TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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n/d : GAJD : QUALITÉ HABITATION : |
234 20161410 0002-170 |
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DEVANT L’ARBITRE : |
: Robert Néron, LL.B, LL.M., Arb.A. |
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Deidre Yukich et Brian Allemekinders
Bénéficiaires |
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Et |
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La Garantie Qualité Habitation
Administrateur |
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Et |
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The Healthiest Home Inc.
Entrepreneur |
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SENTENCE ARBITRALE |
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Arbitre : Robert Néron, GAJD
Pour le bénéficiaire : M. Brain Allemekinders
Pour l’Entrepreneur : Aucun
Pour l’Administrateur : Me François-Olivier Godin -
Bélanger, Paradis, Avocats
Date de l’audience : Le 12 décembre 2016
Lieu de l’audience : Gatineau, Québec
Date de la décision : Le 29 décembre 2016
Chronologie
23 février 2012 : Contrat d’entreprise
1er juin 2012 : Réception du bâtiment
6 juin 2016 : Réclamation des Bénéficiaires
14 septembre 2016 : Décision de l’Administrateur
14 octobre 2016 : Demande d’arbitrage
17 octobre 2016 : Nomination de l’arbitre
17 novembre 2016 : Conférence préparatoire à l’audience
12 décembre 2016 : Visite des lieux et audience
29 décembre 2016 : Décision
Conférence préparatoire
[1] Lors de la conférence, les Bénéficiaires informent l’arbitre que l’Entrepreneur n’est plus en commerce.
[2] Les parties informent également l’arbitre que le litige porte sur la recevabilité de la demande des Bénéficiaires ainsi que sur le fait que les travaux de réparation avaient déjà eu lieu par les Bénéficiaires, et ce sans avoir eu l’autorisation de l’Administrateur afin d’effectuer les travaux.
Audience
[3] Après consultations des parties, ils admettent que les documents déposés réciproquement l’ont été valablement et que les dates qui y figurent sont bien celles qui font l’objet du présent litige.
Points en litige
[4] Est-ce que la dénonciation faite par les Bénéficiaires auprès de
l’Administrateur est recevable ?
[5] Est-ce que les travaux de toiture fait par les Bénéficiaires sont des
travaux conservatoires et nécessaires afin de préserver le bâtiment ?
Faits
[6] Le 23 février 2012, les Bénéficiaires signent avec ‘The healthiest home Inc.’, un contrat d’entreprise pour la construction d’une maison unifamiliale.
[7] Les Bénéficiaires signent le formulaire de réception du bâtiment le 1er juin 2012 et prennent possession de leur maison.
[8] Dès la prise de possession de la maison, les Bénéficiaires ont eu des réparations mineures à être effectuées. Après avoir avisé immédiatement l’Entrepreneur, celui-ci intervient rapidement. Les réparations comprennent : le système de chauffage géothermique, certain accessoire de plomberie, mécanisme de fenêtre, serrures de porte, anomalies cosmétiques mineures telles que les têtes de vis sur une cloison. Les propriétaires ont également subi quelques dégâts d’eau mineurs que l'Entrepreneur général a réparés immédiatement.
[9] Le 27 février 2015, les locataires ont informé les Bénéficiaires des dommages de plafond dans la cuisine au premier étage. L'Entrepreneur général a immédiatement été avisé et les propriétaires étaient d'avis que l'Entrepreneur général avait l'obligation de remédier à la question.
[10] Le 2 mars 2015, l'évaluation initiale concluait qu'il s'agissait d'une fuite d’eau mineure. Les propriétaires ont pu parler avec l'Entrepreneur général et ont reçu un engagement verbal de sa part afin d’effectuer les réparations.
[11] Le 4 mars 2015, le gestionnaire d'immeuble a informé les Bénéficiaires du fait qu'il avait appris que l'Entrepreneur général avait cessé ses activités commerciales.
[12] Le 18 avril 2015, les propriétaires ont reçu de l'Entrepreneur général la confirmation formelle qu'il avait cessé ses activités commerciales.
[13] Le 5 mai 2015, un contrôle de qualité de l'air a été effectué à la propriété.
[14] Le 19 mai 2015, une inspection approfondie du toit par un spécialiste indépendant de la toiture a été effectuée. Sa conclusion fut que le toit entier avait été installé incorrectement et devait être complètement enlevé et réinstallé.
[15] Le 20 mai 2015, compte tenu de leurs inquiétudes, les propriétaires ont contacté un membre de la famille (M. Andres Fisher), spécialiste de la toiture basée à Vancouver, en Colombie-Britannique. M. Fisher a gracieusement offert ses services pour réparer le toit.
[16] Les 18 et 21 août 2015, M. Fisher a inspecté le toit et a conclu que les bardeaux Enviroshake avaient été mal installés et qu'il fallait les enlever et les remplacer, ainsi que remplacer la sous-couche. Après une enquête plus approfondie, M. Fisher a déterminé que plusieurs problèmes, tels que le toit plat avant ne drainant pas d'eau, les bardeaux installés incorrectement, non décalés afin d’éviter la pénétration de l'eau; les gouttières ne sont pas suffisamment inclinées pour bien drainer, ce qui entraîne une accumulation de l'eau, etc..
