ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC)

 


ENTRE:  Karine Fiset et Daniel Paquette

(ci-après « les Bénéficiaires »)

Et

Groupe Axxco Inc.

(ci-après « l’Entrepreneur »)

Et

LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC (Qualité-Habitation)

(ci-après « l’Administrateur »)

 

No dossier Garantie:          53010

No dossier CCAC:            S09-010701-NP

 

 

SENTENCE ARBITRALE

Décision rendue le 20 décembre 2011

 


 L'Arbitre :                              Guy Pelletier

 

Pour les Bénéficiaires :        Me Cyrille Duquette, procureur;

                                                M. Daniel Paquette;

                                                M. Stéphane Bossus, expert.

 

Pour l’Entrepreneur :             M. Martin Côté;

                                                M. Jean Gruslin, sous-traitant;

                                                M. Felice Vaccaro, architecte.

 

 

Pour l’Administrateur :          Me Avelino De Andrade, procureur;

                                                M. Normand Pitre, conciliateur.

                                               

 

Mandat :

L’Arbitre a reçu son mandat du CCAC le 18 janvier 2010.

 

Historique et pièces :

5 mai 2007:

Contrat préliminaire et contrat de garantie;

30 janvier 2008 :

Rapport de l’installateur du plancher de bois;

20 mai 2008 :

Réception des travaux;

2 juin 2008:

Liste de réparations et ajustements demandés, adressée à l’Entrepreneur;

7 octobre 2008:

Liste de réparations et ajustements demandés, adressée à l’Entrepreneur;

1 novembre 2008 :

Ajouts de réparations et ajustements demandés (…), adressés à l’Entrepreneur par les Bénéficiaires;

23 novembre 2008:

Réparations et résolution de problèmes importants, adressées à l’Entrepreneur;

17 décembre 2008 :

Liste de réparations et ajustements demandés - mise à jour, adressée à l’Entrepreneur;

30 décembre 2008 :

Liste de réparations et ajustements demandés - AJOUT, adressée à l’Entrepreneur;

30 janvier 2009 :

Liste des réparations et ajustements demandés en vertu de la Garantie Qualité Habitation, adressée à l’Entrepreneur et copie à l’Administrateur;

6 mars 2009 :

Liste des réparations et ajustements demandés en vertu de la Garantie Qualité Habitation - ajouts, adressée à l’Entrepreneur et copie à l’Administrateur;

5 mai 2009 :

Liste des réparations et ajustements demandés en vertu de la Garantie Qualité Habitation (dossier 53010) - ajouts aux lettres du 30 janvier et du 6 mars, adressée à l’Entrepreneur et copie à l’Administrateur;

7 mai 2009 :

Lettre à l’Administrateur -Précision suite à la visite de conciliation-inspection du 7 mai 2009

25 juin 2009 :

Décision de l’Administrateur;

1ier juillet 2009 :

Demande d’arbitrage; 

15 octobre 2009 :

Rapport d’expertise préparé par M. Stéphane Bossus, CELB pour les Bénéficiaires;

27 octobre 2009 :

Avis sur les déficiences incluses dans le dossier, adressé à l’Entrepreneur et à l’Administrateur;

14 décembre 2009 :

Rapport d’expertise préparé par M.Felice Vaccaro, arch. pour le sous-traitant en plancher de bois;

25 février 2010 :

Visite des lieux et première journée d’audition;

18 octobre 2010 :

Décision de l’Administrateur (rapport d’inspection supplémentaire)

13 mai 2011 :

Deuxième journée d’audition;

15 juin 2011 :

Rapport d’expertise préparé par M. Stéphane Bossus, CELB pour les Bénéficiaires;

11 octobre 2011 :

Audition remise à la demande du procureur des Bénéficiaires;

11 octobre 2011 :

Photographies prises par M. Stéphane Bossus;

22 novembre 2011 :

Troisième journée d’audition;



 

Introduction :

[01]       Le 5 mai 2007, les Bénéficiaires signent un contrat préliminaire et de garantie pour la construction d’une unité d’habitation en copropriété. Le bâtiment est couvert par le Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le Règlement)[1].

[02]       La réception des travaux de la partie privative a lieu un an plus tard, le 20 mai 2008.

[03]       À maintes reprises, à partir du 2 juin suivant, les Bénéficiaires adressent à l’Entrepreneur seul, des listes de réparations et d’ajustements.

[04]       Huit mois après la réception des travaux, soit à partir du 30 janvier 2009, les Bénéficiaires adressent progressivement à l’Administrateur plusieurs demandes de corrections.

[05]       Le 25 juin 2009, l’Administrateur rend une décision portant sur 21 points dont 16 sont rejetés.

[06]       Insatisfaits de cette décision, les Bénéficiaires demandent l’arbitrage le 1ier juillet suivant.

[07]       Le 18 octobre 2010, l’Administrateur émet un rapport complémentaire à la demande des Bénéficiaires.

[08]       Les points en litige, selon la numérotation utilisée par l’Administrateur, sont les suivants :

                                    Décision du 25 juin 2009

                                    3.        Grille de ventilation au plancher (réclamation accueillie, mais méthode corrective contestée)

                                    6.        Regard de nettoyage

                                    7.        Porte de garage

                                    8.        Porte d’entrée

                                    9.        Plancher de lattes de bois

                                 10.        Ouvre porte de garage

                                 11.        Coin de métal et têtes de vis

                                 12.        Infiltration d’air par la porte d’entrée

                                 13.        Bruit de plomberie

                                 14.        Mur de vestibule courbé

                                 15.        Mur du salon dans le haut

                                 16.        Mur de l’escalier menant au sous-sol

                                 17.        Mur de l’escalier entre le deuxième et troisième

                                 18.        Plafond de la chambre à coucher

                                 19.        Tache au plafond dans la chambre  no.1  

                                 20.        Bruit du climatiseur 

                                 21.        Tache au plafond du sous-sol

Décision du 18 octobre 2010 (rapport complémentaire) :

                                    1.        Marche d’escalier

                                    2.        Dénivellation des planchers

                                    3.        Espacement entre les lattes

                                    4.        Plancher en lattes le long du mur du salon

                                    5.        Mur du vestibule

                                    6.        Porte d’entrée

                                    7.        Cadre de la porte d’entrée

                                    8.        Mur du sous-sol

                                    9.        Coins de métal et têtes de vis

                                 10.        Arrêt de porte de la chambre no.2

                                 11.        Joint de placoplâtre le long du mur du salon

                                 12.        Ouvre-porte de garage

                                 13.        Nez des marches d’escaliers

[09]       Les Bénéficiaires retiennent les services de l’expert Stéphane Bossus du Centre d’Expertise Légales en Bâtiments (CELB), pour la production d’un rapport d’expertise.

[10]       D’autre part, le sous-traitant de l’Entrepreneur, qui a exécuté le revêtement de  plancher en bois, Les Planchers Québécois ltée, fait appel aux services d’expert de l’architecte Felice Vaccaro.

[11]       Une première journée d’audition est tenue le 25 février 2010 et porte uniquement sur le point 9, plancher de lattes de bois.

[12]       À la fin de cette journée, les Bénéficiaires font état du fait que l’Administrateur aurait omis de se prononcer dans sa décision sur certains points de leur réclamation.

[13]       L’Administrateur accepte d’examiner les points qui n’auraient pas fait l’objet de sa décision.

[14]       Le 18 octobre 2010, l’Administrateur émet un rapport d’inspection complémentaire (décision), portant sur 13 points.

[15]       Le 13 mai 2011, une deuxième journée d’audition est tenue.

[16]       Considérant le temps écoulé depuis la première journée d’audition, les parties conviennent que les experts feront une nouvelle inspection des planchers afin de compléter la preuve. Cette visite a lieu le 3 juin suivant.

[17]       Le 22 novembre 2011, se tient la troisième journée d’audition.

