remboursement d’acomptes et, d’autre part, le remboursement de frais de relogement. On y lit en effet :

[…]

En conformité avec la clause 2.1 du Contrat de garantie, nos clients sont en droit demander le remboursement de l’acompte versé, soit la somme de [...]

De plus, en vertu de la clause 2.3 dudit contrat, nos clients demandent le remboursement de leurs frais de relogement, de déménagement et d’entreposage de ses biens, lesquels totalisent la somme de [...]. Cette somme est réduite à la somme de [...] compte tenu de la clause 5 qui limite à 5,000.00$ le montant pouvant être réclamé à cet item.

 

[159]       Estimant à tort ou à raison que le traitement au fond de ces demandes impliquait de se prononcer sur la validité d’un contrat préliminaire, l’administrateur indique dans une lettre du 28 septembre 2005 qu’il n’entend pas répondre présentement à ces demandes qu’il qualifie en somme de prématurées.

[160]       Il faut me semble-t-il regarder la substance plutôt que de s’en tenir à la surface des mots. Or, il est bien clair que l’administrateur ne s’était pas penché sur la question du droit au remboursement parce qu’il estimait cette question prématurée. Avec égards, qu’il se soit agi d’une décision ou non importe peu dans la mesure où son objet ne portait pas sur les demandes de remboursement jugées prématurées. 

[161]       On voit mal comment en effet l’entrepreneur peut affirmer qu’il s’agit là d’une décision relative aux demandes qui nous intéressent alors que cette lettre ne répond pas, ne dispose pas, de la demande formulée en juillet 2005. En vérité, elle ne décide de rien. Elle annonce aux bénéficiaires que leur dossier est et restera ouvert et que l’administrateur pourra s’y pencher si la situation change. Peut-être les bénéficiaires et même l’entrepreneur auraient-ils pu contester ce report mais ils ne l’ont pas fait, acceptant tous deux d’attendre. L’administrateur ne disait pas que la demande était rejetée ou accueillie mais plutôt qu’il ne pouvait pas répondre pour l’instant. Selon le Larousse le mot décision s’entend d’un acte par lequel une autorité décide quelque chose après examen. Or, justement l’administrateur reporte l’examen. Il ne décide donc pas, se contentant de signaler que sa position pourrait être réévaluée.

[162]       Enfin, la lettre de l’administrateur ne se prononce ni sur le droit des bénéficiaires d’obtenir le remboursement des acomptes en vertu du Règlement ni celui de l’entrepreneur de les conserver.

[163]       Vu ces raisons, il n’y a pas eu en janvier ou mai 2006 révision des décisions de septembre précédent.

[164]       Qu’en est-il des décisions en litige?

[165]       La preuve révèle que l’administrateur a, de manière éclairée et objective, après avoir été mis au courant selon la preuve non contredite de faits, peut-être lointains mais néanmoins qu’il ignore au moment d’écrire sa lettre en septembre 2005, décidé de se prononcer sur le fond et de rendre les ordonnances de remboursement.

[166]       L’administrateur y constate que l’entrepreneur avait manqué à certaines obligations couvertes par le Règlement et cela, avant la réception. Ces circonstances, selon l’administrateur, lui permettent, au sens de l’article 26 du Règlement, d’ordonner à l’entrepreneur le remboursement aux bénéficiaires des acomptes reçus de ceux-ci et c’est ce qu’il lui ordonne de faire.

[167]       L’entrepreneur nie avoir l’obligation d’effectuer les remboursements ordonnés par l’administrateur.

[168]       L’article 33 du Règlement définit, et donc circonscrit, l’objet du Règlement qui est de garantir l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévue au Règlement.

[169]       On le voit, le Règlement a donc une portée limitée par ses termes et conditions. Ce cadre n’écarte pas par ailleurs que d’autres recours puissent être institués pour des réclamations non couvertes par le Règlement.

[170]       Ma juridiction comme arbitre désigné en vertu du Règlement est d’assurer que la garantie offerte par ce dernier soit respectée et qu’en pratique, un problème reconnu visé par le Règlement reçoive la solution prévue au Règlement.

[171]       L’article 35 stipule que le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage [...].

[172]       Ma compétence est double : assurer qu’une décision a été rendue par l’administrateur et voir que celle-ci soit conforme au Règlement. C’est en effet ce qui ressort des articles 106 et suivants du Règlement :

106. Tout différend portant sur une décision de l'administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l'annulation de l'adhésion d'un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l'arbitre désigné en vertu de la présente section.

