CENTRE CANADIEN D'ARBITRAGE COMMERCIAL
Dossier 04-0402

 

 

Lorraine BEAULIEU & Irma TREMBLAY

 

C.

Construction Rosaire Guay & Fils inc. & Les Forages Lapointe inc.

 

et

 

La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ

COMPARAISSENT :

 

Pour Lorraine Beaulieu & Irma Tremblay,                Me Christine Gagnon

le «Bénéficiaire »

 

Pour Construction Rosaire Guay & Fils inc. M. Mario Guay

«l'Entrepreneur » :

 

Pour Les Forages Lapointe inc.                            M. Jacques Thibault

le « Sous-traitant » 

 

Pour La garantie des bâtiments résidentiels           Me Jacinthe Savoie

neufs de l'APCHQ « l'Administrateur »

 

ARBITRE :                                                       Me Jean Morin

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                                  Baie Saint-Paul

 

DATE DE L'AUDIENCE :                                 20 septembre 2004

 

DATE DE LA SENTENCE ARBITRALE :         15 octobre 2004

 

SENTENCE

Faits

[1]      Le 2 avril 2001, le Bénéficiaire a signé, avec l'Entrepreneur, un contrat d'entreprise pour la construction d'une maison au 557 & 559, Côte de Pérou, Baie-Saint-Paul. L'annexe 1 de ce contrat prévoyait qu'une allocation de 5000$ était allouée pour le creusage d'un puits artésien. Les différents travaux relatifs à ce puits ont en fait coûté 12 078,25$, somme que réclame le Bénéficiaire alléguant que le puits ne permet pas de répondre aux besoins quotidiens en eau potable du Bénéficiaire, qu'il n'est pas efficace ni efficient et qu'il ne respecte pas les règles de l'art.

[2]          Le forage du puits s’est fait à une profondeur de 360 pieds, là où le Sous-traitant a ensuite procédé par hydrofracturation; procédé permettant de fissurer le roc en périphérie du puits pour ainsi en permettre une meilleure alimentation en eau. La profondeur du puits et le fait qu'on ait dû procéder par hydrofracturation expliquent le coût plus élevé des travaux.

[3]          La Déclaration de réception du bâtiment a été signée le 28 août 2001 et elle ne fait mention d'aucun problème relié à l'alimentation en eau potable. Le 19 novembre 2003, le Bénéficiaire a signé une Demande de réclamation suite à laquelle un rapport d'inspection portant la date du 15 mars 2004 a été déposé. La réclamation du Bénéficiaire concernant l'insuffisance en eau potable disponible y est rejetée au motif que le contrat de construction ne contient pas de spécifications relativement à la capacité et la qualité du puits, contrairement aux exigences de l'article 5.6 de la section I du contrat de garantie. Insatisfait de cette conclusion, le Bénéficiaire a soumis le dossier à l'arbitrage.

Prétentions

[4]      Le procureur du Bénéficiaire soutient que le contrat de construction, qui est un contrat d'entreprise, comporte l'obligation de bonne exécution, selon les règles de l'art, sans besoin de les énoncer spécifiquement au contrat. Il prétend que l'obligation de l'Entrepreneur est de résultat et qu'enfin le débit du puits, qui est d'environ quinze gallons à l'heure, soit environ 1362 litres par jour est nettement inférieur à la norme prescrite au Guide de conception des installations de production d'eau potable du ministère de l'Environnement du Québec qui est de 2000 litres par jour.

[5]      De son côté, le procureur de l'Administrateur rappelle qu'il ne s'agit pas de déterminer la responsabilité de l'Entrepreneur en fonction du fait qu'il ait ou non satisfait à ses obligations. Il s'agit essentiellement de déterminer si la réclamation du Bénéficiaire est couverte par le contrat de garantie. A cet égard, le procureur soutient que le contrat de garantie doit être interprété restrictivement. Il ajoute subsidiairement que le droit du Bénéficiaire à être indemnisé, si jamais ce droit avait existé, est prescrit puisque la dénonciation du problème à l'Administrateur a été faite tardivement. Enfin, le procureur affirme que le puisatier n'a de toute manière qu'une obligation de moyen.