 

LA PREUVE ET L’ANALYSE

[18]        Durant les procédures d’arbitrage, les points suivants ont été considérés comme réglés ou ont fait l’objet d’une entente, à savoir :

                       

Points (Décision - 25 juin 2009)

résultat

   6.    Regard de nettoyage

Réglé

 7.   Porte de garage

Réglé

 8.    Porte d’entrée

L’Entrepreneur fournira la peinture en vaporisateur

 10. Ouvre porte de garage

Réglé

 18. Plafond de la chambre à coucher

Retiré par les Bénéficiaires

 20. Bruit du climatiseur 

Retiré par les Bénéficiaires

Points (Décision - 18 octobre 2010)

 

1.     Marche d’escalier

Réclamation accueillie, l’Entrepreneur fera les réparations requises. (réglé)

 4.    Plancher en lattes le long du mur du salon

Retiré par les Bénéficiaires

 8.    Mur du sous-sol

Retiré par les Bénéficiaires

10.  Arrêt de porte de la chambre no.2

L’Entrepreneur  installera l’arrêt de porte

12.  Ouvre porte de garage

Réglé

 

 

[19]        Dans la présente décision, pour faciliter la lecture et la compréhension,  les points présentant des similitudes seront regroupés en fonction de la présentation de la preuve et l’argumentation.

 

Point 3, Grille de ventilation au plancher (25 juin 2009)

La preuve :

[20]        L’Administrateur a accueilli la réclamation des Bénéficiaires sur ce point et il a rendu la décision suivante :

« Lors de notre inspection, nous avons constaté la situation au niveau de la cuisine et du salon. Toutefois dans certains cas, il s’agissait tout simplement de faire en sorte que la grille devienne fixe. Or dans de tel cas, de simples gouttes de silicone pourraient être une méthode à utiliser.  Par conséquent, l’entrepreneur devra faire les vérifications nécessaires et les correctifs requis selon les règles de l’art et l’usage du marché. »

(nos soulignés)

[21]        Bien que ce point  ait été accueilli par l’Administrateur, les Bénéficiaires contestent la méthode corrective proposée.

[22]        M. Paquette témoigne à l’effet que les coupes faites dans le plancher pour installer les grilles de ventilation sont trop grandes de telle sorte que l’ouverture est apparente et les lattes en bois se sont déplacées.

[23]        Selon l’expert des Bénéficiaires, M. Bossus, la coupe des ouvertures n’a pas été faite conformément aux règles de l’art de telle sorte qu’il faut « procéder au remplacement des lattes auprès desdites trappes, de façon à ce que celles-ci s’insèrent par pression (et sans mouvement) ».

[24]        M. Normand Pitre, conciliateur de l’Administrateur, explique la décision qu’il a rendue, en ce sens qu’il n’a pas dicté la méthode de correction et que celle-ci est laissée à la discrétion de l’Entrepreneur.

[25]        Le procureur des Bénéficiaires, Me Cyrille Duquette, argumente qu’il faut appliquer la solution recommandée par l’expert Bossus.

[26]        Me Avelino De Andrade, procureur de l’Administrateur argumente que l’arbitre ne peut imposer une méthode corrective. À cet effet, il fait référence à l’article 2099 du Code Civil du Québec :

« 2099. L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution. »

L’analyse :

[27]       La question qui se pose ici est d’établir si les Bénéficiaires peuvent imposer à l’Entrepreneur la solution correctrice préconisée par leur expert.

[28]        Il convient ici de rappeler que l’article 2099 du Code Civil du Québec donne à l’entrepreneur le choix des moyens pour exécuter les travaux.

[29]       Plusieurs décisions arbitrales vont en ce sens. Mentionnons notamment :      

Alcide Fournier, le 6 mars 2008[2] :

[36] En vertu du code civil et du règlement sur le plan de garantie, l’entrepreneur a une obligation de résultat, c’est-à-dire comme dans le présent litige, de faire cesser les infiltrations d’eau au sous-sol.

[37] En contrepartie, l’entrepreneur a le choix des moyens pour parvenir au résultat qui lui est imposé par la loi et le règlement, à  moins qu’il ne soit prouvé que la méthode choisie n’est pas adéquate, ne peut donner les résultats escomptés ou est contraire au code du bâtiment. »

                        Me Michel A. Jeanniot, le 2 septembre 2009[3] :     

59] Je rappelle de plus à tous que, et considérant que l’Entrepreneur (ou le prestataire de services) a le libre choix des moyens d’exécution et qu’il n’existe entre ce dernier, l’Administrateur et le Bénéficiaire aucun lien de subordination, le choix des correctifs et/ou la méthode de correction appartient à l’Entrepreneur […]. 

[30]        Considérant de plus que l’Administrateur a ordonné à l’Entrepreneur d’effectuer les correctifs requis « selon les règles de l’art et l’usage du marché », le soussigné est d’avis qu’il n’a pas à intervenir sur ce point et doit maintenir la décision de l’Administrateur.          

 

Point 13. Bruit de plomberie (25 juin 2009)

La preuve :

[31]        Les Bénéficiaires ont dénoncé un problème de bruit de la tuyauterie.

[32]        L’Administrateur a rejeté cette réclamation au motif que le problème est un résultat de la dilatation de la tuyauterie et constitue un comportement normal des matériaux.

[33]        Selon le témoignage de M. Paquette, le problème aurait été découvert vers le 5 mai 2009.

[34]        Lors de la visite des lieux, M. Paquette ouvre les robinets pour faire entendre les bruits de plomberie mais, à ce moment-là, la manifestation du problème n’a pu être observée.

[35]        L’expert Bossus témoigne à l’effet qu’il n’a pas entendu le bruit de dilatation de la plomberie lors de la visite des lieux, mais signale que celui-ci était perceptible lors de l’inspection qu’il a faite le 11 août 2009, tel que noté dans son rapport. Son explication et à l’effet que ce bruit se produit « si l’eau chaude coule longtemps à plein régime ».

[36]        Selon M. Pitre, le phénomène rapporté pourrait être un bruit de cognement, dilatation normale qui se produit surtout l’hiver.

[37]         M. Martin Côté, représentant de l’Entrepreneur, témoigne qu’il n’a jamais entendu ce bruit et que le problème ne lui a jamais été signalé.

[38]        Me De Andrade argumente que la preuve d’un vice ou d’une malfaçon n’a pas été faite et qu’il n’y a rien qui permette de renverser la décision rendue.

L’analyse :

[39]        La question est de déterminer si le problème signalé répond aux critères d’une malfaçon ou d’un vice de construction couvert par la garantie.

[40]        Pour établir si l’Entrepreneur a manqué à ses obligations de résultat sur ce point, il aurait fallu démontrer que le bruit entendu était anormal et excessif résultant de coups de bélier suite à une installation déficiente.

[41]        Or, le bruit n’a pas été entendu lors de la visite des lieux et l’expert Bossus a témoigné à l’effet que le bruit se produit dans des conditions particulières, ce qui semble confirmer que ce puisse être un phénomène de dilatation des matériaux.

[42]       À cet effet, je partage l’avis de l’arbitre Jeanniot[4] qui s’exprime ainsi :

[52]   « À défaut d’éléments à l’effet contraire, il appert que ce son provient d’une dilatation des tuyaux dû à leur utilisation.

[53]   La dilatation est une chose normale, l’accessoire devant suivre le principal, tout bruit relatif à la dilatation est, sauf exception, normal.

[54]   S’agit-il d’un bruit excessif et/ou anormal? […], je ne le pense pas.

[55]   Tel que préalablement repris en appel, le fardeau de preuve incombe à la partie appelante et,  sans exiger que ce fardeau soit, indûment lourd, je suis d’opinion que les Bénéficiaires ne se sont pas  déchargés de leur fardeau de preuve sur ce volet… »

[43]       Considérant la faiblesse de la preuve à l’effet qu’il y a vice ou malfaçon, la décision de l’Administrateur est maintenue sur ce point, en application de l’article 29 du Règlement :

29.   Sont exclus de la garantie:

  1°    la réparation des défauts dans les matériaux et l'équipement fournis et installés par le bénéficiaire;

  2°    les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements;   […]

 

Point 14. Mur de vestibule courbé (25 juin 2009)

Point 15. Mur du salon dans le haut (25 juin 2009)

Point 16. Mur de l’escalier menant au sous-sol (25 juin 2009)

Point 17. Mur de l’escalier entre le deuxième et troisième (25 juin 2009)

La preuve :

[44]        Ces quatre points ont été rejetés par l’Administrateur, le 25 octobre 2009, au motif que les situations décrites étaient apparentes au moment de la prise de possession et qu’elles n’ont pas été dénoncées dans le délai prescrit de 6 mois.

