ARBITRAGE
EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE
PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Chapitre B-1.1, r. 8)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec :
SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS (SORECONI)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTREAL
No. 200212001
Construction SOCAM Ltée
Entrepreneur
c.
Coopérative d’habitation petits et grands
Entrepreneur
Et :
Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc., ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat inc.
Administrateur
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Me Karine Poulin
Pour le Bénéficiaire : Madame Josée Bertrand
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Patrice Nadeau
Pour l’Administrateur : Me Marc Baillargeon
Date de l’audience : - sur dossier -
Date de prise en délibéré : 22 mai 2021
Date de la décision 2 juin 2021
Description des parties
Bénéficiaire :
Coopérative d’habitation petits et grands
Madame Josée Bertrand
[...]
Montréal (Québec) [...]
Entrepreneur :
Construction SOCAM Ltée
Monsieur Patrice Nadeau
3300, avenue Francis-Hugues
Laval (Québec) H7L 5A7
Administrateur :
Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc., ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat inc.
Contentieux des garanties Abritat / GMN
300-7333, rue Des Roseraies
Montréal (Québec) H1M 2X6
APERÇU
[1] Fin décembre 2019, en raison d’odeurs nauséabondes, le Bénéficiaire s’aperçoit d’un écoulement d’eau sous l’évier de la cuisine en provenance de la valve d’arrêt dont la rondelle d’étanchéité s’est fissurée. La valve étant située derrière un panneau, et donc invisible et inaccessible, quelques semaines se sont écoulées avant que le Bénéficiaire ne s’en rende compte.
[2] Le 15 janvier 2020, un plombier est dépêché sur place afin d’exécuter des travaux correctifs d’urgence à la valve, le tout pour un total de 213,85 $.
[3] Le Bénéficiaire fait ensuite une réclamation à l’Administrateur afin d’obtenir le remboursement de la somme ainsi encourue, de même que la réparation des dommages subis, tel que décrit plus loin.
[4] Dans sa décision, l’Administrateur fait droit à la réclamation du Bénéficiaire et ordonne à l’Entrepreneur de procéder à la remise en état des lieux et au remboursement de la somme de 213,85 $, ce que l’Entrepreneur conteste.
[5] Alors que l’Administrateur conclu que la problématique dénoncée par le Bénéficiaire constitue un vice caché, la valve d’arrêt étant inaccessible, l’Entrepreneur soutient qu’il s’agit plutôt d’un bris qui s’apparente à une malfaçon non apparente, découverte à l’extérieure du délai de garantie. De plus, la garantie du sous-traitant étant expirée, il ne serait pas responsable des dommages subis. Il conteste également le délai de dénonciation.
[6] Suivant l’analyse de la preuve, le recours de l’Entrepreneur est rejeté et la décision de l’Administrateur maintenue.
II
LE RECOURS
[7] Le Tribunal est saisi de la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur qui conteste en vertu de l’article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement ») les deux (2) points de la décision de l’Administrateur rendue le 16 novembre 2020.
[8] La réception du bâtiment a eu lieu le 30 novembre 2017 et la dénonciation écrite du Bénéficiaire est transmise à l’Entrepreneur et à l’Administrateur le 17 juin 2020, soit en 3e année de garantie.
[9] La demande d’arbitrage a été produite en conformité avec le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement »).
[10] Le 3 février 2021, une conférence de gestion est tenue dans le présent dossier et la date d’audition fixée au 4 mai 2021. L’Entrepreneur annonce alors qu’il entend procéder à une expertise et un délai lui est octroyé pour ce faire.
[11] Dans les jours qui suivent la conférence de gestion, plusieurs correspondances sont échangées et il est alors convenu que le Tribunal rende une décision sur dossier, après avoir reçu les preuves et représentations des parties selon l’échéancier établi. Dans le cadre desdits échanges, l’Entrepreneur annonce qu’il ne procédera finalement à aucune expertise.
[12] En cours de route, les parties demandent certaines modifications à l’échéancier établi de sorte que le délai ultime pour transmettre au Tribunal des arguments supplémentaires et finaux expirait à 17 h le 21 mai 2021.
[13] Il sied de préciser que le présent recours est régi, en ce qui concerne le droit substantif, par l’ancien Règlement, alors qu’il est assujetti aux dispositions procédurales du Règlement présentement en vigueur. Les dispositions législatives citées tiennent compte de cette dualité de régime, le cas échéant.
III
LA PREUVE
Entrepreneur
[14] La preuve soumise par l’Entrepreneur est constituée des documents suivants :
Ø P-1 : Registraire des entreprises — État de renseignements d’une personne morale au registre des entreprises — Construction Socam Ltée ;
Ø P-2 : Contrat CCDC 2 2008 du 11 novembre 2014 ;
Ø P-3 : Échéancier Avril 2016 ;
Ø P-4 : Déclaration d’exécution finale des travaux du 30 novembre 2017 ;
Ø P-5 : Contrat de Plomberie Gil-Mar Inc. du 11 décembre 2014 ;
Ø P-6 : Rapport de visite et Certificats d’achèvement substantiel (en liasse) ;
Ø P-7 : Lettre du 14 juillet 2020 de Plomberie Gil-Mar Inc.
Ø P-8 : Lettre du 17 novembre 2020 de Plomberie Gil-Mar Inc.
[15] Par ailleurs, à la demande de l’arbitre soussignée, ce dernier transmet, le 31 mai 2021, le formulaire d’inspection préréception. Il transmet également à cette même date l’Avis de fin des travaux, une liste de travaux sous garantie et trois (3) certificats d’achèvement substantiel. Aucune objection n’est reçue quant au dépôt en preuve de ces documents de sorte que ceux-ci sont déposés en liasse au dossier sous la cote P-9, sans autre formalité.
