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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

Isabelle Perreault et Dave Cusson

(ci-après les « bénéficiaires »)

 

ET :

9034-5877 Québec inc. (Construction Clément Arès)

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

No dossier APCHQ : 77025-1

No dossier GAMM : 2010-08-002

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis, ing.

 

Pour les bénéficiaires :

Mme Isabelle Perreault

 

Pour l'entrepreneur :

M. Clément Arès

 

Pour l'administrateur :

Me Luc Séguin

 

Dates d’audience :

8 juillet et 19 août 2010

 

Lieu d’audience :

Cowansville

 

 

Date de la sentence :

31 août 2010

I : INTRODUCTION

[1]           Il s’agit ici d’une réclamation, de la part des bénéficiaires, relative à la présence d’ocre ferreuse dans le système de drainage de leur propriété ainsi qu’au niveau de la nappe phréatique.

[2]           La réception du bâtiment a eu lieu le 17 novembre 2004, alors que la première dénonciation écrite à l’administrateur relativement à la présente situation est datée du 25 avril 2009, soit dans la cinquième année de la période de la garantie.

[3]           À leur demande de réclamation auprès de l’administrateur, les bénéficiaires ont joint un rapport d’expertise, daté du 22 juin 2009, préparé par M. Pierre Beaupré, ing., de la firme Centre IEB Québec.

[4]           À la suite de la réception du rapport précité, l’administrateur a procédé à une inspection des lieux le 11 novembre 2009.

[5]           Subséquemment, l’administrateur a mandaté la firme Fondasol afin de procéder à une contre-expertise géotechnique; le rapport de Fondasol, daté du 25 janvier 2010, a été préparé par M. Mohammad Hosseini, ing.

[6]           Ce n’est donc qu’après avoir pris connaissance des deux rapports d’expertise, soit celui préparé pour le compte des bénéficiaires et celui préparé pour son propre compte, que l’administrateur a rendu une décision en date du 11 février 2010. En voici un extrait :

FAITS, ANALYSE ET DÉCISION

1.    PRÉSENCE D’OCRE FERREUX DANS LES DRAINS FRANÇAIS

2.    TAUX D’HUMIDITÉ ÉLEVÉ AU SOUS-SOL

3.    HAUTEUR DE LA NAPPE PHRÉATIQUE PROBLÉMATIQUE

4.    RISQUE D’INFILTRATION D’EAU

5.    DEMANDE DE CUVELAGE DU SOUS-SOL OU SOULÈVEMENT DU BÂTIMENT

Les faits

Les bénéficiaires, appuyés d’un rapport d’expertise rédigé par le Centre IEB, ont dénoncé les points ci-haut énumérés.

Nous avons donc procédé à une inspection le 11 novembre 2009, à la suite de quoi nous avons mandaté la firme Fondasol pour que soient effectuées une étude et une expertise géotechnique afin de nous permettre de rendre une décision juste et éclairée.

Considérant que le rapport de la firme Fondasol, dont copie est jointe à la présente, conclut à l’effet qu’un immeuble doit être situé au-dessus de la nappe phréatique; le cas échéant, des mesures particulières doivent être mises en œuvre, le bâtiment concerné n’ayant pas été construit à l’aide de telles précautions.

Il semblerait que le drain ait été installé à un niveau inférieur à celui des eaux souterraines et que la présence d’ocre ferreux ait été constatée.

L’expert mandaté par l’administrateur conclut à l’effet que dans de telles conditions, les risques d’inondations du sous-sol sont plus élevés.

ANALYSE ET DÉCISION (point 1) :

De l’avis de l’administrateur, les situations observées sur place en rapport avec le point 1 rencontrent tous les critères du vice majeur.

Par conséquent, l’administrateur doit accueillir la demande de réclamation des bénéficiaires à l’égard de ce point et l’entrepreneur devra dans un premier temps effectuer la mise en place d’un puisard en béton étanche muni d’une pompe submersible au milieu du sous-sol, travaux décrits au rapport de la firme Fondasol aux pages 9 et 55.

De plus, une inspection supplémentaire sera effectuée par la firme Fondasol dans un an afin de déterminer si des travaux optionnels relatifs à l’aménagement du terrain, tels que décrits à la page 9, sont également requis.