[45]        Selon le témoignage de monsieur Paquette, le point 14 a été découvert en octobre 2008. Le bombement du mur, dit-il, est visible  « sous un certain angle et un éclairage particulier ».

[46]        L’expert Bossus témoigne à l’effet que la courbure dépasse 1/4" dans les deux axes, ce qui excède les tolérances reconnues. Il ajoute que « ce problème devait être là depuis le début, mais que ça ne saute pas aux yeux ».

[47]        Normand Pitre explique que ce qui est apparent, doit être dénoncé lors de l’inspection pour la prise de possession et, dans ce cas-ci, le délai raisonnable de 6 mois n’a pas été respecté.

[48]        Me Duquette argue que ce n’est pas une situation évidente, facilement observable lors de l’inspection, mais que les Bénéficiaires ayant découvert la situation en octobre 2008, l’ont dénoncée rapidement à l’Administrateur en janvier 2009.

[49]        Quant au point 15 relatif à l’existence de boursouflures en haut du mur du salon, M. Paquette répond à Me De Andrade qu’il ne sait pas quand est apparu le problème dénoncé en janvier 2009.

[50]        En ce qui concerne le point 16, les Bénéficiaires ont dénoncé en mars 2009 une vingtaine de trous de vis dans le mur de l’escalier menant au sous-sol. Selon le témoignage de M. Paquette, cette situation aurait été découverte en juin 2008.

[51]        Le point 17 fait état d’une courbure dans un angle du mur de l’escalier menant au sous-sol. M. Paquette confirme que ce problème a été dénoncé à l’Administrateur le 5 mai 2009.

[52]        L’expert Bossus témoigne à l’effet que cette courbure est excessive et « pas acceptable ». Il ajoute que ce n’est pas un désordre structural car il n’y a pas de fissures. « C’est là depuis le début mais ça ne saute pas aux yeux», confirme-t-il.

[53]        Normand Pitre explique que ce problème aurait dû être vu dans la première semaine de la garantie car « ça l’a frappé tout de suite ».

[54]        Me De Andrade argue que l’expert Bossus exagère en qualifiant cette déformation d’importante. C’est tellement minime que ce n’est qu’en faisant une nouvelle liste avec leur expert que les Bénéficiaires ont noté la situation.

L’analyse :

[55]       La question qui se pose quant à aux points 14, 15,16 et 17, est d’établir si on est en présence de malfaçons et, en tel cas, déterminer si elles été dénoncées au moment et dans le délai prescrit par l’article 27 du « Règlement » :

« 27.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

  1°    le parachèvement des travaux dénoncés, par écrit:

  a)      par le bénéficiaire, au moment de la réception de la partie privative ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception ;

  b)      par le professionnel du bâtiment, au moment de la réception des parties communes ;

  2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception; »

  3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte. »

[56]       Concernant le point 14, la preuve est quelque peu contradictoire quant à l’importance de la courbure. Les Bénéficiaires ont dénoncé à l’Entrepreneur le problème en ces termes, dans leur lettre du 7 octobre 2008: « on voit clairement une courbe dans le mur… ».

[57]       Or selon le témoignage de l’expert Bossus, c’est un problème « qui est là depuis le début mais qui ne saute pas aux yeux. »

[58]        Par contre dans son rapport l’expert Bossus note « que le mur affiche une courbure prononcée. »

[59]       La preuve est à l’effet que cette situation était plus ou moins apparente au moment de la réception. Conséquemment, la malfaçon, s’il en est une, aurait dû être dénoncée par les Bénéficiaires lors de l’inspection pré-réception. Dans le cas contraire, si elle est à ce point difficilement perceptible, il y a lieu de se questionner sur l’existence réelle d’une malfaçon.

[60]       Quant au point 15, boursouflure de la finition au haut du petit mur du salon, la preuve présentée est identique à celle faite au point précédent, en ce sens qu’il s’agirait d’une malfaçon plus ou moins apparente dénoncée en janvier 2009. M. Paquette n’a pu préciser à quel moment il a découvert la situation.

[61]       Il n’a pas été prouvé que cette boursouflure soit survenue après l’inspection pré-réception, moment où elle aurait dû être signalée.

[62]       Quant au point 16, monsieur Paquette témoigne à l’effet que le problème de têtes de vis a été observé en juin 2008 et que des retouches ont été faites par la suite. Cependant les réparations sont visibles, écrit-il. Cette situation a été dénoncée à l’Administrateur dans la lettre du 8 mars 2009.

[63]       Le délai de dénonciation depuis la découverte du problème excède celui de 6 mois prescrit dans le « Règlement ».

[64]       Quant au point 17, l’expert Bossus a témoigné à l’effet que la courbure à l’angle des deux murs dans l’escalier « n’est pas le résultat d’un désordre structural et que c’est là depuis le début. »  Il a qualifié cette déformation d’excessive, non acceptable et non conforme aux normes.

[65]       Monsieur Paquette écrit dans sa lettre du 5 mai 2009 à l’Administrateur « on voit clairement une courbure importante dans le mur; je me suis rendu compte de cet important défaut aujourd’hui seulement ».

[66]       Cette malfaçon aurait dû être dénoncée lors de l’inspection pré-réception puisqu’elle est si importante et visible depuis le début.

[67]       Bref, selon la preuve présentée, les points 14, 15, 16 et 17 ne sont pas la manifestation de problèmes engendrés par des vices cachés, mais étaient existants et visibles dans la première année de la garantie.

[68]       Les malfaçons n’ayant pas été dénoncées au moment et dans le délai prescrit, je dois maintenir la décision de l’Administrateur sur les points 14, 15, 16 et 17, conformément aux exigences de l’article 27 du « Règlement ».

 

Point 11. Coin de métal et têtes de vis (25 juin 2009)

Point 9. Coins de métal et têtes de vis (18 octobre 2010)

La preuve :

[69]        L’Administrateur a rejeté le point 11 (et le même point 9 du rapport du 18 octobre 2010) au motif que les réparations rendues nécessaires par un « comportement normal des matériaux lors de leur assèchement après la livraison de l’unité » sont exclues, tel que stipulé à l’article 6.7.2 du contrat de garantie.

[70]        Le 30 janvier 2009, les Bénéficiaires ont dénoncé à l’Administrateur que « les retouches de peinture appliquées après les réparations des trous ou boursouflures… demeurent visibles à certains endroits… ».

[71]        Le 6 mars 2009, les Bénéficiaires ont dénoncé à l’Administrateur que « la languette de gypse s’est carrément décollée…spontanément ces dernières semaines ».

[72]        L’expert Bossus explique que les coins de métal ont été mal posés et que le décollage des coins et l’apparition des têtes de vis est dû au séchage et à la compression.

[73]        Normand Pitre est en partie d’accord avec l’expert Bossus sur l’identification de la cause, soit l’assèchement et la compression mais non sur le fait que les travaux ont été mal faits.

[74]        Interrogé par Me De Andrade, Normand Pitre témoigne à l’effet que l’absence d’humidificateur a, en toute probabilité, accéléré l’assèchement des matériaux.

L’analyse :

[75]       Selon les Bénéficiaires, le coin s’est décollé au printemps 2009.

[76]       L’expert Bossus explique dans son rapport que le problème observé n’est pas un cas de séchage mais plutôt de mauvaise mise en œuvre.

[77]       Par contre, dans son témoignage, M. Bossus, commentant les photos qu’il a prises de deux coins de métal, explique qu’il s’agit d’un problème de compression dans l’escalier car l’ouverture se prolonge sur plusieurs étages. Il rejoint ainsi le témoignage du conciliateur Pitre qui attribue la cause à un assèchement et à la compression des matériaux.

[78]       La preuve a établi qu’il n’y avait pas d’humidificateur dans l’unité d’habitation à l’hiver 2008-2009. Considérant que ce phénomène s’est produit « spontanément » près de 10 mois après la réception, le soussigné est d’avis que la thèse du séchage des matériaux à la suite de la saison de chauffe est crédible et que la situation est exclue de la garantie par l’article 29 du « Règlement » :

29.   Sont exclus de la garantie:

  […]

  2°    les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements;

[79]        La décision de l’Administrateur est maintenue sur ces points.

