TRIBUNAL D’ARBITRAGE
(constitué en vertu du règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs sous l’égide de la société pour la résolution des conflits inc. (soréconi), organisme d’arbitrage agréé par la régie du bâtiment du québec chargée d’administrer la Loi sur le bâtiment (l.r.q. c. b-1.1))
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE TERREBONNE
DOSSIER N° : 060524001
(052170 GMN)
MONTRÉAL, le 31 juillet 2007
ARBITRE : Me ROBERT MASSON, ing., arb.
mélanie taillon et marc blanchet
Bénéficiaires - Demandeurs
c.
3231755 Canada Inc. (Constructions Dalpé)
Entrepreneur
et
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs DE L'APCHQ inc.
Administrateur de la garantie
SENTENCE ARBITRALE
[1] Les bénéficiaires ont passé contrat avec l’entrepreneur pour l’achat d’une résidence à Prévost.
[2] Alléguant que la construction comporte des malfaçons, et devant le refus de l’entrepreneur de les corriger, les bénéficiaires mettent en oeuvre le programme de garantie contractuelle fournie par l’entrepreneur : la «Garantie maisons neuves» administrée par La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. (La Garantie).
[3] La demande d’arbitrage est faite le 24 mai 2006. La procédure d’arbitrage débute le 10 juillet 2006 et une audience préliminaire est tenue par conférence téléphonique le 20 novembre 2006. De nombreux délais, causés par le manque de disponibilités des parties, surviennent avant que ne débute l’audition au mérite de la présente demande d’arbitrage. L’audience a lieu le 7 mars 2007, précédée par une visite des lieux le même jour.
[4] Au début de l’audience préliminaire, les parties acceptent la nomination du soussigné comme arbitre. Elles reconnaissent la compétence de l’arbitre soussigné pour entendre et pour trancher le différend qui les oppose. Elles conviennent que la décision de l’arbitre les liera et conviennent de s’y conformer. Aux termes de la Loi, la sentence arbitrale est finale et sans appel (L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2).
[5] À cette même occasion, l’arbitre rappelle aux parties que cet arbitrage est régi par les lois en vigueur dans la Province de Québec et par le Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs (Règlement). Les règles de preuve et les règles de procédure sont celles du Code civil du Québec et du Code de procédure civile, assouplies pour favoriser la meilleure et toute l’administration de la preuve.
La demande d’arbitrage
[6] La demande d’arbitrage porte sur l’unique point du rapport d’inspection daté du 5 mai 2006 : «Fissures aux fondations et au fini de gypse et infiltration d’eau au sous-sol».
[7] Les bénéficiaires demandent la correction des malfaçons. Ils ne réclament pas le remboursement des frais d’expert.
[8] Faute de preuve, la valeur de cette demande d’arbitrage est estimée par le soussigné à moins de 15,000 $.
Les faits
[9] La chronologie des événements tel que nous la révèle la preuve documentaire non contredite soumise lors de l’audience est la suivante.
[10] Le 15 mai 2003, les bénéficiaires signent avec l’entrepreneur un contrat préliminaire pour l’achat d’une résidence. Le bâtiment est une maison modèle. Le contrat de garantie (étape 3) dont il est question plus haut est signé le 25 mai suivant. Le 4 juillet 2003, les parties signent la liste préétablie d’éléments à vérifier et déclaration de réception du bâtiment (étape 5). Ce formulaire ne contient aucun élément à parachever, corriger ou réparer si ce n’est une note indiquant «retouche de peinture». Le contrat de vente est conclu devant notaire le même jour.
[11] En décembre 2003, les bénéficiaires constatent des fissures aux fondations du bâtiment, des fissures au fini de gypse et une mauvaise construction du drain français.
[12] Les bénéficiaires adressent une demande de réclamation à La Garantie le ou vers le 5 mars 2004.
[13] Dans son rapport d’inspection du 31 mars 2004, l’inspecteur de l’administrateur de la garantie constate les problèmes dénoncés et ordonne des travaux de correction.
