TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS INC.  (SORECONI)

 

 

ENTRE :                                        HUGO ROUSSE

                                                         DAVID MARCIL

                                                                                                                                               

(ci-après les « Bénéficiaires »)

 

ET :                                                 CONSTRUCTION GOHIER INC.

 

                                                        

(ci-après l’ « Entrepreneur »)

 

ET :                                                 LA GARANTIE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE

 

                                                        

(ci-après l’« Administrateur »)

 

Dossier : SORECONI  (190601001)

Adresse du bâtiment : [...], Saint-Sauveur

 

 

DÉCISION

 

 

Arbitre :                                                          Me Carole St-Jean

 

Pour les Bénéficiaires :                                Me Suzanne Boisvert

 

Pour l’Entrepreneur :                                     Monsieur Mathieu Gohier

 

Pour l’Administrateur :                                  Me Pierre-Marc Boyer

 

Date de l’audition :                                        8 mai 2019

 

Date de prise en délibéré :                          8 mai 2019

 

Date de la décision :                                    19 juin 2019


Identification complète des parties

 

 

 

 

Bénéficiaires :                                               Monsieur Hugo Rousse

Monsieur David Marcil

[...]

Saint-Sauveur (Québec) [...]

 

Et leur avocate :

 

Me Suzanne Boisvert

                                                                        2272, rue Fleury Est

Montréal (Québec) H2B 1K6

                                                                       

 

Entrepreneur:                                                 Construction Gohier inc.

307, rue des Jonquilles

Saint-Eustache (Québec) J7P 5T6

 

 

 

Et son représentant :

 

Monsieur Mathieu Gohier

                                                                      

 

 

 

Administrateur :                                            La Garantie construction résidentielle

7171, rue Jean-Talon Est

Montréal  (Québec)  H1M 3N2

 

 

 

Et son avocat :

 

Me Pierre-Marc Boyer

7171, rue Jean-Talon Est

Montréal  (Québec)  H1M 3N2

 

 

                                                                      

 

 


Préambule

 

1.         Le présent arbitrage est tenu en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs B-1.1, r.8 (ci-après le « Règlement »).

 

La décision de l’Administrateur

 

2.         Par décision rendue en date du 28 novembre 2018, l’Administrateur a refusé pour les motifs suivants de procéder à l’enregistrement du bâtiment des Bénéficiaires :

 

·     Permis d’agrandissement

 

Conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, GRC prévoit uniquement la couverture des bâtiments résidentiels neufs.

Nous considérons que le bâtiment n’est pas entièrement neuf puisque la partie existante est reliée à la partie neuve du bâtiment et que le permis délivré est un permis d’agrandissement mentionnant la modification de la partie existante en pergola.

 

·     Contrat de construction

 

Aucun contrat de construction n’a été conclu entre les parties.  Il nous est donc impossible de vérifier cette information.

 

·     Factures de matériaux

 

Toutes les factures transmises ont été émises au nom des clients.  De plus, les factures émises par construction « Gohier et Lanouette Inc. » sont majoritairement des factures de main-d’œuvre, ce qui ne nous indique pas que l’entrepreneur était en contrôle du chantier lors des travaux.

 

3.         En date du 6 janvier 2019, l’organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment recevait la demande d’arbitrage des Bénéficiaires.

 

4.         En date du 1er février 2019, la soussignée était nommée pour agir à titre d’arbitre.

 

 

L’audience préliminaire par conférence téléphonique

 

5.         Une audience préliminaire par conférence téléphonique a été tenue en date du 28 mars 2019.

 

6.         Les parties ont déclaré n’avoir aucune objection à soulever eut égard à la compétence du Tribunal arbitral.

 

 

L’audience

 

7.         L’audience a été précédée par une visite des lieux à laquelle toutes les parties ont assisté.

 

La preuve des Bénéficiaires

 

Interrogatoire en chef de Monsieur Hugo Rousse

 

8.         Le témoignage de Monsieur Rousse débutera par le visionnement d’un enregistrement vidéo en date du 25 août 2015 (pièce B-7).

 

9.         Cet enregistrement vidéo montre Monsieur Mario Pagé, entrepreneur en excavation, aux commandes d’une excavatrice sur chenilles en train d’entreprendre la démolition d’un petit chalet en bois blanc.

 

10.      Monsieur Rousse explique que lui-même et Monsieur David Marcil ont acheté au printemps 2015 un emplacement riverain du lac Prévost à Saint-Sauveur avec un bâtiment dessus érigé portant le numéro civique [...].

 

11.      Ce bâtiment, tel qu’il existait lors de l’achat de l’emplacement par les Bénéficiaires, est montré sur la photographie B-1.  Il s’agit du même petit chalet en bois blanc dont la démolition est entreprise dans l’enregistrement vidéo du 25 août 2015 (pièce B-7).

 

12.      Le bâtiment est sommairement décrit comme étant un petit camp trois (3) saisons, non isolé, reposant sur des blocs de ciment.

 

13.      Monsieur Rousse affirme que ce petit camp a été entièrement démoli et qu’il ne subsiste aucun matériau provenant de cette ancienne construction.

 

14.      Une fois les travaux de démolition de l’ancien bâtiment entièrement complétés, les travaux préparatifs de construction du nouveau bâtiment ont été entrepris.