CONCLUSION

POUR TOUS CES MOTIFS, L’ADMINISTRATEUR :

ACCUEILLE la demande de réclamation des bénéficiaires pour le point 1.

ORDONNE à l’entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs requis en ce qui a trait au point 1, et ce, dans un délai de trente (30) jours suivant réception de la présente.

[7]           À la suite d’une demande de précision par les bénéficiaires concernant cette décision de l’administrateur, ce dernier, en date du 22 février 2010, a émis l’amendement que voici :

ANALYSE ET DÉCISION (points 1 à 5) :

De l’avis de l’administrateur, les situations observées sur place en rapport avec les points 1 à 5 rencontrent tous les critères du vice majeur.

Par conséquent, l’administrateur doit accueillir la demande de réclamation des bénéficiaires à l’égard de ce point et l’entrepreneur devra dans un premier temps effectuer la mise en place d’un puisard en béton étanche muni d’une pompe submersible au milieu du sous-sol, travaux décrits au rapport de la firme Fondasol aux pages 9 et 55.

De plus, une inspection supplémentaire sera effectuée par la firme Fondasol dans un an afin de déterminer si des travaux optionnels relatifs à l’aménagement du terrain, tels que décrits à la page 9, sont également requis.

CONCLUSION

POUR TOUS CES MOTIFS, L’ADMINISTRATEUR :

ACCUEILLE la demande de réclamation des bénéficiaires pour les points 1 à 5.

ORDONNE à l’entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs requis en ce qui a trait aux points 1 à 5, et ce, dans un délai de trente (30) jours suivant réception de la présente.

[8]           En cours d’enquête, les parties ont déposé 44 pièces, et les personnes suivantes ont témoigné :

-       M. Clément Arès, entrepreneur qui, à l’époque, a construit l’unité d’habitation

-       M. Pierre Beaupré, ing., expert retenu par les bénéficiaires

-       Mme Joanne Tremblay, T.P., inspecteur-conciliateur pour l’APCHQ

-       Mme Isabelle Perreault, bénéficiaire, greffière

-       M. Mohammad Hosseini, ing., expert retenu par l’administrateur

[9]           En présence des parties, le soussigné a procédé à deux visites des lieux, soit le 8 juillet et le 19 août 2010.

II : POSITION DES BÉNÉFICIAIRES

[10]        L’expert des bénéficiaires, M. Beaupré, a d’abord procédé à la visite des lieux et a noté sur le plancher du sous-sol la présence de plusieurs fissures, lesquelles, selon lui, sont trop importantes pour résulter du retrait du béton.

[11]        Dans le système de drainage, M. Beaupré a noté la présence d’une boue orangée qui s’apparente à de l’ocre ferreuse; il a fait analyser cette substance par la firme Bodycote.

[12]        À l’aide d’un tableau qu’il a lui-même développé, M. Beaupré a déterminé un pourcentage d’agressivité de l’ocre ferreuse de l’ordre de 92 %; ce tableau fait intervenir les résultats de Bodycote en ce qui a trait au fer et au manganèse dissous, de même que l’âge du drain, la quantité de dépôts et la distance entre le drain et la nappe phréatique.

[13]        La présence d’ocre ferreuse contribue à colmater le drain et ses orifices, et à diminuer sa capacité.

[14]        À l’aide de trois puits d’observation situés à l’extérieur, tout près du bâtiment, l’expert a procédé au suivi de la fluctuation des eaux souterraines sur une période d’environ quatorze mois (2009-2010); les graphiques démontrent que le niveau d’eau surpasse le niveau d’implantation des semelles et parfois surpasse le dessus de la dalle de béton constituant le plancher du sous-sol.

[15]        À l’aide d’un autre puits d’observation situé cette fois à l’intérieur du bâtiment, et ce, sur une période d’environ dix mois (2009-2010), l’expert démontre que le niveau maximum d’eau ne dépasse pas 3,5 po en dessous de la dalle de béton.

[16]        M. Beaupré explique que la différence de niveau d’eau entre l’extérieur et l’intérieur du bâtiment est causée par le phénomène de rabattement de la nappe; actuellement, les drains rabattent la nappe; toutefois, si les drains cessent de fonctionner à cause du potentiel de colmatage, l’eau reprendra sa place en dessous du plancher.