 

Point 12. Infiltration d’air par la porte d’entrée (25 juin 2009)

Point 7. Cadre de la porte d’entrée (18 octobre 2010)

La preuve :

[80]        L’Administrateur a rejeté ces points au motif que la situation dénoncée n’a pas été observée lors de l’inspection du conciliateur Pitre et n’a pas été suivie d’une demande de vérification des Bénéficiaires par la suite, au moment où aurait pu être constaté le problème d’infiltration d’air tel que demandé.

[81]        D’après le témoignage de monsieur Paquette, le problème aurait été porté à sa connaissance le 29 janvier 2009 par le serrurier qu’il a mandaté pour changer la serrure. La situation a été dénoncée le lendemain, le 30 janvier.

[82]        Selon l’expert Bossus, le cadre de la porte est gauchi et devrait être réinstallé à l’aide de cales car la déformation observée dépasse les tolérances acceptables.

[83]        Selon le conciliateur Pitre, la porte est bien appuyée sur le cadre et l’étanchéité n’est pas en cause. Il ajoute que la lumière perceptible dans le jambage est l’effet de la lumière qui passe au travers du coupe-froid translucide.

[84]        Me Duquette argumente que le cadre doit être réinstallé tel que le recommande l’expert Bossus puisqu’il y a infiltration d’air et qu’on voit la lumière dans le jambage.

[85]        Me De Andrade rappelle qu’il n’y a pas eu d’avis pour constater le problème et que l’expert Bossus ne parle pas d’infiltration d’air.

L’analyse :

[86]       Le problème d’installation du cadre de la porte qui permettrait l’infiltration d’air, a été dénoncé par les Bénéficiaires le 30 janvier 2009, soit le lendemain de sa découverte par le serrurier. L’Administrateur n’a pu constater l’existence de ce problème lors de l’inspection en juin 2009 et a demandé que lui soit rapporté le phénomène lors de sa manifestation afin qu’il puisse en prendre acte.

[87]       Bien que l’expert Bossus ait noté une déformation du cadre du côté du pêne, il n’a pas rapporté le problème d’infiltration d’air, son inspection ayant eu lieu en été.

[88]       Force est de conclure que les Bénéficiaires n’ont pas fait la preuve de l’existence du problème dénoncé alors qu’ils avaient le fardeau de convaincre le Tribunal, tel qu’établi par la jurisprudence dont notamment dans la décision[5] rendue par l’arbitre Me Johanne Despatis :

[29] En cette matière, la charge de la preuve repose sur les bénéficiaires et le tribunal d’arbitrage doit, comme c’est la règle, l’apprécier au regard de la norme de la prépondérance.

[89]        La décision de l’Administrateur est maintenue sur ces points.

 

Point 19. Tache au plafond dans la chambre #1 (25 juin 2009)

Point 21. Tache au plafond du sous-sol (25 juin 2009)

La preuve :

[90]        Des réparations ont été faites localement aux plafonds. Deux d’entre elles sont apparentes selon le témoignage de monsieur Paquette, même s’il est difficile de les apercevoir sur les photographies déposées en preuve. Il ajoute plus spécifiquement qu’elles ne sont pas visibles sur la photographie numéro 90 du rapport de l’expert.

[91]        La réclamation des Bénéficiaires a été rejetée par l’Administrateur au motif qu’il s’agit de travaux correctifs exécutés localement et qu’on ne peut exiger de repeindre toute la surface du plafond car il est normal que les retouches soient apparentes. On lit dans la décision au point 21, que ces réparations sont exclues car « la situation est attribuable au comportement normal des matériaux lors de leur assèchement après la livraison de l’unité résidentielle. »

[92]        Selon l’expert Bossus, les réparations devraient être reprises et les plafonds devraient être repeints au complet en continu.

[93]        Normand Pitre témoigne à l’effet que les retouches ponctuelles sont pratique courante et qu’ «avec le temps ça va disparaître ».

[94]        Me De Andrade argue que le plan de garantie n’a pas pour mission de régler des questions d’esthétisme mais de corriger les vices et malfaçons.

L’analyse :

[95]       Les Bénéficiaires demandent que les réparations (retouches) soient reprises et que les plafonds soient repeints au complet.

[96]       Lors de la visite des lieux, le soussigné a dû porter une grande attention aux réparations pour percevoir la différence de texture et de teinte de la peinture aux plafonds.

[97]       Le soussigné partage l’avis de l’Administrateur à l’effet que les « retouches » font partie des méthodes généralement répandues dans la construction pour corriger certains problèmes tel qu’en fait état aussi l’arbitre Fournier [6]:

« [48] Quant aux différences de teinte des retouches par rapport à la peinture originale, il est pratiquement impossible d’avoir une teinte identique avec une peinture fraîche posée sur une peinture appliquée depuis un certain temps puisque la couleur de celle-ci peut s’altérer avec le temps. »

[98]       La question qui se pose ici est de déterminer si la qualité du travail effectué respecte les règles de l’art.

[99]       La Régie du bâtiment du Québec donne dans ses publications grand public[7] une définition des règles de l’art:

Règles de l’art : Ensemble des techniques et pratiques de construction reconnues, approuvées ou sanctionnées. Ces règles ont un caractère évolutif car les méthodes de construction, les équipements et les matériaux disponibles évoluent constamment.

Elles trouvent notamment leurs sources dans les documents suivants:

·           les instructions ou guides fournis par les fabricants d’équipements ou de matériaux entrant dans la construction des immeubles;

·           les normes ou standards publiés par les organismes de normalisation;

·           les lois ou règlements contenant des prescriptions obligatoires relativement à l’ouvrage à construire;

·           les publications scientifiques ou techniques utilisées à des fins d’enseignement des professions ou des métiers, ou servant à la diffusion du savoir le plus récent.» 

[100]    Dans ce cas-ci, l’appréciation du travail accompli repose davantage sur des bases subjectives que sur des écarts aux normes et pratiques reconnues.

[101]    Compte tenu du fait que la preuve présentée n’a pas permis d’établir qu’il s’agissait d’une intervention anormale aux effets démesurés, je suis d’avis que les retouches difficilement perceptibles, résultant d’une pratique habituelle et raisonnable dans la construction, ne peuvent être assimilées à un vice ou une malfaçon au sens du « Règlement ».

[102]    La décision de l’Administrateur est  maintenue sur ces points.

 

Point 2.   Dénivellation des planchers (18 octobre 2010)

Point 3.   Espacement entre les lattes (18 octobre 2010)

Point 5.   Mur du vestibule (18 octobre 2010)

Point 6.   Porte d’entrée (18 octobre 2010)

Point 11. Joint de placoplâtre le long du mur du salon (18 octobre 2010)

Point 13. Nez des marches d’escaliers (18 octobre 2010)

La preuve :

 

[103]     La réclamation relative à ces points a été faite le 2 juin 2010.

[104]     Pour justifier le rejet de tous ces points, qui ont fait l’objet du rapport complémentaire en date du 18 octobre 2010, l’Administrateur a invoqué le fait qu’ils ont été dénoncés à la fin de la deuxième année de la garantie et qu’il ne pouvait qualifier les situations dénoncées de vices cachés. Ainsi, selon lui, le délai raisonnable de 6 mois pour dénoncer les malfaçons découvertes n’a pas été respecté.

[105]     Quant au point 2, dénivellation des planchers, les Bénéficiaires dénoncent le fait que les planchers ne sont pas de niveau dans la cuisine et le boudoir.

[106]     Monsieur Paquette dit avoir rapporté ce problème à l’Entrepreneur dans sa lettre du 2 juin 2008. Selon son témoignage, ce dernier lui aurait dit que cette situation était conforme aux normes.

[107]     Selon Normand Pitre, il n’y a rien d’apparent pour qualifier les dénivellations d’anormales.