 

15.      Dans un premier temps : dynamitage, excavation, coffrage et coulage des fondations de béton (photographies B-3, B-4, B-5 et B-6).

 

16.      Monsieur Rousse explique que leur projet initial consistait à agrandir le petit bâtiment existant mais ils ont rapidement abandonné cette idée vu la solidité insuffisante de sa structure.  Ils ont donc décidé de procéder à une reconstruction à neuf.

 

17.      Il produit un courrier électronique en date du 13 août 2015 de Monsieur Éric Girard, technicien en urbanisme à la Ville de Saint-Sauveur (pièce B-2), dans lequel ce dernier reconnait avoir été informé de l’intention des Bénéficiaires de procéder à la démolition complète du bâtiment existant suivie par la construction d’un bâtiment entièrement nouveau. 

 

18.      Monsieur Rousse explique que leur projet de construction d’un bâtiment entièrement neuf posait problème en raison des dimensions restreintes de leur terrain et de l’interdiction réglementaire de toute construction dans la bande de protection riveraine.

 

19.      Dans ce même courriel en date du 13 août 2015, Monsieur Girard indique qu’il croit avoir trouvé une piste de solution dans le chapitre de la règlementation portant sur les droits acquis.

 

20.      C’est dans ce contexte que Monsieur Girard a procédé à l’émission en date du 20 août 2015 du permis d’agrandissement no 2015-0608 (pièce A-4).

 

21.      Dans la section « Description des travaux » de ce permis, le projet autorisé est décrit comme suit :

 

1 - AGRANDISSEMENT :  de 16 pieds X 26 pieds, avec une hauteur moyenne de 26 pieds.

FONDATION :  + 1.37 m sous le niveau moyen du sol (La profondeur minimale des fondations, y compris les pilotis, est de 1,37 m sous le niveau du sol fini - règ. de construction 224-2008).

FINITION EXTÉRIEURE :  BOIS IMITATION BARDEAUX DE CÈDRE

PENTE DE TOIT :  14/12, AVEC DU BARDEAUX D’ASPHALTE COMME FINITION DE TOITURE

AMÉNAGEMENT INTÉRIEUR = RDC < SALLE DE SÉJOUR, CUISINE ET TOILETTE

ÉTAGE < CHAMBRE À COUCHER AVEC SALLE DE BAIN

 

2 - MODIFICATION DE LA PARTIE EXISTANTE EN PERGOLA DE 10 PI x 9.5 PI ET D’UNE TERRASSE DE 10 PI x 6 PI.  LA PARTIE AVEC LA PERGOLA SERA ÉGALEMENT MUNIE D’UN PLANCHER DE BOIS COMME LA TERRASSE.  LE TOIT DE LA PERGOLA SERA À 8.5 PI DU NIVEAU PLANCHER.  CES DEUX AMÉNAGEMENTS NE POURRONT PAS SORTIR DE L’EMPREINTE DE LA BÂTISSE EXISTANTE ET ORIGINALE, CAR CETTE PARTIE BÉNÉFICIE D’UN DROIT ACQUIS.  LE GARDE-CORPS CEINTURANT LA TERRASSE ET LA PERGOLA DOIT FAIRE UN MINIMUM DE 36 PO DE HAUTEUR, ET ÊTRE FABRIQUER (sic) CONFORMÉMENT AU CNB, C’EST-À-DIRE NE PAS PERMETTRE L’ESCALADE.

 

22.      Monsieur Girard a effectué une visite des lieux lorsque le béton de la fondation a été coulé et il donc été à même de constater que le bâtiment existant avait été entièrement démoli.

 

23.      La Ville de Saint-Sauveur n’est jamais intervenue de quelconque manière pour arrêter les travaux de construction.

 

24.      La photographie B-5 montre le système de drainage des nouvelles fondations.

 

25.      La photographie B-6 montre l’emplacement au sol autrefois occupé par l’ancien chalet.

 

26.      Monsieur Rousse produit comme pièce B-8 un extrait du site Internet de l’Administrateur intitulé « Autoconstruction ».

 

27.      Monsieur Rousse décrira ensuite l’implication de l’Entrepreneur dans leur projet.

 

28.      Monsieur Rousse sera mis en contact avec le représentant de l’Entrepreneur, Monsieur Mathieu Gohier, par l’entremise d’une collègue de travail dont il est le conjoint.

 

29.      À l’été 2015, ils établiront quelques contacts par téléphone et par message texte et les Bénéficiaires transmettront à l’Entrepreneur les plans de leur projet modélisé.

 

30.      La toute première recommandation de l’Entrepreneur aux Bénéficiaires fut celle relative à la nécessité de faire préparer des plans de construction.

 

31.      Une fois complétés, ces plans de construction ont été transmis à l’Entrepreneur.

 

32.      Ils tiendront éventuellement une rencontre sur les lieux ainsi qu’à la résidence des Bénéficiaires.

 

33.      Leur projet initial était de conclure avec un entrepreneur général un contrat de construction jusqu’à l’état de gros œuvre (rough).

 

34.      Ils ont toutefois finalement opté pour la réalisation de leur projet en autoconstruction.

 

35.      Ils ont donc confié à l’Entrepreneur le mandat d’une part de les assister et de les conseiller dans le cadre de la réalisation de leur projet et d’autre part, de prendre en charge l’exécution des travaux de construction de la coquille du bâtiment, des portes et fenêtres, des divisions intérieures et de l’isolation.

