ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : SORECONI
ENTRE : MANON LIZÉE & MARTIN TANGUAY;
(ci-après les « Bénéficiaires »)
C. :
GROUPE PRO-FAB INC.;
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : RAYMOND CHABOT, administrateur provisoire Inc. ès qualité d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat Inc.;
(ci-après « l’Administrateur »)
No dossier SORECONI : 151211001
Arbitre : Me Michel A. Jeanniot, CIArb
Pour les Bénéficiaires : Me Jean Prince
Pour l’Entrepreneur : Me Jean Dallaire
Pour l’Administrateur : Me Nancy Nantel
Date d’audience : 16 novembre 2016
Lieu d’audience : Palais de Justice de Sherbrooke, salle RC-15
Date de la Décision : 20 décembre 2016
Identification complète des parties
Bénéficiaires : Madame Manon Lizée
Monsieur Martin Tanguay
[...] Bishopton (Québec) [...]
Et leur procureur :
Me Jean R. Prince
108, rue Marchand
Drummondville (Québec) J2C 4M9
Entrepreneur: Groupe Pro-Fab Inc.
294, rue Laurier
St-Apollinaire (Québec) G0S 2E0
Et son procureur :
Me Jean Dallaire
BMA Avocats
800, Place d’Youville, 18e étage
Québec (Québec) G1R 3P4
Administrateur : Raymond Chabot, administrateur provisiore Inc. ès qualité d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat Inc.
7333, Place des Roseraies, bur. 300
Montréal (Québec) H1M 2X6
Et son procureur :
Me Nancy Nantel
Contentieux des garanties
7333, Place des Roseraies, bur. 300
Montréal (Québec) H1M 2X6
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 18 février 2016;
Valeur en litige
Classe II, valeur de 7 001 $ à 15 000 $;
05.02.2016 Demande d’arbitrage auprès de SORECONI
18.02.2016 Nomination de l’arbitre
15.03.2016 Réception du cahier de pièces de l’Administrateur
17.03.2016 Échange de correspondances recherchant disponibilité pour appel conférence
21.03.2016 LT aux parties : confirmation date, heure et modalités de l’appel conférence / conférence de gestion
30.03.2016 LT aux parties : rappel appel conférence / conférence de gestion
31.03.2016 Appel conférence / conférence de gestion et transmission subséquente du procès-verbal
12.04.2016 LT aux parties : confirmation appel conférence / conférence de gestion
18.04.2016 Appel conférence / conférence de gestion et transmission subséquente du procès-verbal
06.05.2016 Réception électronique de Me Nancy Nantel : non-participation à la contre-expertise
10.05.2016 Réception électronique des Bénéficiaires : prochaines étapes
26.05.2016 Réception électronique des Bénéficiaires : question quant aux délais
10.06.2016 Échange de correspondances recherchant disponibilité pour appel conférence
14.06.2016 LT aux parties : confirmation date, heure et modalités de l’appel conférence
16.06.2016 Appel conférence / conférence de gestion et transmission subséquente du procès-verbal
07.07.2016 Réception électronique de Me Nantel : disponibilité pour audience
01.09.2016 Réception électronique de Me Nantel : disponibilité pour audience
01.09.2016 Réception comparution de Me Jean Dallaire pour l’Entrepreneur
20.09.2016 LT aux parties : confirmation date retenue pour audience
21.09.2016 Réception comparution de Me Jean R. Prince pour les Bénéficiaires
08.11.2016 LT aux parties : confirmation audience (heure et location) fixée au 16 novembre 2016
16.11.2016 Audience, Palais de justice de Sherbrooke, salle RC-15
20.12.2016 Décision
Décision
Admissions
[1] Il s’agit d’un bâtiment aussi connu et identifié comme le 3, rue Gilbert, Bishopton (Québec);
[2] La réception du bâtiment eue lieu le 7 mai 2013;
[3] La réception de la réclamation écrite des Bénéficiaires est le 5 mai 2015;
[4] La date de la décision de l’Administrateur est le 13 octobre 2015;
[5] La demande d’arbitrage est formulée à l’intérieur du délai prescrit de trente (30) jours, soit en date du 5 février 2016;
Question en litige
[6] Il n’y a qu’une (1) seule question en litige;
[7] La trame factuelle n’est pas contestée, les Bénéficiaires ont découvert au cours de la période hivernale 2013-2014 la présence de fissures aux murs de fondation;
[8] Quelques autres désordres sont, par la suite, constatés et l’Entrepreneur en est informé au cours du printemps 2014;
[9] Les Bénéficiaires ont procédé à des travaux d’aménagement afin de parfaire les pentes de la voie de circulation dans un but de repousser les eaux de ruissèlement en direction opposée au bâtiment;
[10] Au cours de la période hivernale 2014-2015, de nouveaux désordres sont remarqués portant ainsi leur nombre à neuf (9) [dont, entre autre, élargissement de fissures verticales, apparition de fissures horizontales sur les murs de fondation et obstruction du drain français];