[17]        M. Beaupré prétend qu’actuellement, le drain est partiellement colmaté; en supposant qu’il soit colmaté à 50 % de sa capacité et que survienne une crue des eaux, ce drain va déborder, car le bâtiment a été construit dans l’eau.

[18]        L’usage d’un drain n’est pas de drainer les eaux souterraines.

[19]        Le témoin cite l’article 9.16.3.2. du Code national du bâtiment :

9.16.3.2. Pression hydrostatique

                         1)         Si le niveau de la nappe souterraine est susceptible de créer une pression hydrostatique sous un plancher sur sol, celui-ci doit être :

                         a)         formé d’une dalle de béton coulé; et

                         b)         conçu pour résister à ces pressions.

[20]        Dans une ouverture pratiquée au mur du sous-sol, le témoin a noté la présence d’humidité; cette dernière résulte du fait que les semelles sont dans l’eau et que l’on n’a pas un solage hydrofuge.

[21]        Commentant la solution proposée par l’administrateur (soit un puisard en béton muni d’une pompe submersible), M. Beaupré est d’avis que cette solution ne tient pas compte de l’ocre ferreuse et que si le drain se colmate, il y aura infiltration d’eau.

[22]        Relativement au drainage par matériau granulaire sous les semelles (au cas où le drain soit complètement colmaté) tel que proposé par l’expert de l’administrateur (Fondasol), M. Beaupré estime que cette conception ne s’applique pas dans le présent dossier, car ce système n’a pas été mis en place à l’origine.

[23]        En février 2009, les bénéficiaires ont subi un dégât d’eau découlant, semble-t-il, d’un refoulement d’égout de la municipalité.

[24]        Dans son rapport, au chapitre intitulé « Résultats et mesures proposées », M. Beaupré conclut comme suit :

Puisque le potentiel de colmatage est qualifié d’ « élevé » et que la hauteur de la nappe phréatique est également très élevée, seuls le cuvelage du sous-sol ou le soulèvement du bâtiment constitue [sic] des solutions permanentes et les plus appropriées à la problématique. Nous avons étudié la possibilité de procéder au remplacement du système de drainage actuel des fondations par de nouveaux conduits de drainage lisses et rigides avec des perforations de plus grands diamètres. Cependant, compte tenu de l’agressivité de la problématique d’ocre ferreuse, qui est qualifiée d’ « élevée », cette solution se veut, selon nous, non économique et non raisonnable. C’est pourquoi seuls les travaux de cuvelage ou de soulèvement du bâtiment s’avèrent ici les solutions les plus appropriées.

[25]        L’estimé des coûts pour le soulèvement du bâtiment est de l’ordre de 65 000 $, tandis que l’estimé pour le cuvelage est de l’ordre de 50 000 $.

[26]        Le cuvelage consiste en l’installation d’une membrane sur l’extérieur des murs de béton ainsi que sur le plancher (dalle), le tout suivi de la superposition d’une deuxième dalle de béton sur la dalle existante.

[27]        Mme Perreault témoigne à l’effet que c’est le dégât d’eau causé par la municipalité, survenu en février 2009, qui est à l’origine de la présente investigation.

[28]        Le témoin ajoute que les dépôts apparaissent sur le clapet au plancher du sous-sol; elle a dû effectuer le nettoyage du clapet en deux occasions depuis février 2009.

[29]        Durant une période d’un an (2009-2010), Mme Perreault a procédé au relevé des taux d’humidité au sous-sol et au rez-de-chaussée; selon le témoin, les résultats démontrent un pourcentage d’humidité très élevé.

Argumentation

[30]        Mme Perreault rappelle que le présent débat porte sur une méthode de correction.

[31]        La décision de l’administrateur indique que nous sommes en présence d’un vice majeur couvert par la garantie; l’admissibilité de la garantie n’est pas contestée.

[32]        Le cuvelage est la méthode requise pour corriger la présence d’ocre ferreuse, le taux d’humidité, la hauteur de la nappe phréatique ainsi que les risques d’infiltration.

[33]        Mme Perreault soumet que contrairement à son propre expert, celui de l’administrateur n’a pas procédé à des tests de laboratoire pour l’analyse de l’eau.

[34]        Le nombre de fissures situées sur le plancher de béton au sous-sol est très élevé, et elles ne sont point de nature capillaire; le risque d’infiltration est extrêmement présent.

