ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment: CENTRE CANADIEN D'ARBITRAGE COMMERCIAL
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ENTRE: MARIE-ÈVE SAVARD ET TOMMY LEBRUN
(ci-après désignés « les Bénéficiaires »)
9067-0142 QUÉBEC INC.
(ci-après désignée « L'Entrepreneur »)
RAYMOND CHABOT, Administrateur Provisoire inc., es-qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de LA GARANTIE ABRITAT INC.
(ci-après désignée « L'Administrateur »)
No dossier CCAC: S15-080601-NP
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DÉCISION ARBITRALE
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Arbitre:
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Me Errol Payne |
Pour les Bénéficiaires:
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Me Sylvain Landry
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Pour l’Entrepreneur:
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Me Guillaume Lajoie
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Pour l'Administrateur:
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Me Julie Parenteau
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Date d'audience:
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22 mars 2016
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Date de la décision:
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29 mars 2016 |
Identification complète des parties |
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Arbitre : |
Me Errol Payne 79, boulevard René-Lévesque Est Bureau 200 Québec (Québec) G1R 5N5 |
Bénéficiaires : |
Madame Marie-Ève Savard Monsieur Tommy Lebrun [...] Québec (Québec) [...] |
Entrepreneur : |
9067-0142 Québec inc. Att. : Monsieur Marcel Gilbert 2, Chemin des Pins Lac-Beauport (Québec) G3B 0H6 |
Administrateur : |
Raymond Chabot, Administrateur Provisoire inc., es qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Abritat inc. 7333, Place des Roseraies Bureau 300 Montréal (Québec) H1M 2X6
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TABLE DES MATIÈRES |
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Identification complète des parties..................................................................................... 2
Table des matières............................................................................................................ 3
Décision arbitrale............................................................................................................... 4
Les faits.............................................................................................................................. 4
Argumentation des parties................................................................................................ 11
Analyse............................................................................................................................. 13
Conclusions...................................................................................................................... 14
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DÉCISION ARBITRALE |
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Demande d’arbitrage de la part de l’Entrepreneur suite à la décision de l’Administrateur du 8 juin 2015 dans le dossier numéro 331286-1, accueillant la demande de réclamation des Bénéficiaires. Les faits [1] L’Entrepreneur a construit pour le compte des Bénéficiaires une résidence sise au [...], à Québec (Québec). [2] La réception du bâtiment par les Bénéficiaires est intervenue le 4 juin 2013. [3] Au moment de la réception du bâtiment, le remblayage avait été fait par l’Entrepreneur, mais le terrassement était à la charge des Bénéficiaires. [4] Ce sont les Bénéficiaires eux-mêmes qui ont procédé, à l’été 2013 à la construction et l’installation du terrassement menant au balcon de la résidence, lequel terrassement est principalement composé de pavés unis. [5] Tel qu’il appert de la décision du 8 juin 2015 et tel que confirmé par le témoignage des Bénéficiaires lors de l’audition, ces derniers constatent en janvier 2015 d’importantes fissures à la