TRIBUNAL D’ARBITRAGE

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

Sous l’égide du

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

(CCAC)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment

 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Canada

Province de Québec

Dossier no: S16-112001-NP

                                                

ULRIC ROUSSEAU

Demandeur »)

c.

9253-5400 qUÉBEC INC.

f/a/s Faubourg Londonien

(habitations trigone)

Défenderesse »)

et

PricewaterhouseCoopers, SAI

ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie

La Garantie Habitation du Québec Inc.

(« Administrateur »)

________________________________________________________________

 

DÉCISION ARBITRALE

________________________________________________________________

 

Arbitre :                                                                                                  Me Jean Philippe Ewart

 

Pour le Bénéficiaire:                                                                                      M. Ulric Rousseau

 

Pour l’Entrepreneur:                                                                         Me Christine Gosselin

Contentieux juridique

Habitations Trigone

 

Pour l’Administrateur:                                                                         Me François-Olivier Godin

Bélanger Paradis

M. Michel Arès, Inspecteur conciliateur

 

 

Date de l’Instruction:                                                                                             8 juin 2017

 

 

Identification des Parties

 

BÉNÉFICIAIRE :                                                                                 ULRIC ROUSSEAU

[...]

Saint-Hubert (Québec)

[...]

          (le « Bénéficiaire »)

 

entrepreneur:                                                                      9253-5400 QUÉBEC INC.

(habitations trigone)

Attention: Me Christine Gosselin

Contentieux juridique

Habitations Trigone

1981, rue Bernard-Pilon

Beloeil (Québec)

J3G 4S5

 (l’ « Entrepreneur »)

 

ADMINISTRATEUR :                                                 PricewaterhouseCoopers, SAI

ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie

La Garantie Habitation du Québec Inc.

Attention: Me François-Olivier Godin

Bélanger Paradis

9200, boul. Métropolitain Est

Montréal (Québec)  H1K 4L2

 (l’ « Administrateur »)

 

Introduction

 

[1]        Le Bénéficiaire Ulric Rousseau (quelquefois « Rousseau») est propriétaire d’une unité de condominium (« Unité » ) dans un bâtiment de 16 unités d’habitation situé à Brossard, Québec (le «Bâtiment»).

 

Mandat et Juridiction

 

[2]        Le Tribunal est saisi du dossier en conformité du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.02) (le «Règlement») adopté en vertu de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1) (« Loi Bâtiment »), par nomination du soussigné en date du 5 juin 2017 en substitution de l’arbitre initialement nommé, le tout suite à réclamation pour couverture sous le plan de garantie au Règlement visé par les présentes (la «Garantie» ou «Plan»),  relativement à une demande d’arbitrage du Bénéficiaire au Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) reçue le 20 novembre 2016.

 

[3]        Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les Parties et juridiction du Tribunal a donc été confirmée.

 

 

Litige

 

[4]        La demande d’arbitrage aux présentes découle d’une décision de l’Administrateur en date du 1er novembre 2016 (no 106453-10643) (Pièce A-3)             (la « Décision Adm »).

 

[5]        Le litige couvre principalement deux (2) points :

 

ú     Certains travaux correctifs, dont confection et installation d’un nouveau comptoir et de nouveaux modules (armoires et tiroirs) de cuisine en fonction des dimensions du réfrigérateur;

ú     Remboursement des frais encourus pour services correctifs au système électrique.

 

et, dans l’ensemble, une question de délai de dénonciation.

 

 

Pièces

 

[6]        Les Pièces contenues au Cahier de l’Administrateur sont identifiées comme A- avec sous-numérotation équivalente à l’onglet applicable au Cahier visé; et les Pièces déposées par le Bénéficiaire sont identifiées sous cote B-; l’Entrepreneur n’a pas pourvu à dépôt de pièces.

 

[7]        Lorsqu’une même pièce est pourvue au Cahier de l’Administrateur et est aussi déposée par une autre partie, le Tribunal réfère à la cote attribuée à la pièce par l’Administrateur, tenant compte de l’article 109 du Règlement.

 

[8]        Aucune objection quant à l’origine de la preuve documentaire ou de l’intégrité de l’information qu’elle porte n’a été soulevée.

 

 

Chronologie de l’Arbitrage

 

[9]        Sommaire de la chronologie du présent arbitrage :

 

2015.04.21                Contrat préliminaire de vente et contrat de garantie obligatoire de condominium (Pièce A-5)

2015.08.28                Formulaire d’inspection préréception (Pièce A-8)

2015.08.28                Réception de l’Unité

2015.09.02                Acte de vente (Pièce A-9)

2015.10.01                Dénonciation par le Bénéficiaire auprès de l’Entrepreneur et de Cuisines Action du problème d’encastrement des appareils électroménagers (Pièce B-5.1)

2016.08.01                Dénonciation du Bénéficiaire (Pièce A-4)

2016.08.09                Accusé de réception de l’Administrateur (Pièce B-6.2)

2016.11.01                Décision de l’Administrateur (Pièce A- 3)

2016.11.20                Demande d’arbitrage (Pièce A-2)

2016.11.24               Notification de la demande d’arbitrage et nomination initiale d’un arbitre (Pièce A-1)

2017.01.27               Notification de l’Administrateur de substitution de Me Pierre-Gabriel Lavoie pour Me François-Olivier Godin.

2017.04.27                Conférence préparatoire

2017.06.05                Nomination de l’Arbitre soussigné en substitution de l’arbitre initialement nommé.

2017.06.16                Instruction

 

 

Le Règlement

 

[10]      Le Règlement est d’ordre public tel que confirmé à diverses reprises par notre Cour d’appel[1].

           

[11]     Le Règlement prévoit que toute disposition d’un plan de garantie qui est inconciliable avec le Règlement est nulle[2] et conséquemment, le Tribunal se réfère aux articles du Règlement lorsque requis sans rechercher la clause correspondante au contrat de garantie, s’il en est.

 

[12]      La décision arbitrale est finale et sans appel et lie les parties dès qu’elle est rendue[3].