[35]        Le rôle premier du drain n’est pas de rabattre la nappe phréatique, et si le drain se colmate, le rabattement sera annulé.

[36]        La présente situation est la cause des fissures et du degré d’humidité élevé. Or, une humidité trop élevée cause la dégradation des matériaux.

[37]        Une méthode de correction non adéquate, telle que celle proposée par l’administrateur, ne rencontrera pas les résultats escomptés.

[38]        Mme Perreault souligne que l’arbitre a juridiction pour déterminer la solution requise à la correction de la situation.

[39]        Le témoin est d’avis que le rôle de la garantie est de corriger et non pas d’améliorer une situation problématique.

[40]        Or, l’installation d’un puisard (solution proposée par l’administrateur) n’était pas initialement prévue; cette solution nécessite suivi et entretien, car l’ocre va s’installer sur cette pompe; cette solution engendre du bruit et entraîne des coûts d’électricité.

[41]        Dans son rapport de décision, l’administrateur a reconnu la gravité de la situation telle que démontrée par l’expert des bénéficiaires, M. Beaupré, mais a retenu la solution de son propre expert, M. Hosseini.

[42]        Mme Perreault fait valoir que l’arbitre peut recourir à l’équité pour en arriver à une solution complète et définitive.

[43]        À l’appui de son argumentation, la représentante des bénéficiaires a invoqué les autorités suivantes :

-       Promutuel Lévisienne-Orléans, société mutuelle d’assurances générales c. Fondations du St-Laurent (1998) inc., EYB 2010-172336 (C.A.).

-       Ruel c. Lavoie, C.A. 500-09-001736-891, 29 avril 1992, juges Tyndale, Rothman et Moisan.

-       Légaré c. Aménagements Pelletier inc. (C.Q., 2002-07-15), SOQUIJ AZ-50139821, J.E. 2002-1552 .

-       Gauthier c. Yvon Duperron 9119-5834 Qc inc. et La Garantie des Maîtres Bâtisseurs inc., SA, 20 février 2007, arbitre Marcel Chartier.

-       Lacroix et La Garantie des Maîtres Bâtisseurs (GMB) et KA Construction, SA, 15 juin 2009, arbitre Bernard Lefebvre.

-       Douillard c. Les Entreprises Robert Bourgouin Ltée et La garantie Qualité Habitation, SA, 19 décembre 2005, arbitre Marcel Chartier.

-       Spooner et 9020-8034 Québec inc. (Les Entreprises Robert Gagnon) et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., SA, 6 mars 2008, arbitre Alcide Fournier; Spooner c. Fournier, 2009 QCCS 1652 .

-       Rae et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ et Construction Réal Landry inc., SA, 10 juin 2008, arbitre Johanne Despatis.

-       Beaufort et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ et Construction Stéphane Belhumeur inc., SA, 9 septembre 2009, arbitre Johanne Despatis.

-       Bernard P. QUINN, L’autonomie de l’entrepreneur dans le choix des méthodes et des moyens de réalisation de l’ouvrage, Barreau du Québec, Développements récents en droit de la construction 2005, Cowansville, Yvon Blais, 2005.

-       Matheos c. Construction D’Astous Ltée et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., SA, 12 mai 2009, arbitre Jean Philippe Ewart.

-       Losito et Construction Beauchamp Ouellet inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., SA, 12 janvier 2010, arbitre Marcel Chartier.

III : POSITION DE L’ADMINISTRATEUR

[44]        Dans un premier temps, Mme Joanne Tremblay, inspecteur-conciliateur pour l’administrateur, nous explique que les prémisses apparaissant dans son rapport d’inspection du 11 février 2010 ainsi que dans son amendement du 22 février 2010, soit la présence d’ocre, le taux d’humidité élevé, la hauteur de la nappe, le risque d’infiltration et la demande de cuvelage, proviennent des conclusions du rapport d’expertise de Centre IEB Québec préparé pour le compte des bénéficiaires; ce dernier rapport ne contient aucun test de sol.

[45]        La firme Fondasol a été retenue par l’administrateur pour réaliser une contre-expertise dans le présent dossier. M. Hosseini est l’auteur du rapport. Il s’agit d’une contre-expertise géotechnique qui englobe, entre autres, l’état des lieux ainsi qu’une stratigraphie des sols de fondation.