fondation de leur bâtiment, de chaque côté de la galerie et aux murs de soutènement de la galerie de béton avant. [6] Par lettre du 9 mars 2015, les Bénéficiaires dénoncent cette situation à l’Entrepreneur[1]. [7] Le 31 mars 2015, les Bénéficiaires logent leur réclamation[2]. [8] Le 27 avril 2015, Abritat demande à l’Entrepreneur d’intervenir et de l’informer par écrit des mesures qu’il entend prendre pour remédier à la situation dénoncée par les Bénéficiaires[3]. [9] Le 26 mai 2015, M. Michel Hamel, technologue d’expérience, procède à l’inspection du bâtiment en présence des bénéficiaires, de M. Marcel Gilbert, représentant l’Entrepreneur, et de M. Yves Hudon qui assiste les Bénéficiaires. [10] Lors de cette inspection, M. Marcel Gilbert remet à M. Michel Hamel, six (6) photographies, prises pour partie le 27 février 2015 et le 16 mars 2015 à sa demande, par son contremaître, M. Gilbert étant alors à l’extérieur du pays[4]. [11] Lors de la visite de l’inspecteur, l’Entrepreneur prétend que le soulèvement de la galerie de béton et les fissures qui en ont résulté, font suite aux travaux effectués par les Bénéficiaires lors de l’installation des pavés unis devant les marches du balcon. Selon lui, le pavé uni aurait eu pour effet de soulever, sous l’action du gel du sol, le balcon. [12] Le 8 juin 2015, M. Michel Hamel, inspecteur, accueille la réclamation des Bénéficiaires sur le seul point soulevé par leur réclamation (point 1), étant d’opinion que : Les fissures et leur forme démontrent plutôt qu’il y a eu soulèvement des murets de soutien du balcon et des équerres de béton. Le soulèvement peut avoir été causé par une poussée sous la semelle des murets ou par une poussée des murets à la suite d’un gel par adhérence, poussée qui a été suffisamment forte pour enfoncer légèrement le mur de fondation vers l’intérieur du sous-sol. Le soulèvement du balcon a également eu un impact sur les colonnes soutenant le toit de la marquise.[5] [13] M. Hamel conclut à l’existence d’un vice majeur de construction, lequel a été découvert et dénoncé par écrit à l’intérieur des délais prescrits à l’article 10.5 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et conséquemment, il ordonne à l’Entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs requis et décrits à la page 4 de sa décision. [14] Le 15 juillet 2015, M. Louis Morin, ingénieur, procède, en présence de M. Marcel Gilbert, à l’inspection de l’extérieur du bâtiment des Bénéficiaires. [15] Le 21 juillet 2015, M. Marcel Gilbert avise La Garantie Abritat de sa décision de contester la décision rendue. [16] Le 30 juillet 2015, M. Louis Morin effectue une deuxième visite des lieux en présence de M. Marcel Gilbert aux fins de compléter le recueil photographique des lieux, des photographies prises à l’hiver 2014-2015 lui ayant été auparavant remises par M. Gilbert. La preuve démontrera qu’il s’agit des photographies prises les 27 février et 16 mars 2015 (pièce E-1 en liasse). [17] Le 19 août 2015, l’ingénieur Morin transmet son rapport écrit à l’Entrepreneur, lequel rapport et les photographies qui l’accompagnent ont été produits à l’audition sous la cote E-5. [18] Dans sa lettre du 22 août 2015, M. Marcel Gilbert écrit ce qui suit à Mme Julie Houle du Centre canadien d’arbitrage commercial, en lien avec le rapport E-5 : Au printemps 2014 les propriétaires (M.E. Savard et T. Lebrun) ont effectuer(sic) des travaux de terrassement à leur propriété, vers le 16 mai 2015, les propriétaires nous ont contacter(sic) pour nous faire savoir ku’il i as u(sic) un problème avec les fondations avant durant l’hiver, nous avons immédiatement pris les photos ci-joint(sic) nous avons constater(sic) que sous la dernière marche du balcon, l’espace recommander(sic) entre la dernière marche et le sol, as(sic) été fermer(sic) avec des briques de ciment, ce qui as(sic) fait comme conséquence de soulever les marches et occasionner la fissure horizontale du balcon, avec le gel de l’hiver 2014-2015, voir paragraphes 6-10 du rapport LEQ. Nous avons aussi constater(sic) que après une deuxième visite, vers le 24 