[14] La preuve démontre que l’entrepreneur a effectué les travaux de correction concernant les fissures aux fondations du bâtiment et les fissures au fini de gypse.
[15] S’ensuit une longue saga concernant le drain français qui oblige l’inspecteur à rédiger, un rapport d’inspection initial, deux décisions supplémentaires, un addenda et qui culmine par une décision de l’administrateur.
[16] Le Tribunal d’arbitrage estime utile de reproduire la décision de l’administrateur du 5 mai 2006 :
“Nous avons procédé, le 27 avril 2006, à une inspection supplémentaire du bâtiment…
Cette visite, à laquelle étaient présents, outre le soussigné, les bénéficiaires, […,] et l’entrepreneur, […,] avait pour but de revoir le point 1 du présent dossier.
La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ n’a plus à intervenir relativement au point 1 qui suit :
Tel que mentionné au contrat de garantie, les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l’entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire, sont exclues de la garantie.
De plus, les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l’entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire, sont exclues de la garantie. (sic)
Or, en ce qui concerne le point 1 qui suit, les problèmes observés résultent définitivement des modifications réalisées par le bénéficiaire et à (sic) un entretien inadéquat du bâtiment.
Par conséquent, La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ ne peut intervenir pour ce point.
1. Fissures aux fondations et au fini de gypse et infiltrations d’eau au sous-sol
Il importe de dresser un bref historique du présent dossier.
Réception du bâtiment : le 4 juillet 2003.
Inspection du 31 mars 2004 :
Nous avons constaté des fissures à la fondation et des infiltrations d’eau.
Inspection supplémentaire du 21 avril 2004 :
Nous avons constaté l’état du fossé de drainage, à l’avant du bâtiment.
Inspection supplémentaire du 1er juillet 2004 :
Nous avons constaté les travaux exécutés par l’entrepreneur. Nouvelle décision.
Addenda du 9 septembre 2004 :
Nouveaux correctifs exigés à la suite de l’examen par caméra du drain.
Inspection supplémentaire du 6 janvier 2005 :
Les travaux satisfont la GMN. Fermeture du dossier.
Nouvelle décision du 22 novembre 2005 :
Lors de l’exécution de travaux par le bénéficiaire, ce dernier dénonce de nouvelles fissures à la fondation.
L’entrepreneur procède aux travaux, sans l’intervention de la garantie.
Nouvelle dénonciation : le 5 avril 2006.
Réception du rapport d’expertise transmis par le bénéficiaire : le 19 avril 2006.
Lors de notre visite du 19 avril 2006, nous avons constaté les éléments suivants :
- Que le bénéficiaire avait construit un garage, annexé au bâtiment.
Il nous a informé avoir branché le nouveau drain du garage à celui de la fondation du bâtiment.
- Que le bénéficiaire avait procédé au remplacement de la pompe de puisard.
Le bénéficiaire nous a informé que l'infiltration d'eau s'était produite lors de l'arrêt définitif de la pompe.
Il nous a indiqué que lorsqu’il a constaté que la pompe ne fonctionnait plus, l’eau avait déjà commencé à déborder du puisard et à s’infiltrer au pourtour de la fondation.
Le rapport de l’expert du bénéficiaire fut transmis à la GMN, après les infiltrations d’eau.
Nous avons également observé qu’à plusieurs endroits, la pente du terrain se dirigeait toujours vers la fondation, et ce, malgré nos recommandations lors de notre visite du 25 mars 2004.
Nous avons également été informé (sic) que l’entrepreneur avait procédé à la réparation d’une fissure, vers le 30 novembre 2005.
Cependant, à la suite des travaux à ladite fissure, les lieux n’ont pas été remis à leur état d’origine, soit la finition au revêtement de gypse, situation pour laquelle nous avons été informé (sic) que lors de notre plus récente visite.
Ainsi, étant donné l’état des lieux à la suite de l’infiltration d’eau au sous-sol, la GMN n’a plus à rendre de décision sur ce point précis.