Peut demander l'arbitrage, toute partie intéressée:

  1°    pour une réclamation, le bénéficiaire ou l'entrepreneur;

  2°    pour une adhésion, l'entrepreneur.

La demande d'arbitrage concernant l'annulation d'une adhésion d'un entrepreneur ne suspend pas l'exécution de la décision de l'administrateur sauf si l'arbitre en décide autrement.

[…]

116.   Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient.

[…]

120.   La décision arbitrale, dès qu'elle est rendue, lie les parties intéressées et l'administrateur.

La décision arbitrale est finale et sans appel.

121.   La décision arbitrale n'est susceptible d'exécution forcée qu'après avoir été homologuée suivant la procédure prévue aux articles 946 à 946.6 du Code de procédure civile (L.R.Q., c. C-25).

122.   La décision arbitrale écrite et motivée doit être transmise aux parties intéressées et à l'administrateur dans les 30 ou 15 jours de la date de la fin de l'audience selon que la décision porte sur une réclamation ou l'adhésion.

Les parties intéressées peuvent, de consentement, convenir d'un délai supplémentaire.

[…]

124.   L'arbitre doit statuer, s'il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.

 

[173]       La décision, la sentence que je dois rendre, doit l'être judiciairement, i.e. entre autres en conformité des règles de preuve généralement admises dans les cours de justice.

[174]       L’une de ces règles est que la partie qui se porte demanderesse en justice, ici l’entrepreneur à l’encontre de la décision de l’administrateur, a le fardeau de démontrer le bien-fondé de ses prétentions. Cela signifie que pour avoir gain de cause la partie demanderesse devra entre autre présenter une preuve qui soit prépondérante du bien- fondé factuel de ses prétentions.

[175]       L’article 2804 du Code civil du Québec nous dit en quoi consiste une preuve prépondérante. Il s’agit de la preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.

[176]       En l’espèce, l’entrepreneur a donc la responsabilité de me présenter une preuve prépondérante de la matérialité des faits avancés au soutien de ses  prétentions.

[177]       Concrètement, cela signifie ici que l’entrepreneur pour réussir devait démontrer par une preuve prépondérante que les conditions énoncées au Règlement et permettant à l’administrateur de lui ordonner de rembourser les acomptes touchés n’étaient pas présentes.

[178]       On l’a vu, c’est l’article 26 du Règlement qui garantit dans certaines circonstances  le remboursement aux bénéficiaires des acomptes versés à un entrepreneur. C’est le cas lorsqu’il y a manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles, avant la réception du bâtiment par un bénéficiaire. En somme, pour qu’il y ait droit à un remboursement, il doit y avoir manquement avant la réception.

[179]       Y a-t-il eu manquement en l’espèce?

[180]       L’administrateur a répondu oui en s’appuyant sur les circonstances suivantes, circonstances mentionnées dans la décision du 9 janvier 2006 :

Ø     Le chantier a été abandonné le ou vers le 15 septembre 2004;

Ø     depuis cette date, aucuns autres travaux n’ont été faits par l’entrepreneur;

Ø     les bâtiments sont demeurés inachevés.

Ø     Inoccupés, les bâtiments ont subi de nombreux dommages, en raison notamment d’infiltrations d’eau ou de la présence de pigeons.

Ø     Plusieurs hypothèques légales ont été enregistrées contre les bâtiments par des fournisseurs et autres créanciers de l’entrepreneur.

Ø     Le 24 mai 2005, la CIBC a obtenu de la Cour supérieure un jugement en délaissement forcé. Elle était alors autorisée à vendre en justice les bâtiments situés au 8-10 et 18-20 rue de l’Aviron à Gatineau, faute par l’entrepreneur de lui avoir remboursé le prêt hypothécaire qu’elle lui avait consenti.

Ø     L’entrepreneur n’est plus depuis le 18 août 2004 accrédité auprès de l’administrateur et il ne détient plus de licence de la Régie du bâtiment du Québec depuis le mois de juin 2005.

Ø     L’administrateur avait lui-même déjà remboursé certains acomptes touchés par l’entrepreneur suite à une décision annulant les contrats préliminaires intervenus entre celui-ci et des acheteurs potentiels en vue de leur acquisition d’une copropriété située dans le même ensemble; le tout, en raison du refus de l’entrepreneur de le faire après que l’administrateur le lui eût ordonné en vertu de l’article 26.