mars, les briques sous les marches ne sont plus là. L’audition du 22 mars 2016 [19] À l’audition, le procureur de l’Entrepreneur a exposé que la position de sa cliente était à l’effet que les fissures et le soulèvement du balcon et les conséquences que ce soulèvement a entrainées, résultaient du fait que les travaux de terrassement effectués avant l'hiver 2014-2015 étaient la cause des dommages subis au bâtiment et que, conséquemment, ces dommages étaient exclus de la garantie conformément à l’article 12.3 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs qui stipule : 12. Sont exclus de la garantie : 10 […] 20 […] 30 Les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l’entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent des suppressions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire. [20] En conséquence, l’audition a principalement porté sur la possibilité et/ou la probabilité que les travaux de terrassement du trottoir menant aux marches du balcon soient la cause des dommages occasionnés au bâtiment. Premier témoin : M. Daniel Marcoux [21] Le premier témoin entendu, M. Daniel Marcoux, représente l’entreprise qui a procédé à l’excavation et au remblaiement, pour le compte de l’Entrepreneur, lors de la construction de la résidence des Bénéficiaires. [22] Son court témoignage a permis d’établir que le remblai autour des murs de fondation a été effectué avec le matériel existant sur les lieux. [23] Par la suite, il a procédé à la pose de « 0/¾ » au niveau de l’allée de stationnement prévue et devant les marches de la résidence. Deuxième témoin : M. Marcel Gilbert [24] M. Marcel Gilbert, propriétaire de l’entreprise 9067-0142 Québec inc., est un entrepreneur d’expérience ayant plus de 50 ans d’activités dans le domaine de la construction et plus d’une quinzaine d’années dans le cadre de son entreprise actuelle. [25] Il affirme construire actuellement environ quinze (15) maisons par année, et pendant certaines époques le rythme de construction a été près du double de la situation actuelle. [26] Son entreprise a procédé à la construction de la résidence des Bénéficiaires, mais le terrassement n’était pas compris. [27] Il affirme avoir mandaté son contremaître, M. Frédéric Curodeau, pour aller prendre des photographies de la résidence des Bénéficiaires à l’hiver 2015, alors qu’il était lui-même en Floride. [28] Les six (6) photographies prises par M. Curodeau ont été produites en liasse sous la cote E-1. [29] Le témoin a expliqué quelle était la composition des fondations et des murs de soutien du balcon et de l’escalier bétonné qui comporte trois (3) marches. [30] Il produit un croquis préparé à la demande de son procureur (pièce E-2). [31] Il explique que la dalle du balcon est coulée sur les deux (2) murets antérieurement complétés et faisant partie intégrante des murs de fondation. [32] Sur la photographie numéro 2 jointe au rapport de l’ingénieur Louis Morin du 19 août 2015 (pièce E-5), il explique la méthode de construction de ces murets qu’il a d’abord désignés comme étant un « gros équerre ». [33] Il fait référence à une partie bétonnée au-dessus de ce muret sur lequel la dalle de béton est complétée et il indique « un petit équerre » qui lui se situe sous les marches de l’escalier (3 marches). [34] Il souligne que les fissures observées, tant horizontalement que verticalement sur la photographie numéro 2 du rapport E-5, se situent à l’endroit précis où la deuxième coulée a été effectuée pour faire un tout avec les murets existants, à gauche et à droite de l’escalier. [35] Il témoigne avoir remis les photographies prises par son contremaître en février et mars 2015 lors de la rencontre d’inspection de M. Michel Hamel. [36] Afin d’illustrer la situation des lieux au niveau du balcon et du terrassement effectués par les Bénéficiaires, une photographie prise le 11 novembre 2015 est produite du consentement des parties comme pièce E-3. [37] Pour illustrer la façon de procéder et plus particulièrement, comment le remblayage était effectué au pourtour des fondations et devant le balcon de l’entrée, il produit