Preuve

[6]      La preuve relative à la date à laquelle le puits a été temporairement tari pour la première fois est claire, quoique les témoignages semblent parfois contradictoires. Le premier assèchement du puits est survenu vers le 25 mai 2001, avant la réception de l'ouvrage, alors que le Bénéficiaire s'affairait à peinturer les murs intérieurs du bâtiment. Cet assèchement a provoqué le bris de la pompe qui n'était pas, à ce moment, reliée à un interrupteur de sécurité. Le puisatier a alors remplacé la pompe et a installé un interrupteur de sécurité. À la même occasion, il a vérifié le débit et la réserve du puits qui ont respectivement été fixés à 15 gallons à l'heure et à 3600 litres. La preuve a également démontré que l'approvisionnement en eau potable a toujours été un souci du Bénéficiaire et qu'il aurait manqué d'eau une dizaine de fois depuis. Il appert donc que la demande du Bénéficiaire, signée le 19 novembre 2003, soit tardive puisque faite plus de six mois après la découverte du problème. Le fait, comme l'explique le Bénéficiaire, qu'il ait été rassuré par l'Entrepreneur et le Sous-traitant, ne peut pas, eu égard au délai écoulé entre le mois de mai 2001 et ie mois de novembre 2003, justifier le retard.

[7]      Relativement à la preuve du débit nécessaire d'un puits, 2000 litres par jour selon le procureur du Bénéficiaire, elle n'est appuyée que par une brochure publiée par le ministère de l'Environnement dans laquelle il est fait référence à un Guide de conception des installations de production d'eau potable, publié par le même ministère. Quoiqu'elle soit perfectible, elle n'a pas été formellement contestée. Par ailleurs, la lecture de la jurisprudence soumise par les parties montre qu'un tel débit constitue une exigence raisonnable.

[8]      À savoir si l'obligation de l'Entrepreneur est de résultat, l'Administrateur, citant le juge Gagnon dans l'arrêt Jacques Lachance c. Maria Grenon et Florence Gendron[1], a fait la preuve que l'obligation du puisatier n'était que de moyen. La décision Giroux c. Vallée[2] citée par le procureur du Bénéficiaire n'établissait que l'interprétation donnée par le tribunal à la locution « puits artésien et (...) conforme, », soit la capacité de ce puits « de fournir de l'eau de façon régulière et quotidienne ». Cette interprétation semble certes appropriée dans la décision du juge mais elle n'est pas pertinente dans la présente affaire. En effet, alors que, dans l'arrêt Giroux c. Vallée, la promesse d'achat contenait une déclaration attestant de la conformité du puits, l'annexe au contrat de construction ne contient aucun engagement et aucune déclaration en ce sens.

Elle n'établit que le montant de l'allocation attribuée au forage du puits, soit 5000$. Or on ne peut déduire de l'octroi d'une allocation, quelle qu'elle soit, une obligation de résultat autre que la remise de cette allocation.

[9]          Quant à l'interprétation à donner à l'article 5.6 de la section 1 du contrat de garantie, large ou restrictive, la preuve a, de part et d'autre, été très sommaire.


Conclusion et ordonnance

[10]       La preuve a démontré que le dépôt de la réclamation était tardif ce qui, en soi, est suffisant pour disposer de la demande. Au surplus, le procureur du Bénéficiaire n'a pas démontré que l'article 5.6 du contrat de garantie devait recevoir une application autre que ce à quoi sa lettre suggère à première vue.

[11]    En effet, le juge Gagnon dans l'arrêt précité Lachance c. Gendron et Gendron, explique l'obligation du puisatier « à prendre et à fournir tous les moyens nécessaires pour que le puits creusé respecte les règles de l'art.» Contrairement aux allégations du procureur du Bénéficiaire à l'effet que le débit du puits est un élément des règles de l'art, le juge Gagnon n'y fait pas référence. II traite plutôt de la question en fonction du devoir d'information et en terme d'exécution technique des travaux. Dés lors, il faut dissocier règle de l'art et obligation d'assurer l'alimentation en eau tant en quantité qu'en qualité et il faut interpréter l'article 5.6 dans le seul cadre qui est sien. Ainsi, il apparaît qu'il n'y a pas lieu d'interpréter cet article puisque sa lettre est sans équivoque. La protection n'existe que lorsque l'obligation est prévue au contrat; elle pourrait l'être spécifiquement en indiquant le débit minimal requis ou de .manière plus générale en faisant référence aux normes généralement établies. Or, rien de tel n'apparaît au contrat d'entreprise.

Aurait-il, par ailleurs, engagé sa responsabilité à titre de mandant? Voilà une question à laquelle il importe peu de répondre puisqu'il ne s'agit pas de décider de la responsabilité de l'Entrepreneur mais essentiellement de savoir si la réclamation est couverte par le contrat de garantie.

POUR CES MOTIFS, la demande du Bénéficiaire est rejetée.

Québec, le 15 octobre 2004

Jean Morin, Arbitre



[1] C.Q. Abitibi 605-02-000545-915, le 7 avril 1994

[2] C.Q., Québec 200-32-008215-963; le 22 janvier 1997