 

 

 

 

 

Faits pertinents

 

[13]     L’État des renseignements d’une personne morale au Registre des entreprises (Québec) identifie que l’Entrepreneur 9253-5400 Québec Inc. fait aussi affaires sous ‘Faubourg Londonien’. Certains éléments de la preuve documentaire font référence à cet intitulé ainsi qu’à l’intitulé ‘Habitations Trigone’ pour identifier l’Entrepreneur.

 

[14]     Le 21 avril 2015 le Bénéficiaire signe, et le 29 avril 2015 l’Entrepreneur pourvoit à acceptation, d’un contrat préliminaire de vente et contrat de garantie obligatoire de condominium (Pièce A-5) sur un document standard émis par Garantie Qualité Habitation du Québec Inc. (« Contrat »).

 

[15]     Le 4 juin 2015, le Bénéficiaire a procédé au choix des matériaux pour la confection des modules et comptoir de cuisine pour l’Unité, auprès de Cuisines Action qui agit à titre de sous-traitant de l’Entrepreneur (Pièce A-6 en liasse). À la liste des choix du client, dûment signée par le Bénéficiaire, il est indiqué et souligné que les standards pour l’espace d’un réfrigérateur sont de 33" pouces larg. x 68" pouces de haut.

           

[16]     La preuve démontre que, suite à une demande écrite du Bénéficiaire le 15 juin 2015 requérant que tous les récipiendaires (Entrepreneur, Cuisine Action et J.C. Perreault le fournisseur des appareils électroménagers [réfrigérateur, plaque chauffante et four] (« Perreault »)) soient avisés par Perreault des dimensions et ampérage des questions sous étude aux présentes, le 17 juin 2015 un conseiller de Perrault envoie à Cuisines Action (à la chargée de projet et récipiendaire du courriel du 15 juin) et à l’Entrepreneur les spécifications d’encastrement des électroménagers nécessaires à l’intégration des appareils et conséquemment à la confection du comptoir et modules.

 

[17]     Suite à l’installation des modules et comptoir de cuisine par ‘Cuisines Action’, le Bénéficiaire et l’Entrepreneur procèdent à l’inspection de pré-réception le 28 août 2015 (Pièce A-8).

 

[18]     Au formulaire d’inspection préréception (formulaire pré-imprimé de l’Administrateur, au nom de Qualité Habitation) daté du 28 août 2015 il n’y a aucun élément de travaux à parachever ou à corriger qui a été noté (Pièce A-8) alors qu’il est inscrit manuscritement, à chaque section descriptive de l’Unité et du Bâtiment, le terme « terminé » ou « N/A ». Par ailleurs, ce formulaire n’indique pas, à la rubrique prévue à cet effet, une date de fin des travaux. Le Bénéficiaire témoigne que lors de cette inspection les appareils n’étaient pas encore installés.

[19]     Le Bénéficiaire reconnaît que la réception de l’Unité est en date du 28 août 2015 (Pièce A-3). L’acte de vente notarié entre l’Entrepreneur et le Bénéficiaire pour l’achat de l’Unité est en date du 2 septembre 2015 (Pièce A-9).

 

[20]     Cependant, dans un deuxième formulaire d’inspection pré-réception intitulé « Guide du planificateur - Inspection préréception » (formulaire avec rubriques pré-imprimées de l’Entrepreneur, au nom de Habitations Trigone) daté (lui aussi comme l’autre formulaire d’inspection préréception précité) du 28 août 2015, il est noté qu’il y a un «panneau frigo → + gros espace à arranger» (Pièce B-4) et le Bénéficiaire témoigne que les dimensions n’étaient alors pas connues.

 

[21]     Le Bénéficiaire a pris possession de l’Unité le 2 septembre 2015 et dans les journées qui suivaient les appareils ménagers ont été installés. Suite à l’installation, le Bénéficiaire s’est aperçu que l’espace pour le réfrigérateur était de 7 1̸2’’ trop large et que les portes-armoires au-dessus du réfrigérateur ne pouvaient être centrées.

           

[22]     D’autre part, le Bénéficiaire prétend que l’installateur professionnel des appareils ménagers n’a pu procéder à l’installation du four et de la plaque chauffante puisque l’entrée électrique (ampérage) en arrière du comptoir ne répondait pas aux exigences du devis technique transmis par le fournisseur des appareils ménagers. Le Bénéficiaire témoigne qu’il a retenu les services d’un électricien pour corriger la situation (Pièces B-8.1 et B-8.2).

 

[23]     Le 1er octobre 2015, le Bénéficiaire envoie un courriel à l’Entrepreneur et à Cuisines Action, l’avisant du 7 pouces d’excès dans l’encadrement du réfrigérateur. Dans les semaines qui suivent, Cuisines Action propose des solutions au Bénéficiaire pour corriger le défaut. Le Bénéficiaire confirme avoir refusé le 3 février 2016 les propositions ainsi faites.

 

[24]     Selon l’Entrepreneur, le choix des appareils ménagers a été effectué le 15 juin 2015 après que le plan et contrat qui spécifient une ouverture de 33 pouces de largeur pour l’espace du réfrigérateur soient signés.

 

[25]     On comprend que le sous-traitant a proposé deux solutions sans frais pour dissimuler l’espace et une troisième option payante, qui sont selon l’Entrepreneur des solutions adéquates.

           

[26]     Suite à la dénonciation du Bénéficiaire en date du 1er août 2016, l’Administrateur rend une Décision Adm (1er novembre 2016).

 

prétentions des Parties

 

Bénéficiaire

[27]     En ce qui concerne la première réclamation, soit la configuration des armoires de cuisines, le Bénéficiaire allègue qu’il a constaté l’erreur seulement en septembre 2015 lorsque le réfrigérateur de 25 pouces de large a été installé dans un espace de 33 pouces. De plus, il témoigne, et la preuve documentaire indique, que les dimensions des appareils de la cuisine ont été préalablement transmises à Cuisines Action le 17 juin 2015.

           

[28]     En ce qui concerne, la deuxième demande de remboursement des travaux correctifs, le Bénéficiaire allègue que le 1er octobre 2015 lorsque le four et la plaque chauffante ont été installés, l’électricien a dû installer une boîte électrique dans l’armoire pour obtenir deux sorties de 40 AMP, car cela ne répondait pas aux exigences du devis technique.