[46]        Le témoin affirme qu’une bonne analyse de la situation exige une étude de la nature des sols.

[47]        M. Hosseini témoigne que les fissures sur le plancher du sous-sol ont une largeur maximum de 2 mm et qu’elles ne comportent aucune dénivellation; il les qualifie comme étant des fissures de retrait. Ces fissures n’ont pas été causées par la pression de l’eau, car pour ce faire, il faudrait que la dalle baigne dans l’eau.

[48]        La température de l’eau en dessous de la dalle est d’environ 15,8° C; il s’agirait donc d’une eau stagnante, non renouvelée.

[49]        Les mesures du niveau d’eau prises à l’intérieur du bâtiment indiquent que l’eau ne touche pas la dalle et que son niveau est de 3,5 po sous la surface inférieure de la dalle. Connaissant la nature du sol, l’expert indique qu’une seule mesure du niveau d’eau a suffi.

[50]        La différence de niveau entre les lectures prises à l’extérieur du bâtiment et celles prises à l’intérieur s’explique par le phénomène de rabattement de la nappe phréatique.

[51]        Les résultats des essais de laboratoire sur des échantillons de sol démontrent un sol de faible perméabilité nécessitant un bon drainage.

[52]        Relativement au colmatage possible ou éventuel du drain, M. Hosseini, à la suite de son étude de sol, conclut que la présence de pierre nette sous la dalle de plancher du sous-sol « … constitue un dispositif de drainage conforme aux exigences du CNBC… ».

[53]        Dans le présent dossier, à l’aide d’une technique reconnue développée par Kuntz en 1982, le témoin estime de faible à moyen le risque de colmatage par l’ocre de fer en fonction de la concentration en fer et du pH de l’eau.

[54]        M. Hosseini soumet qu’il n’existe actuellement aucun indice de colmatage du drain français et que sur le plancher de béton, il n’existe aucune poudre blanche (efflorescence).

[55]        Construit en 2004, le présent bâtiment, sans y apporter aucun remède, ne comporte aucun risque d’inondation, sauf évidemment pour les refoulements d’égout.

[56]        M. Hosseini témoigne que les dangers de colmatage avec les bactéries sont de beaucoup plus importants qu’avec le fer, d’où la nécessité d’un bon entretien du système; car toute habitation munie d’un système de drainage nécessite un entretien.

[57]        En conclusion, dans son rapport, M. Hosseini recommande en premier lieu l’installation d’un puisard en béton muni d’une pompe submersible. Voici un extrait de ses recommandations :

a)    Prévoir la mise en place d’un puisard en béton étanche muni d’une pompe submersible au milieu du sous-sol loin des fondations extérieures et intérieures. Ce puisard en béton, d’une profondeur d’environ 1 m, doit être relié au coussin de pierre nette au moyen de conduits rigides pour évacuer l’eau du coussin de pierre nette vers le puisard. L’extrémité inférieure des conduits doit être submergée dans au moins 200 mm d’eau au fond du puisard. Le détail de construction du puisard est indiqué dans la figure F409-0242-2a de l’annexe 7. Compte tenu de la nature érosive des sols en place (silt), le puisard doit être situé loin des fondations existantes. Par ailleurs, la construction du système de drainage sur un tel sol exige un filtre compatible. Afin d’analyser le potentiel d’érosion des sols en place et la formation d’un filtre naturel, il est recommandé de prévoir au moins 200 mm d’eau au fond de puisard pour l’accumulation d’eau et de sédiments éventuels. Il est suggéré de surveiller l’accumulation de sédiment au fond du puisard. Tout enlèvement de sédiment doit être documenté (masse de sédiments fins enlevés avec le temps) pour analyser la stabilité avec le temps du système de drainage en place;

b)    Comme le terrain en arrière de la propriété est en pente vers la résidence, il est suggéré de modifier l’aménagement des terrains près des murs de fondation jusqu’à une distance de 3 m pour capter les eaux de ruissellement en amont du terrain et pour éloigner les infiltrations d’eau de surface vers un drain intercepteur gravitaire. Le fond du drain intercepteur devra atteindre de préférence la surface du dépôt de silt. De tels travaux doivent être suivis par un géotechnicien d’expérience. La figure F409-0242b montre le détail des aménagements proposés. Ce volet des travaux de correction constitue des travaux optionnels qui pourraient être requis si l’installation du puisard ne donne pas les résultats souhaités. Ainsi, il est recommandé de procéder d’abord à l’installation du puisard et par la suite, si nécessaire, à l’installation du drain intercepteur.