 

36.      Les Bénéficiaires ont donné à l’Entrepreneur une procuration l’autorisant à porter l’achat de tous les matériaux requis sur leur compte-client ouvert chez un détaillant Rona.

 

37.      L’Entrepreneur procédait lui-même à l’achat des matériaux requis sans consultation préalable des Bénéficiaires.

 

38.      Monsieur Rousse est avocat et il ne possède aucune expérience dans le domaine de la construction.

 

39.      Lorsque survenait une difficulté à résoudre dans le cadre de la construction, la problématique était référée à l’Entrepreneur.

 

40.      En ce qui a trait à la construction de la toiture, l’Entrepreneur a lui-même sous-contracté l’achat des fermes de toit chez Barrette Structural inc. (facture - pièce A-1).

 

41.      Dans un courriel en date du 22 septembre 2015 transmis à l’Entrepreneur (pièce A-1), Monsieur Rousse confirme l’entente intervenue entre les parties dans les termes suivants :

 

Voici mon courriel (eh oui, c’est une déformation professionnelle) résumé question de bien préparer les travaux à venir.

 

EXÉCUTION DES TRAVAUX

 

Si cette option te convient, je te confirme qu’on souhaiterait que tu prennes en charge le projet durant les travaux pour la coquille.  Ça inclut la sous-traitance entre autres pour la pose de la toiture, du bardeau et des fenêtres et la construction des escaliers.

On voudrait faire les travaux pour le rough pour l’instant et par la suite on va reprendre une décision à savoir ce qu’on fera nous-mêmes.

On a trouvé :

Un plombier :  Plomberie GC Stéphane Caron 514-705-7979

Un électricien : P.L. Électrique Pierre-Luc Pelletier  450-712-4974

Entrepreneur pour l’eau :  Experteau Mario Dionne 450-258-4482

 

PLAN DE CONSTRUCTION

 

L’ouverture du plancher dans la section des 2 escaliers sera sur toute la longueur, c’est-à-dire qu’il n’y aura pas de palier sous l’escalier menant vers le 1er étage.

Nous avons décidé d’installer un foyer plutôt qu’un poêle.  Le foyer sera au sous-sol dans le bloc central (bloc cuisine et garde-robe aux étages supérieurs).  On devra prévoir de passer la tuyauterie.

David va faire un plan qu’on va t’envoyer ce midi.

 

TOITURE

 

Concernant la toiture, nous avons opté pour la solution la plus économique.  On a regardé des images de ventilateurs de faîtes et ce n’est pas si mal.  Particulièrement si la toiture est en métal.  Donc pas de toiture sandwich.  On va attendre les plans techniques si j’ai bien compris ?

Pourrais-tu nous donner une idée de comment la ventilation sera installée sur les côtés de la maison ?  Je ne suis pas certain d’avoir bien compris pour les prises d’air insérée (sic) dans le bardeau.

 

ESCALIERS

 

Est-ce que c’est toi qui va construire les escaliers ou tu en feras des temporaires seulement ?

On les fera tout en bois et elles seront assez standard.

 

TERRASSE

 

On a besoin d’un coup de main pour la conception de la terrasse.  La terrasse en sortant du rez-de-chaussée n’aura pas de toit, mais on voudrait être au sec quand on est en dessous c-à-d quand on sort du sous-sol.  On n’a aucune idée de comment imperméabiliser.

Peux-tu nous donner des idées ?

On pourra voir combien ça coûte de la construire par la suite.

 

42.      Lorsque présent sur le chantier, l’Entrepreneur supervisait tous les travaux et en son absence, un employé responsable de l’Entrepreneur était délégué pour ce faire.

 

43.      L’Entrepreneur a déterminé l’échéancier de travail des différents corps de métier et a donné son avis aux Bénéficiaires sur les factures produites par ces derniers.

 

44.      Plusieurs travaux ont été réalisés à la suggestion de l’Entrepreneur :

 

-  Installation d’une membrane étanche sous les fondations;

-  Hauteur du mur de fondation arrière;

-  Isolation des fondations à l’uréthane;

-  Panneau de polystyrène sous la fondation;

-  Installation de courroies en aluminium pour stabiliser la structure.

 

45.      Une difficulté technique est survenue concernant la construction de la toiture sans débordement, tel que montré sur les plans de construction de Dessins Drummond.   Cette problématique a été discutée avec l’Entrepreneur (courriel en date du 22 septembre 2015 - pièce A-1) et les recommandations formulées par ce dernier ont été suivies par les Bénéficiaires.

 

46.      Tous les travaux d’isolation ont été pris en charge par l’Entrepreneur : isolation des murs en laine minérale, isolation des fondations en uréthane et isolation de la toiture en uréthane.

 

47.      Monsieur Rousse complète son témoignage par la production d’un courriel en date du 8 septembre 2015 (pièce B-10) confirmant la suggestion de l’Entrepreneur d’installer une membrane de polyuréthane autour de la fondation.

 

Contre-interrogatoire de Monsieur Hugo Rousse par l’Administrateur

 

48.      Monsieur Rousse affirmera que lors de la visite des lieux par Monsieur Éric Girard du service de l’urbanisme de la Ville de Saint-Sauveur, ce dernier n’a donné aucune indication laissant croire que la construction n’était pas conforme au permis émis.