[16] N’ayant déposé aucune déclaration assermentée, ce qui n’avait pas été imposé, c’est là l’ensemble des éléments de preuve reçus de l’Entrepreneur et les commentaires de ce dernier sur lesdits documents sont résumés dans la section des plaidoiries.
Administrateur
[17] La preuve de l’Administrateur se résume essentiellement comme suit :
[18] Dans sa déclaration assermentée, Michel Hamel, inspecteur-conciliateur, affirme ceci :
[19] Il est l’inspecteur-conciliateur au dossier et auteur de la décision contestée. La dénonciation du Bénéficiaire a été faite dans le délai raisonnable de six (6) mois prévu au Règlement.
[20] Le 27 octobre 2020, il s’est rendu sur les lieux et a constaté les dommages suivants :
Ø L’arrière du comptoir de cuisine est ondulé ;
Ø Une petite section du sous-plancher commence à pourrir et les moisissures à s’y installer.
[21] Il constate ensuite que la valve d’arrêt à l’origine de l’écoulement d’eau est cachée derrière un panneau de finition en bois et donc, elle n’est visible et accessible qu’en enlevant le panneau.
[22] En raison du bris de la rondelle d’étanchéité, et étant donné que ladite valve est cachée derrière un panneau de bois, l’eau a pu s’écouler pendant plusieurs semaines avant que le Bénéficiaire ne s’aperçoive d’un quelconque désordre.
[23] Il estime qu’en raison de la présence d’eau dans les murs, les dommages auraient pu être beaucoup plus importants si la situation n’avait pas été décelée rapidement.
[24] Selon lui, la valve d’arrêt ne doit pas être dissimulée derrière un panneau de bois. Au contraire, celle-ci doit être accessible afin de permettre aux occupants de fermer l’entrée d’eau, au besoin.
[25] Il conclut donc qu’il s’agit d’un vice caché et non d’une simple malfaçon.
[26] Répondant aux arguments avancés par l’Entrepreneur dans sa plaidoirie écrite, il soutient qu’il n’est nul besoin d’être un expert pour déterminer si le fait d’avoir dissimulé la valve d’arrêt derrière un panneau constitue un vice caché dans le cadre de la mise en œuvre de la garantie.
[27] Par conséquent, il maintient sa décision voulant que l’Entrepreneur doive remettre en état les lieux, soit procéder aux réparations des dommages consécutifs à l’écoulement d’eau, et rembourser au Bénéficiaire les frais encourus pour procéder à la réparation urgente et nécessaire de la valve d’arrêt.
Bénéficiaire
[28] Le Bénéficiaire, pour sa part, a déclaré s’en remettre à l’Administrateur en ce qui concerne l’administration de la preuve et les représentations. Il demande ensuite la permission de répondre aux arguments avancés par l’Entrepreneur en réplique, permission qui lui est accordée. Toutefois, le Bénéficiaire n’est pas en mesure de transmettre ses arguments dans le délai imparti et il ne demande aucune prolongation du délai. Ce dernier est désormais forclos de les transmettre.
IV
PLAIDOIRIES
Entrepreneur
[29] Patrice Nadeau, juriste et gestionnaire affaires juridiques, représente l’Entrepreneur dans le cadre du présent arbitrage. Il soutient essentiellement ce qui suit :
[30] La décision de l’Administrateur doit être cassée pour les motifs qui suivent :
[31] Les notes de visite de même que les certificats d’achèvement substantiel et les rapports de déficiences n’ont fait état d’aucune déficience au niveau des valves d’arrêt situées sous les éviers de cuisine (pièce P-6). De plus, la déclaration d’exécution finale des travaux (pièce P-4) confirme que l’ensemble des déficiences ont été corrigées par tous les corps de métier, y compris la plomberie.
[32] L’ensemble des travaux de plomberie ont été exécutés conformément aux plans et devis et aux règles de l’art.
[33] Il prétend que le bris de la valve constitue un bris matériel causé soit par l’usage, l’usure ou un défaut de fabrication qui sont, eux, de la nature d’une malfaçon et non d’un vice caché.
[34] Le Bénéficiaire, qui s’est aperçu de la situation vers la fin décembre 2019 en raison d’odeurs nauséabondes, n’a en aucun temps contacté l’Entrepreneur pour lui permettre de constater la situation, vérifier ses prétentions et intervenir. Pareillement, l’Entrepreneur n’a pas eu la possibilité d’identifier la cause du bris ni de procéder à une expertise.
[35] De plus, il soutient que le Bénéficiaire « n’a pas agi en personne prudente et diligente lors de la survenance du désordre dénoncé en ce que ni le locataire de l’unité visée ni le bénéficiaire n’a déclaré le sinistre à leur assureur de dommages respectif comme a l’obligation de le faire tout bon père de famille, plus particulièrement une coopérative d’habitation qui a un devoir de protection de ses actifs et des intérêts de ses membres ».
[36] D’ailleurs, allègue-t-il, le Bénéficiaire et son locataire eurent-ils agi à cet effet en temps utile, « l’entrepreneur aurait avisé ses assureurs et cette affaire se serait réglée par le biais des assureurs de dommages ».
[37] Par ailleurs, la réparation de la valve ayant eu lieu le 15 janvier 2020, ce n’est que cinq (5) mois plus tard qu’une mise en demeure a été transmise à l’Entrepreneur afin qu’il vienne constater les dommages. Il soutient que ce délai est déraisonnable eu égard au Règlement de sorte que la réclamation du Bénéficiaire était irrecevable et l’Administrateur forclos d’intervenir. L’Administrateur aurait ainsi outrepassé ses pouvoirs.
[38] Il reproche au Bénéficiaire de n’avoir transmis qu’une facture de plombier n’indiquant aucunement l’état de la pièce remplacée. De même, il reproche au Bénéficiaire de n’avoir soumis aucun rapport d’expert établissant la cause des dommages subis.