 

Entrepreneur

[29]     L’Entrepreneur allègue qu’un réfrigérateur de 25 pouces de largeur n’est pas commun et qu’il serait préférable d’uniquement installer des panneaux de chaque côté du réfrigérateur et garder une cuisine de dimension standard.

 

Analyse et Motifs

 

Fondement erroné de la Décision Adm.

 

[30]     L’Administrateur refuse les réclamations du Bénéficiaire au motif que le Bénéficiaire n’a pas dénoncé les situations à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans les six (6) mois de la découverte des malfaçons, mais plutôt après plus de dix (10) mois.

 

[31]     La ratio decidendi de la Décision Adm est incorrecte entre autre en ce que la Décision Adm s’appuie sur un libellé de l’article 27 du Règlement qui n’est plus alors en vigueur dans les circonstances et la chronologie des éléments factuels du dossier.

 

[32]      En effet, le 5 mars 2014, le Législateur a modifié entre autres l’article 27 du Règlement (par la voie du Décret 156-2014 (« Décret »)) qui, depuis le 1er janvier 2015, doit se lire :

«  27. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

[…]

  2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception. Pour la mise en œuvre de la garantie de réparation des vices et malfaçons apparents du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l'entrepreneur et en transmet copie à l'administrateur dans un délai raisonnable suivant la date de fin des travaux convenue lors de la réception;

 

  3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons;

 

  4°    la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

 (nos soulignés)

 

[33]     On note a contrario qu’à défaut de dispositions transitoires alors décrétées ou exprimées par le Législateur, le Règlement tel qu’amendé et en vigueur le 1er janvier 2015 n’est pas applicable pour les contrats préliminaires et de garantie signés avant le 1er janvier 2015, tel que confirmé par une jurisprudence constante et suivie[4] c’est la version antérieure du Règlement (d’avant le 1er janvier 2015) qui s’applique.

 

[34]     La jurisprudence[5]  avait effectivement confirmé que l’ancienne version prévoyait un délai de rigueur et de déchéance de six (6) mois et que si ce délai n’était pas respecté, le droit d’un bénéficiaire à la couverture du plan de garantie et son droit à l’arbitrage qui peut en découler était respectivement éteint, forclos et ne pouvait être exercé.

 

[35]     Ce n’est toutefois pas la situation aux présentes.

 

 

[36]     Dans le cas d’espèce, le Contrat a été signé après le 1er janvier 2015, soit le 21 avril 2015 ; c’est la nouvelle disposition précitée qui se doit d’être appliquée.

 

[37]     La Cour Supérieure, dans la cause en 2015 de Garantie Abritat inc c. Régie du Bâtiment du Québec[6] adresse ce que certains qualifiaient de vide juridique où la demanderesse par voie de requête pour jugement déclaratoire recherchait le maintien des anciennes dispositions du Règlement pour tout bâtiment enregistré auprès de celle-ci sur émission d’un permis de construction au 31 décembre 2014.

 

[38]     Soulignons que les circonstances de cette affaire sont d’autre part qu’aucun contrat préliminaire ou d’entreprise n’avait été signé avec un bénéficiaire pour un tel bâtiment et qu’aucuns travaux de construction n’était alors entrepris.

 

[39]     La Cour rappelle que la protection des acheteurs est au cœur des préoccupations du Législateur et dans son examen approfondi de l’article 54 du Décret que la Cour vise particulièrement, on retrouve le ratio du jugement (avant des conclusions pour répondre à la demande de jugement déclaratoire) :

 

« 42.  Le Gouvernement a donc créé une règle, soit la mise en vigueur des modifications au Règlement le 1er janvier 2015. Par l’application a contrario du deuxième alinea de l’article 54 du Décret, seuls demeurent soumis aux anciennes limites les plans de garantie dont les travaux ont débuté avant le 1er janvier 2015 ou dont le contrat entre le bénéficiaire et l’entrepreneur alors accrédité a été signé avant cette date. C’est l’exception. »

 

[40]     Il est peu nécessaire de souligner que l’Administrateur est erroné dans ses conclusions à la Décision Adm quant à ce que le délai raisonnable de dénonciation est de 6 mois s’appuyant selon lui sur la stipulation à cet effet aux articles 6.4.2.3, 6.4.2.4 et 6.4.2.5 du Contrat. Nonobstant le fait que l’Entrepreneur et le Bénéficiaire ont signé un contrat qui prévoyait un délai de déchéance de 6 mois,  le Règlement est d’ordre public et donc - tel que souscrit par le Tribunal (ci-dessus) - le Règlement prévaut en vertu de son article 139, et conséquemment toute clause d’un contrat de garantie qui est inconciliable avec le Règlement est nulle.

 

 

 

[41]     D’autre part, d’abondant si requis (ce qui n’est pas inféré) quant à ces articles 6.4.2.3, 6.4.2.4 et 6.4.2.5, l’article 140 du Règlement prévoit que:

 

« 140. Un bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère le présent règlement.»

 

[42]     Finalement, notons que lors de la réforme du Code civil, l’exigence d’une poursuite judiciaire afin de respecter le ‘délai raisonnable’ permettant d’exercer ses droits dans un cadre de vices cachés (art. 1530 C.c.B.-C.) a toutefois été abandonnée au profit de celle de la dénonciation écrite, le Législateur ayant voulu déjudiciariser; c’est donc la dénonciation qui devient une condition de garantie légale contre les vices qui s’applique autant en cas de vice de titre que de vice de qualité (1738 et 1739 C.c.Q. respectivement).

 

[43]     Il faut aussi toutefois noter que, tel qu’indiqué à l’ensemble de la jurisprudence précitée sous la disposition précédente du Règlement, il n’en demeure pas moins d’actualité que la dénonciation visée non seulement pour un vice mais aussi pour une malfaçon dans le cadre du Règlement est et demeure impérative et essentielle et se doit d’être par écrit (ce que l’article 27 stipule d’ailleurs).

 

 

Caractérisation de malfaçon.

 

[44]     Le Tribunal est d’avis qu’une détermination de la raisonnabilité du délai de dénonciation recherche en partie des paramètres différents selon qu’il s’agisse d’une malfaçon ou d’un vice caché (et de même d’un vice au sens de 2118 C.c.Q.).