 

49.      Il évalue que le coût total des travaux oscille entre 150 000 $ et 180 000 $ et qu’à même ce coût total, une somme d’environ 30 000 $ a été payée pour la main-d’œuvre fournie par l’Entrepreneur (pièce A-1 - Trois (3) factures).

 

50.      Monsieur Rousse confirmera n’avoir jamais signé un contrat écrit avec l’Entrepreneur, qu’il ignorerait à cette époque l’existence du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, qu’il n’a jamais discuté du Plan de garantie avec l’Entrepreneur et qu’il ignorait que l’Entrepreneur détenait une accréditation auprès de l’Administrateur.

 

51.      C’est en effectuant des recherches sur Internet après la découverte de l’affaissement de la toiture qu’il découvrira par hasard l’existence du Plan de garantie ainsi que les informations relatives à l’autoconstruction publiée sur le site Internet de l’Administrateur (pièce B-8).

 

52.      L’affaissement de la toiture a été constaté au début du mois de septembre 2017 et a été signalé à l’Entrepreneur dans les jours suivants (courriel en date du 10 septembre 2017 - pièce A-1).

 

53.      La situation a également été dénoncée  aux entreprises suivantes :  LG4 Isolation et Toitures D.L. Mat.

 

Interrogatoire en chef de Monsieur Mario Pagé

 

54.      Monsieur Pagé est entrepreneur en excavation.  Il exerce son entreprise sous la dénomination sociale de Excavations Mario Pagé inc.

 

55.      Les services de Monsieur Pagé ont été retenus par les Bénéficiaires pour procéder à la démolition du bâtiment existant qu’il identifie sur la photographie B-1.

 

56.      Sa facture est produite comme pièce B-9 et il explique que les premières démarches y décrites ont trait à la démolition du chalet existant (excavatrice - 8,5 heures et dispositions des matériaux au dépotoir) et que les démarches subséquentes ont trait à l’excavation du sol, à la préparation du sol pour le dynamitage, suivie par la préparation du sol pour la pose du coffrage.

 

57.      Il confirme qu’aucune partie du bâtiment existant n’est demeurée en place.

 

Contre-interrogatoire de Monsieur Mario Pagé

 

58.      En réponse aux questions de l’Administrateur, il déclarera :

 

·        Ne pas avoir vérifié si un permis autorisant lesdits travaux avait été émis par la Ville de Saint-Sauveur.

 

·        Détenir une licence de la Régie du bâtiment du Québec dans la catégorie : Démolition, excavation et terrassement.

 

59.      En réponse aux questions de l’Entrepreneur, il confirmera :

 

·        Que ses services ont été retenus par les Bénéficiaires Rousse et Marcil.

 

·        Que sa soumission et sa facture ont été libellées au nom des Bénéficiaires.

 

La preuve de l’Entrepreneur

 

Interrogatoire en chef de Monsieur Mathieu Gohier

 

60.      Monsieur Gohier décrira comme suit les travaux exécutés par son entreprise :

 

Une fois la construction du solage complétée par le sous-traitant en fondation, il a étançonné la fondation vu l’absence totale d’un mur de fondation côté lac, il a construit la charpente (planchers, murs et toiture), il a posé la laine isolante en matelas dans les murs (excluant l’isolation à l’uréthane) et il a posé toutes les portes et fenêtres (excluant la fourniture des matériaux).

 

61.      Il évalue le temps consacré à la pose de la laine isolante à environ 4 à 6 heures au taux horaire de 70 $ soit un coût approximatif de 300 $ à 400 $.

 

62.      Il évalue le temps consacré à l’installation des portes et fenêtres à environ 6 à 8 heures soit un coût approximatif  de 420 $ à 560 $.

 

63.      En date de l’audience, son entreprise était toujours accréditée auprès de l’Administrateur.

 

64.      Depuis janvier 2015, il a procédé à l’enregistrement d’environ quatre (4) bâtiments résidentiels neufs.

 

65.      Son entreprise exécute principalement des travaux de rénovation majeure lesquels ne sont pas couverts par le Plan de garantie.

 

66.      Il considère n’avoir que répondu aux questions d’un collège de travail de sa conjointe et déclare n’avoir reçu aucune rémunération pour ses rencontres avec les Bénéficiaires.

 

67.      Il est convaincu qu’il n’a pas agi comme entrepreneur général et qu’il s’agissait clairement d’un projet en autoconstruction par les Bénéficiaires.

 

Contre-interrogatoire de Monsieur Mathieu Gohier par l’Administrateur

 

68.      Il explique qu’il n’a pas enregistré le bâtiment auprès de l’Administrateur parce que d’une part, il s’agissait d’une autoconstruction et d’autre part, il s’agissait d’une rénovation par agrandissement vu qu’une partie du bâtiment existant devait être conservée.

 

69.      Au niveau de la toiture, son entreprise n’a exécuté que les travaux de charpente.

 

70.      Il déclare que l’identification de son entreprise à titre d’exécutant des travaux sur le permis d’agrandissement (pièce A-4) a été faite à son insu.