[39] Il indique que le sous-traitant en plomberie (Plomberie Gil-Mar inc.) a invoqué que le délai d’un (1) an pour la garantie des travaux de plomberie est expiré, ceux-ci s’étant terminés en juillet 2016 (pièces P-7 et P-8). Ainsi, l’Entrepreneur ne saurait être tenu responsable du bris et des dommages consécutifs.
[40] L’Entrepreneur déplore également le fait que l’avis de 15 jours transmis par l’Administrateur en septembre 2020 n’était accompagné d’aucun rapport d’expert établissant la cause des dommages.
[41] Il affirme avoir informé l’Administrateur, le 14 octobre 2020, qu’il niait toute responsabilité eu égard aux dommages subis par le Bénéficiaire.
[42] Néanmoins, l’Administrateur a rendu sa décision après avoir procédé à une visite d’inspection le 27 octobre 2020, hors sa présence puisqu’il avait refusé d’y participer, et alors qu’il n’était pas accompagné d’un expert à même de déterminer la cause des dommages.
[43] Il plaide que l’inspecteur-conciliateur n’est pas un expert et suggère qu’il n’a pas les compétences requises pour se prononcer sur la nature de la problématique dénoncée et la qualifier de vice caché. Selon l’argumentaire soumis, « une présomption de biais pèse contre lui étant à la solde de l’administrateur ».
[44] De l’avis de l’Entrepreneur, le bris de la valve d’arrêt constitue une malfaçon non apparente et non un vice caché et la garantie d’un (1) an prévue au Règlement était expirée en décembre 2019, moment de la découverte.
[45] L’Entrepreneur soutient que les questions auxquelles doit répondre le Tribunal sont les suivantes :
a. « Le bris de la valve d’arrêt constitue-t-il un vice caché existant et non apparent au moment de la réception ? »
b. « Dans la négative, quels sont les dommages auxquels Socam a droit ? »
[46] Sur la première question, outre les arguments précités, il rappelle les critères du vice caché établis dans l’affaire Sénécal[1] et soutient que lesdits critères ne sont ici pas satisfaits. Plus précisément, il indique qu’aucune preuve n’a été apportée comme quoi le bris de la valve constitue un vice suffisamment important pour entraîner un déficit d’usage, qui existait au moment de la réception, qui n’était pas apparent, malgré un examen attentif du Bénéficiaire, et qui ne lui était pas connu.
[47] Dans le même ordre d’idée, il rappelle les enseignements de la Cour suprême[2] voulant que le simple déficit d’usage ne soit pas en soi suffisant pour permettre de qualifier un vice de caché. Pour constituer un vice caché, le déficit doit être d’une importance telle qu’il rende le bien soit impropre à l’usage auquel on le destine, ou encore en réduise tellement l’utilité que l’acheteur prudent et diligent, ayant des attentes raisonnables, ne l’aurait pas acheté.
[48] Il cite également la décision Rousseau[3] rendue par notre Cour d’appel et reprise dans l’affaire Racaniello[4] selon laquelle la qualification du vice est une question juridique qui exige l’examen de l’ensemble des circonstances de chaque cas.
[49] Indiquant que « Le bris de la valve ne rencontre pas les quatre (4) critères énoncés par la Cour Suprême dans ABB Inc./c. Domtar Inc. : soit, plus spécifiquement, ceux de la gravité, d’être caché, existant au moment de la réception et inconnu de la Défenderesse. » et citant l’arbitre Roland-Yves Gagné dans l’affaire Syndicat de la copropriété Quartier Gareau 3300 à 3334 c./Quartier Gareau Inc. et al.[5], il prétend que le bris de la valve ne constitue pas un vice caché au sens entendu par la jurisprudence et le Règlement.
[50] Il soutient, d’abondant, que de conclure à un vice caché du simple fait que la valve est cachée derrière un panneau en bois « constitue une conclusion simpliste et non conforme à la jurisprudence abondante rendue par les tribunaux sur l’interprétation des articles 2118 et 2120 C.c.Q. ».
[51] Il soutient enfin que le fardeau de la preuve appartient au Bénéficiaire et à l’Administrateur : ainsi, ce sont eux qui doivent faire la preuve de leurs prétentions.
[52] Il conclut qu’il « ne fait aucun doute que la défectuosité de la valve constitue une malfaçon qui aurait dû être dénoncée dans les six (6) mois suivant l’acceptation par le bénéficiaire ».
[53] Il demande donc au Tribunal de casser la décision de l’Administrateur et de déclarer que l’Entrepreneur n’a aucune responsabilité en l’instance.
[54] Sur la question des dommages auxquels l’Entrepreneur a droit, il soutient que l’Administrateur et le Bénéficiaire doivent être conjointement condamnés à rembourser à l’Entrepreneur tous les frais d’arbitrage, incluant le montant de provision pour frais versé, soit la somme de 1 911,46 $, majorée de l’intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle à compter de la facture émise par l’organisme d’arbitrage.
Administrateur
[55] Me Baillargeon, procureur de l’Administrateur, rappelle que le rôle du conciliateur « n’est pas d’agir à titre d’expert, mais plutôt d’exprimer la position de l’Administrateur, suite à une réclamation reçue d’un Bénéficiaire, au sens du Règlement. »
[56] Il rappelle que monsieur Hamel, inspecteur-conciliateur en l’instance, a pris connaissance des arguments de l’Entrepreneur et qu’il réitère dans sa déclaration assermentée que la situation actuelle correspond bel et bien à un vice caché et qu’il maintient sa décision.
[57] Il souligne, au passage, que si l’Entrepreneur était absent lors de l’inspection, ce n’est pas en raison d’une omission à le convoquer. C’est en raison de son refus d’être présent.