(Le soulignement est du Tribunal d'arbitrage)
[17] Non satisfait de la décision précitée de l’administrateur de la garantie, les bénéficiaires demandent l’arbitrage "de la décision datée du 5 mai 2006 en relation avec l'ensemble des faits du dossier incluant les autres rapports et visites effectuées à l'immeuble".
[18] Mais revenons en arrière. Le détail des événements soumis en preuve qui composent la trame de ce dossier depuis le début est nécessaire pour expliquer les conclusions auxquelles en arrive le Tribunal d'arbitrage.
[19] Les bénéficiaires achètent leur résidence de l'entrepreneur le 4 juillet 2003 (A-3). Le 12 décembre 2003, ils constatent des fissures à la fondation du bâtiment et des infiltrations d'eau (A-7). Ils contactent immédiatement un représentant de l'entrepreneur et, le 2 février 2004, ce dernier confirme le constat des fissures mais rejette toute responsabilité quant à un quelconque vice, alléguant que les dommages ont été causés par l'accumulation d'eau près des fondations occasionnée par l'installation de gouttières dont le déversement se fait trop près des fondations (A-5).
[20] Dans son rapport d'inspection du 31 mars 2004, l'inspecteur de La Garantie constate plusieurs fissures importantes et des signes d'infiltration d'eau (A-9). Il ordonne à l'entrepreneur de s'assurer que le drain installé au pourtour des fondations remplit son rôle et que le tuyau d'évacuation des eaux menant au fossé évacue l'eau de façon efficace ; de colmater les fissures ; et de réparer le crépi aux endroits fissurés.
[21] Le 1er juillet 2004, l'inspecteur constate que l'entrepreneur a colmaté les fissures et réparé le crépi mais qu'il n'a pas vérifié l'état du système de drainage menant au fossé (A-13). Il fait donc procéder à un examen approfondi du système de drain et d'évacuation des eaux par une entreprise spécialisée. Dans un addenda rédigé le 9 septembre 2004, il rapporte le résultat de l'examen : la partie du drain du côté gauche et à l'avant gauche du bâtiment est inefficace; il ne s'égoutte pas vers le tuyau d'évacuation menant au fossé. Et le tuyau d'évacuation comporte de nombreux vallonnements qui retiennent l'eau (A-14). Il ordonne à l'entrepreneur de corriger le drain français et le tuyau d'évacuation de façon à ce qu'ils permettent l'écoulement libre de l'eau et d'installer un grillage à l'extrémité du tuyau d'évacuation.
[22] Le 20 septembre 2004, l'entrepreneur propose de corriger le système d'évacuation en débranchant le tuyau d'évacuation menant au fossé, en réorientant les drains vers un bassin de captation des eaux, et en installant une pompe submersible (A-15).
[23] Le 7 octobre 2004, l'inspecteur répond que "la solution proposée par l'entrepreneur [...] semble tout à fait acceptable" (A-17). Il rappelle à l'entrepreneur que :
"En procédant à l'installation d'un nouveau tuyau de drainage à la sortie du puisard [bassin de captation des eaux] proposé, les tuyaux de drainage par gravité existants deviennent inutiles et doivent être retirés afin d'empêcher tout refoulement d'eau du fossé vers la fondation.
En ce qui concerne le drain français au pourtour de la maison, l'entrepreneur devra faire en sorte qu'il s'égoutte bien en direction du puisard..."
[24] Dans une mise en demeure à l'entrepreneur datée du 3 novembre 2004 (A-20), après que celui-ci eut procédé à l'installation du système d'évacuation par pompage, l'inspecteur écrit :
"... les travaux mentionnés au point 1 de notre addenda du 9 septembre 2004 ne sont toujours pas entièrement complétés malgré les nombreux délais qui vous ont été accordés.
Travaux :
L'entrepreneur devra installer le drain français et le tuyau de drainage vers le fossé, de façon à ce qu'ils permettent l'écoulement libre de l'eau, ce qui aura pour effet d'empêcher à l'eau de geler dans les conduits et provoquer des refoulements d'eau vers l'intérieur du sous-sol.