 

[45]     Notre collègue arbitre Me France Desjardins se réfère dans l’affaire Valiquette et Construction Nordi [7] aux définitions fournies à titre de guide par la Régie du bâtiment du Québec, l’organisme chargé en vertu de la Loi Bâtiment de l’application du Règlement :

 

« [38] […] Vices ou malfaçons : Travail mal fait ou mal exécuté compte tenu des normes qui lui sont applicables.  Ces normes se trouvent dans les conditions contractuelles et les règles de l’art (voir ci-dessous la notion de ‘règle de l’art’). 

 

 

Règles de l’art : Ensemble des techniques et pratiques de construction reconnues, approuvées ou sanctionnées. […] Elles trouvent notamment leurs sources dans les documents suivants :

 

·         les instructions ou guides fournis par les fabricants d’équipements ou de matériaux entrant dans la construction des immeubles;

[…]

 

[46]     À titre comparatif, puisque les définitions fournies ci-dessus adressent les expressions ‘malfaçons’ et aussi ‘vices’, notons le concept de déficit d’usage du bien souligné dans le cas de vice afin de distinguer la malfaçon :

 

« 2-378 - Notion de vice - La notion de vice du produit est essentiellement liée au déficit d’usage du bien.  Comme le démontre un auteur, il existe trois formes principales de vice : une défectuosité matérielle (le bien s’avère endommagé), une défectuosité fonctionnelle (impossibilité de s’en servir selon la destination normale) ou une défectuosité conventionnelle (impossibilité de s’en servir pour une fin spécifique). »[8]

 

[47]     Notre collègue arbitre Me Johanne Despatis, dans une décision[9] sous le Règlement, cerne la malfaçon et ses paramètres, citant le juge G. Bossé dans l’affaire Bordeleau [10]:

 

« [106]  Désormais, pour cerner la ‘malfaçon’ définie au Règlement, on peut, on doit, s’en remettre au concept issu de l’article 2120 du Code civil du Québec.  Or, selon la jurisprudence pertinente, la ‘malfaçon’ au sens de l’article 2120 s’entend du fruit d’un travail fait avec des matériaux déficients ou d’un travail mal fait.

[nos soulignés]

 

[48]     Dans cette affaire Bordeleau précitée, la Cour du Québec écrit au sujet du concept de ‘malfaçon’ [Paragr. 7] :

 

« [L’article 2120 C.c.Q.] garantit l’absence de ‘malfaçons’ dans l’ouvrage immobilier.  Une ‘malfaçon’ étant un travail mal fait ou mal exécuté […] »

[nos soulignés]

 

[49]     Nous sommes en présence d’un contrat de vente et non d’un contrat d’entreprise; toutefois d’une part le Règlement fait spécifiquement référence à l’article 2120 C.c.Q. et d’autre part dans les circonstances, la garantie prévue par 2120 C.c.Q. est applicable tant par l’effet de l’art. 1794 C.c.Q. - qui assujetti la vente par un entrepreneur d’un fond et immeuble d’habitation aux règles du contrat d’entreprise relatives aux garanties - que de l’art. 2124 C.c.Q. - qui y inclut le promoteur immobilier[11].

 

 

Malfaçon et 2120 C.c.Q.- Clauses contractuelles.

 

[50]     Pour chacune des deux réclamations du bénéficiaire, il s’agit d’une malfaçon non apparente, régie entre autre sous l’article 2120 C.c.Q. :

 

« 2120. L’entrepreneur, l’architecte et l’ingénieur pour les travaux qu’ils ont dirigés ou surveillés et, le cas échéant, le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont tenus conjointement pendant un an de garantir l’ouvrage contre les malfaçons existantes au moment de la réception, ou découvertes dans l’année qui suit la réception. »

 

[51]     Le Tribunal considère que les défauts allégués par le Bénéficiaire se qualifient de malfaçon non apparentes, ne pouvant lors de la réception être découverts par une personne raisonnable et prudente qui n’est pas un professionnel ou spécialiste du métier[12], dans les mêmes circonstances, soit avec l’information alors disponible (et ce, selon le Tribunal nonobstant la note ‘panneau frigo’ au formulaire Habitations Trigone qui demeure trop générique, s’il en est).

 

[52]     Un des éléments à considérer dans une détermination de ‘travail mal fait, mal exécuté’ dans le cadre d’une malfaçon sous l’article 2120 C.c.Q. et le Règlement, est de relever toute contravention aux dispositions contractuelles qui lient l’Entrepreneur et le Bénéficiaire.  Dans le jugement de notre Cour d’appel dans l’affaire Massif[13], l’Hon. J.J. Michel Robert (alors juge en chef), partage l’avis des auteurs Baudouin et Jobin, citant :

 

 « […] la règle de l'article 2120 C.c. a plutôt pour objet d'assurer la conformité de l'ouvrage aux stipulations contractuelles liant les parties et l'absence de défauts affectant l'ouvrage en général. La responsabilité qui en découle apparaît donc comme la sanction d'une mauvaise exécution des travaux, … » [paragr. 48]

et quant à l’analyse des obligations contractuelles :

 

« La responsabilité pour malfaçons résulte de l'inexécution de l'obligation de conformité du contrat d'entreprise. L'intensité du contenu obligationnel doit donc s'apprécier par rapport aux stipulations particulières de chaque convention, … » [paragr. 49].

[nos soulignés].

 

[53]     Les auteurs Baudouin et Deslauriers définissent le terme malfaçons comme toutes: « imperfections qui rendent [un immeuble] non conforme au modèle originellement prévu et qui diminuent ainsi la jouissance du propriétaire.[14] »

 

[54]     Considérant que la preuve non contredite confirme de plus que les dimensions des appareils de la cuisine ont été préalablement transmises à Cuisines Action le 17 juin 2015, il y a contravention aux obligations contractuelles de l’Entrepreneur relativement aux différences des dimensions visées et requises au comptoir et modules.

 

[55]     D’autre part, le Tribunal prend en considération que la preuve indique que les appareils électroménagers n’ont été livrés pour l’Unité que suite à la réception, et que ce n’est qu’à ce moment que le Bénéficiaire peut raisonnablement constater l’erreur entre les dimensions du comptoir et modules (armoires et tiroirs) de cuisine (espace trop large) en fonction des dimensions du réfrigérateur.