[58] Le plan d’argumentation du procureur indique également ce qui suit :
« Pour ce qui est des « dommages auxquels la demanderesse a droit », que veut réclamer monsieur Nadeau, au nom de sa cliente, nous réitérons une dernière fois que nous sommes dans le cadre du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, que ce Règlement a été reconnu à plusieurs reprises comme étant d’ordre public, par la Cour d’appel, et que l’article 123 du Règlement est clair et sans équivoque :
« Les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur »
Le Règlement ne prévoit aucune attribution de dommages à l’une ou l’autre des parties, et ce, peu importe le résultat de l’arbitrage. »
[59] Il demande donc le maintien de la décision de l’Administrateur et le partage des frais conformément au Règlement.
V
ANALYSE ET DÉCISION
[60] Après analyse de la preuve au dossier, le Tribunal rejette la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur.
[61] L’Entrepreneur soumet au Tribunal qu’il doit répondre à deux (2) questions, soit :
a. Le bris de la valve d’arrêt constitue-t-il un vice caché ?
b. Dans la négative, quels sont les dommages auxquels l’Entrepreneur a droit ?
[62] Le Tribunal est d’avis qu’une première question, préliminaire et décisive, doit être répondue : la problématique dont se plaint le Bénéficiaire a-t-elle été dénoncée dans le délai et selon la procédure prévue au Règlement ?
[63] Mais d’abord, qu’en est-il du fardeau de la preuve ?
Fardeau de la preuve
[64] L’Entrepreneur soutient qu’il appartient à l’Administrateur et au Bénéficiaire de prouver leurs prétentions.
[65] Or, l’article 2803 du Code civil du Québec stipule ce qui suit :
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
[66] Par conséquent, le fardeau appartient, en l’espèce, à l’Entrepreneur qui conteste la décision de l’Administrateur, et non l’inverse.
Délai de dénonciation
[67] Selon la preuve administrée, la situation a été découverte vers la fin décembre 2019. Elle a été dénoncée à l’Entrepreneur et à l’Administrateur le 17 juin 2020.
[68] S’agissant d’une question de droit substantif, c’est le Règlement, tel qu’il se lisait à l’époque pertinente, qui s’applique. Celui-ci stipule :
10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
(…)
4° la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil ;
(…) [nos soulignements]
[69] Par conséquent, la dénonciation du Bénéficiaire a été faite dans le délai prévu au Règlement. Cette conclusion emporte pour conséquence que l’Administrateur n’a pas excédé son mandat en statuant sur la réclamation et qu’il n’était pas forclos de le faire.
[70] Dans sa contestation, l’Entrepreneur soulève également des motifs propres au droit civil, soit le défaut du Bénéficiaire de l’avoir avisé lors de la survenance des événements en décembre 2019, ou même en janvier 2020, pour justifier son refus de se conformer à la décision rendue. La dénonciation serait tardive, selon lui.
[71] Il lui reproche, de plus, de ne pas lui avoir permis de constater la situation et de corriger à ses frais, le cas échéant. Rappelons ici que la somme que doit rembourser l’Entrepreneur au Bénéficiaire est de 213,85 $. Quant à la remise en état des lieux, c’est là une partie de la demande du Bénéficiaire.
[72] Il sied de rappeler que l’analyse des faits doit se faire à la lumière du Règlement et que la réparation effectuée ne visait que la situation « urgente », soit la réparation de la valve d’arrêt, en vue que cesse l’écoulement d’eau dans les murs. Il ne s’agit pas des travaux finaux de remise en état des lieux. L’Entrepreneur n’a perdu aucun droit et le Règlement permet au Bénéficiaire de faire procéder aux réparations nécessaires, urgentes et conservatoires et d’en demander remboursement[6].
[73] Que la garantie du sous-traitant en plomberie soit expirée importe peu dans le présent dossier. Le Règlement, qui est d’ordre public, est par essence tripartite et exclu expressément tout autre intervenant. L’objectif de célérité du Règlement ne permet pas, à l’heure actuelle, que le débat sur la responsabilité effective d’un tiers (par rapport à l’entrepreneur) ait lieu devant l’arbitre. Il appartient à l’Entrepreneur de faire valoir ses droits contre ces tiers devant le forum approprié.
La problématique dénoncée constitue-t-elle un vice caché au sens du Règlement ?
[74] Il est acquis au débat que la réclamation du Bénéficiaire a été faite en 3e année de garantie de sorte que la défectuosité dont il se plaint doit constituer un vice caché pour être couverte par la garantie. Une simple malfaçon, même non apparente, ne suffit pas à déclencher la protection du Règlement, cette garantie étant expirée.
[75] De plus, ce que l’Administrateur reproche à l’Entrepreneur est le fait que la valve d’arrêt soit dissimulée derrière un panneau de bois, la rendant ainsi inaccessible.
[76] L’Entrepreneur, quant à lui, aborde la problématique sous le seul angle du bris de la valve.
[77] Néanmoins, de l’avis du Tribunal, en procédant à l’analyse des faits, on se rend vite compte qu’il s’agit des deux (2) côtés d’une même médaille. En effet, que la valve ait été dissimulée ou non derrière un panneau de bois ne modifie en rien l’analyse qui doit être faite puisque c’est ce bris qui est la cause immédiate de la réclamation du Bénéficiaire. Par ailleurs, on peut aisément imaginer que si la valve avait été visible, et donc accessible, deux (2) choses se seraient produites.
[78] La première est que l’eau se serait écoulée vraisemblablement dans l’armoire plutôt qu’entre les murs, jusqu’à possiblement dégoutter sur le plancher de la cuisine. Par conséquent, il est plausible de croire que l’eau ne se serait pas écoulée pendant plusieurs semaines avant que le Bénéficiaire s’en aperçoive et n’aurait pas causé autant de dommages.