[17] Le 18 septembre 2015, le fabricant d'Enviroshake a accepté de remplacer gratuitement tous les bardeaux par de nouveau, spécialement conçus pour les toits à faible pente, afin d’aider les propriétaires à rectifier les défauts causés par l'Entrepreneur général.
[18] Entre le 23 octobre 2015 et le 8 mai 2016; M. Andre Fisher et M. Adam Fisher ont réparé et réinstallé le toit.
[19] Le 6 juin 2016, les propriétaires ont déposé une plainte auprès de l'Administrateur.
[20] Dans un rapport daté du 30 août 2016, M. Julio Rivera, de ‘Indoor Environmental Services Ltd.’ a inspecté la propriété et a conclu qu'il y avait une contamination fongique à l'intérieur du bâtiment et qu'il était nécessaire d'aborder les sources d'humidité en raison de l'infiltration d'eau par le toit.
[21] Le 13 septembre 2016, Michel Labelle, conciliateur pour l’Administrateur, a inspecté le toit des Bénéficiaires et confirme qu’il semble qu’il y avait des dommages dus à l’infiltration de l’eau. Il est à noter que M. Labelle n’a pas vu le toit d’origine, car il avait été remplacé par un nouveau toit, mais M. Labelle ne remet pas, dans son témoignage, en question la bonne foi des Bénéficiaires et que la mise en œuvre des trois toitures, incluant les couvertures et autres composantes, était déficiente.
[22] M. Labelle, au nom de l’Administrateur, refuse la réclamation des Bénéficiaires, car plus de 6 mois se sont écoulés depuis l’apparition de l’infiltration d’eau et la réception de la dénonciation. Par ailleurs, M. Labelle conclut que le coût des réparations effectuées par les Bénéficiaires n’était pas des réparations conservatoires, nécessaires et urgentes.
Valeur du litige
[23] Le litige est évalué à $ 60,000.
Droit applicable
[24] Le règlement sur le plan de garantie prévoit à son article 10 :
10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'Entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
1° le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncé, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visée aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncé, par écrit, à l'Entrepreneur et à l'Administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'Entrepreneur et à l'Administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'Entrepreneur et à l'Administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
[25] Cet article prescrit que les malfaçons et vices cachés ou vices majeurs qui apparaissent après la réception du bâtiment doivent être dénoncés par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans un délai raisonnable de leur apparition, lequel ne peut excéder six mois.
[26] En outre, l’article 116 du règlement stipule que :
116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.
Analyse et preuve
[27] Le premier argument soumis par les Bénéficiaires concerne la discrétion qu’a l’arbitre pour déterminer et prolonger si nécessaire le délai raisonnable qu’à l’acheteur pour dénoncer à l’Administrateur le vice.
[28] En l’espèce, les Bénéficiaires allèguent que malgré qu’ils aient signé le contrat avec l’Entrepreneur contenant la garantie des maisons neuves, ils n’ont pas eu une copie de celle-ci. Non seulement je n’ai pas de début de preuve qu’il me démontre qu’ils n’ont jamais eu une copie de celle-ci, mais je ne trouve pas crédible qu’ils n’ont pas pris connaissance du contrat quand ils l’ont dûment signé.
[29] Qui plus est, dans un courriel daté du 1er juillet 2015 (contenu dans la pièce I-1) de Brian Allemekinders à l’Entrepreneur, M. Allemekinders le met en demeure de faire les réparations nécessaires en conformité avec le plan de garantie. Il apparaît que M. Allemekinders était bel et bien au courant de l’existence de du plan de garantie et que les réparations devaient avoir lieu.
[30] En outre, en plaidoirie finale, les Bénéficiaires soulèvent la notion de délai raisonnable afin de dénoncer à l’Administrateur le vice affectant la maison quand ils ont pris connaissance de l’ampleur du problème. Ainsi, j’assimile la notion de délai raisonnable à l’article 1739 du Code civil qui stipule que :
l’acheteur qui constate que le bien est atteint d’un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable, depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l’acheteur a pu en soupçonner la gravité et l’étendue.
[31] En signant l’entente avec l’Entrepreneur dans laquelle se trouvent les dispositions et les clauses du plan de garantie, les Bénéficiaires prenaient acte de celles-ci et c’était leur responsabilité de s’assurer qu’il respectait les délais de celle-ci. Or, un délai raisonnable devait être respecté afin de dénoncer à l’Administrateur le vice affectant leur propriété.
[32] En l’espèce, j’accepte que l’infiltration d’eau mineure dont l’Entrepreneur a réparé ainsi que le fait que les Bénéficiaires n’étaient pas au courant de l’ampleur du problème jusqu’au moment ils ont mis en demeure l’Entrepreneur de s’exécuter dans le courriel précité et daté du 1er juillet 2015.