 

[56]     Quant à l’argument de l’inspection pré-réception sans réserve (selon le formulaire pré-imprimé de l’Administrateur, au nom de Qualité Habitation) celui-ci ne peut trouver application :

 

2113. Le client qui accepte sans réserve, conserve, néanmoins, ses recours contre l’entrepreneur aux cas de vices ou malfaçons non apparents.

 

[57]     Quant à la nécessité d’installer une boîte électrique dans l’armoire pour obtenir deux sorties de 40 AMP, ce n’est que le 1er octobre 2015 que le Bénéficiaire prend connaissance de la situation électrique. En conséquence, cette malfaçon est aussi caractérisée dans les circonstances de ce dossier de malfaçon non apparente au moment de la réception.

 

[58]     La garantie pour la réparation des malfaçons non apparentes au moment de la réception a une durée de un an. La réclamation du Bénéficiaire a été déposée le 1er août 2016, donc avant l’expiration de ce délai.

 

Étendue du «délai raisonnable» au sens du Règlement.

           

[59]     Tel que mentionné précédemment, les dispositions applicables requièrent dans chaque cas une dénonciation par écrit; les auteurs considèrent cet avis assujetti aux dispositions de l’article 1595 C.c.Q. qui requiert que l’avis soit par écrit, et la jurisprudence[15] et la doctrine[16], contrairement à certains autres cas de demandes extra judiciaires, considèrent aussi que cet avis se doit d’être par écrit, et qu’il est impératif et de nature essentielle.

 

            Objectif - Opportunité pour Entrepreneur de mitiger ses dommages et permettre            de réparer

 

[60]     Dans l’affaire Immeubles de l'Estuaire[17] où notre Cour d’appel analyse la conséquence d’absence d’une dénonciation sous la plume de l’Hon. Bich, j.c.a.,

la Cour, ayant ciblé la raison d’être d’une dénonciation (sous le terme de ‘préavis’), nous indique :

[158]      Selon cette disposition, le défaut de préavis est généralement considéré comme fatal au recours de l'acheteur, même dans le cas où le vendeur connaissait ou était présumé connaître le vice. Pierre-Gabriel Jobin, dans son ouvrage sur la vente, écrit que :

Bien que le vendeur qui connaissait le vice ou ne pouvait pas l'ignorer ne puisse se plaindre d'avoir reçu un avis tardif, il a quand même droit de recevoir un avis écrit de l'existence du vice avant que l'acheteur n'intente des procédures contre lui; seule est supprimée, à l'égard d'un tel vendeur, l'obligation de l'aviser dans un délai raisonnable. Le but de ce préavis, on l'a vu, est de permettre au vendeur de réparer le vice et, le cas échéant, de vérifier si le vice est grave et s'il est attribuable à une mauvaise utilisation par l'acheteur; cet objectif est tout aussi pertinent pour le vendeur professionnel que pour celui qui ne l'est pas.[104]

 (nos soulignés)

[61]     Donc, entre autre, une dénonciation est à l’effet de permettre au vendeur de vérifier si le vice est grave; cette approche supporte donc aussi que l’énoncé de la dénonciation qui se doit de ‘dénoncer le vice’ (1739 C.c.Q) ne se doit pas en toutes circonstances d’identifier le vice en détails ou sa gravité.

 

[62]     Plus récemment (2014),  la Cour d’appel dans l’affaire Joyal se penche de nouveau[18] sur la question de dénonciation (et alors comparativement à la mise en demeure) sous la plume de l’Hon. Dalphond, j.c.a. en appel d’une irrecevabilité du recours intenté par un acheteur dans un cas d’absence de dénonciation:

[19]        Le jugement de première instance, comme d’autres décisions, ne distingue pas entre « dénonciation » et « mise en demeure », ces mots étant souvent utilisés de façon interchangeable en matière de garantie légale. Il s’agit toutefois, en droit, de deux notions différentes […]

[24]       La dénonciation, aussi appelée préavis, avis et parfois mise en demeure, est donc une nouvelle condition de garantie légale contre les vices.

 

Objectif - Évaluer le préjudice de l’Entrepreneur

 

[63]     La Cour d’appel dans Joyal, rappelant que les dispositions relatives à la garantie légale de qualité (1739 C.c.Q.) sont inspirées entre autre de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises[19] et ayant identifié des exceptions spécifiques précédentes à la jurisprudence, prend position que l’absence de dénonciation requiert l’évaluation des conséquences du défaut de dénonciation plutôt que le rejet automatique du recours de l’acheteur et ajoute :

 

« … les conséquences du défaut de dénonciation dans un délai raisonnable doivent correspondre à un préjudice réel pour le vendeur, et non à un simple préjudice de droit … »

 

 (soulignant[20] que cette solution est aussi validée par le Professeur Jobin - déjà précité aux présentes sous l’affaire Immeubles de l’Estuaire) qui s’inscrit en faveur d'une certaine souplesse dans la sanction du préavis:

 

« … uniquement lorsque l'omission du préavis a privé le vendeur de la possibilité de vérifier l'existence et la gravité du vice et de le réparer ». [paragr. 169].

 

 

            Intention du Législateur

 

[64]     Cette approche se doit d’être d’autre part qualifiée par le type et la moindre sévérité des conséquences qui généralement ressortent d’une malfaçon comparativement à par exemple un vice caché, qualifications et conséquences reconnues entre autre par le législateur lorsqu’il applique des périodes d’un (1) an pour malfaçons alors qu’il accorde 3 ans pour vices cachés et 5 ans pour vices sous 2118 C.c.Q.

 

[65]     D’autre part, on se doit de retenir que le Législateur, lors des amendements majeurs au Règlement en 2015 a retiré l’exigence du délai maximal de six mois de la découverte ou survenance pour la dénonciation écrite ; on se doit de saisir que le Législateur nous indique son intention de permettre un délai de plus de six mois, selon les circonstances ; C’est donc une approche plus permissive et qui implique une appréciation subjective.

 

            Circonstances atténuantes au calcul du délai

 

[66]     La jurisprudence considère que le caractère raisonnable du délai de dénonciation prévu à l’article 1739 C.c.Q. doit s’apprécier au cas par cas, en fonction des circonstances propres à chaque dossier[21]. Il en est de même pour nos fins à l’article 27 du Règlement.