en liasse trois (3) photographies représentant trois (3) résidences construites par son entreprise également sur la rue Marco (pièce E-4). [38] Lors de son témoignage il réitère son opinion à l’effet que les fissures qui ont été causées au mur de fondation, aux murets soutenant le balcon, tant verticales qu’horizontales, des deux (2) côtés du balcon, résultent de travaux effectués par les Bénéficiaires lors de l’installation des dalles du trottoir, qui auraient empiété sous la première marche du balcon et qui auraient entraîné, en période de gel intense, une poussée verticale vers le haut sous la première marche du balcon et créant ainsi une force, causant les fissures observées. [39] C’est principalement sur les photographies prises par son contremaître en février et en mars 2015 (E-1), qu’il conclut à l’existence de dalles de terrassement en partie sous la première marche du balcon et conséquemment, à un espace insuffisant entre ce matériau et la marche du balcon pour éviter qu’il ne vienne en contact avec cette dernière lors de périodes de gel. Troisième témoin : M. Frédéric Curodeau [40] M. Frédéric Curodeau est à l’emploi de l’entrepreneur à titre de contremaître. [41] Le 27 février 2015, il se rend sur les lieux de la résidence des Bénéficiaires où il prend trois (3) photographies. Ces photographies ont été produites sous la cote E-1 et il s’agit des photographies numéros 2, 5 et 6. [42] M. Curodeau revient sur les lieux le 16 mars 2015 où il prend trois (3) photographies additionnelles, soit les photographies E-1, numéros 1, 3 et 4. [43] Lors de l’une ou l’autre de ces deux (2) visites, M. Curodeau n’a pris aucune mesure. [44] Le contremaître a par la suite remis ces photographies à son employeur et ce sont lesdites photographies qui ont amené M. Marcel Gilbert à conclure que les travaux de terrassement effectués par les Bénéficiaires étaient la cause probable des fissures qui apparaissent aujourd’hui sur le bâtiment des Bénéficiaires, et dont la présence a été notée pour la première fois en janvier 2015. [45] Le témoin Curodeau a expliqué que la prise des photographies numéros 2 et 5 de la pièce E-1, s’est faite dans des conditions difficiles alors qu’il a dû introduire son bras dans un petit espace entre le petit équerre du balcon et la première marche de ce dernier. [46] Le témoin Curodeau n’a donc pas été en mesure de visualiser de lui-même ce qui apparaît aux deux (2) photographies numéros 2 et 5 de la pièce E-1.
Quatrième témoin : M. Louis Morin [47] M. Louis Morin est ingénieur et il a réalisé sous la supervision d’un ingénieur sénior, M. Raymond Juneau, le rapport du 19 août 2015 (pièce E-5). [48] Il a expliqué s’être rendu à deux (2) reprises à la résidence des Bénéficiaires en présence de M. Marcel Gilbert et avoir obtenu de ce dernier, certaines photographies dont l’une a été jointe à son rapport, soit la photographie numéro 7, produite comme pièce E-6. [49] Les autres photographies 1 à 6 de son rapport ont été prises par lui. [50] Dans son rapport d’expertise, qui constitue son premier rapport de cette nature, M. Morin confirme, photographies à l’appui, la présence de fissurations à l’interface du perron et de ses murs de fondation et également la présence de deux (2) fissures obliques dans les murs de fondation de la résidence, de part et d’autre du perron. [51] Il précise au paragraphe 6 de son rapport, que : Au moment de notre visite, les pavés du chemin menant à l’escalier du perron, étaient environ 40mm plus bas que la partie inférieure de l’escalier (photographie numéro 6). Toutefois, une photographie prise à l’hiver 2014-2015 révèle qu’à ce moment, le pavé a été très près et probablement directement en contact avec le bas de l’escalier (photographie numéro 7) [Nos soulignés] [52] Il précise également dans son rapport, tout comme lors de son témoignage, que puisqu’une excavation avait été pratiquée préalablement à sa visite, en bordure du mur de fondation du côté gauche de la résidence, il a prélevé un échantillon des sols de remblayage des murs de fondation qui ont été identifiés comme étant un « silt » et du sable brun. [53] Il indique qu’après analyse de l’échantillon prélevé, compte tenu du pourcentage de « silt » et d’argile, les sols de remblayage des murs doivent être considérés de gélivité élevée. [54] En conclusion de son expertise, suite à l’analyse de la documentation qui lui a été soumise et sa visite des lieux, il est d’opinion que : Le mur de fondation avant de la résidence ne montrant pas de signes de mouvement différentiel permanent au moment de sa visite, que l’hypothèse du tassement des fondations de la résidence et/ou du perron, peut être exclue. Les fissures observées dans les murs de fondation ainsi qu’à l’interface des murs de fondation et du perron sont donc certainement causées par des soulèvements au gel. (pièce E-5, par. 8) [55] Pour expliquer ces soulèvements, l’ingénieur Morin émet deux (2) hypothèses : Nous sommes d’opinion que ces soulèvements peuvent avoir été causés par deux (2) phénomènes, d’une part par un soulèvement local d’une partie du mur de fondation, incluant celui du perron, et d’autre part par le soulèvement du perron seul, sous une pression verticale par les pavés faisant office de trottoir devant le perron ou par les sols sous ce dernier. (pièce E-5, par. 9) [56] Il précise que l’examen des photographies numéros 6 et 7 de son rapport indique que : Les pavés de l’entrée peuvent être soulevés de façon suffisamment importante pour entrer en contact avec la partie inférieure de l’escalier. La gélivité élevée des sols de remblayage des murs de fondation est un indice qu’il en est probablement de même pour les sols sous les pavés puisqu’il est de pratique courante, en construction résidentielle, d’utiliser les sols d’excavation des fondations d’un bâtiment comme sols de remblayage.[6] Les pavés exerçant ainsi une pression sous l’escalier, par effet de levier, des fissures sont apparues à l’interface entre le perron et les murs de fondation sous ce dernier, tels que montrées(sic) sur les photographies numéros 2 et 3, ces deux (2) éléments ayant été construits en deux (2) étapes distinctes.[7] [57] Lorsqu’interrogé sur les photographies prises par le contremaître de l’Entrepreneur en février et mars 2015, photographies qui lui avaient été remises, le témoin admet qu’il existe une problématique de perspective importante et lorsqu’il lui fut demandé s’il était également possible que les fissures existantes aient pu être causées par le soulèvement des petites équerres sous le balcon par l’effet du gel, il a admis la possibilité de cette cause. [58] L’ingénieur Morin conclut son rapport par la recommandation suivante : Il est donc recommandé de modifier l’aménagement des pavés afin de s’assurer qu’il soit impossible que les pavés et/ou le sol de remblayage ne poussent sous l’escalier par gonflement au gel. Cinquième témoin : Mme Marie-Ève Savard [59] Mme Marie-Ève Savard a expliqué lors de son témoignage que c’est son époux, avec l’aide du beau-père de ce dernier qui a procédé, à la fin de l’été 2013, aux travaux de terrassement menant aux marches du perron. [60] Elle affirme que depuis l’exécution de ces travaux à la fin de l’été 2013, qu’il n’y a eu aucune modification de quelque sorte qui a été apportée à cet ouvrage. [61] Elle confirme avoir constaté en début 2015, la présence des fissures au mur de fondation d’abord, et par la suite, aux murs de soutien du balcon, une fois la neige évacuée. Sixième témoin : M. Tommy Lebrun [62] M. Tommy Lebrun, conjoint de Mme Savard et copropriétaire et bénéficiaire, confirme le témoignage de Mme Savard quant aux travaux qu’il a effectués et au fait qu’aucune modification n’y a été apportée depuis la fin de l’été 2013. [63] Les photographies prises par le contremaître de l’entrepreneur en février 2015, et plus particulièrement les photographies numéros 2 et 5 de la pièce E-1, ont été commentées et expliquées clairement par M. Lebrun qui a précisé la composition exacte de l’extrémité du terrassement qui se rend jusqu’à la bordure de la première marche du perron, de telle sorte que ce qui, au visionnement des photographies, avait pu être identifié comme