Ø     Les bénéficiaires avaient communiqué à l’APCHQ une copie d’une mise en demeure datée du 2 décembre 2005 vainement adressée à l’entrepreneur en vue de leur obtention dans les sept jours suivants de titres de propriété clairs, le tout en application de la clause 27 de leur contrat préliminaire avec l’entrepreneur.

Ø     Au 9 janvier 2006, l’entrepreneur n’avait toujours pas donné suite à cette mise en demeure.

[181]       L’entrepreneur n’a présenté en arbitrage aucun élément me permettant de remettre en cause la matérialité de ces évènements. Certes, il a soutenu ne pas avoir abandonné les travaux mais il reste que selon la preuve prépondérante, le chantier était à l’abandon.

[182]       Il a également soutenu que même s’il n’avait plus de licence, cela ne l’empêcherait pas de terminer les travaux. Avec égards, qu’une autre compagnie ait été créée et prétende posséder les permis nécessaires n’est pas pertinent au présent litige qui oppose l’entrepreneur et non une autre compagnie aux bénéficiaires.

[183]       Or, compte tenu des règles déjà évoquées relatives au fardeau de la preuve, je me dois de tenir pour exactes les faits retenus par l’administrateur.

[184]       En somme, l’entrepreneur s’en est plutôt tenu à affirmer que si les bénéficiaires avaient accepté de passer titre comme il le leur demandait en septembre puis en octobre 2004, ces situations ne se seraient pas produites. Avec égards, il ne revient pas à l’arbitre de se prononcer sur l’existence de quelque faute de tiers ou des bénéficiaires susceptible d’avoir engagé leur responsabilité à l’époque du refus des bénéficiaires de passer titre alors que leur immeuble était inachevé et grevé de charge par l’entrepreneur.

[185]       C’est, soit dit en passant, dans cette optique que j’ai décidé avant même que l’entrepreneur n’annonce vouloir présenter une requête en sursis, que la validité, le bien-fondé de l’opinion juridique donnée par des tiers aux bénéficiaires sur l’à-propos pour eux de refuser de passer acte avec l’entrepreneur n’était pas une question de mon ressort.

[186]       Le litige porté devant moi a uniquement trait à une demande de remboursement d’acomptes ordonné en vertu du Règlement. La question de savoir si certains agissements et omissions des bénéficiaires, ou de représentants ou conseillers de ceux-ci auraient empêché l’entrepreneur de rencontrer ses propres obligations au sens du Règlement n’est pas pertinente à ce litige.

[187]       La question est simple : en vertu du Règlement, l’administrateur est ultimement obligé de cautionner auprès d’acheteurs d’immeubles en construction certaines obligations des entrepreneurs adhérant au Règlement. L’arbitrage prévu à ce Règlement porte toujours sur, et seulement sur, la résolution des différends nés des décisions rendues en vertu du Règlement, au sujet de réclamations présentées également en vertu du Règlement

[188]       En effet, on l’a vu, l’article 35 du Règlement confère pour toute compétence à l’arbitre celle de réviser les décisions prises par l’administrateur. Son rôle est donc très étroit; il se limite à déterminer s’il y a eu ou non décision de l’administrateur conforme au Règlement.

[189]       Avec égards, sans aucunement vouloir suggérer que la responsabilité civile des bénéficiaires envers l’entrepreneur aurait pu être engagée dans les circonstances de ce dossier, je constate que la sanction civile d’une pareille responsabilité, si elle existait, ne relèverait pas du Règlement et ne serait donc pas de la compétence de l’administrateur. Il s’ensuit qu’elle ne serait pas non plus de celle de l’arbitre. Mon examen des dossiers indique que d’ailleurs l’administrateur ne s’est pas saisi de la question des soi-disant fautes commises par les bénéficiaires allégués par l’entrepreneur et qu’il s’en est tenu au Règlement. L’entrepreneur a vraisemblablement compris qu’il en était ainsi puisqu’il a entrepris d’engager un recours en dommages contre les bénéficiaires non pas devant l’administrateur mais bien en Cour supérieure.

[190]       L’administrateur n’avait pas davantage compétence pour se prononcer sur un litige né du contrat préliminaire, notamment autour de ses articles 27 et 28 relativement à la résiliation du contrat. D’ailleurs, tous conviennent que ces dispositions ne relèvent pas de la compétence de l’administrateur et par conséquent pas de la mienne non plus.