 

71.      Il réitère qu’il s’agissait clairement d’une autoconstruction par les Bénéficiaires.

 

Contre-interrogatoire de Monsieur Mathieu Gohier par les Bénéficiaires

 

72.      L’étançonnement de la fondation a été effectué à la suggestion du sous-traitant en fondation et ce travail a requis environ une (1) heure.

 

73.      Pour la construction de la charpente du toit, il évalue avoir consacré environ 24 heures, soit deux (2) ouvriers pendant un jour et demi (1 ½).

 

74.      En réponse à la question de Me Boisvert, « S’agissait-il d’une rénovation ou d’un bâtiment neuf », il répondra : « Ça ressemble à du neuf ».

 

75.      Quant à la politique de l’Administrateur relative à l’enregistrement d’un bâtiment érigé en autoconstruction, il reconnaîtra qu’il l’ignorait.

 

Contre-interrogatoire de Monsieur Mathieu Gohier par l’Administrateur

 

76.      Les trois (3) factures de son entreprise (pièce A-1) totalisent 307 heures de main-d’œuvre incluant :

 

Charpente de la toiture : 24 heures

Isolation : 6 heures

Portes et fenêtres : 8 heures

 

Ce qui laisse subsister environ 90 % de la facture de main-d’œuvre pour l’érection de la charpente.

L’argumentation

 

L’argumentation des Bénéficiaires

 

77.      Les Bénéficiaires soutiennent que la lettre de l’Administrateur en date du 28 novembre 2018 exprime une décision de l’Administrateur donnant ouverture au recours en arbitrage.

 

78.      Ils rappellent que le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs vise à protéger l’acheteur d’une habitation résidentielle neuve et que ce Règlement est d’ordre public.

 

79.      Ils soutiennent que l’entente verbale intervenue entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur lie ces derniers au même titre qu’un contrat écrit.

 

80.      À leur avis, l’évaluation par l’Entrepreneur des heures consacrées à la construction de la charpente du toit, à l’installation des portes et fenêtres et à la pose de la laine isolante est sous-estimée.

 

81.      Dans son document explicatif (pièce B-8), l’Administrateur énumère les éléments de construction considérés comme majeurs et les Bénéficiaires soutiennent que cette énumération est faite sans égard quant aux coûts de chacun de ces éléments.

 

82.      Ils réitèrent que le bâtiment existant a été entièrement démoli et qu’il s’agit donc d’un bâtiment totalement neuf.

 

83.      Ils demandent en terminant que les frais de l’arbitrage soient supportés par l’Administrateur.

 

L’argumentation de l’Administrateur

 

84.      L’Administrateur reconnait que la demande en arbitrage est le recours approprié pour soumettre un différend portant sur le refus de l’Administrateur d’enregistrer un bâtiment.

 

85.      Il soumet que l’érection d’un bâtiment en autoconstruction est une situation particulière et que le Règlement est ambigu face à une telle situation.

 

86.      Il porte à l’attention du Tribunal arbitral la décision rendue en date du 23 juillet 2018 par Me Avelino de Andrade dans l’affaire de Jessica Maréchal et Philippe Desranleau et MVP Rénovation (2009) inc. et Garantie de Construction Résidentielle (GCR) tout en précisant qu’une demande de pourvoi en contrôle judiciaire est pendante dans cette affaire.

 

87.      Bien que l’information publiée sur le site Internet de l’Administrateur identifie l’isolation ainsi que les portes et fenêtres comme étant des éléments de constructions majeurs, l’Administrateur soutient qu’en l’espèce ces éléments ne peuvent être considérés comme majeurs vu la faible proportion de temps consacré à leur exécution.

 

88.      Il mentionne également que l’Entrepreneur a agi comme conseiller auprès des Bénéficiaires et que le fait de dispenser des conseils n’est pas un élément de nature à influencer la détermination de son statut.

 

89.      Il rappelle en terminant que le fardeau de la preuve repose sur les épaules des Bénéficiaires.

 

L’argumentation de l’Entrepreneur

 

90.      À son avis, le coût total de construction du bâtiment a été sous-évalué compte tenu que les Bénéficiaires ont exécuté eux-mêmes plusieurs travaux.

 

91.      Il soutient qu’il ne peut avoir agi comme entrepreneur général puisqu’il n’a reçu aucune rémunération pour ce faire.

 

Analyse et décision

 

L’objectif visé par le Règlement

 

92.      Tel qu’explicité par l’honorable Jeffrey Edwards de la Cour du Québec dans l’affaire de La Garantie Habitation du Québec inc. c. Quirion (2018 QCCQ 1549), l’objectif visé par le législateur lors de l’adoption du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs est la protection du consommateur immobilier.  Il s’exprime à ce sujet dans les termes suivants :

 

(36) En 1999, à l’instar des expériences dans les autres provinces, le Québec adopte son propre régime de plan de garantie visant les immeubles résidentiels neufs, soit en propriété unifamiliale ou en copropriété, soit le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, un règlement adopté sous l’égide de la Loi sur le bâtiment. Il s’agit d’une intervention législative et réglementaire visant à protéger le consommateur immobilier.