[79] La deuxième est qu’à la suite du constat du bris de la valve, la situation aurait, selon toute vraisemblance, pu être maîtrisée plus rapidement, à moindre coût, et possiblement sans réclamation auprès de l’Administrateur.
[80] Compte tenu de ce qui précède, l’analyse qui suit traitera la situation dans sa globalité.
État du droit
[81] Pour conclure à un vice caché, quatre (4) critères doivent être satisfaits et ceux-ci sont abondamment traités dans la jurisprudence en général, et plus particulièrement celle que soumet l’Entrepreneur[7]. Ils peuvent se résumer ainsi :
Ø Le vice doit être antérieur à la vente (ou à la réception) ;
Ø Il doit être inconnu de l’acheteur ;
Ø Il ne doit pas être apparent au moment de la vente (ou de la réception) ; et
Ø Il doit être suffisamment grave pour qu’il en résulte un déficit d’usage tel qu’un acheteur prudent et diligent ne l’aurait pas acheté ou n’aurait pas donné si haut prix.
Antérieur à la vente (ou à la réception)
[82] Dans l’affaire Racaniello[8], notre collègue Roland-Yves Gagné fait une revue exhaustive de la jurisprudence qui traite de l’antériorité du vice :
[101] Dans le présent dossier, l’Entrepreneur et l’Administrateur qui le cautionne, font face à la présomption de responsabilité de l’article 1729 C.c.Q. vu la manifestation rapide du vice suite à l’installation du caniveau, qui se lit comme suit :
1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce ; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.
[102] La présomption de responsabilité s’applique à l’Entrepreneur dont les obligations sont cautionnées par l’Administrateur en vertu du Règlement :
[102,1] dans l’affaire SDC 130 Marcel-R. Bergeron et Gelcon Inc. et Raymond Chabot, Administrateur provisoire inc. ès qualitié d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Abritat Inc.[16], notre collègue Michel A. Jeanniot écrit :
Sous principe directeur
[12] Le Code civil du Québec prévoit l’existence d’un vice au moment où la vente est présumée lorsque le volet fonctionnel ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce. Cette présomption est repoussée si le défaut est dû à la mauvaise utilisation du bien par l’acheteur (article 1729 C.c.Q.) ;
[102,2] dans l’affaire Syndicat de copropriété le Vendôme c. 9137-7937 Québec Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, notre collègue Jean Philippe Ewart écrit :
[64] On aura reconnu que l’on réfère à la présomption de connaissance du vendeur (applicable dans les circonstances à l’Entrepreneur) de l’art. 1729 C.c.Q. ;
[102,3] dans l’affaire Syndicat de la copropriété 3616-3639 Evelyn c. 9084=1529 Québec Inc. (Construction J.M.C.) et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc notre collègue Jean Morissette écrit :
[55] […] À cela s’ajoute la présomption de l’existence d’un vice caché, lorsque la détérioration du bien survient prématurément (art. 1729 C.c.Q.) lors d’une vente par un professionnel, ce qui est le cas en l’espèce et ce certain devoir d’’informer, à titre de spécialiste, son client ;
[102,4] enfin, la Cour supérieure écrit en 2018 dans l’affaire Station Mont-Tremblant c. Syndicat des copropriétaires Panache (bâtiments 5 à 6) :
[59] Conséquemment, bien que les deux recours reposent sur l’existence d’un défaut de construction, il n’y a pas de risque de jugements contradictoires en raison des présomptions de responsabilité en faveur des bénéficiaires qui simplifient le déroulement de l’instance en arbitrage comme le confirme la Cour d’appel dans la décision Lavigne c. 6 040 993 Canada inc. :
« [59] L’existence du vice au moment de la vente sera présumée dans le cadre du recours des requérants portant sur la garantie de qualité du vendeur vu l’article 1729 C.c.Q. qui précise qu’en « cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumé, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément […] ».
[103] En 2018, la Cour d’appel a jugé dans l’arrêt Demilec inc. c. 2539-2903 Québec inc. :
[43] Selon l’article 1726 du Code civil du Québec, le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que les biens qu’il vend sont exempts de vices cachés. Comme nous l’avons vu, l’article 1729, qui concerne le vendeur professionnel, prévoit que l’existence d’un vice est présumée lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou da (sic) détérioration survient prématurément en comparaison avec des biens de même espèce.
[44] Dans la mesure où l’acheteur établit que : (1) il a acquis le bien d’une personne tenue à la garantie du vendeur professionnel ; et (2) le bien s’est détérioré prématurément par rapport à un bien identique ou de même espèce, cette disposition établit une présomption de responsabilité contre le fabricant à l’égard des vices cachés.
[45] Plus précisément, il s’agit d’une triple présomption réfragable en faveur de l’acheteur de : (1) l’existence d’un vice ; (2) l’antériorité du vice par rapport au contrat de vente ; et (3) du lien de causalité unissant le vice à la détérioration ou au mauvais fonctionnement du bien.
[46] Le vendeur professionnel ne peut s’exonérer que s’il démontre que le mauvais fonctionnement ou la détérioration prématurée du bien résulte d’une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur, de la faute d’un tiers ou encore de la force majeure. [nos soulignements]
[83] L’Entrepreneur en l’instance est un vendeur professionnel et aucune preuve n’a été faite comme quoi la rondelle d’étanchéité ne s’était pas détériorée prématurément par rapport à d’autres rondelles de même nature. Ce fardeau lui appartenait. Ne s’en étant pas déchargé, la présomption de responsabilité s’applique à lui.
[84] Par conséquent, la détérioration de la rondelle d’étanchéité de la valve est présumée être le résultat d’un vice qui existait au moment de la vente, et dont la responsabilité incombe à l’Entrepreneur, à moins qu’il ne puisse s’exonérer de sa responsabilité en prouvant que la détérioration résulte du mauvais usage par le Bénéficiaire, ou encore, de la faute d’un tiers ou d’une force majeure. Cette preuve n’a pas été faite et le Tribunal conclut à l’existence d’un vice antérieur à la réception.