[11] Tous sont en mesure de confirmer l’hypothèse que les désordres résultent du soulèvement par le gel du mur de fondation latéral droit (du bâtiment des Bénéficiaires);
[12] L’Entrepreneur, l’Administrateur et les Bénéficiaires ont tous constatés les désordres (9), ceci ne fait pas l’objet de la contestation. L’Entrepreneur et l’Administrateur sont d’avis que ces désordres résultent d’une faute des Bénéficiaires et donc que l’exclusion de la garantie qui se trouve à l’article 12, aliéna 3 du Règlement trouve ici son application;
Position des Bénéficiaires
[13] Je résume très sommairement les représentations des Bénéficiaires;
[14] On me soumet que leur rapport d’expertise[1] (ci-après «Rapport Protekna») n’est pas contesté et qu’il dispose des arguments de l’Administrateur en statuant que :
«Contrairement à l’affirmation de l’Administrateur, nous sommes d’avis que l’enlèvement du matériau (sic) afin de favoriser l’éloignement de l’eau de la maison, a minimisé la quantité d’eau dirigée vers le drain déficient et par la même occasion, minimisé l’effet de piscine causé par le sol imperméable en place. Il est de notre avis que l’intervention du bénéficiaire n’a pas été préjudiciable à l’ouvrage.» ;
Réplique de l’Entrepreneur
[15] L’Entrepreneur scinde son argumentaire en trois (3), il discute de la qualification des problèmes puis de la preuve et du fardeau de preuve pour finalement se rabattre sur ce qu’il qualifie de «la probité de la décision de l’Administrateur» (et la seule qu’il pouvait rendre dans les circonstances);
[16] Selon l’Entrepreneur, il y eu des interventions des Bénéficiaires dans le remblai directement au pourtour de la maison. Ces interventions ont été analysées, par la suite, par des experts qui s’accordent à l’effet que le remblai est inadéquat et rempli de sédiments;
[17] Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver l’ensemble des faits qui soutiennent sa prétention. Ici, les Bénéficiaires sont en demande, ces derniers ont le fardeau de la preuve et sans que ce fardeau leur soit indu, ils ont néanmoins l’obligation de convaincre;
[18] L’Entrepreneur suggère que la problématique résulte des travaux des Bénéficiaires et dans les matériaux de remblai suivant lesdits travaux;
Grille d’analyse et jugé
Désirant adresser la question du remblai
[19] Nous savons, et la preuve est admise à cet effet, que les Bénéficiaires ont procédé à des travaux au pourtour de leur fondation, entre autre pour y abaisser le niveau du sol de (plus ou moins) seize (16) pouces (40,64 centimètres) et, de façon contemporaine, excaver la région du coin arrière droit du bâtiment (où l’ensemble des intervenants concordent à l’effet qu’il s’agit de l’endroit où le mur de fondation latéral droit aurait été soulevé par des cycles de gel / dégel). Ces travaux d’excavation avaient pour but de créer une sortie électrique et la création d’une tranchée afin d’alimenter en électricité un cabanon à distance du bâtiment principal. Cette tranchée devait, de toute évidence, être du mur arrière (droit) de fondation du bâtiment vers le cabanon;
[20] Première constatation et elle est pénalisante aux intérêts des Bénéficiaires : l’ensemble des experts (ainsi que l’Administrateur) discutent du fait que des puits d’exploration démontrent que les murs de fondation ont été remblayés, à cet endroit, avec du sable «contaminé» et par des matériaux de classe «B» (terre végétale, silt, etc.);
[21] Les experts des Bénéficiaires vont un peu plus loin et suggèrent que les matériaux de remblai des murs sont hautement gélifs et capillaires;
[22] La preuve, donc que l’on m’a offert, de part et d’autre, est que les sédiments ou matériaux contaminés se retrouvent aux endroits où il y eu manifestation importante de désordre, endroits où il y eu des travaux effectués par les Bénéficiaires;
[23] Il s’agit de la seule preuve que nous avons au dossier;
[24] Il fut, de plus, longuement discuter des obstructions au drain français. J’ai personnellement, lors du délibéré, visionné les vidéos offert (sous clé USB) par les Bénéficiaires et l’on constate, effectivement, obstruction. Tel que pour les premiers désordres abordés, ceci ne fait pas l’objet de contestation. La cause ou la raison de cet obstruction est la question en litige;