L'inspection, effectuée au moyen d'une caméra, démontre clairement que le drain, entourant la maison ne s'égoutte pas entièrement vers le tuyau de drainage principal menant au fossé. Le drain est particulièrement inefficace au côté avant gauche de la maison.
Par conséquent, nous devons intervenir directement dans ce dossier. Veuillez donc prendre note qu'à défaut de compléter tous les travaux mentionnées au point ci-haut à l'intérieur d'un délai de cinq (5) jours ouvrables suivant la réception de la présente, ceux-ci seront exécutés à vos frais et dépens, incluant les dépenses administratives, sans autre avis ni délai."
(Les soulignements et le caractère gras sont dans le texte).
[25] Dans une lettre du 18 novembre 2004, le procureur des bénéficiaires rapporte les tenants d'une conversation téléphonique entre l'inspecteur et les bénéficiaires concernant la contestation par l'entrepreneur des conclusions de l'examen du drain français et la demande d'un nouvel examen qui amène l'inspecteur à reconsidérer sa position (A-21).
[26] Dans un rapport d'inspection supplémentaire daté du 6 janvier 2005 (A-22), après un nouvel examen du drain français, l'inspecteur relate ce qui suit :
"... nous avons observé que l'entrepreneur avait exécuté tous les travaux exigés par La Garantie [...] à l'exception de la correction du drain français du côté avant gauche de la maison, élément contesté par l'entrepreneur.
Les principales constatations sont les suivantes :
- Le passage de la caméra dans le drain français nous a permis de constater que ce dernier avait un niveau plutôt uniforme et qu'il y avait peu d'eau à l'intérieur de celui-ci.
- Il y a présence d'une jonction en T à l'avant du bâtiment. L'entrepreneur nous a informé qu'un drain se dirigeait sous la dalle pour capter l'eau, afin de favoriser l'abaissement de la nappe phréatique.
- Le bénéficiaire nous a informé que lors des grandes pluies, l'eau se dirigeait vers le puisard et était évacuée librement vers l'extérieur. Aucune infiltration d'eau ne se serait produite depuis l'intervention de l'entrepreneur."
[27] Et il termine son rapport ainsi : "... les travaux ont été exécutés à la satisfaction de La Garantie...".
[28] Le 5 avril 2006, les bénéficiaires sont victimes d'une inondation de leur sous-sol (A-28). Ce qui occasionne une nouvelle inspection et amène la décision de l'administrateur du 5 mai 2006 citée plus haut (A-31).
[29] La preuve testimoniale rendue lors de l'audience permet de compléter l'énoncé des faits.
[30] Les bénéficiaires ont construit un garage contigu au bâtiment. Le drain français entourant cette nouvelle construction a été raccordé à l'existant. L'expert des bénéficiaires et l'entrepreneur s'accordent pour dire que cette nouvelle construction a contribué à améliorer la question de l'écoulement des eaux.
[31] L'immeuble sur lequel est construit le bâtiment est situé dans une côte dont le côté amont est à gauche du bâtiment. Le niveau du terrain est ascendant vers l'arrière de la propriété et comporte une dénivellation importante avec le terrain contigu.
[32] Cet immeuble est un fond servant. Ce qui explique le niveau élevé de la nappe phréatique et les apports d'eau importants du printemps, lors de la fonte des neiges, et à l'occasion des fortes pluies. Cela explique aussi le fonctionnement quasi continuel de la pompe de puisard rapporté par les bénéficiaires.
[33] Depuis les travaux de colmatage des fissures par l'entrepreneur, à l'occasion des premières constatations, il n'y a pas eu d'autre infiltration d'eau.
[34] L'arrêt de la pompe submersible causé par un bris du moteur en avril 2006 a occasionné le débordement de la fausse de captation des eaux et l'inondation du sous-sol. La pompe a fonctionné pendant 17 mois. La raison du bris est inconnue.
[35] L'entrepreneur a remplacé la pompe et une deuxième pompe fonctionnant à pile a été installée en appoint, offrant une solution de protection.