[33] Je prends donc la date du 1er juillet 2015 comme étant la date où commence le délai afin d’informer l’Administrateur du vice affectant les toitures de la propriété, s’agissant de dommages progressifs et étant le moment que les Bénéficiaires ont pu soupçonner la gravité et l’étendue du problème grave d’infiltration d’eau causée par une toiture déficiente.
[34] Force est cependant de constater que les Bénéficiaires ont soumis leur dénonciation le 6 juin 2016, soit plus 11 mois après pris connaissance de la gravité et de l’étendue du vice affectant la propriété. Afin de justifier ce délai, les Bénéficiaires affirment qu’ils étaient en poste à l’étranger et que la maison avait été louée.
[35] Je ne remets pas en question le témoignage des Bénéficiaires à l’effet qu’ils étaient en poste à l’étranger, mais j’observe dans la preuve documentaire soumise que le fait qu’ils ne soient pas au Canada ne les a pas empêchés de contacter l’Entrepreneur et aussi de gérer à distance leur propriété avec leur gestionnaire d’immeuble. Qui plus est, les Bénéficiaires ont même fait faire les travaux de réparations pendant cette période. Ainsi, dans le meilleur des cas, il s’est écoulé environ une année entre la découverte du problème et la dénonciation écrite à l’Administrateur. Un simple courriel à l’Administrateur aurait suffi afin de lui dénoncer qu’il y avait de l’infiltration d’eau dans leur propriété, ce qu’ils n’ont fait que 11 mois plus tard.
[36] Force m’est donc de conclure qu’en adoptant le règlement sur le plan de garantie, le législateur a voulu que les interventions de parties soient rapides et efficaces dans le but d’éviter des délais trop longs, dont un délai raisonnable ne peut excéder 6 mois. En l’espèce, les Bénéficiaires sont hors délais de plusieurs mois afin de se prévaloir du plan de garantie.
[37] Les Bénéficiaires ont également invoqué l’équité afin de solutionner le présent litige. Comme l'a affirmé l'arbitre Reynald Poulin dans l'affaire Carrier c. Construction Paul Dargis inc[1]., en citant l’arbitre Marcel Chartier dans une décision antérieure, la locution latine «Dura lex, ced lex» («La loi est dure, mais c'est la loi») est applicable à ce type de délai. En effet, ce délai de six (6) mois a été reconnu comme étant un délai de droit et non un délai procédural.
[38] En outre, tel que le prévoit l'article 116 du Règlement, un arbitre doit statuer conformément aux règles de droit et tout appel à l'équité, lorsque les circonstances le justifient, ne peut être d'utilité en cas de dépassement de délai. Il en va du rôle de l'arbitre qui doit appliquer des règles que le législateur a imposées.
[39] De l'avis du Tribunal, cette règle d'équité pourrait être utile pour décider ce que constitue un délai raisonnable aux termes du Règlement, mais ne pourrait permettre de changer les termes clairs employés par le législateur et qui limitent ainsi la compétence du tribunal arbitral.
[40] À ce sujet, le passage suivant de la décision dans l'affaire Gaétan Dufour c. Rénovations René Gauthier inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. rendue par l'arbitre Gilles Lavoie le 23 février 2007, affirme :
«[47] Dans ce cadre, même s'il est très difficile d'avoir à rejeter une demande d'arbitrage alors que manifestement la preuve au mérite démontre clairement que les réparations qui devaient être effectuées n'ont jamais respecté les règles de l'art, car elles n'ont jamais corrigé les défauts initiaux, force est de constater, après analyse du Règlement qui est clair et impératif sur ces questions et de toute la jurisprudence applicable à des affaires impliquant le respect des dits délais, qu'il s'agit de délais formels qu'il n'est tout simplement pas possible d'ignorer ou de contourner en invoquant l'équité.
[48] Ici, la responsabilité première du bénéficiaire était d'invoquer ses droits à l'intérieur des délais du Règlement et durant la période de validité de la Garantie. En attendant jusqu'au printemps 2006 pour agir, il a agi hors délai et hors de la période ou la Garantie pouvait valablement être invoquée. La plainte doit être rejetée.»
[41] En l’espèce, le délai de six (6) mois étant de rigueur, je n’ai pas la compétence afin de proroger ce délai de 5 mois additionnels, comme me le demandent les Bénéficiaires.
[42] Basée sur les faits de cette affaire ainsi que de la preuve entendue et déposée, force m’est de conclure que les Bénéficiaires sont hors délais afin de présenter leur réclamation à l’Administrateur et que leur dénonciation n’est donc pas recevable.
Décision
POUR CES TOUS MOTIFS, LE TRIBUNAL D'ARBITRAGE:
[43] ACCUEILLE le moyen d'irrecevabilité soulevé par l'Administrateur;
[44] REJETTE la demande d'arbitrage des Bénéficiaires;
[45] CONFIRME la décision de l'Administrateur rendue le 14 septembre 2016;
[46] LE TOUT avec les coûts de l'arbitrage à la charge de l’Administrateur.
Signé le 29 décembre 2016.
Original signé
Robert Néron, arbitre / GAJD