[85] La dissimulation de la valve derrière un panneau de bois est également antérieure à la réception.
[86] L’Entrepreneur soutient que les pièces P-4 et P-6, notamment, démontrent que l’emplacement de la valve d’arrêt est conforme aux plans et devis et aux règles de l’art. Il infère cette conclusion de l’absence de demande de correctif à cet égard. Aucune autre preuve n’est venue étayer sa conclusion.
[87] Vu l’application de la présomption d’antériorité du vice et de la responsabilité de l’Entrepreneur, la preuve qu’il soumet n’est d’aucune utilité ici pour contrecarrer cette présomption. Elle pourra néanmoins, peut-être, lui être utile dans le cadre d’un recours récursoire à l’encontre de ceux qui pourraient voir, en tout ou en partie, leur responsabilité engagée, devant un tribunal de droit commun. Là n’est toutefois pas l’objet du présent arbitrage.
Inconnu de l’acheteur
[88] Aucune preuve n’a démontré que le vice était connu du Bénéficiaire et personne n’a allégué qu’il l’était.
Ne doit pas être apparent au moment de la vente (ou de la réception)
[89] En l’instance, l’Entrepreneur admet que le vice n’était pas apparent. Il s’agit-là d’un aveu judiciaire.
[90] Par conséquent, il n’est nul besoin d’aller plus loin pour conclure que ce 3e critère est satisfait.
[91] Par ailleurs, même s’il peut sembler, à la lecture des autorités soumises par l’Entrepreneur et de ses surlignements, notamment le paragraphe 32 dans l’affaire Sénécal[9], que l’Entrepreneur suggère que le vice était peut-être apparent, le Tribunal ne peut conclure en ce sens.
[92] D’abord, il aurait dû énoncer clairement sa prétention s’il souhaitait que le Tribunal en dispose au mérite. Aucune preuve n’a été administrée en ce sens et cette possibilité n’est pas mentionnée dans l’argumentaire soumis au Tribunal. Par ailleurs, en fonction du dossier, tel que soumis, le Tribunal ne pourrait faire droit à cette prétention et le résultat serait le même. Voici pourquoi.
[93] Comme l’affirme la Cour d’appel dans l’affaire Rousseau[10], la qualification du vice est une question juridique qui exige l’examen de l’ensemble des circonstances de chaque cas.
[94] L’admission de l’Entrepreneur est à l’effet que la situation n’était pas apparente et le Tribunal doit tenir compte de cet aveu judiciaire.
[95] En l’espèce, il s’agit d’une construction neuve. L’inspection préréception se déroule habituellement en suivant la liste des éléments préétablis indiqués sur le formulaire d’inspection prévu à cet effet.
[96] Selon la preuve administrée en l’instance, le formulaire d’inspection préréception n’est pas daté et n’est signé que par l’Entrepreneur. Aucune preuve n’est venue démontrer qu’une telle visite ait eu lieu, ni son contraire.
[97] Quoi qu’il en soit, et présumant d’une telle inspection, comme l’indique l’Honorable juge Poirier dans l’affaire Sénécal précitée[11], le vice doit être apparent pour un acheteur prudent et diligent, sans qu’il n’ait besoin de recourir à un expert.
[98] Aucune preuve n’a été apportée voulant que le bénéficiaire profane eût dû savoir que la valve d’arrêt devait non seulement être présente mais également être visible et accessible.
[99] À la lecture du formulaire d’inspection préréception, on peut constater à la section 5 — Sous-sol et autres espaces : Système de plomberie : valve d’arrêt de l’alimentation de l’unité d’habitation, chauffe-eau et son drain.
[100] Par ailleurs, à la section 4 — Cuisine et WC, il est question de la plomberie : Système de plomberie : appareils de plomberie (lavabo, bain, douche avec joints d’étanchéité) et robinetterie en en (sic) bon état de fonctionnement.
[101] Aucune de ces sections ni aucune autre section du formulaire d’ailleurs, ne traite de la valve d’arrêt sous l’évier de la cuisine.
[102] Vu les circonstances de la présente affaire, notamment le fait qu’il s’agisse d’une construction neuve, l’aveu judiciaire au dossier, l’absence de preuve quant à la tenue effective ou non d’une inspection préréception conjointe par l’Entrepreneur et le Bénéficiaire, la preuve soumise et les représentations des parties, le Tribunal n’a aucune raison de croire que le vice était apparent pour le Bénéficiaire ou qu’il aurait dû l’être.
[103] Il ne reproche pas au Bénéficiaire en l’instance de ne pas avoir vu l’absence de valve d’arrêt accessible, si tant est qu’il eût dû la voir, ni de n’avoir possiblement examiné attentivement que les éléments prévus au formulaire d’inspection préréception prescrit, en supposant même qu’une telle inspection ait eu lieu, rendant ainsi cachée une situation possiblement apparente (sans pour autant affirmer que ce soit le cas).
[104] Ainsi, à la lumière de la preuve et du droit, le Tribunal ne tire et ne pourrait tirer aucune conclusion défavorable à l’endroit du Bénéficiaire quant au caractère possiblement apparent du vice dans le dossier tel que présenté, rappelant notamment que le Règlement en est un d’ordre public de protection et qu’il doit s’interpréter de la manière la plus favorable possible au Bénéficiaire, sans être incompatible avec les dispositions qu’il édicte et à son esprit. Ainsi, le Tribunal conclut que le vice en l’instance n’était pas apparent au moment de la réception.
[105] Ceci étant, le Tribunal n’affirme pas ici qu’un bénéficiaire doit limiter son inspection aux éléments prévus au formulaire prescrit. Au contraire, il doit se comporter en acheteur prudent et diligent, selon les circonstances propres à chaque cas.