[36] Depuis 2 ans que cette nouvelle installation est faite et il n'y a pas eu de problème. Tout le système fonctionne bien. La pompe est activée aux 10 minutes environ ; aucune infiltration d'eau n'a été constatée depuis. On peut en déduire que le système de drainage, tel qu'il est maintenant, drain + bassin + pompe, remplit bien son rôle. Ce système répond aux normes du Code national du bâtiment (CNB).
Discussion
A) La loi des parties
[37] Le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, mis en vigueur en vertu de la Loi sur le bâtiment, a été institué par le gouvernement du Québec afin de protéger les acheteurs et d'améliorer la qualité des constructions neuves.
[38] Le contrat de garantie fourni par l’entrepreneur est un contrat du type contrat de cautionnement par lequel La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. garantit l’exécution des travaux convenus par un entrepreneur en construction. Ce contrat est à la fois un cautionnement d’exécution, garantissant la complète exécution des travaux, et un cautionnement contre les malfaçons, garantissant la qualité des travaux exécutés.
[39] Ce contrat de cautionnement est un contrat intervenu en marge d’un autre contrat, le contrat d’entreprise (le contrat de construction), et au bénéfice d’une tierce partie, le propriétaire, qui n’y intervient pas.
[40] C’est un contrat conditionnel et limitatif en ce que la caution indique explicitement dans quelles conditions s’ouvriront les garanties qu’elle offre et quelles sont ces garanties. On retrouve ces conditions à la section «B» du contrat de garantie :
“En cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales et contractuelles, La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., dans les limites et aux conditions décrites dans le présent contrat garantit au bénéficiaire l’exécution de ces obligations qui résultent d’un contrat conclu pour la vente ou la construction...” (Le soulignement est du Tribunal d’arbitrage).
[41] C’est aussi un contrat de cautionnement réglementé car toutes les clauses du contrat sont la reproduction intégrale, en faisant les adaptations nécessaires, d’extraits du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs qui impose cette intégralité.
[42] À cet égard, il est utile de reproduire l'article 10 du Règlement traitant de la garantie relative aux bâtiments non détenus en copropriété divise :
"10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
1° le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception… ;
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception…;
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons ;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil ;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation." (Les soulignements sont du Tribunal d'arbitrage).
[43] Enfin, le Tribunal d’arbitrage est d’opinion que l'économie générale du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs et les buts visés par le législateur l’inscrivent au type des lois de la protection du consommateur. Il est d’ordre public et on ne peut y déroger. À preuve :
“3 Tout plan de garantie auquel s’applique le présent règlement doit être conforme aux normes et critères qui sont établis et être approuvé par la Régie [du bâtiment du Québec].
4 Aucune modification ne peut être apportée à un plan approuvé à moins qu’elle ne soit conforme aux normes et critères établis par le présent règlement.
5 Toute disposition d’un plan de garantie qui est incompatible avec le présent règlement est nulle.
...
19.1 Le non-respect d'un délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l'entrepreneur ou l'administrateur manque à ses obligations... à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n'a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou que le délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d'un an.
...
105 Une entente [suivant la médiation] ne peut déroger aux prescriptions du présent règlement.
...
138 Le bénéficiaire n'est tenu à l'exécution de ses obligations prévues au contrat conclu avec l'entrepreneur qu'à compter du moment où il est en possession d'un double du contrat de garantie dûment signé.
139 Toute clause d’un contrat de garantie qui est inconciliable avec le présent règlement est nulle.
140 Un bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère le présent règlement.”
[44] L'article 6.1 de la Loi sur la protection du consommateur (L.R.Q., c. P-40.1) confirme cette classification :
"6.1 Le présent titre, le titre II relatif aux pratiques de commerce, les articles 264 à 267 et 277 à 290 du titre IV, le chapitre I du titre V et les paragraphes c, k et r de l'article 350 s'appliquent également à la vente, à la location ou à la construction d'un immeuble…"
[45] Et l'article 1384 du Code civil du Québec en fait, à certaines conditions, un contrat de consommation :
"1384. Le contrat de consommation est le contrat dont le champ d'application est délimité par les lois relatives à la protection du consommateur, par lequel l'une des parties, étant une personne physique, le consommateur, acquiert, loue, emprunte ou se procure de toute autre manière, à des fins personnelles, familiales ou domestiques, des biens ou des services auprès de l'autre partie, laquelle offre de tels biens ou services dans le cadre d'une entreprise qu'elle exploite."