 

(le souligné est nôtre)

 

93.      Également, tel que confirmé par la Cour d’appel dans l’affaire de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Maryse Desindes  et Yvan Laroche (15 décembre 2004, J.E. 2005-132), le Règlement est d’ordre public et il fixe les modalités et les limites du plan de garantie.  La Cour d’appel s’exprime comme suit :

[10] La Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B.-1.1 ci-après la Loi) oblige les entrepreneurs généraux à détenir une licence, ce qu’ils ne peuvent obtenir à moins de remplir certaines conditions. L’une d’elles est l’adhésion à un plan de garantie de leurs obligations légales et contractuelles pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf.

 

[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés. 

 

(le souligné est nôtre)

 

94.      Finalement, dans l’affaire de Karine Beausoleil et Martin Lepage c. Construction André Taillon inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ (2006 CanLII 60463), le Tribunal arbitral présidé par Me Robert Masson rappelle que le Règlement est d’ordre public et que l’on peut y déroger.  Il s’exprime comme suit :

 

[30] Enfin, le Tribunal d’arbitrage est d’opinion que l’économie générale du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs l’inscrit au type des lois de la protection du consommateur.  Il est d’ordre public et on ne peut y déroger.

 

(le souligné est nôtre)

 

Le Règlement

 

95.      Les dispositions relatives au champ d’application du Règlement sont édictées à l’article 2, lequel article se lit comme suit :

 

2.  Le présent règlement s’applique aux plans de garantie qui garantissent l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur visées au chapitre II et résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction:

 

1°  des bâtiments neufs suivants destinés à des fins principalement résidentielles et non détenus en copropriété divise par le bénéficiaire de la garantie:

 

a)  une maison unifamiliale isolée, jumelée ou en rangée;

(…) 

 

(le souligné est nôtre)

 

96.      La seule exception au champ d’application du Règlement est énoncée à l’avant-dernier paragraphe du même article, à savoir :

 

Malgré ce qui précède, le présent règlement ne s’applique pas lorsque le client de l’entrepreneur est un organisme sans but lucratif, une coopérative ou un office d’habitation créé en vertu de la Loi sur la Société d’habitation du Québec (chapitre S-8) et qu’il bénéficie pour l’achat ou la construction d’un bâtiment neuf, d’une aide financière dans le cadre d’un programme d’habitation mis en œuvre par la Société d’habitation du Québec en vertu de sa loi constitutive. 

 

97.      Hormis cette exception, il appert des dispositions générales de l’article 2 précité que la mise en œuvre du plan de garantie nécessite la réunion des éléments suivants :

 

·        Un bâtiment résidentiel neuf

·        Un bénéficiaire ayant conclu un contrat

·        Un entrepreneur

 

98.      Procédons à l’analyse de chacun de ces éléments.

 

Un bâtiment résidentiel neuf

 

99.      Sommes-nous en présence d’un bâtiment résidentiel neuf ?

 

100.   À l’article 1 du Règlement, la seule définition susceptible de trouver application en l’espèce est celle du mot « Bâtiment » :

 

le bâtiment lui-même, y compris les installations et les équipements nécessaires à son utilisation soit le puits artésien, les raccordements aux services municipaux ou gouvernementaux, la fosse septique et son champ d’épuration et le drain français;

 

101.   Le mot « bâtiment résidentiel neuf » n’étant pas défini, il faut s’en remettre pour leur interprétation au sens commun.

 

102.   Nul doute dans l’esprit du Tribunal arbitral que le bâtiment concerné par la présente demande est un bâtiment résidentiel neuf et la soussignée ajouterait même entièrement et complètement neuf.

 

103.   Ce constat est basé sur les éléments de preuve suivants :

 

·        La visite des lieux avant l’audience

·        La photographie du bâtiment existant (pièce B-1)

·        L’enregistrement vidéo de l’excavatrice amorçant la démolition du bâtiment existant (pièce B-7)

·        La photographie B-2 montrant un terrain dénudé de toutes constructions

·        Le témoignage non contredit du Bénéficiaire, Monsieur Hugo Rousse

·        Le témoignage de l’entrepreneur en excavation, Monsieur Mario Pagé, confirmant qu’aucune partie de l’ancien bâtiment n’est demeurée en place

·        La réponse de l’Entrepreneur, Monsieur Mathieu Gohier, à la question des Bénéficiaires concernant l’état du bâtiment : « ça ressemble à du neuf ».  Le Tribunal arbitral a compris de cette réponse qu’il s’agissait bien entendu d’un euphémisme.

 

104.   Il est vrai que le permis émis par l’officier de la Ville de Saint-Sauveur autorise un agrandissement du bâtiment existant et non pas sa reconstruction à neuf.

 

105.   Une lecture attentive de la description du projet permet toutefois de constater qu’il n’exige pas le maintien d’une quelconque partie de l’ancien bâtiment mais bien plutôt que la pergola et la terrasse soient implantées dans « l’empreinte » du bâtiment existant.

 

106.   L’avocate des Bénéficiaires a annoncé en début d’audience que l’officier signataire du permis n’était plus à l’emploi de la Ville de Saint-Sauveur et qu’elle n’avait donc pas été en mesure de l’assigner à l’audience.

 

107.   Quoi qu’il en soit, les explications fournies par cet officier n’auraient en rien changé la preuve évidente que le bâtiment existant a été entièrement démoli et reconstruit à neuf et le Tribunal n’a évidemment pas à se prononcer sur la validité d’un tel permis.