[106] La présente décision doit être comprise en tenant compte du contexte, de la preuve soumise de même que des arguments avancés de part et d’autre.
Déficit d’usage
[107] Quant à savoir si le bris de la valve constitue un vice suffisamment important pour entraîner un déficit d’usage, dans Racaniello[12], l’arbitre s’exprime ainsi :
[86] Enfin, dans l’affaire Laforest c. Chabot[1], la Cour supérieure affirme :
[51] Le Code civil du Québec prévoit que le vice doit être grave.
[52] Pour décider si un vice est suffisamment grave pour donner ouverture à la garantie, on considère les inconvénients qu’il présente pour l’acheteur. Il n’est pas nécessaire que ce vice empêche toute utilisation du bien, mais qu’il en réduise l’utilité de façon importante en regard des attentes légitimes de l’acheteur.
[57] La preuve démontre que l’eau s’infiltre dans le vestibule de la maison des demandeurs. […]
[60] […] Quant à l’infiltration d’eau dans le vestibule, bien qu’il s’agisse d’un vice d’une importance secondaire, elle constitue également un vice caché.
[87] Vu l’infiltration de l’eau dans le garage subséquente à l’accumulation d’eau au-dessus du caniveau de la descente de garage, vu que cette infiltration caused damages to some personal items (pièce A-4), le Tribunal d’arbitrage conclut de la preuve que la problématique a la gravité nécessaire à la qualification d’un vice caché. [références omises]
[108] Monsieur Nadeau a fait valoir au Tribunal que de conclure à un vice caché du simple fait que la valve est cachée derrière un panneau de bois « constitue une conclusion simpliste ».
[109] Dans Syndicat de la copropriété Quartier Gareau 3300 à 3334[13], l’arbitre Gagné cite le passage suivant de la décision de l’Honorable Louis Dionne dans la cause Pleau c. Figueira-Andorinha [14] :
[107] Dans la décision Pleau c. Figueira-Andorinha[20], la Cour supérieure résume ainsi le droit applicable (le soussigné a ajouté dans le texte les références qui étaient en bas de page) :
[184] L’utilité ou la perte d’usage du bien le rendant impropre à son utilisation prévue s’évalue par ailleurs selon le critère objectif de l’acheteur raisonnable et non selon un critère subjectif [4 Jeffrey EDWARDS, La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, Wilson et Lafleur, (2e éd.), 2008, p. 137 à 139.], et ce, vraisemblablement pour éviter les prétentions alarmistes, opportunistes ou exagérées.
[185] Le « vice » dont il est question dans le régime légal de garantie n’est pas défini dans les dispositions relatives à la garantie, mais il ne peut s’agir d’une imperfection ou d’une anomalie sans conséquence.
[186] L’imperfection ou l’anomalie en question doit être telle qu’elle entraîne un déficit d’usage. C’est le déficit d’usage prouvé qui qualifie juridiquement l’imperfection ou l’anomalie dont doit répondre le vendeur [5 Jeffrey EDWARDS, La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, Wilson et Lafleur, (2e éd.), 2008, p. 137 à 139.]. Ainsi, une dérogation aux normes établies ou une anomalie de construction ne peut constituer un « vice » que si elle rend l’immeuble impropre à l’usage auquel il est destiné [6 Id., p. 139, par. 135 et Désilets c. Proulx, 2001 CanLII 21116 (QCCS), par. 31.]. Une déficience de construction sans conséquence, ou dont l’impact est mineur ou anodin, n’est pas un « vice » au sens donné à ce terme par le régime légal de la garantie de qualité [7 Id., p. 141, par. 306.]. [références omises ; nos soulignements]
[110] Le Tribunal reconnaît que ce n’est pas parce que la valve est mal située, en contravention des règles de l’art, qu’il faut nécessairement conclure qu’il s’agit d’un vice caché. Encore faut-il qu’il en résulte un déficit d’usage, comme vu précédemment. C’est là essentiellement la différence entre la malfaçon qui n’entraîne aucun déficit d’usage et celle qui entraîne un déficit d’usage d’une certaine importance et qu’on qualifie, dans ce dernier cas, de vice caché. Une analyse au cas par cas s’impose.
[111] Par ailleurs, on ne saurait inférer du commentaire ci-dessus que cette anomalie à elle seule n’aurait pas été qualifiée de vice caché n’eût été du bris de la valve. Les circonstances du présent dossier ne requièrent pas que le Tribunal se prononce sur cet aspect et il ne se prononce ni dans un sens ni dans l’autre.
[112] Dans la présente affaire, monsieur Hamel a indiqué, dans sa déclaration assermentée, que des dommages beaucoup plus importants auraient pu découler de cet incident, n’eût été du fait que le Bénéficiaire s’en soit aperçu assez rapidement. Cette conclusion n’est pas contestée.
[113] De plus, monsieur Hamel est le seul professionnel du bâtiment, même s’il n’est pas un expert, à s’être prononcé sur la qualification du vice dénoncé, soit qu’il s’agit d’un vice caché et cette preuve est la seule au dossier.
[114] La preuve démontre que l’eau s’est égouttée entre les murs suffisamment longtemps pour causer un gondolement à l’arrière du comptoir de cuisine ainsi qu’un début de pourriture à une section du sous-plancher avec apparition de moisissures. Il s’agit là d’un cas qui s’apparente à la situation qui prévalait dans l’affaire Laforest c. Chabot[15] citée dans Racaniello[16] et la même conclusion s’impose quant à l’existence d’un déficit d’usage en l’instance.
[115] Pour échapper à sa responsabilité, l’Entrepreneur soulève principalement l’absence d’expertise relativement à la cause des dommages et l’expiration de la garantie de son sous-traitant.