[191]       Que l’entrepreneur invoque des fautes des bénéficiaires commises sous forme de soumission à des conseils juridiques erronés ou de dommages matériels constatés ou non par huissier, ou de manquement des bénéficiaires de leurs obligations prévus au contrat préliminaire, il reste qu’à tort ou à raison, le législateur n’a pas voulu que ces questions ressortissent du Règlement.

[192]       A cet égard, je souscris au propos de l’arbitre Alcide Fournier dans Provençal, Bilodeau et Pérusse et Les Maisons Zibeline inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., SA, 20 août 2007 :

[40] Finalement, le refus de rembourser les acomptes parce que l’entrepreneur a subi des dommages dus au refus des bénéficiaires de signer le contrat ne peut être retenu.

[41]  Selon le Petit Larousse Illustré, édition 2007, un acompte est un paiement partiel à valoir sur le montant d’une somme à payer.

[42] En aucun cas, on ne peut considérer dans le présent litige que l’acompte serait le montant de dommages liquidés en cas de refus des bénéficiaires de signer le contrat définitif devant notaire.

[43] Par ailleurs, un principe de justice naturelle énonce que : «  Nul ne peut se faire justice à soi-même ».

[44] En conservant les acomptes, l’entrepreneur décide arbitrairement que ses dommages s’établissent à 5000 $ sans qu’il ait besoin de les quantifier ni de les prouver.

[45] Une telle situation est totalement inéquitable pour les consommateurs, qui, pour obtenir justice, devraient avoir recours aux tribunaux civils alors que le législateur a voulu que les litiges en vertu du règlement soient entendus par un tribunal d’arbitrage.

[46] Compte tenu de la preuve prépondérante quant au défaut de l’entrepreneur de respecter ses obligations légales et contractuelles, l’arbitre soussigné en tenant compte de l’équité et des dispositions du règlement, estime que l’entrepreneur doit rembourser les  acomptes  versés par les bénéficiaires.

 

[193]       Du reste, en janvier 2006, l’entrepreneur avait largement manqué à ces obligations au sens du Règlement et il était dans une situation où il ne pouvait plus raisonnablement croire que les bénéficiaires passeraient titre : il y avait eu délaissement forcé, le chantier était à l’abandon, il n’avait plus de permis et les immeubles inachevés étaient grevés de toutes parts. 

[194]       Cela dit, le Règlement assujettit le remboursement des acomptes au fait qu’il n’y ait pas eu réception. Y avait-il réception en l’espèce ?

[195]       Selon la preuve, au 9 janvier 2006, les bénéficiaires n’avaient pas passé titre, un fait incontesté. Un autre fait est qu’à cette date, on ne pouvait plus raisonnablement croire qu’ils pourraient le faire.

[196]       Avec égards, j’estime que c’est à bon droit que l’administrateur a jugé que dans les circonstances particulières du présent dossier, malgré la signature par les bénéficiaires d’un acte de réception, que celle-ci n’était plus valable dans les circonstances. En somme il s’était écoulé plus d’un an depuis leur signature sans qu’il y ait eu passation de titre et en janvier 2006, il était improbable que celle-ci se réalise.

[197]       Avec égards, l’entrepreneur n’a présenté aucun argument susceptible de m’amener à mettre de côté cette conclusion de l’administrateur.

[198]       Ainsi, j’estime qu’il serait tout à fait contraire au Règlement et inéquitable que je conclue à la présence de réception du bâtiment alors que les bénéficiaires n’en sont jamais devenus propriétaires.

[199]       J’en conclus que c’est à bon droit que l’administrateur a jugé qu’il n’y avait pas eu réception au sens du Règlement.

[200]       Pour toutes ces raisons, je rejette les recours de l’entrepreneur à l’égard des décisions de l’administrateur lui ordonnant de rembourser les acomptes aux bénéficiaires.

[201]       J’ordonne à l’entrepreneur de se conformer dans les 15 jours des présentes aux 13 décisions de l’administrateur rendues le 9 janvier et le 11 mai 2006 et, à défaut, qu’il y soit procédé par l’administrateur dans les 15 jours suivants et ce, en conformité du Règlement

Montréal, le 20 août 2008

 

 

 

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Johanne Despatis, avocate

Arbitre

                       

 

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SA-8045