 

[67]     Les auteurs Baudouin et Renaud écrivent (2016) que :

 

Un délai plus long que la normale peut se justifier s’il y a des circonstances particulières, telles des tentatives de remédier aux problèmes, des pourparlers de règlement, des essais de réparation[22]                                   (nos soulignés).

 

[68]     La jurisprudence, à diverses reprises et depuis de nombreuses années, souligne des circonstances particulières pour justifier un délai raisonnable qui s’éloigne d’un règle qui demeure d’ailleurs empirique.

 

[69]     La Cour d’appel (1988) dans l’affaire Meunier c. Fontaine[23] sur une action en diminution de prix où la ratio est uniquement sur le délai raisonnable (alors sous 1530 C.C.B.-C.) considère la question du préjudice au vendeur (appelant), et statuant que celui-ci ‘n’a pas prouvé de préjudice créé par le délai de 9 mois qui s’est écoulé entre [de] la connaissance des défauts cachés », conclut que le « délai ne peut causer aucun préjudice à l’appelant » et détermine que ce délai est alors raisonnable.

 

[70]     La Cour Supérieure dans la cause de Benoît c. Sanctuaire du Mont-Royal reconnait un délai de 18 mois comme raisonnable (dans une affaire de vices cachés (sous 1530 C.C.B.-C.) pour défaut d’insonorisation, qui a entre autre requis des rapports d’expertise) et statue que la tardivité n’a causé aucun préjudice au défendeur (promoteur immobilier) et conclut :

 

« Après avoir pris en considération, et ce de la façon la plus chronologique possible, les faits et circonstances qui ont entrainé, il est vrai, un délai de plus de 18 mois entre l'arrivée des époux Benoit dans les lieux et la prise de la présente action estimatoire, le Tribunal est d'avis que dans l'espèce, il n'y a pas lieu de s'en tenir à un strict calcul mathématique et d'appliquer l'article 1530 C.C.B.C. dans sa plus extrême rigueur, même compte tenu de multiples décisions ayant jugé tardifs certains délais beaucoup plus courts. » [24]

 

[71]     Plus récemment, la non réactivité d’un vendeur aux réclamations de son acheteur est aussi un critère d’évaluation du délai raisonnable, dans une affaire où la Cour s’attarde sur l’attitude du vendeur (intimé) et indique :

 

« Par ailleurs, de l'attitude de l'intimé Bracaglia, aucune suite à la première communication avec les requérants notamment, le Tribunal en tire une impression de non-intérêt voire même de désintéressement aux difficultés rencontrées par les requérants. » [25]                                        (nos soulignés).

 

[72]     Notons aussi la Cour Supérieure dans l’affaire Girard c. Boulay (2010) alors que la preuve révèle un délai de 11 mois de la connaissance à la mise en demeure et souligne des communications et négociations préalables à titre de critère permettant ce délai comme raisonnable :

 

« Ici, il est manifeste que dès la connaissance des problèmes de vices, on a établi un canal de communication […] car bien que celui-ci [ndlr : entrepreneur] conteste certaines réclamations, il n'en demeure pas moins ouvert à la possibilité de remédier à "caper" des murets de toit. Ce langage pouvait laisser croire aux demandeurs que ceux-ci se dirigeaient vers une solution concertée et qu'ils ne leur étaient pas requis de procéder immédiatement à l'interpellation judiciaire. »

            Application des principes jurisprudentiels à la malfaçon.

 

[73]     Une évaluation générique du délai raisonnable dans un cadre jurisprudentiel principalement de vices cachés permet de conclure qu’une période de six mois constitue certes un délai raisonnable qui peut être prolongé selon les circonstances jusqu’à un an[26] et plus (tel l’affaire Benoit précitée) alors qu’un délai de deux ans a été jugé déraisonnable[27].

 

[74]     On peut certes tirer des critères applicables à la garantie des vices cachés certains principes relatifs à la détermination de la raisonnabilité du délai de dénonciation, mais pas nécessairement au même titre.

 

[75]     En effet, le Tribunal est d’avis que son analyse doit prendre en considération si l’Entrepreneur subit un préjudice ou non d’une dénonciation qui pourrait sembler tardive, et dans les circonstances présentes, l’Entrepreneur (et conséquemment sa caution, l’Administrateur) ne subit aucun préjudice notable ; au contraire, ce serait plutôt le Bénéficiaire qui peut se plaindre du délai à jouir paisiblement de son Unité.

 

[76]     De même, un délai défini non seulement par la connaissance du bénéficiaire mais tempéré par des discussions de trouver une solution négociée se doit d’être selon les circonstances pris en considération.

 

[77]     De plus, dans un cadre de malfaçon, le Tribunal considère que selon les circonstances (et c’est le cas aux présentes), la sévérité moindre des conséquences d’une malfaçon (par exemple comparativement à un vice caché) permet une raisonnabilité élargie du délai.

 

Certaines circonstances du présent dossier.

 

[78]     Le 1e octobre 2015 le Bénéficiaire envoi un courriel à l’Entrepreneur et au sous-entrepreneur dénonçant le ‘problème du 7 pouces de trop’ soit la discordance des dimensions du réfrigérateur et de son emplacement au comptoir et modules de cuisine et propose d’essayer de trouver une solution. L’Entrepreneur et le sous-entrepreneur proposent des solutions pour remédier au problème.

 

[79]     L’Entrepreneur a proposé deux modifications sans frais et une avec frais au Bénéficiaire qui pourraient être apportées à l’ouverture. Après plusieurs refus du Bénéficiaire, les discussions se terminent le 10 février 2016.

 

[80]     En ce qui concerne le problème électrique, l’Entrepreneur a envoyé un courriel le 11 novembre 2015 pour savoir si les modifications électriques avaient été faites dans la cuisine. Ce n’est que le 3 février 2016 que le Bénéficiaire avise l’Entrepreneur qu’aucune modification électrique n’a été faite.

 

[81]     Jusqu’au 10 février 2016 les parties ont tenté de remédier aux problèmes; la dénonciation du Bénéficiaire à l’Administrateur étant du 1er août 2016, ceci représente une période de moins de 6 mois.

 

 

Remboursement pour travaux correctifs.