[46] Pour résumer. La garantie offerte par l’entrepreneur et administrée par La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. dans le cadre du Règlement sur le plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs est un contrat de cautionnement réglementé. C'est aussi un contrat s’inscrivant au titre des lois de la protection du consommateur et, à certaines conditions, un contrat de consommation. Enfin, c'est un contrat d’ordre public.
[47] C'est en gardant à l'esprit toutes ces considérations et en s'appuyant sur les textes de loi que le Tribunal d'arbitrage analyse les questions qui lui sont soumises.
B) Analyse
[48] De la preuve, le Tribunal d'arbitrage retient 4 éléments :
- depuis le colmatage des fissures, il n'y a pas eu d'autre infiltration d'eau ;
- contrairement au vocabulaire qu'ils emploient, les bénéficiaires n'ont pas été victimes d'une autre infiltration d'eau le 5 avril 2006 mais plutôt d'un débordement de la fausse de captation des eaux et d'une inondation du sous-sol conséquent à l'arrêt de la pompe submersible ;
- la nouvelle installation à deux pompes fonctionne sans problème depuis maintenant 2 ans et offre une protection additionnelle en cas de bris ou de panne d'électricité;
- les travaux ordonnés par l'administrateur au drain français du côté gauche et avant gauche du bâtiment n'ont pas été exécutés.
[49] Au sujet du drain, ce qui ressort de la narration de la preuve, et le moins que l'on puisse en dire, est la résistance de l'entrepreneur à se conformer aux décisions de l'administrateur, sans en demander l'arbitrage, le moyen de contestation de ces décisions.
[50] Face à la preuve administrée, le Tribunal d'arbitrage est d'opinion que le nouveau système de drainage tel qu'installé est efficace et que les craintes des bénéficiaires de s'absenter de leur résidence de peur d'un nouvel incident et des dommages qu'il pourrait occasionner peuvent être apaisées.
[51] Cependant, il n'en demeure pas moins que le travail de correction exigé au drain français n'a pas été exécuté. Et rien n'indique que cet ouvrage, tel qu'il a été fait originalement et tel qu'il est actuellement, n'est pas défectueux. Aucune preuve n'a été présentée quant à cet ouvrage sinon que l'inspecteur écrit que "le passage de la caméra dans le drain français nous a permis de constater que ce dernier avait un niveau plutôt uniforme et qu'il y avait peu d'eau à l'intérieur de celui-ci."
[52] L'interprétation de ce constat réside dans l'interprétation des expressions «niveau plutôt uniforme» et «peu d'eau».
[53] Comme les bénéficiaires, devant deux rapports d'examen contradictoires et sans plus de preuve que le constat de l'inspecteur, le Tribunal d'arbitrage reste perplexe devant une preuve aussi laconique et insatisfait quant à l'état de l'ouvrage et quant à son efficacité dans le futur. Aussi, le Tribunal d'arbitrage est d'opinion qu'il y a lieu de réserver les droits des bénéficiaires quant à la section du drain français du côté gauche et avant gauche du bâtiment.
[54] Par ailleurs, le Tribunal d'arbitrage constate que le Règlement ne contient aucune provision permettant à l'administrateur de réviser une décision qu'il a rendue. Le seul moyen proposé est d'en demander l'arbitrage ; et ce moyen est réservé au bénéficiaire et à l'entrepreneur.
[55] Si le Règlement ne permet pas à l'administrateur de réviser ses propres décisions, il n'en demeure pas moins que la chose a été faite, en toute bonne foi, devant le constat de l'inspecteur que le premier examen du drain avait pu avoir induit une interprétation erronée. Et le comportement du nouveau système installé permet de penser que la situation semble avoir été corrigée. Dans les circonstances, l'administrateur semble avoir pris une décision pour éviter que soit judiciarisé un dossier qui n'aurait peut-être pas dû l'être.