[58]        Les coûts d’installation d’un tel puisard sont estimés à 7 000 $.

[59]        M. Hosseini s’est dit convaincu du bien-fondé de sa solution et recommande que l’installation du puisard soit suivie par un géotechnicien.

Argumentation

[60]        Le procureur rappelle que l’entrepreneur a témoigné qu’en 2004, lors de l’excavation, il n’y avait pas d’eau; donc, la propriété n’a pas été bâtie dans la nappe phréatique.

[61]        À ce jour, il n’existe aucun colmatage du drain français. Les bénéficiaires avaient le fardeau de démontrer que le drain était colmaté.

[62]        La réception du bâtiment a eu lieu le 17 novembre 2004, alors que la première dénonciation du problème est datée du 25 avril 2009; nous nous situons donc dans la cinquième année de la garantie.

[63]        Le procureur cite l’article 10.5° du plan de garantie; or, afin qu’une situation soit couverte par la garantie, elle doit rencontrer les critères de vice de construction et de vice majeur, et entraîner la perte totale de l’ouvrage.

[64]        Or, depuis 2004, les bénéficiaires n’ont jamais subi de problème d’infiltration d’eau ou d’ocre à un niveau anormal.

[65]        Un seul événement s’est produit en février 2009, mais il s’agissait plutôt d’un problème de refoulement d’égout.

[66]        Aucun problème découlant du drain français n’est survenu; en août 2010, la garantie est terminée, et il n’existe pas encore de problème.

[67]        L’ouverture au sous-sol au bas d’un mur n’indique pas de trace d’humidité excessive. Aucune dégradation des matériaux n’est apparente, ni au rez-de-chaussée, ni au sous-sol.

[68]        Le potentiel d’ocre ferreuse n’est pas nié par l’administrateur, mais il est plutôt faible; la méthode de calcul à cet égard de l’expert des bénéficiaires n’a pas été soutenue par un organisme professionnel.

[69]        Il a été démontré que le niveau de la nappe est très stable et se situe à 3,5  po sous la surface inférieure de la dalle.

[70]        L’eau sous la dalle est stagnante; ainsi, le système de drainage remplit sa fonction; toutefois, l’eau stagnante entraîne des bactéries, d’où la nécessité d’un correctif.

[71]        Le procureur conclut que la présente réclamation des bénéficiaires repose sur des hypothèses, une appréhension et une crainte; ainsi, dans les circonstances, les correctifs suggérés par les bénéficiaires sont déraisonnables et non nécessaires.

[72]        À l’appui de son argumentation, le procureur a soumis ce qui suit :

-       Bouchard et Les Constructions M. & E. Godbout inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., SA, 22 juin 2010, arbitre Michel A. Jeanniot.

-       Hermann et Les Habitations F. Gaudreault inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ inc., SA, 1er décembre 2006, arbitre Alcide Fournier.

-       Kuzma et Groupe immobilier Grilli inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., SA, 30 mai 2008, arbitre Michel A. Jeanniot.

IV : POSITION DE L’ENTREPRENEUR

[73]        M. Clément Arès travaille maintenant pour une entreprise de détail.

[74]        Auparavant et durant vingt ans, il a été entrepreneur en construction.

[75]        Dans le projet résidentiel où habitent les bénéficiaires, il a construit dix unités d’habitation.

[76]        Il estime que son travail a été exécuté selon les règles de l’art.

[77]        La construction de la présente unité a eu lieu en 2004; M. Arès était présent lors des travaux; il affirme qu’il n’y avait pas d’eau lors de l’excavation; il ne se rappelle pas avoir constaté la présence d’un ruisseau dans les environs.

[78]        M. Arès déclare que l’aménagement à l’extérieur du bâtiment des bénéficiaires ne faisait pas partie de son contrat.

[79]        La licence de la compagnie Construction Clément Arès est inopérante à la Régie du bâtiment, et ce, depuis le 12 février 2010.