[25] Le procureur de l’Entrepreneur a passé considérablement de temps en contre-interrogatoire et il en ressort du témoignage des témoins des Bénéficiaires, qu’il y eu excavation tout le long du coin arrière (droit) du bâtiment. Il y a confirmation que les Bénéficiaires ont enfoui les conduits d’alimentation électrique afin de, et entre autre, alimenter le cabanon (et possiblement la pompe de la fosse septique). Il s’agit de faits précis, graves et concordants qui suggèrent que se sont ces interventions qui ont contribuées de façon importante à l’enrobage de boue silteuse au pourtour du drain français (considérant que c’est à cette section précise que les murs de fondation ont été remblayés avec du sable contaminé par des matériaux de classe «B»);
[26] J’accepte, et contrairement à l’affirmation de l’Entrepreneur et de l’Administrateur, que l’enlèvement de matériaux au pourtour du bâtiment afin de favoriser l’éloignement de l’eau de surface de la maison a réussi à minimiser la quantité d’eau dirigée vers le drain et, par la même occasion, minimiser l’effet de piscine causé par le sol imperméable en place. Je suis d’avis, par contre, que cette intervention des Bénéficiaires a néanmoins été préjudiciable à l’ouvrage et je m’explique;
[27] J’accepte que le soulèvement et la fissuration de la fondation (afférente aux problèmes) a, en toute probabilité, été causée par une combinaison de nombreuses circonstances et qui, dans leur ensemble, ont créés une situation de pénétration du gel hors norme en fonction des assises de la fondation de ce bâtiment;
[28] Des travaux d’excavation, un remblai hors norme et rabaissement du sol de surface de plus de seize(16) pouces ont eu comme méfait pervers d’assurer un trop plein d’humidité au pourtour de la fondation tout en rapprochant cette dernière du niveau de congélation du sol;
[29] En effet, un drain français qui permet, en partie, l’accumulation d’eau, un remblai avec des matériaux non conformes (hautement capillaires) et le rapprochement de la fondation de plus de seize (16) pouces du niveau du gel constitue l’ensemble des éléments qui ont causés les (importants) désordres (ayant ainsi rendu le bâtiment plus propice au gel);
[30] Les seuls côtés du bâtiment qui ont été affectés par les fissures sont bien précisément les endroits où il y eu des interventions ultérieures par les Bénéficiaires;
[31] Suivant mon appréciation des faits et ma compréhension de la Loi, je suis d’opinion que la demande des Bénéficiaires, telle que soumise, ne peut être retenue;
[32] Je me dois de maintenir la décision de l’Administrateur et je me dois de rejeter la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;
[33] Je tiens à préciser que ma décision se situe à l’intérieur des paramètres dictés par le législateur dans le cadre du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et est donc sans préjudice et sous toute réserve du droit des Bénéficiaires qui est leur de porter devant les tribunaux civils leurs prétentions ainsi que de rechercher les correctifs qu’ils réclament sujet, bien entendu, aux règles de droit commun et de la prescription civile;
[34] En vertu de l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et puisque les Bénéficiaires appelant n’ont eu gain de cause sur aucun des aspects de leur réclamation, je me dois de départager les coûts du présent arbitrage entre l’Administrateur et les Bénéficiaires;
[35] En conséquence, les frais d’arbitrage aussi bien en droit et, dans ce cas bien précis, surtout en équité, selon les articles 116 et 123 du Règlement, seront partagés entre les Bénéficiaires pour la somme de cinquante dollars (50,00 $) et l’Administrateur pour le solde;
APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PIÈCES ET PROCÉDURES, PRÉSIDÉ L’ENQUÊTE ET AUDITION, ENTENDU ET CONSIDÉRÉ LES ARGUMENTS DES PARTIES, POUR LES MOTIFS PLUS AMPLEMENT CI-HAUT REPRIS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE, SUR DEMANDE, REND LA DÉCISION SUIVANTE :
REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;
MAINTIENT la décision du 13 octobre 2015 sous la plume de Geneviève Blouin T.P.;
LE TOUT, vue l’article 123 du Règlement, avec frais du présent arbitrage à être départagé entre les Bénéficiaires pour la somme de cinquante dollars (50,00 $) et l’Administrateur pour le solde.
Montréal, le 20 décembre 2016
__________________________
ME MICHEL A. JEANNIOT, ClArb
Arbitre / SORECONI
[1] Le rapport d’expertise «Protekna» daté du 3 mars 2016, sous la plume de François Caron, ing. OIQ 132 902 qui fut produit (admis en preuve) mais non coté