[108]     Me  De Andrade argue que le problème est tellement minime qu’il ne peut être considéré comme un vice caché. Pour appuyer son argumentation, celui-ci cite le paragraphe 35 d’une décision[8] rendue par le soussigné le 10 novembre 2010 qui se lit ainsi :

[35]   Pour l'application de l’article 10.4o du Règlement, il y a lieu de se référer à l’article 1726 du Code civil du Québec qui définit ainsi la notion de vices cachés:

1726.  Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

[109]     Me De Andrade dépose aussi la décision[9] rendue par l’arbitre Jean Morissette le 12 septembre 2006, et se référant à l’article 52, il conclut que ce problème ne peut relever de la garantie sur les vices cachés :

[52]   Un vice caché doit être tel qu’il atteint à la qualité, à la sécurité ou à l’utilisation de l’ouvrage […]

[110]     Quant au point 3, espacement entre les lattes, monsieur Paquette témoigne à l’effet que certaines lattes de planchers présentent un espacement important à leurs extrémités, à l’endroit où des ouvertures ont été pratiquées pour l’installation des grilles de ventilation.

[111]     Normand Pitre indique que le problème dénoncé était visible, donc qu’il ne peut être traité comme étant un vice caché.

[112]     Me De Andrade reprend l’argument précédent à l’effet que le problème était visible et qu’il ne répond pas aux critères de l’article 1726 du Code Civil du Québec.

[113]     Quant au point 5, Mur du vestibule, le problème soulevé semble difficile à décrire par monsieur Paquette. Il s’agirait du même problème de courbure du mur du vestibule qui a été traité au point 14 de la décision du 25 juin 2009.

[114]     Bien que ce puisse être apparent, Me Duquette arque que ce n’est pas facile à observer à l’inspection-réception des travaux pour une personne normale qui n’est pas experte en matière de construction.

[115]     Me De Andrade, s’appuyant sur les critères applicables aux vices cachés, rappelle qu’il s’agit d’une situation apparente dénoncée tardivement.

[116]     Quant au point 6, Porte d’entrée, interrogé par Me Duquette, monsieur Paquette explique qu’il s’agit de la clenche de la porte d’entrée qui frotte sur le cadre de la porte et qui crée une trace noire sur la peinture du cadre. Il indique que ce point n’a pas été dénoncé à la garantie et n’est pas dans le rapport de l’expert Bossus.

[117]     Me De Andrade plaide qu’il s’agit d’une situation apparente que ne rencontrent nullement les critères du vice caché.

[118]     Quant au point 11, joint de placoplâtre le long du mur du salon, monsieur Paquette témoigne à l’effet que son agente d’immeuble lui a fait remarquer que le mur du salon n’était pas parfaitement plat lorsqu’on le regardait sous un certain angle et avec un éclairage particulier. Monsieur Paquette confirme que le problème n’est pas visible le soir mais seulement le jour.

[119]     L’expert Bossus constate que le mur est bombé et que la situation se corrige par un glaisage.

[120]     Interrogé par Me De Andrade, monsieur Paquette admet que « ce n’est pas facilement détectable et qu’il faut être dans l’axe ».

[121]     S’adressant à l’expert Bossus, Me De Andrade s’interroge sur les règles applicables en de tels cas, ce à quoi celui-ci répond qu’il fait appel à son expertise.

[122]     Normand Pitre affirme que ça prend une condition spéciale pour détecter une telle situation qui probablement n’aurait pas été constatée si la pièce avait été meublée.

[123]     Me Duquette plaide que les témoignages démontrent qu’on est en présence de malfaçons non apparentes.

[124]     Me De Andrade ajoute ironiquement « qu’on va à la pêche pour trouver des problèmes » et qu’il ne peut s’agir d’un vice caché affectant la qualité, la sécurité ou l’utilisation de l’immeuble.

[125]     Quant au point 13, Nez des marches, monsieur Paquette indique que la dimension du nez des marches varie de 1 ¼ pouce à 1 ½ pouce  alors que la norme est de 1 pouce. Il ajoute que ce constat lui a été fait lors de la visite de l’expert Bossus en août 2009.

[126]     Interrogé par Me De Andrade quant à la solution pour régler cette situation, Stéphane Bossus soumet qu’on peut changer la marche pour une autre plus étroite ou « vivre avec ».

[127]     Normand Pitre confirme la non-conformité mais n’a constaté aucun inconfort ni insécurité lors de l’utilisation de l’escalier.

[128]     Considérant le niveau d’expertise requis pour détecter un tel problème, Me Duquette argue que cette non-conformité au Code doit être considérée comme un vice caché.

[129]     Me De Andrade dépose une décision de la Cour d’appel[10] datée du 6 janvier 1998 qui se lit ainsi à l’article 4 de l’opinion du juge Pidgeon :

« Les appelants prétendent que les travaux ne respectent pas les diverses dispositions du Code national du Bâtiment et que ce défaut devrait entraîner la responsabilité de constructeur. Or ces normes qui garantissent, d’après les données actuelles de la science et de la technique, une construction exempte de vices et de défauts … ne sont pas obligatoires pour l’entrepreneur en construction. »  

[130]    Me De Andrade argue qu’il n’y a aucune preuve de dommage et qu’en plus, l’expert Bossus considère qu’une des solutions alternatives  est de « vivre avec ». Il ajoute que la dénonciation a été faite le 2 juin 2010, soit 7 mois après la découverte de la situation en août 2009, de telle sorte que le délai de 6 mois pour dénoncer le problème, n’a pas été respecté.

L’analyse :

[131]    La couverture de la garantie est établie ainsi à l’article 27 du « Règlement » :

27.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

  1°    […]

 

 3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

  4°    la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

[132]    Pour être examinée sous l’angle des malfaçons, la réclamation doit répondre à deux critères : la découverte  a été faite dans la première année de la garantie et la dénonciation a été faite dans un délai maximum de 6 mois.

[133]    Ces points ayant été dénoncés en juin 2010, soit plus de deux ans après la réception des travaux, je partage la position de l’Administrateur à l’effet que, dans une telle situation, la réclamation ne peut être analysée que sous l’angle des vices cachés (article 27.4o).

[134]    L’article 1726 définit ainsi les vices cachés :

            1726.  Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

[135]    Quant au point 2, le témoignage de Pitre est à l’effet que la dénivellation est à peine perceptible et ne peut être ressentie en marchant.

[136]    L’expert Bossus n’a pas traité ce point dans son rapport.

[137]    Dans ce cas-ci, les Bénéficiaires n’ont pris aucune mesure ni fait aucune preuve de désordre structural ou encore de non-conformité aux codes ou aux normes de tolérances reconnues.

[138]    Quant au point 3, il a été dénoncé que l’extrémité des lattes de bois présentait un écartement à certains endroits près des grilles de ventilation.

[139]    Cette situation visible depuis longtemps n’a pas une gravité telle qu’il faudrait la qualifier de vice caché.

[140]    Quant au point 5, cette situation a déjà été dénoncée et traitée au point 14 de la décision du 25 juin 2009. De plus aucun élément nouveau n’a été apporté en preuve.

[141]    Quant au point 6, aucune preuve n’a été faite par les Bénéficiaires à l’effet que le frottement du pêne sur le cadre de la porte pouvait être la conséquence d’un vice caché.

[142]    Quant au point 11, le procureur des Bénéficiaires a plaidé que le bombement du mur constituait une malfaçon non apparente.

[143]    D’autre part, l’expert Bossus  a expliqué que le problème se réglait par un glaisage des surfaces.

[144]    La preuve n’a pas été faite que ce problème avait une gravité telle qu’on pourrait lui attribuer les critères du vice caché.

[145]    Quant au point 13, il a été mis en preuve par l’expert Bossus que la longueur du nez de certaines marches excédait de ¼ à ½ pouce la dimension maximale de 1 pouce prescrite selon les normes du Code du national du bâtiment.

[146]    Appelé à se prononcer sur la gravité du problème, l’expert Bossus a avancé qu’une des solutions était de « vivre avec »!

[147]    Il y a lieu de rappeler que le jugement rendu par la Cour d’appel en janvier 1998, auquel se réfère Me De Andrade, pour argumenter que le respect du Code n’est pas obligatoire, est antérieur à l’adoption du « Règlement ».

[148]    Une jurisprudence abondante en arbitrage a établi que le manquement aux règles de l’art  et le non-respect des normes constituent une malfaçon couverte par l’article 27 du « Règlement ».