des briques par M. Gilbert, étaient en fait les pavés unis de l’extrémité du trottoir. [64] Il affirme qu’en aucun temps, il n’y a eu quelque matériau qui aurait pu être placé directement, en tout ou en partie, sous la première marche du balcon et qui aurait, suite à la découverte des fissures et à la prise des premières photographies, été retiré. Septième témoin : M. Michel Hamel [65] M. Michel Hamel est technologue et il a procédé à l’inspection de la résidence des Bénéficiaires pour le compte de La Garantie Abritat le 26 mai 2015. [66] Après avoir établi ses constatations et analysé les photographies qui lui avaient été remises par M. Marcel Gilbert, il a produit son rapport[8]. [67] Au cours de son témoignage, il reprend et confirme ses constatations à l’effet que les marches du perron ne sont aucunement fissurées, ce qui habituellement le cas lorsqu’il y a une poussée sous la marche qui touche le sol, et cela basé sur des expertises antérieures qu’il a réalisées, et qu’il a constaté un dégagement suffisant devant la dernière marche et le pavé uni, tout comme un dégagement suffisant sous la dernière marche et le sol. [68] Conséquemment, lors de son témoignage, il confirme et réitère son opinion telle qu’exprimée dans son rapport du 8 juin 2015. Argumentation des parties [69] D’entrée de jeu, le procureur de l’Entrepreneur réfère le Tribunal à l’article 2804 C.c.Q. et il admet que le fardeau de la preuve repose sur les épaules de sa cliente, et que la demande d’arbitrage de cette dernière vise essentiellement à déterminer la cause efficiente des dommages qui affectent la résidence des bénéficiaires. [70] Il indique que le témoignage de M. Curodeau ainsi que les photographies prises par ce dernier établissent qu’il y avait contact entre les pavés du trottoir et la première marche de l’escalier du perron. [71] Il attire l’attention du Tribunal sur le fait que l’ingénieur Morin aurait établi comme étant la cause la plus probable, le fait que le sol a levé la partie du balcon par contact du sol ou par contact avec les pavés unis sous l’effet du gel. [72] Il prend comme indice le fait que l’une des tuiles de la terrasse comporte une marque de bris qui est visible sur la photographie numéro 6 prise par M. Morin le 15 juillet 2015. [73] Il souligne le fait que la gélivité du sol est propice à ce que la partie du pavé uni subisse une pression verticale vers le haut en période de gel et que les photographies prises par M. Curodeau, démontrent qu’il n’y a plus d’écart entre les pavés et la première marche au moment où elles ont été prises. [74] Il demande donc au Tribunal d’appliquer l’exclusion prévue au Règlement sur le plan des garanties puisque selon la balance des probabilités, ce sont les travaux de terrassement effectués par les Bénéficiaires qui auraient entraîné les conséquences dont l’avocat ne minimise en aucune façon la gravité. [75] Le procureur des Bénéficiaires a quant à lui rappelé que le fardeau d’établir une cause probable des dommages constatés autre que celle retenue par l’inspecteur Hamel reposait sur les épaules de l’Entrepreneur. [76] Il rappelle que dans son rapport, l’ingénieur Morin a omis de considérer le fait que les petites équerres aient pu être soulevées par l’effet du gel du sol sous ces dernières. [77] Il rappelle que les dalles du pavé ont été installées en 2013 et que sa cliente, Mme Savard, a pu constater l’empreinte de la petite équerre dans le sol. [78] Il conclut donc au maintien de la décision rendue par M. Hamel. [79] La procureure de l’Administrateur précise quant à elle que l’analyse du sol effectuée démontre que ce dernier est propice à entraîner un soulèvement en raison de la possibilité de gel par adhérence qui, suivant l’inspecteur Hamel, constitue la cause la plus probable des fissures observées et du déplacement des colonnes du balcon. [80] Elle souligne que le remblaiement au niveau de la dernière marche (la plus basse) du balcon se situe à un niveau tout à fait normal et que l’expert de l’Entrepreneur, M. Morin, a admis, lors de son témoignage, l’existence d’une autre cause possible.