[56] Le Tribunal d'arbitrage estime cependant qu'il y a lieu de corriger la conclusion du rapport d'inspection supplémentaire du 6 janvier 2005 alors que l'inspecteur écrit que "les travaux ont été exécutés à la satisfaction de La Garantie."
[57] Une partie des travaux ordonnés par l'administrateur ont pu avoir été exécutés à la satisfaction de La Garantie. Mais pas tous. Il y a lieu de constater que les travaux à la section du drain français du côté gauche et avant gauche du bâtiment n'ont pas été exécutés. L'inspecteur aurait dû écrire : les travaux exécutés l'ont été à la satisfaction de la Garantie.
[58] En outre, pour justifier la décision de l'administrateur du 5 mai 2006 énoncée au tout début du document,
"Cette visite [du 27 avril 2006] [...] avait pour but de revoir le point 1 du présent dossier.
La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ n’a plus à intervenir relativement au point 1..."
puis répétée quelques lignes plus loin :
"Par conséquent, La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ ne peut intervenir pour ce point."
Et finalement réitérée à la toute fin de la décision :
"Ainsi, étant donné l’état des lieux à la suite de l’infiltration d’eau au sous-sol, la GMN n’a plus à rendre de décision sur ce point précis."
l'inspecteur se réfère à l'alinéa 3 de l'article 12 du Règlement qui stipule :
"12. Sont exclus de la garantie:
...
3° les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l'entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire"
[59] Pour fonder la décision de l'administrateur de ne plus intervenir, l'inspecteur reproche aux bénéficiaires des "modifications réalisées par les bénéficiaires" et "un entretien inadéquat du bâtiment" sans expliquer de quel «entretien inadéquat» il s'agirait sinon, peut-être, que "la pente du terrain se dirigeait toujours vers la fondation, et ce, malgré [ses] recommandations lors de [sa] visite du 25 mars 2004."
[60] Or la preuve démontre que le terrain naturel est en contre pente, et l'établissement de pentes de terrain s'éloignant du bâtiment aurait pour effet de créer des accumulations d'eau au point d'inflexion.
[61] À tout événement, la preuve testimoniale a établi sans conteste que depuis le nouvel arrangement, le système en place fonctionne très bien, même si des pentes négatives n'ont pas été créées pour éloigner les eaux de ruissellement du bâtiment.
[62] Quant aux modifications réalisées par les bénéficiaires, le Tribunal d'arbitrage est d'opinion qu'elles n'ont aucune incidence sur les obligations de l'administrateur de la garantie en ce que :
- la construction d'un garage attenant à la résidence a résulté en une amélioration et non en une détérioration de la situation ;
- cette construction est postérieure aux problèmes éprouvés et à leur dénonciation ;
- le remplacement de la pompe submersible par les bénéficiaires lors du bris de la première est une mesure de sauvegarde et d'urgence qui a servi à éviter des dommages plus importants.
[63] Et les travaux de réparation effectués par l'entrepreneur lors de la découverte de nouvelles fissures à l'occasion de la construction du garage à l'automne 2005, sans l'intervention de La Garantie, n'ont pas pour effet d'annuler la garantie. Bien au contraire, en vertu du Règlement, toutes les interventions de l'entrepreneur cautionné engagent la caution.
[64] Avec respect pour l'opinion contraire, le Tribunal d'arbitrage est d'opinion que les motifs retenus par l'administrateur de la garantie pour dénier toute nouvelle intervention dans le dossier sont mal fondés.
[65] Le Tribunal d'arbitrage estime plutôt que la preuve démontre clairement que l'inondation du sous-sol est due au débordement du bassin de captation des eaux causé par le bris du moteur de la pompe submersible quelques 17 mois après son installation sans que la cause du bris soit déterminée. Le Tribunal d'arbitrage est également d'avis que cet événement fortuit est étranger aux conditions qui s'appliquent au Règlement.