[149]    Cependant, je partage l’avis de l’arbitre Jeanniot[11], sur un cas semblable à celui-ci, à l’effet qu’une telle non-conformité antérieurement acceptable avant sa découverte par l’expert, ne peut se qualifier comme vice caché :

[5] « A: Hauteur de l’échappée »

Force nous est de constater que sous l’extrémité du prolongement du plancher de l’étage, l’échappée n’est que de soixante-quinze (75) pouces (1.91 mètres) alors que la norme exigée est de soixante-seize point huit (76.8) pouces (1.95 mètres).

 

[6] L’éveil sur cet élément et/ou situation n’origine pas des Bénéficiaires mais plutôt de leurs lectures d’un rapport commandé par les Bénéficiaires plus de deux (2) ans après leur prise de possession du bâtiment.

 

[7] Cette anormalité n’est pas évidente sans toutefois pouvoir se qualifier comme «vice caché ». Il s’agit donc à mes yeux d’une malfaçon, une condition qui aurait due (sic) être révélée dans le cadre d’une inspection préoccupation. Bien que j’ai questionné quant à la présence et/ou l’existence d’une telle inspection, les Bénéficiaires n’ont pu répondre. Les Bénéficiaires ont par contre soulevé une insatisfaction avec la hauteur de l’échappée, une insatisfaction dont l’origine remonte à leur prise de possession. La non-conformité avec le Code du Bâtiment de la hauteur de l’échappée fut connue après deux (2) ans d’occupation, suite à la réception du rapport commandé. Bien que j’accepte que l’acquis de la connaissance des normes exigées au Code National du Bâtiment ont rendu aux yeux des Bénéficiaires inacceptable, ce qui autrefois semblait à peine tolérable, le délai de vingt-quatre (24) mois excède d’approximativement dix-huit (18) mois le délai dans lequel les découvertes de malfaçons doivent être dénoncées à l’Administrateur (encore que l’argument que cette malfaçon était décelable lors de la prise de possession de l’unité résidentielle ne serait pas dépourvu de tout bon sens).

[8] Par conséquent, cet aspect de la plainte est rejeté.

[150]    Considérant que les anomalies dénoncées tardivement ne peuvent se qualifier comme vices cachés, je maintiens la décision de l’Administrateur sur les points 2, 3, 5, 6, 11 et 13.

 

Point 9. Plancher de latte de bois (25 juin 2009)

La preuve :

[151]    L’Administrateur a rejeté la réclamation concernant la présence d’espacements entre les lattes de bois au motif que le problème est causé par un manque d’humidité dans l’unité de logement. La décision se lit ainsi :

« …Il a été fortement conseillé au bénéficiaire de procéder à l’installation d’un humidificateur sur le système central et de vérifier que le taux d’humidité à l’intérieur de l’unité se maintiendra entre 40% et 45% à longueur d’année à défaut de quoi, les espacements deviendront permanents sur la superficie totale du plancher de lattes de bois compte tenu que les cellules du bois auront été asséchées.

Par conséquent, La garantie Qualité Habitation ne peut reconnaître ce point dans le cadre de son mandat, celle-ci (sic) étant directement reliée avec l’usage et l’entretien fait par le bénéficiaire de son unité.

De toute évidence, la situation constatée est reliée avec le contrôle d’humidité à l’intérieur de la propriété. »

[152]    Interrogé par Me Duquette, M. Paquette témoigne à l’effet qu’il a visité le chantier à quelques reprises et a observé que la pose du gypse s’est faite en mars 2008. Il ajoute  que le 31 mars, le plancher n’était pas encore installé.

[153]    M. Paquette précise avoir dénoncé le problème des espacements entre les lattes dans sa lettre à l’Entrepreneur le 7 décembre 2008.

[154]    D’après son témoignage, il dit avoir rencontré le sous-traitant en plancher de bois, M. Gruslin, le 8 décembre. Ce dernier lui aurait dit d’utiliser un humidificateur, de mettre de l’eau dans le bain et de ne pas utiliser l’extracteur d’air de la salle de bain pour contrer le manque d’humidité.

[155]    M. Paquette poursuit son témoignage en affirmant n’avoir jamais reçu de guide d’utilisation de l’échangeur d’air ni de cahier d’instructions relativement au contrôle de l’humidité dans l’unité. Il ajoute avoir appliqué les recommandations du sous-traitant Gruslin à partir de décembre 2008.

[156]    Appelé à témoigner pour les Bénéficiaires, Stéphane Bossus présente les constats notés dans son rapport. Notamment, lors de sa visite du 11 août 2009, il dit avoir observé plusieurs écartèlements entre les lattes dans le salon, la salle à manger et à l’étage.

[157]    Utilisant un vernier, il a mesuré des espacements de 1/8 pouces et plus à certains endroits. Il a noté aussi des décrochements verticaux et des « signes de gondolement et d’ondulation »[12].

[158]    Bossus dit avoir enregistré un taux d’humidité variant de 6.5% à un peu plus de 7.5% à même les lattes de bois alors que le taux d’humidité dans l’air était de 51.4% à une température ambiante de 72.10 F. Selon le tableau du manuel Wood as an Engineering Material, le taux d’humidité dans le bois devrait varier de 8.5% à 9.2% dans de telles conditions.

[159]    Bossus explique à l’aide de son rapport que la cause la plus probable d’une telle situation est que « le bois des lattes était probablement trop sec lors de son installation et que celui-ci n’a pu s’ajuster à l’humidité ambiante des pièces. »

[160]    Appelé à témoigner, Jean Gruslin de l’entreprise Les planchers québécois ltée, dit avoir rencontré le bénéficiaire Paquette et avoir constaté un rétrécissement dû à la sécheresse.

[161]    Me Duquette dépose le rapport de l’installateur daté du 8 janvier 2008. On y lit un taux d’humidité du bois de 7%  et un taux d’humidité du faux-plancher de 9% lors de l’installation.

[162]    Contre-interrogé par Me Duquette, M. Gruslin dit avoir installé le plancher en mai 2008  et non en janvier, et que la date du 8 janvier 2008 inscrite sur son « rapport de l’installateur » est une erreur.

[163]    Mandaté par le sous-traitant en plancher, l’architecte Felice Vaccaro est appelé à témoigner sur son rapport.[13] Il indique qu’il a visité les lieux le 10 décembre 2009 et qu’il n’a pas remarqué d’espacement supérieur à 1/16 de pouce. Avec photographies à l’appui, il témoigne à l’effet que les lames de bois sont bien fermées (sauf 4) au rez-de-chaussée. À l’étage, il n’a observé aucune anomalie tandis qu’à la mezzanine, il a observé un écartèlement entre deux lames. Il a aussi mesuré des taux d’humidité variant de 6.1% à 6.9% dans les lattes à différents endroits.

[164]    M. Vaccaro conclut en disant ne pas avoir observé les désordres (ondulations, décrochements verticaux, écartèlements anormaux) mentionnés par l’expert Bossus. Il ajoute qu’il y a eu un assèchement des lattes dû à un mauvais contrôle de l’humidité et que le problème n’est pas causé par une défaillance du sous-plancher, auquel cas une déformation des lattes « cupping » aurait été visible. Ce qu’il a vu est, selon lui, dans les limites de tolérance du guide de l’APCHQ.

[165]    Témoignant pour l’Entrepreneur, M. Martin Côté, explique que l’humidificateur n’a pas été fourni ni installé par Axxco. Cet équipement pouvait être ajouté en « extra » mais ce n’était pas inclus dans ce contrat. Il ajoute que le problème de plancher dénoncé par les Bénéficiaires est le seul sur des dizaines de cas similaires.

[166]    Selon M. Pitre, le 7 mai 2009, il n’y avait pas d’humidificateur dans l’unité de logement, ce qui explique l’assèchement et il n’y a pas de problème de sous-face du plancher car il n’a pas observé de gondolement des lattes.

[167]    M. Pitre est retourné visiter les lieux en septembre 2010 et dit avoir trouvé le plancher dans un état acceptable. Il n’y avait pas d’espace entre les lattes selon son témoignage.