 

[82]     Le Tribunal ne peut accueillir la réclamation du Bénéficiaire pour le remboursement des honoraires ou frais afin de corriger la situation électrique pour les motifs qui suivent.

 

[83]     Le Règlement permet seulement le remboursement des travaux effectués par un Bénéficiaire pour les réparations conservatoires nécessaires et urgentes.

 

[84]     Dans les circonstances, le Bénéficiaire a engagé un électricien pour effectuer des travaux correctifs les 12 et 17 mai 2016 sans avis ou préavis ni à l’Entrepreneur ni à l’Administrateur, et bien avant la dénonciation du 1er août 2016. À tout le moins, ceci signifie que l’Administrateur et l’Entrepreneur n’avaient pas l’occasion de se prononcer sur les travaux et les coûts qu’ils pouvaient engendrer.

 

[85]     La Cour d’appel affirme que «vu le but du préavis,(…) il faut comprendre que l'acheteur doit donner ce préavis avant même de procéder aux réparations (…)»[28] (nos soulignés).

 

 

 

 

 

[86]     Dans l’affaire Francine Bélanger et Daniel Pelletier et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. et Réseau Viva International[29], l’arbitre écrit :

 

 [26] En l’espèce, les bénéficiaires demandent le remboursement des frais qu’ils ont encourus pour effectuer les travaux décrits aux points 3 et 4.

 

[27] Il n’est pas contesté que le Règlement ne comporte aucune disposition prévoyant le remboursement à un bénéficiaire des frais engagés pour effectuer des travaux qui n’auraient pas été urgents et conservatoires.

 

[28] En effet, la seule disposition au Règlement traitant du remboursement de dépenses effectuées par un bénéficiaire pour des travaux réalisés par lui après la réception de son bâtiment se retrouve à l’alinéa 34(5) du Règlement. Ce dernier stipule que l’administrateur, et par conséquent l’arbitre, peut ordonner le remboursement à un bénéficiaire du coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes faites par lui.

 

[29] On peut certes concevoir que les travaux faits par monsieur Pelletier n’étaient pas superflus. Cela dit, la preuve n’a toutefois pas démontré qu’il s’agissait de réparations conservatoires nécessaires et urgentes au sens du Règlement.

(nos soulignés)

 

 

Conclusions

 

[87]     Étant donné que les travaux correctifs effectués par le Bénéficiaire relativement au système électrique ne sont ni conservatoires nécessaires, ni urgents, le Tribunal maintient la décision de l’Administrateur, quoique pour des motifs différents, et rejette la réclamation du Bénéficiaire sur ce point.

 

[88]     Critères relatifs au délai raisonnable. En sommaire, et sans restreindre les éléments identifiés à la rubrique ‘Analyse et Motifs’, le Tribunal considère qu’il est approprié dans les circonstances particulières de ce dossier de tenir compte pour les fins de la discordance de dimensions affectant le comptoir et modules de cuisine:

 

ú  l’Entrepreneur (et subséquemment l’Administrateur) subit-il un préjudice de la longueur du délai pour les fins de la réclamation des dimensions discordantes; le Tribunal conclut qu’aucun préjudice notable n’est subi;

 

ú  la sévérité moindre des conséquences d’une malfaçon (par exemple comparativement à un vice caché) permet une raisonnabilité élargie du délai;

 

ú  le Bénéficiaire a avisé l’Entrepreneur immédiatement suite à sa prise de connaissance de la malfaçon de discordance des dimensions;

 

ú  qu’un délai initial à la dénonciation est lié à des discussions entre les parties afin de tenter de trouver une solution négociée;

 

ú  l’Entrepreneur est soumis à une obligation de résultat.

 

[89]     La preuve démontre que suite au choix de dimension (33’’X68’’) du 4 juin 2015 sur document de Cuisine Action (Pièce A-6 en liasse) (i) le Bénéficiaire avise (moins de 15 jours plus tard) par écrit tous les intervenants d’un choix d’électroménagers spécifiques et (ii) que le fournisseur Perreault avise par la suite l’Entrepreneur et son sous-traitant par écrit (Pièce B 3.3) avec documentation détaillée des dimensions et autres spécifications desdits électroménagers et une page frontispice qui ne peut qu’attirer l’attention avec en gros titre ‘Spécifications d’encastrement - M. Ulric Rousseau’.

 

[90]     Que ceci n’est pas été considéré comme une demande de modifications par l’Entrepreneur ne puis être opposé à postériori au Bénéficiaire, malgré la bonne foi de l’Entrepreneur à rechercher activement une solution à la réclamation du Bénéficiaire;

 

[91]     Quant aux travaux à exécuter pour les fins du comptoir de cuisine, il s’agira de  remplacer les éléments requis pour qu’il n’y ait que l’espace requis pour le réfrigérateur de 25’’ existant et conséquemment une longueur de comptoir d’environs 7’’ de plus que l’existant, mais le Tribunal considère toutefois que cela ne doit pas emporter un remplacement des armoires au-dessus du réfrigérateur (sauf si les correctifs empêchent leur ouverture), le tout selon les règles de l’art.

 

Coûts d’arbitrage

[92]      Le Tribunal, en conformité de l'article 123 du Règlement, confirme que les coûts de l'arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

[93]     ACCUEILLE en partie la réclamation du Bénéficiaire, quant au point 1 de sa réclamation quant au comptoir et modules de cuisine relativement à la discordance de dimension avec un électroménager;

 

[94]     REJETTE  en partie la réclamation du Bénéficiaire, soit quant au point 2 de sa réclamation et MAINTIENT à ce poste la décision de l’Administrateur.

 

[95]     ORDONNE les ordonnances et travaux prévus à la présente décision;

 

[96]     ORDONNE que l'Administrateur assume les coûts du présent arbitrage.

 

[97]     RÉSERVE à PricewaterhouseCoopers SAI, ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie La Garantie Habitation du Québec Inc. ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour tous  travaux, toute action et toute somme versée, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (paragr.19 de l’annexe II du Règlement), en ses lieu et place et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.

 

[98]     LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage à la charge de PricewaterhouseCoopers SAI, ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie La Garantie Habitation du Québec Inc., conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.