[116] Avec égards, le Tribunal est d’avis qu’il n’y a nul besoin d’être un expert pour constater que les dommages subis sont le résultat immédiat du bris de la valve qui a coulé pendant plusieurs semaines avant d’être découvert par le Bénéficiaire, faute de preuve contraire au dossier. Comme il est établi que le bris prématuré de la rondelle d’étanchéité constitue un vice caché, que celui-ci a été dénoncé dans le délai prévu au Règlement et selon la procédure prescrite, l’Entrepreneur est responsable du remboursement des frais d’urgence encourus par le Bénéficiaire et de la remise en état des lieux.
[117] Si l’Entrepreneur, qui avait le fardeau de prouver que la décision de l’Administrateur est erronée estimait nécessaire qu’une preuve par expert soit faite, il n’en tenait qu’à lui de l’obtenir. Or, il y a renoncé alors même qu’un délai lui avait été octroyé. Le Tribunal ne peut que constater que l’Entrepreneur a mal analysé le fardeau qui lui incombait.
[118] En terminant, le Tribunal souligne qu’il est reconnu que l’inspecteur-conciliateur n’est pas un expert. Néanmoins, monsieur Hamel est technologue professionnel, membre de l’Ordre des technologues professionnels du Québec, tel qu’en fait foi son curriculum vitae. Il est donc assujetti à des devoirs et obligations envers le public et envers son client. Rien dans le présent dossier ne permet de mettre en doute son intégrité intellectuelle et professionnelle.
Dommages et frais de l’arbitrage
[119] L’Entrepreneur demande au Tribunal de lui octroyer des dommages sous la forme d’un remboursement de la provision pour frais versée à l’organisme d’arbitrage, et la condamnation de l’Administrateur et du Bénéficiaire aux frais d’arbitrage.
[120] Or, l’article 123 du Règlement est clair et l’Entrepreneur n’avance aucun argument et ne cite aucune autorité donnant ouverture à sa demande. Qui plus est, sa demande est rejetée.
[121] Par conséquent, les frais du présent arbitrage sont partageables en parts égales entre l’Entrepreneur et l’Administrateur, conformément au Règlement.
EN CONSÉQUENCE, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur et MAINTIEN la décision de l’Administrateur rendue le 16 novembre 2020 ;
ORDONNE que les travaux de remise en état des lieux soient effectués par l’Entrepreneur dans les 30 jours suivant la réception de la présente sentence ou dans tout autre délai convenu entre les parties et, à défaut, ORDONNE à l’Administrateur de prendre en charge les travaux selon la procédure prévue à cet effet dès l’expiration du délai octroyé à l’Entrepreneur et d’exécuter lesdits travaux ;
ORDONNE à l’Entrepreneur de rembourser au Bénéficiaire la somme de 213,85 $, plus l’intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la demande d’arbitrage, et ce, dans les 30 jours suivant la réception de la présente sentence et, à défaut, ORDONNE à l’Administrateur de rembourser la somme de 213,83 $ au Bénéficiaire, plus l’intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la demande d’arbitrage, dès l’expiration du délai octroyé à l’Entrepreneur ;
CONDAMNE l’Entrepreneur et l’Administrateur aux frais du présent arbitrage, en parts égales ;
RÉSERVE à Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc., ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat inc. ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour les coûts exigibles pour l’arbitrage (par.19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et places, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.
Kirkland, ce 2 juin 2021
_______________________ ___
Me Karine Poulin, arbitre
Procureurs :
Bénéficiaire :
(se représente seul)
Madame Josée Bertrand
Entrepreneur :
(se représente seul)
M Patrice Nadeau, juriste, Gestionnaire affaires juridiques
Administrateur :
Me Marc Baillargeon
Contentieux des garanties Abritat/GMN
[1] Sénécal c. Succession de Feue Suzanne Primeau, CanLII 2017 QCCQ 15950.
[2] ABB inc. c. Domtar inc., [2007] 3 R.C.S. 461 ; Le plan d’argumentation cite également les affaires 3223701 Canada inc. c. Darkallah, 2018 QCCA 937 ainsi que Laforest c. Chabot, 2008 QCCS 4340.
[3] Rousseau c. 2732-1678 Québec inc., 1999 R.D.I. 565.
[4] Racaniello et Rici c. Développement Domont inc. et Garantie Construction Résidentielle, 2019 CanLII 102576 (QC OAGBRN).
[5] Syndicat de la copropriété Quartier Gareau 3300 à 3334 c. Quartier Gareau Inc. et al., 2019 CanLII 62609 (QC OAGBRN).
[6] Règlement, art. 18 (5).
[7] ABB inc. c. Domtar inc., précitée note 2; Sénécal c. Succession de Feue Suzanne Primeau, précitée note 1; Syndicat de la copropriété Quartier Gareau 3300 à 3334 c. Quartier Gareau Inc. et al., précitée note 5; Racaniello et Rici c. Développement Domont inc. et Garantie Construction Résidentielle, précitée note 4.
[8] Racaniello et Rici c. Développement Domont inc. et Garantie Construction Résidentielle, précitée note 4.
[9] Sénécal c. Succession de Feue Suzanne Primeau, précitée note 1, par. 32.
[10] Rousseau c. 2732-1678 Québec inc., précitée note 3.
[11] Sénécal c. Succession de Feue Suzanne Primeau, précitée note 1.
[12]Racaniello et Rici c. Développement Domont inc. et Garantie Construction Résidentielle, précitée note 4.
[13] Syndicat de la copropriété Quartier Gareau 3300 à 3334 c. Quartier Gareau Inc. et al., précitée note 5.
[14] Pleau c. Figueira-Andorinha , 2016 QCCS 1698 (Louis Dionne, J.C.S.).
[15] Laforest c. Chabot, précitée note 2.
[16]Racaniello et Rici c. Développement Domont inc. et Garantie Construction Résidentielle, précitée note 4.