[168]    Contre-interrogé par Me Duquette, M. Pitre affirme qu’en septembre, les lattes avaient repris leur gonflement normal et que le phénomène « irréversible » ne s’était pas concrétisé.

[169]    Afin d’apporter un complément d’expertise, les experts Pitre et Bossus font une nouvelle visite pour inspecter les lieux, le 3 juin 2011.

[170]    Dans son rapport complémentaire, M. Bossus, dit avoir observé plusieurs ouvertures dans les planchers variant au rez-de-chaussée de 1/32 de pouce à un peu plus de 1/8 de pouce à l’étage.

[171]    L’humidité mesurée dans les lattes à ce moment-là variait de 6% à 7.1% alors que l’humidité de l’air était de 45.2% à une température ambiante de 65.4oF, ce qui fait dire à l’expert Bossus que le « plancher est en état de perte ».

[172]    M. Bossus a effectué une autre visite seul le 11 octobre 2011 et dit avoir fait le même constat. « La molécule du bois ne sera pas rétablie, la situation est irréversible. »

[173]    Contre-interrogé par Me De Andrade, l’expert Bossus confirme que l’humidité ait pu tomber trop bas mais qu’il n’a pas pris de mesure durant la période de chauffe. Il répond de façon affirmative à la question de Me De Andrade à savoir que le taux d’humidité peut être plus bas lorsqu’un condo est inoccupé comparativement à un autre qui serait habité, puisque l’activité humaine génère de l’humidité.

[174]    En argumentation, Me Duquette plaide que les Bénéficiaires n’ont reçu aucun guide d’entretien et que l’installation d’un humidificateur n’est pas prévue dans le contrat alors que ça semble si important.

[175]    Me Duquette argue qu’il n’y a pas eu prise de mesure du taux d’humidité lors de l’installation et qu’on ne peut s’appuyer sur un rapport de l’installateur invalide et douteux puisqu’il est daté de janvier 2008, soit plusieurs mois avant l’installation du plancher.

[176]    Me Duquette ajoute que le taux d’humidité dans la latte ne varie presque pas malgré la variation du taux d’humidité de l’air ambiant. Il y a donc assèchement permanent. L’unité ayant été utilisée de façon normale on ne peut imputer la responsabilité aux Bénéficiaires car c’est l’Entrepreneur qui a une obligation de résultats.

[177]    Pour appuyer son argumentation, Me Duquette dépose la décision[14] de l’arbitre Morissette qui se lit ainsi aux paragraphes 72 et suivants :

[72]      « Si un humidificateur devait être installé pour maintenir le taux d’humidité relative de manière à faire obstacle aux effets naturels du séchage de la fibre de bois, cet équipement devait alors faire partie de la construction proposée par l’entrepreneur aux bénéficiaires. La preuve est à l’effet que l’entrepreneur n’a pas inclus cet humidificateur dans son contrat de type clé en main et n’a suggéré cet équipement qu’en février 2005. Avant sa lettre, A-4, les bénéficiaires n’avaient pas reçu d’information sur ce sujet.

[…]

[78]      Si un humidificateur devait être installé, il appartenait à l’entrepreneur de le spécifier aux bénéficiaires et de le prévoir dans son contrat de type clé en main. L’entrepreneur a toujours dit que l’installation d’un humidificateur était de la responsabilité des usagers et je ne suis pas de cet avis. Son avis de maintenir un taux d’humidité relative contenu dans son courrier du 1ier février 2005, pièce A-4, ne peut servir à renverser sa responsabilité dans la présente affaire. »

[178]    Me Duquette dépose une décision[15] de l’arbitre Marcel Chartier afin d’appuyer son argumentation à l’effet qu’on ne peut reprocher à un bénéficiaire de ne pas découvrir rapidement un problème majeur alors qu’il est difficile pour un expert de le déceler :

[16]      « Si une experte comme Mme Tremblay trouve que c’est mineur du côté nord et qu’elle ne voit rien du côté sud, comment le bénéficiaire qui est un profane peut-il soupçonner que la toiture comporte des vices cachés?

[…]

[18]      Comment peut-on reprocher à un profane de n’avoir pas dénoncé les vices majeurs mais seulement ce qui était mineur? En fait, ces vices majeurs étaient des vices cachés en dessous du toit.

[…]

[23]      Donc, de la découverte plus sérieuse en août 2006, le bénéficiaire n’a pris que quelques jours pour aviser l’administrateur et non pas 6 mois. »

[179]    L’Entrepreneur argumente que la décision citée par le procureur des Bénéficiaires ne peut être considérée car on y fait référence à un projet « clé en main », alors que le contrat signé par les Bénéficiaires est un contrat de construction comportant des options et pour lequel ils ont payé plus de 17,000$ en extras[16].

[180]     Finalement Me De Andrade représente qu’il faut se questionner sur la crédibilité de l’expert Bossus qui a endossé clairement la cause de son client en utilisant un vocabulaire démesuré pour qualifier ses observations. À cet effet, le procureur de la garantie cite la décision  de l’Honorable Monique Fradette qui se lit ainsi :

[88]      « La crédibilité des experts doit, quant à elle, être évaluée en tenant compte du rôle d’un témoin expert. Celui-ci doit éclairer le tribunal et non d’être l’avocat d’une partie.

[89]      L’expert se doit avant tout d’être impartial. Le témoin expert doit, par sa compétence spécialisée, aider le tribunal à apprécier une preuve sur des questions scientifiques ou techniques.

[90]      Malheureusement, il est apparu au Tribunal que l’expert des demandeurs […] n’a pas compris son rôle d’expert devant le Tribunal. Loin d’être impartial, celui-ci a manifestement « épousé » la cause de ses clients. »

[181]    En réponse à cet argument, le procureur des Bénéficiaires s’interroge sur le fait qu’il y aurait alors lieu de questionner aussi la crédibilité de l’expert de la garantie qui est un salarié de l’Administrateur.

L’analyse :

[182]    La question qui se pose dans ce cas-ci est de déterminer si l’écartèlement des lattes de bois constitue un vice ou une malfaçon couvert par l’article 27 du « Règlement ».

[183]    L’argument des Bénéficiaires est à l’effet que la cause probable de ce désordre serait une mauvaise installation du plancher.

[184]    Les faits relatifs à l’absence d’humidificateur et l’inoccupation des lieux pendant les premiers mois suivant la réception de l’unité ont été mis en preuve et n’ont pas été contestés.

[185]    Considérant cette situation comme aggravante, l’Administrateur argumente que la cause du problème est un manque de contrôle du taux d’humidité résultant d’une mauvaise utilisation du bâtiment de la part des Bénéficiaires,

[186]    Les données d’installation contenues dans le « rapport de l’installateur », ne peuvent être retenues en preuve. Par ailleurs, aucune autre n’a été faite par les Bénéficiaires à l’effet que l’installation du plancher est déficiente.

[187]     L’expert Bossus ayant soumis que la cause probable est le taux d’humidité trop bas dans les lattes lors de l’installation, ne rejette pas que d’autres causes potentielles puissent expliquer la situation, comme le suggère l’Administrateur.

[188]    Me Duquette a longuement plaidé que, malgré les différentes causes probables, on ne pouvait retenir la faute des Bénéficiaires alors que l’Entrepreneur a admis ne pas avoir fourni de guide ou d’instructions aux Bénéficiaires en regard des précautions à prendre pour préserver le plancher contre la dégradation causée par un manque d’humidité.

[189]    Argumentant que l’Entrepreneur avait une obligation de résultat, Me Duquette a rappelé la décision de l’arbitre Morissette qui conclut que l’entrepreneur aurait dû fournir un humidificateur puisque celui-ci était requis dans le projet clé en main.

[190]    Le contrat signé par les Bénéficiaires est un contrat de vente comportant plusieurs options et une liste d’extras en annexe. La  décision de l’arbitre Morissette n’est pas pertinente dans ce dossier puisque le contrat en cause n’en est pas un de type « clé en main » où le donneur d’ouvrage demande des propositions pour la construction d’un immeuble répondant à ses besoins particuliers et aux performances qu’il a définies.