 

 

 

DATE: 12 juillet 2018

 

 

 

_______________________

Me Jean Philippe Ewart

Arbitre

 

 



[1] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ c. Desindes, 2004 CanLII 47872 (QC CA)  paragr. 11 Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. MYL Développements 2011 QCCA 56, paragr. 13, ainsi que Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d'habitation de) 2013 QCCA 1211 paragr.18.

 

[2] Articles  5 et 139 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs

 (L.R.Q. c. B-1.1, r.08) (« Règlement »).

 

[3] Idem, articles 20 et 120 du Règlement.

 

 

[4] Nazco et Milian c. 9181-5712 Québec Inc. et Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ CCAC S16-011902-NP, 8 avril 2016, MRoland-Yves Gagné, arbitre et voir aussi, au même effet, Syndicat des Copropriétaires Lot 3 977 437 c. Gestion Mikalin et La Garantie Abritat GAMM 2013-15-011, 24 avril 2015, Jean Morissette, arbitre.

 

[5] Danesh c. Solico Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., Me Jean Philippe Ewart, Arbitre, 5 mai 2008, Soreconi No. 070821001; Syndicat de copropriété du 2700 Charlemagne c. Constructions Galco inc., 2010 CanLII 43339 ; Bertone et Scafuro c. 9116-7056 Québec Inc., (Construction Sebelan), 2009 CanLII 84644, Guy Pelletier, Arbitre, citant quant à cette question, une décision du soussigné et Côté et Clermont c. Les Constructions E.D.Y. Inc., CCAC S09-030301-NP, 12 janvier 2010, Me Pierre Boulanger, Arbitre, au même effet, et citant diverses autres décisions arbitrales au même effet. Caroline Therrien c. 9179-5948 Québec inc.et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., Me Roland-Yves Gagné, Arbitre, 27 avril 2011, CCAC S11-011101NP.

 

[6] 2015 QCCS 682, plus particulièrement paragraphes 39 et 42 (cités aux présentes).

 

 

[7]  Raymond Valiquette et Construction Nordi inc. et La Garantie Habitation du Québec inc., Me France Desjardins, Arbitre, CCAC S09-141001-NP  et S09-091201-NP, 28 avril 2010, para 38.

 

 

[8] Op cit Baudouin et Deslauriers, La responsabilité civile, 2007, 7e éd, para 2-378; citations retirées.  Voir aussi : Société de fiducie de la Banque de Hong Kong c. Dubord Construction inc., B.E. 2001BE-481 (C.A.), REJB 2001-24015 (autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée).

 

[9] Kieu Thuy Truong et Cau Chiem c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ et Brunelle Entrepreneur inc., Me Johanne Despatis, Arbitre, GAMM 2007-12-013, 23 juin 2009.

 

[10] Bordeleau c. Thomassin, 2002 IIJCan 34288, Cour du Québec.

 

[11] Voir aussi Immeubles de l’Estuaire phase III inc c. Syndicat des copropriétaires de l’Estuaire Condo phase III, 2006 QCCA 781 sous la plume de la juge Bich, M.-F, JCA.

 

[12] Karim, Vincent, Contrats d'entreprise, contrat de prestation de services et l'hypothèque légale, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, para 1168.

 

[13] Massif inc. (Le) c. Clinique d'architecture de Québec inc. 2009 QCCA 1778, para 48; citant Baudouin, Jean-Louis et Deslauriers, Patrice, Op. cit. La responsabilité civile, 2007, 7e édition, paragr. 2-312 [au para 48] et 2-313 [au para 49], p. 276.

 

[14] Baudouin, Jean-Louis, Deslauriers, Patrice La responsabilité civile, 8e éd., vol. 2 « Responsabilité professionnelle », Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2014, no 2-320.

 

[15] Voir Voyer c. Bouchard (C.S. 1999-08.27) [1999] R.D.I. 611; et Fleurimont c. APCHQ inc. (C.S. 2001.12.19) dans cette dernière affaire, les faits précédent l’adoption du Règlement tel qu’il se lit alors - le certificat APCHQ de la garantie requérait conciliation - mais les principes étudiés demeurent applicables in extenso.

 

[16] LLUELLES ET MOORE, Droit des obligations, Éditions Thémis, no. 2800 (et note 38 in fine) - 1803

 

[17] Immeubles de l'Estuaire phase III inc. c. Syndicat des copropriétaires de l'Estuaire Condo phase III 2006 QCCA 781 - citant (note 104) - Pierre-Gabriel JOBIN, La vente, 2e éd., Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc, 2001, p. 178 ; voir aussi au même effet LAMONTAGNE, Denys-Claude,, Droit de la vente, 3e éd., Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 2005, au para. 239 in fine (p. 127).

 

 

[18] Claude Joyal inc. c. CNH Canada Ltd. 2014 QCCA 588.

 

[19] Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, Doc. Off. AG NU, 29e sess., 2319e séance, Doc. NU A/C.97/18 (1980).

 

[20] Op. cit. Claude Joyal inc. c. CNH Canada Ltd., para 36.

 

[21] Leblanc c. Dupuy, 2014 QCCS 3226 (CanLII)

 

[22]    Baudouin, Jean-Louis et Renaud, Yvon, Code civil du Québec annoté, 20e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2016, note sous l’article 1739. Benoît c. Sanctuaire du Mont-Royal ltée, (C.S., 1992-09-08), SOQUIJ AZ-92021504, J.E. 92-1431, [1992] R.J.Q. 2858

 

[23] Meunier c Fontaine,  Cour d’appel du Québec, 13 mai 1988  - No 500-09-000806-828.

 

[24] Op. cit. (C.S., 1992-09-08), SOQUIJ AZ-92021504, J.E. 92-1431, [1992] R.J.Q. 2858, p. 22.

 

[25] Cressaty c Palazzo [2002] J.Q. no 10559 (C.Q.), para 42.

 

[26] Côté c. Boyer, 2015 QCCS 4817 (CanLII)

 

[27] Ortu c. Roussel, 2015 QCCQ 11329 (CanLII)

 

[28] Estuaire phase III inc. c. Syndicat des copropriétaires de l’Estuaire Condo phase III, 2006 QCCA 781, paragr.159.

 

 

[29] GAMM 2009-11-011, 23 décembre 2009, Me Johanne Despatis, arbitre