[66] En fait, à la suite de la visite du 27 avril 2006, l'administrateur de la garantie aurait dû tirer la conclusion que la décision rendue dans le rapport d'inspection supplémentaire du 6 janvier 2005 : "les travaux ont été exécutés à la satisfaction de La Garantie" ou mieux, en employant la forme corrigée citée plus avant, était maintenue ; que le dossier a été complété à cette date ; et que les événements actuels relevaient plutôt du régime des assurances des bénéficiaires plutôt que du régime de la garantie.
[67] Le Tribunal d'arbitrage est donc d'opinion de maintenir la décision de l'administrateur mais pour des motifs différents.
b) Frais d'arbitrage
[68] Quant aux frais d’arbitrage, l’article 123 du Règlement édicte que :
“Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts.”
[69] Le Tribunal d'arbitrage estime malheureux que ce dossier ait été judiciarisé. Il estime aussi que la judiciarisation du dossier est le fait de l'administrateur à plusieurs égards, savoir :
- la concession donnée à l'entrepreneur de ne pas respecter la décision de l'addenda du 9 septembre 2004 relative à la réparation de la section du drain français du côté gauche et avant gauche du bâtiment sans le recours à l'arbitrage ;
- l'omission de donner suite à la mise en demeure du 3 novembre 2004 d'intervenir à défaut par l'entrepreneur de corriger l'installation du drain ;
- la justification de toute nouvelle intervention dans le dossier pour des motifs erronés.
[70] Le Tribunal d'arbitrage trouve également malheureux le choix des termes pour qualifier une situation ou un événement, qui portent souvent à confusion, et le choix de langage laconique souvent employé dans les décisions de l'administrateur qui est peut-être adéquat dans un document technique mais qui, dans des cas comme celui en l'instance, ne se préoccupe pas d'expliquer clairement et de faire bien comprendre aux bénéficiaires les motifs de la décision. Surtout lorsqu'il s'agit d'une décision qui rejette la demande d'intervention de la garantie. Car il est reconnu que lorsque les justiciables comprennent bien les motifs d'une décision, ils se convainquent souvent eux-mêmes de la justesse de celle-là et ils sont portés à l'accepter plus facilement, même si celle-ci leur est défavorable.
[71] Par ailleurs, le Tribunal d'arbitrage estime que même s'il maintient la décision de l'administrateur de la garantie, il la maintient pour des motifs tout autres que ceux invoqués par l'administrateur et, dans les circonstances particulières de ce dossier, il assimile la situation à un gain de cause des bénéficiaires.
[72] Aussi, compte tenu que la présente situation imposée aux bénéficiaires n'est pas juste à leur égard et qu'il ne serait ni raisonnable ni équitable qu'ils doivent assumer les frais de l'arbitrage, le Tribunal d'arbitrage s'autorise de l'article 116 du Règlement qui édicte :
“Un arbitre statue conformément aux règles de droit ; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.”
et est d'opinion qu’en l’instance, toutes les circonstances de ce dossier le justifient de décider également en équité.
[73] En conséquence, les frais de l’arbitrage doivent être supportés par l’administrateur.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[74] DÉCLARE que la décision de l'administrateur de la garantie du 5 mai 2006 est mal fondée.
[75] MAINTIENT, bien que pour des motifs différents, la décision de l’administrateur de la garantie de ne pas considérer la question des «Fissures aux fondations et au fini de gypse et infiltration d’eau au sous-sol».
[76] réserve les droits des bénéficiaires quant à la section du drain français du côté gauche et avant gauche du bâtiment.
[77] LE TOUT avec les frais de l’arbitrage à la charge de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
(S) Robert Masson
Me ROBERT MASSON, ing., arb.
Pour les bénéficiaires :
Marc Blanchet, personnellement
Pour l’entrepreneur :
Johanne Dalpé et Gaston Dalpé
Pour l'administrateur de la garantie :
Me Luc Séguin
Savoie Fournier, avocats
Date d'audience : 7 mars 2007