V : DÉCISION ET MOTIFS

[80]        Le procureur de l’administrateur a admis que la présence d’ocre ferreuse est couverte par le plan de garantie.

[81]        Aucune des parties n’a contesté la juridiction de l’arbitre quant à son pouvoir de réviser une solution proposée afin de régler de façon définitive une situation donnée et afin d’éviter une solution de rafistolage ou contraire au Code national du bâtiment.

[82]        Le tribunal rappelle que la réception du bâtiment a eu lieu le 17 novembre 2004 et que la première dénonciation écrite relative à la présence d’ocre ferreuse et au niveau de la nappe phréatique est datée du 25 avril 2009; nous nous situons donc dans la cinquième année de la garantie.

[83]        Je cite ci-après l’article 10.5° du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs :

10.  La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

[…]

  5°    la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

[84]        L’article 2118 du Code civil du Québec se présente comme suit :

2118. À moins qu'ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d'un vice de conception, de construction ou de réalisation de l'ouvrage, ou, encore, d'un vice du sol.

[85]        Les deux visites des lieux effectuées ainsi que la preuve recueillie ne m’ont pas convaincu que l’article 10.5° du plan de garantie trouve application dans le présent dossier.

[86]        Contrairement aux sentences déposées par les bénéficiaires, où le niveau de l’eau atteint la dalle, il existe une preuve prépondérante que le niveau de la nappe phréatique se situe à 3,5 po au-dessous de la sous-face de la dalle; ceci a été prouvé à la fois par l’expert des bénéficiaires lors de ses relevés à l’aide d’un puits à l’intérieur du bâtiment ainsi que par l’expert de l’administrateur lors d’un relevé et par une étude des sols.

[87]        Il n’existe aucune preuve que le niveau d’eau ait déjà atteint la dalle; à ce jour, il n’existe aucune preuve d’infiltration d’eau.

[88]        Certes, les mesures extérieures indiquent que le niveau de la nappe atteint le niveau de la dalle; toutefois, les deux experts s’entendent sur le phénomène de rabattement de la nappe de chaque côté des fondations.

[89]        Pour subir une pression hydrostatique, il faut que la dalle soit atteinte par le niveau d’eau. Or, la visite des lieux a démontré l’absence de pression hydrostatique sur la dalle.

[90]        Il a été mis en preuve que les fissures sont de l’ordre de 2 mm de largeur et qu’elles ne comportent pas de dénivellation.

[91]        La visite des lieux a été concluante à l’effet qu’il n’existe dans la propriété aucune démonstration résultant d’un taux d’humidité excessif, et ce, tant au sous-sol qu’au rez-de-chaussée; au sous-sol, les traces d’efflorescence sont minimes et non significatives.

[92]        Relativement au colmatage, il appartenait aux bénéficiaires de prouver que le drain était partiellement ou totalement colmaté; aucun test de caméra n’a été effectué.

[93]        Je n’ai recueilli aucune preuve de colmatage du drain français, même si la présence d’ocre ferreuse n’a pas été niée; car l’on n’a pas prouvé la présence de l’ocre dans les tuyaux du drain.

[94]        Aucun indice de colmatage n’a été indiqué comme étant à un niveau anormal, et ce, depuis 2004.

[95]        L’expert des bénéficiaires, M. Beaupré, attribue à l’ocre un taux d’agressivité de 92 % selon un calcul maison; l’expert de l’administrateur, M. Hosseini, lui attribue un taux d’agressivité de faible à moyen selon une méthode reconnue.

[96]        Il existe donc une preuve prépondérante à l’effet que le drain n’est pas obstrué.

[97]        En accord avec le procureur de l’administrateur, le soussigné est d’avis que la présente réclamation des bénéficiaires repose plutôt sur des hypothèses et des craintes que sur des faits clairement établis. Si je compare les deux rapports d’expertise, celui de M. Hosseini, expert mandaté par l’administrateur, est plus précis et plus documenté que celui de M. Beaupré, expert retenu par les bénéficiaires. Particulièrement, l’étude des sols effectuée par M. Hosseini contribue à compléter une bonne analyse de la situation.

[98]        Cette étude des sols a démontré que même s’il y a risque de colmatage, la présence de pierre nette sous la dalle de plancher du sous-sol « … constitue un dispositif de drainage conforme aux exigences du CNBC… ».