[81] Elle souligne que les photographies prises sont loin d’être claires et que la perspective de ces dernières est trompeuse. [82] Elle conclut sa plaidoirie en réitérant que la balance des probabilités joue en faveur de la conclusion retenue par M. Hamel à savoir que le soulèvement peut avoir été causé par une poussée sous la semelle des murets ou par une poussée des murets à la suite d’un gel par adhérence et elle réfère le Tribunal à un article de l’ingénieur Frédéric Gagnon qui explique un tel phénomène. Analyse [83] La question soumise au Tribunal est simple et elle est la suivante : l’Entrepreneur s’est-il déchargé de son fardeau de démontrer que la cause la plus probable des fissures et déplacements observés, résulte du fait que certains pavés du terrassement soient entrés en contact avec la marche la plus basse du balcon pour exercer sur cette dernière une pression verticale, causée par le gel du sol. [84] La quasi-totalité de l’argumentation de l’Entrepreneur et des représentations qu’il a faites à cet égard, reposent sur les photographies prises par le contremaître Curodeau le 27 février 2015. [85] C’est sur la base de ces photographies que l’Entrepreneur a établi sa contestation en indiquant qu’il y avait eu observation et prise de photographies de la présence de pierres ou de briques sous la première marche et qui avaient par la suite été retirées lors de l’inspection qui a été effectuée par l’inspecteur Michel Hamel le 26 mai 2015. [86] À cette occasion, d’ailleurs, M. Marcel Gilbert a remis ces photographies à M. Hamel. [87] Par la suite, l’Entrepreneur a obtenu une expertise de l’ingénieur Louis Morin qui, notamment, établit que le sol de remblai autour de la résidence des bénéficiaires est de gélivité élevée. [88] La preuve a démontré que le sol de remblai est celui qui existait au moment de la construction et qui a été réinstallé par le sous-entrepreneur qui s’est chargé de l’excavation. [89] Il est tout à fait vrai que la perspective des deux (2) photographies prises par M. Curodeau le 27 février 2015, dans des conditions difficiles et avec une accessibilité très limitée, ait pu amener à croire à l’existence de matériaux, briques ou autres, sous la première marche du perron, qui auraient par la suite été retirés. [90] Si cela avait été le cas, la position de l’Entrepreneur aurait tout à fait été justifiée, le Tribunal ne mettant en aucune façon en doute la bonne foi de M. Marcel Gilbert et de l’ingénieur Morin qui avaient conclu en ce sens à la lumière des photographies prises. [91] Toutefois, les explications et les éclaircissements fournis lors de l’audition, ont apporté un éclairage nouveau et déterminant pour l’issue du présent arbitrage. [92] Les témoignages de Mme Savard et plus particulièrement celui de M. Lebrun qui a expliqué la composition de ce qui pouvait être interprété comme la présence de briques ou autres matériaux sous la première marche, permet d’exclure, sans l’ombre d’un doute, cette possibilité. [93] Les explications claires, précises et non contredites de Mme Savard et de M. Lebrun amènent le Tribunal à conclure, de façon prépondérante, que la construction du terrassement par les Bénéficiaires à l’été 2013 n’a eu aucune incidence sur les phénomènes de bris ultérieurement observés. [94] Non seulement, les photographies prises, une fois les explications fournies par M. Lebrun, démontrent un dégagement suffisant, permettant d’en arriver à cette conclusion, mais au surplus, les analyses de sol réalisées à la demande de l’Entrepreneur et contenues dans le rapport de M. Louis Morin du 19 août 2015, pièce E-5, confirment une gélivité élevée du sol de remblai, ce qui renforce la conclusion à laquelle en était arrivé M. Michel Hamel quant à la cause du soulèvement par une poussée sous la semelle des murets ou par une poussée des murets à la suite d’un gel par adhérence. EN CONSÉQUENCE, POUR LES MOTIFS CI-DEVANT ÉNONCÉS, LE TRIBUNAL : REJETTE la demande de l’Entrepreneur. CONFIRME la décision de l’Administrateur contenue dans son rapport daté du 8 juin 2015. ORDONNE aux parties de s’y conformer. DÉCLARE qu’aucuns frais d’expertise ne seront remboursés par l’Administrateur à l’Entrepreneur puisque ce dernier n’a aucun gain de cause. CONFORMÉMENT à l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les coûts du présent arbitrage seront partagés en parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur.
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Québec, ce 29 mars 2016 |
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Errol Payne, Arbitre |
[1] Cahier des pièces, onglet 4.
[2] Cahier des pièces, onglet 5.
[3] Cahier des pièces, onglet 6.
[4] Pièce E-1.
[5] Décision onglet 7, p. 3.
[6] Cet aspect a été confirmé par le témoignage de M. Daniel Marcoux qui a procédé à l’excavation et au remblayage.
[7] Les photographies 2 et 3 de son rapport illustrent les fissures, mais ne montrent en aucune façon la présence de pavés sous l’escalier.
[8] Cahier des pièces, onglet 7.