 

108.   On peut toutefois comprendre que l’Administrateur, lors de sa prise de décision, ne bénéficiait pas de l’ensemble de la preuve telle que présentée à l’audience.

 

Un bénéficiaire ayant conclu un contrat

 

109.   À l’article 1 du Règlement, le mot « bénéficiaire » est défini comme suit :

 

une personne, une société, une association, un organisme sans but lucratif ou une coopérative qui conclut avec un entrepreneur un contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf et, dans le cas des parties communes d’un bâtiment détenu en copropriété divise, le syndicat de copropriétaires;

 

110.   Encore une fois, nul doute dans l’esprit du Tribunal arbitral qu’un contrat pour la construction d’un bâtiment résidentiel neuf a été conclu entre Messieurs Rousse et Marcil et l’Entrepreneur Gohier & Lanouette Entrepreneur général inc.

 

 

111.   La conclusion de ce contrat n’est d’ailleurs pas niée par l’Entrepreneur.

 

112.   Les termes de cette entente sont consignés dans le courriel de Monsieur Rousse à l’Entrepreneur en date du 22 septembre 2015 (pièce A-1).

 

113.   Il apparaît utile de rappeler que « le contrat se forme par le seul échange de consentement entre des personnes capables de contracter » (Article 1385 du Code civil du Québec).

 

114.   Quant aux modalités financières, il appert des trois (3) factures produites comme pièce A-1 que la main-d’œuvre fournie a été facturée au taux horaire et l’Entrepreneur confirmera que telle était l’entente intervenue entre les parties.

 

115.   Rappelons également que le contrat d’entreprise peut être conclu à forfait ou en fonction de la valeur des travaux exécutés (articles 2108 et 2109 du Code civil du Québec).

 

116.   Également, bien que l’Entrepreneur fournisse généralement les biens nécessaires à l’exécution du contrat, les parties peuvent stipuler, comme ce fut le cas en l’espèce, que l’Entrepreneur ne fournira que son travail (article 2103 du Code civil du Québec).

 

117.   Par ailleurs, référant aux dispositions de l’article 2099 du Code civil du Québec, la qualification du contrat d’entreprise repose sur les éléments suivants :

 

·        Le libre choix des moyens d’exécution du contrat

ET

·        L’absence de lien de subordination entre l’entrepreneur et le client quant à son exécution

 

118.   Le Tribunal arbitral est d’avis que nous sommes donc bel et bien en présence d’un contrat d’entreprise en bonne et due forme conclu entre l’Entrepreneur et Messieurs Rousse et Marcil :

 

·        Le contrat a été conclu au taux horaire de la main-d’œuvre fournie par l’Entrepreneur;

 

·        Les parties ont convenu que l’Entrepreneur ne fournirait que son  travail à l’exclusion de l’achat des matériaux (bien que ces matériaux aient été de fait achetés par l’Entrepreneur, ils ont été portés directement au compte des Bénéficiaires);

 

·        Sans aucun lien de subordination entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires quant à l’exécution des travaux.

 

119.   Il est clair qu’aucun lien de subordination ne pouvait exister entre l’Entrepreneur et Messieurs Rousse et Marcil alors que ces derniers n’avaient aucune expérience dans le domaine de la construction et qu’ils s’en sont entièrement remis aux conseils et recommandations de l’Entrepreneur.

 

120.   Monsieur Rousse a donné de nombreux exemples de l’implication et de la supervision de l’Entrepreneur dans leur projet et cette preuve n’a pas été contredite par l’Entrepreneur.

 

121.   Plus particulièrement, en ce qui a trait à la construction de la toiture, la preuve non contredite révèle que les Bénéficiaires ont sollicité et suivi les recommandations de l’Entrepreneur.  Ce dernier a d’ailleurs sous-traité directement l’achat des fermes de toit (pièce A-1).

 

Un entrepreneur

 

122.   À l’article 1 du Règlement, le mot « entrepreneur » est défini comme suit :

 

une personne titulaire d’une licence d’entrepreneur général l’autorisant à exécuter ou à faire exécuter, en tout ou en partie, pour un bénéficiaire des travaux de construction d’un bâtiment résidentiel neuf visé par le présent règlement;

 

123.   En l’espèce, l’Entrepreneur est effectivement titulaire d’une telle licence d’entrepreneur général l’autorisant à exécuter ou faire exécuter les travaux de construction d’un bâtiment résidentiel neuf (pièce A-1).

 

124.   L’Entrepreneur a-t-il pu croire, comme il l’a prétendu, que l’enregistrement du bâtiment des Bénéficiaires n’était pas requis puisque le contrat conclu avec les Bénéficiaires visait l’agrandissement d’un bâtiment existant et qu’il s’agissait d’une autoconstruction.

 

125.   Le Tribunal arbitral est convaincu que non.

 

126.   D’une part, il est quasi impossible, voire invraisemblable, que l’Entrepreneur n’ait pas été à même de constater la démolition complète du bâtiment existant lorsqu’il a débuté ses travaux.

 

127.   D’autre part, l’Entrepreneur a admis dans son témoignage qu’il ignorait les politiques de l’Administrateur relatives à l’enregistrement d’un bâtiment érigé en autoconstruction.