[99]        Dans ces circonstances, la solution proposée par les bénéficiaires, soit le cuvelage, s’apparente à l’utilisation d’un canon pour tirer une mouche, à savoir une solution gigantesque pour un problème inexistant; sans compter toutes les incommodités qu’une telle solution apportera aux bénéficiaires, notamment un ajout important d’humidité pour une période de temps.

[100]     Pour ces motifs, la présente réclamation des bénéficiaires, soit la demande de cuvelage du sous-sol ou soulèvement du bâtiment, est REJETÉE.

La décision de l’administrateur

[101]     La décision de l’administrateur est tout à fait incohérente. Dans la décision datée du 11 février 2010 (extrait reproduit dans la section INTRODUCTION de la présente) où il y a cinq éléments en réclamation, l’administrateur statue uniquement sur l’élément 1, soit la présence de l’ocre ferreuse; les bénéficiaires étaient justifiés de demander des explications sur leur demande de cuvelage.

[102]     À l’évidence, il s’agissait d’une erreur matérielle qui a été corrigée par un amendement daté du 22 février 2010.

[103]     Sur le fond maintenant, comme l’a à juste titre mentionné Mme Perreault, l’administrateur, ayant en sa possession les deux rapports d’expertise, a reconnu la gravité de la situation (vice majeur) telle que démontrée par l’expert des bénéficiaires, M. Beaupré, mais a retenu la solution de son propre expert (aucun vice), M. Hosseini; en cours d’enquête, cette erreur a été reconnue par l’administrateur.

[104]     Dans son témoignage, M. Hosseini a même avancé que puisque la construction de l’unité d’habitation remonte à 2004, aucun remède n’était requis.

[105]     Conséquemment, vu que l’administrateur statuait dans son rapport que « les situations observées sur place en rapport avec les points 1 à 5 rencontrent tous les critères du vice majeur », les bénéficiaires étaient justifiés de poursuivre leur réclamation jusqu’à l’arbitrage.

[106]     Vu cet imbroglio, le tribunal ORDONNE à l’entrepreneur de mettre en place un puisard en béton étanche muni d’une pompe submersible, selon les directives du rapport de Fondasol préparé par M. Hosseini et daté du 25 janvier 2010, le tout en conformité avec les règles de l’art.

[107]     Suivant la suggestion de M. Hosseini, les travaux seront planifiés et surveillés par un ingénieur compétent en la matière ou un géotechnicien.

[108]     Le tribunal ACCORDE à l’entrepreneur un délai de quatre-vingt-dix (90) jours à compter de la présente pour compléter ces travaux.

[109]     À défaut par l'entrepreneur de se conformer à l’ordonnance précédente, le tribunal ORDONNE à l'administrateur de le faire dans le délai ci-devant prescrit.

Les frais d’expertise

[110]     Les frais d’expertise pour le compte des bénéficiaires totalisent 5 049,76 $; ce montant n’a pas été contesté.

[111]     L’article 22 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs stipule ce qui suit :

22.  L'arbitre doit statuer, s'il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.

[112]     Ici, les bénéficiaires n’ont pas eu gain de cause; toutefois, leur action a été motivée par l’incohérence du rapport de l’administrateur.

[113]     Voilà pourquoi le tribunal trouve justifié de rembourser les frais d’expertise encourus à compter de la date du rapport de l’administrateur, soit le 11 février 2010.

[114]     Le tribunal ORDONNE donc à l’administrateur de rembourser aux bénéficiaires un montant de trois mille cinq cent quatre-vingt-dix-neuf dollars et trente-deux cents (3 599,32 $), et ce, dans les trente (30) jours de la présente.

Les coûts d’arbitrage

[115]     L’article 21 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs se présente comme suit :

21.  Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.

[116]     Les bénéficiaires n’ont pas eu gain de cause. Toutefois, leur demande d’arbitrage était amplement justifiée vu les conclusions illogiques du rapport de l’administrateur.

[117]     Dans les circonstances, en vertu de l’article 116 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, l’arbitre statue que les coûts du présent arbitrage sont entièrement à la charge de l’administrateur.

 

BOUCHERVILLE, le 31 août 2010.

 

 

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Claude Dupuis, ing., arbitre