[191]    D’autre part, dans une décision[17] rendue le 15 septembre 2006, dans un cas similaire à celui-ci, l’arbitre Jeanniot s’exprime ainsi quant à la responsabilité de l’Entrepreneur d’avoir omis de fournir des instructions ou renseignements sur la façon d’utiliser l’unité d’habitation :

« [18] Je constate d’ailleurs que les interstices les plus prononcés sont autour des trappes d’aération, ce qui appuie la thèse que l’humidité ambiante (et/ou l’air sec circulé par le système d’air pulsé) en est la cause principale.

[19] Même si mon constat des espacements entre les lattes du plancher me laisse croire que certaines d’entre elles sont excessives, il s’agirait d’une réaction normale considérant le bas taux d’humidité subi par les planchers. Pour cette raison, je ne pourrai donner suite à ce poste de réclamation.

 

[20] D’ailleurs, je rappelle qui est exclu de la couverture du Plan de Garantie de l’Administrateur :

« Les réparations rendues nécessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécissements (art. 12.20 du Règlement)»

et

« Les réparations rendues nécessaires par une faute du Bénéficiaire, tel que l’entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment (…) etc… (art. 12.2 du Règlement) ».

[21] L’Administrateur renchérit et plaide que puisque le plancher a déjà été en très bonne condition, pour lui c’est un signe indéniable que tout dommage et/ou problème de rétrécissement excessif fut causé par une baisse, elle aussi excessive dans le taux d’humidité.

 

[22] Nous savons que l’obligation de l’Entrepreneur qui découle de la Loi et du Code civil est beaucoup plus large que celle de l’Administrateur, laquelle (obligation et responsabilité) se limite à ce qui est prévu au Règlement.

 

[23] Je rappelle que les Bénéficiaires sont en demande et qu’à cet effet, ils ont le fardeau de la preuve et doivent démontrer qu’une situation est incorrecte, en quel cas qu’ils ne sont ni auteur et/ou autrement responsable de cette situation, en quel cas, l’Administrateur devra (à l’intérieur des paramètres du Plan de Garantie) faire honneur à ses obligations.

 

[24] Nul ne peut plaider sa propre turpitude et aussi regrettable soit-elle, l’absence de donnée et/ou avertissement de l’Entrepreneur aux Bénéficiaires (quant au taux d’humidité recommandé pour le maintien des planchers de bois) n’est pas une faute attributive de responsabilité en vertu du Règlement sur le Plan de Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs. »

[192]    Le Tribunal en vient à la conclusion, selon la prépondérance de la preuve, que la faute de l’Entrepreneur n’a pu être établie quant au problème d’écartèlement des lattes de bois, dans ce dossier.

[193]     En conséquence, en vertu de l’article 12.2o du « Règlement », la décision de l’Administrateur est maintenue sur le point 9.

 

DÉCISION :

[194]    L’arbitre doit statuer « conformément aux règles de droit;  il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient (art. 116 du Règlement).

[195]    À titre d’Arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie du bâtiment du Québec (art. 107 du Règlement) à trancher tout différend découlant de l'application du plan de garantie. 

[196]     La décision doit prendre appui sur le texte du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[197]    En vertu de l’article 123 du Règlement, l’arbitre doit statuer sur les coûts d’arbitrage :

« 123.   Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts. »

[198]    Puisqu’il y a eu entente sur certains points, l’arbitre considère que les Bénéficiaires ont eu partiellement gain de cause.

[199]    Le procureur des Bénéficiaires a déposé une requête pour le remboursement des honoraires de l’expert dont le montant total s’élève à 3 405,68$.

[200]    En vertu de l’article 38 du Règlement, « l'arbitre doit statuer, s'il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel. »

[201]    Considérant que le témoignage de l’expert Bossus a éclairé le tribunal sur le comportement du plancher en lattes de bois lorsqu’il est soumis à diverses conditions d’humidité, l’arbitre est d’avis que seuls les frais portant sur ce sujet sont pertinents et méritent d’être analysés. Par contre, le soussigné est aussi d’avis que la contribution de l’expert n’a pas permis de déterminer de façon probante, dans ce dossier, la cause du désordre qu’il a rapporté. Ainsi les frais pertinents de 2 170,31$ devraient être partagés en parts égales entre les Bénéficiaires et l’Administrateur.

 

 

POUR  CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

[202]    REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires sur les points suivants;

       Décision du 25 juin 2009

3.   Grille de ventilation au plancher

9.   Plancher de latte de bois

11. Coin de métal et têtes de vis

12. Infiltration d’air par la porte d’entrée

13. Bruit de plomberie

14. Mur de vestibule courbé

15. Mur du salon dans le haut

16. Mur de l’escalier menant au sous-sol

17. Mur de l’escalier entre le deuxième et troisième

19. Tache au plafond dans la chambre  no.1

21. Tache au plafond du sous-sol

 

Décision du 18 octobre 2010 (rapport complémentaire) :

2.   Dénivellation des planchers

3.   Espacement entre les lattes

5.   Mur du vestibule

6.   Porte d’entrée

7.   Cadre de la porte d’entrée

9.   Coins de métal et têtes de vis

11. Joint de placoplâtre le long du mur du salon

13. Nez des marches d’escaliers

[203]    RÉSERVE les recours des Bénéficiaires devant un Tribunal civil, s’il y a lieu.

[204]    CONDAMNE l’Administrateur à rembourser aux Bénéficiaires des frais d’expertise de 1,085.16$.

[205]    COMDAMNE les Bénéficiaires à payer un montant de 420.00$, représentant les frais encourus lors de la remise in situ de l’audition du 11 octobre 2011, demandée par le procureur des Bénéficiaires et l’Administrateur à payer la balance des frais d’arbitrage.

 

 

 

Guy Pelletier,

Arbitre, architecte



[1] L.R.Q., c.B-1.1, r.0.2

[2] Mme Fernande Spooner et M. Pierre Bergeron c. 9020-8034 Québec Inc. (Les Entreprises Robert Gagnon) et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Alcide Fournier le 6 mars 2008.

[3] Syndicat du 1902 Frontenac c. 9175-6924 Québec Inc.et  la Garantie Qualité Habitation Inc., Me Michel A. Jeanniot, le 2 septembre 2009.

[4] Warren Roll et Kelly Goodman et Syndicat de copropriété du 2201 au 2221Harriet-Quimbly c. Groupe Maltais ((97) Inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Me Michel  A. Jeanniot, le 6 juin 2006.

[5] Élise Chevrette et Paul Laurier c. Les Constructions Révélation R.L. Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ,  Me Johanne Despatis,  le 21 janvier 2008.

[6] Syndicat de copropriété du 900 Laval,  M. François Gagnon, c. Les Maisons Zibeline Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Alcide Fournier, le 29 octobre 2005.

[7] Les mesures à prendre pour votre condo - Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, Régie du Bâtiment du Québec, 2011, p 8

[8] Prévois Guerrier et Iselande Alexandre c. Les Habitations Innovatel (2007) Inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc., Guy Pelletier, le 10 novembre 2010.

 

[9] Gérald Charest et Michèle Martin c. Sabico Construction Inc. et la Garantie Qualité Habitation, Jean Morissette, le 12 septembre 2006.

[10] Jean-Marie Paquet et Audrey Paquet c. Construction Godin & Leclers Inc. et l’Association provinciale des Constructeurs d’Habitation du Québec Inc., Les honorables Beauregard, Dussault Pidgeon, Opinion du juge Pidjeon, article 4, le 6 janvier 1998.

[11]

[12] Rapport d’expertise, CELB, Stéphane Bossus, article 4.9, 11 août 2009.

[13] Rapport de Felice Vaccaro,  dossier TEC2009-1519, 14 décembre 2009.

[14] Construction Jacques Laporte Inc.et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. et Marcel Boudreau et Gisèle Harris, Jean Morissette, le 18 décembre 2006.

[15] Sylvain Pichette et Guylaine Gélinas c. Les Constructions GYBB Inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Jean Morissette, le 20 juin 2007.

[16] Le Groupe Axxco In., Projet Les Cours Lafontaine, Extra/Crédit, 6 octobre 2007.

[17] Jacinthe Murray & Randy Murray  c. Construction Sylvain Liboiron Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, Me Michel A. Jeanniot, le 15 septembre 2006.