 

128.   Que le contrat de construction n’ait visé que la construction partielle et non totale du bâtiment ne change en rien la qualification de l’Entrepreneur qui selon la définition du Règlement peut exécuter des travaux de construction « en tout ou en partie ».

 

129.   L’Administrateur, sur son site Internet (pièce B-8), reconnait d’ailleurs l’obligation ou la faculté, selon les circonstances, d’enregistrer un bâtiment érigé en partie par l’Entrepreneur.

 

130.   Trois (3) circonstances y sont décrites :

 

1.    L’e15ntrepreneur possède la sous-catégorie de licence 1.1.1 et ne possède pas les sous-catégories spécialisées pour les travaux effectués :

 

Dans un tel cas, l’unité doit être enregistrée auprès de l’administrateur.

 

2.    L’entrepreneur possède la sous-catégorie de licence 1.1.1 et possède les sous-catégories spécialisées pour les travaux effectués :

 

Dans un tel cas, l’unité doit être enregistrée auprès de l’administrateur lorsque l’entrepreneur effectue des travaux pour deux éléments de construction majeurs ou plus.

 

3.    L’entrepreneur possède la sous-catégorie de licence 1.1.1 et possède les sous-catégories spécialisées pour les travaux effectués :

 

Dans un tel cas, les travaux peuvent être enregistrés auprès de l’administrateur lorsque l’entrepreneur effectue des travaux pour un élément de construction majeur ou d’autres non majeurs.

 

131.   Les éléments de construction considérés comme majeurs par l’Administrateur sont les éléments suivants :

 

1.    La fondation

2.    La charpente

3.    L’isolation

4.    Les portes et fenêtres

 

132.   La première situation n’est pas applicable en l’espèce puisque l’Entrepreneur possède les sous-catégories de licence spécialisées pour les travaux qu’il a effectués.

 

133.   La deuxième situation est clairement applicable en l’espèce :  l’Entrepreneur a effectivement réalisé des travaux pour plus de deux (2) éléments de construction considérés majeurs par l’Administrateur, à savoir :  la charpente, l’isolation et les portes et fenêtres.

 

134.   La mise en application des propres critères mis en place par l’Administrateur nous mène donc également à conclure que le bâtiment devait et doit être enregistré.

 

135.   Le Tribunal ne retiendra pas l’argument de l’avocat de l’Administrateur voulant qu’en l’espèce l’isolation et la poste des portes et fenêtres ne puissent être considérées comme des éléments de construction majeurs en raison de la faible proportion de la main-d’œuvre consacrée à l’exécution de ces travaux :  l’Administrateur lui-même ne fait pas cette distinction dans sa politique et cet argument omet de tenir compte que le contrat visait la construction d’un bâtiment aux dimensions réduites vu l’exiguïté du terrain sur lequel il est érigé et ne comportant que quelques portes et fenêtres.

 

136.   À tout évènement, dans la troisième situation décrite par l’Administrateur dans sa politique, à savoir lorsque l’Entrepreneur effectue des travaux pour un seul élément de construction considéré majeur, les travaux peuvent de toute façon être enregistrés auprès de l’Administrateur.

 

137.   Il va de soi que la faculté d’enregistrer les travaux auprès de l’Administrateur dans un tel cas est la prérogative du bénéficiaire.

 

138.   Or, cet enregistrement facultatif n’a jamais été proposé aux Bénéficiaires par l’Entrepreneur puisque ce dernier ignorait l’existence même de cette politique.

 

139.   Pour les motifs ci-haut exposés, la soussignée conclut que l’Administrateur a refusé à tort l’enregistrement du bâtiment des Bénéficiaires dans sa décision rendue en date du 28 novembre 2018.

 

140.   Reprenant chacun des motifs de refus énoncés à ladite décision :

 

·             Quant au permis d’agrandissement :

 

La preuve a été faite que le bâtiment était entièrement neuf.

 

·             Quant au contrat de construction :

 

La preuve a été faite qu’un contrat de construction a été conclu entre les parties.

 

·             Factures de matériaux :

 

La preuve a révélé que l’achat des fermes de toit a été facturé à l’Entrepreneur (pièce A-1) et la preuve a révélé que l’Entrepreneur est demeuré en tout temps en contrôle du chantier.

 

141.   La demande en arbitrage des Bénéficiaires sera donc maintenue et la décision de l’Administrateur sera infirmée.

 

 

 

 

Les frais d’arbitrage

 

142.   Vu les dispositions de l’article 123 du Règlement et vu que les Bénéficiaires ont obtenu gain de cause, les frais d’arbitrage seront à la charge de l’Administrateur.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

ACCUEILLE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires.

 

ANNULE la décision de l’Administrateur rendue en date du 28 novembre 2018.

 

ORDONNE à l’Administrateur de procéder à l’enregistrement du bâtiment résidentiel neuf des Bénéficiaires situé au [...] à Saint-Sauveur et ce, rétroactivement à la date de conclusion du contrat de construction le ou vers le 27 septembre 2015.

 

CONDAMNE l’Administrateur à payer à l’organisme tous les frais du présent arbitrage.

 

LE TOUT avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle stipulée à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter d’un délai de trente (30) jours suivant la date de la facture émise par l’organisme.

 

 

 

 

Sainte-Agathe-des-Monts,

le 19 juin 2019

 

 

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Me Carole St-Jean

Arbitre