ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES
BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
Dossier no : GAMM : 2017-15-011
ABRITAT: 347317-1
JD : 1500-096
JPARENTEAU: 17-083JP / 309090-3
ENTRE:
MICHELINE FORTIN ET RAYNALD THEMENS
(ci-après les « Bénéficiaires »)
ET :
LES CONSTRUCTIONS ÉRIC LAFLAMME INC.
(ci-après l’« Entrepreneur »)
ET:
RAYMOND CHABOT ADMINISTAAEUR PROVISOIRE INC.
/ LA GARANTIE ABRITAT INC.
(ci-après l’« Administrateur »)
DEVANT L’ARBITRE : Me Jean Doyle
Pour les Bénéficiaires : Mme Micheline Fortin
M. Raynald Themens
Pour l’Administrateur de la Garantie : Me Isabelle Lévesque
Pour l’Entrepreneur : M. Éric Laflamme
AUDIENCE : Le 16 novembre 2017
A- [1] Acte de vente en date du 3 juin 2013;
A-2 Contrat de garantie en date du 15 mars 2014;
A-3 (en liasse) Contrat de construction et devis en date du 14 mars 2014;
A-4 Formulaire d’inspection préréception en date du 26 juin 2014;
A-5 Lettre de dénonciation des bénéficiaires en date du 10 février 2017;
A-6 Demande de réclamation en date du 6 mars 2017;
A-7 (en liasse) Avis de 15 jours de l’administrateur en date du 14 mars 2017;
A-8 (en liasse) Lettres et décision de l’administrateur en date du 1er mai 2017;
A-9 (en liasse) Lettre du centre d’arbitrage GAMM en date du 7 juin 2017 et demande d’arbitrage;
B-1 Soumission de Sansoucy Réfrigération Climatisation du 14 mars 2017;
B-2 Devis de Côté Expert Ventilation du 16 août 2017;
B-3 Soumission de Plomberie Gohier Inc. du 31 août 2017;
l’Administrateur datée du 1er mai 2017, apparaissant en onglet 8 du cahier de pièces de l’Administrateur.
2. Tel qu’annoncé par l’Administrateur lors d’un appel conférence de gestion, la présente décision portera sur une objection préliminaire présentée par l’Administrateur, basée sur le non-respect des délais, tel que manifesté à la décision A-3 qui se lit comme suit :
« Dans le cas présent, il appert que le délai de dénonciation excède le délai raisonnable (6 mois) et par conséquent, l’Administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation des bénéficiaires à l’égard de ces points. »
3. La problématique rencontrée par les Bénéficiaires, suite à la prise de possession de leur résidence, est résumée comme suit, au point numéro 3 de la décision de l’Administrateur :
« Les bénéficiaires affirment avoir de la difficulté depuis la réception du bâtiment survenue le 26 juin 2014 avec la climatisation et depuis les premiers froids de 2015 en ce qui a trait au système de chauffage.
Ils ont à maintes reprises demandé au sous-traitant en ventilation d’intervenir, lequel aurait effectué quelques travaux, sans amélioration notable de la situation.
Les bénéficiaires ont toutefois omis de dénoncer la situation à l’entrepreneur, Les constructions Éric Laflamme Inc., lequel fut informé pour la première fois le 14 mars 2017.
Ce dernier nous a confirmé lors de l’inspection être disposé à intervenir, et ce, nonobstant la décision de l’administrateur. »
4. Le Tribunal, comme il fut mentionné précédemment, est saisi par l’Administrateur de la garantie d’une objection préliminaire portant sur la question des délais excessifs encourus par les Bénéficiaires entre le moment de la découverte de la problématique, quant au système de chauffage et d’eau chaude de leur résidence, et la dénonciation tardive de cette problématique tant à l’Entrepreneur que, plus particulièrement, à l’Administrateur. Les commentaires de l’inspecteur-conciliateur monsieur Robert Théberge à la pièce A-7, page 3, vont comme suit :
« Les bénéficiaires ont déclaré avoir découvert les situations décrites aux points 1 à 3 au cours de la période estivale 2014 en ce qui a trait aux éléments relatifs à la climatisation et dès les grands froids de 2015 en ce qui a trait aux éléments de chauffage.
Quant à l’administrateur, il fut informé par écrit de l’existence de ces situations pour la première fois le 14 mars 2017.
En ce qui a trait au délai de dénonciation, les paragraphes 3e, 4e ou 5e de l’article 10 ou 27 du Règlement, selon le type de bâtiment, stipule que les malfaçons, les vices cachés ou les vices majeurs, selon le cas, doivent être dénoncés par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de leur découverte ou survenance ou, en cas de vices ou de pertes graduels, de leur première manifestation.
Dans le cas présent, il appert que le délai de dénonciation excède le délai raisonnable (6 mois) et par conséquent, l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation des bénéficiaires à l’égard de ces points.
POUR TOUS CES MOTIFS, L’ADMINISTRATEUR :
REJETTE la demande de réclamation des bénéficiaires pour les points
1 à 3.»
Les témoignages de madame Fortin et de monsieur Themens
5. Les Bénéficiaires, madame Micheline Fortin et monsieur Raynald Themens témoignent tous deux au même effet, de la façon suivante :
a- Ils ont pris possession de leur résidence le 26 juin 2014, conformément à ce qui parait au formulaire d’inspection préréception du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs effectivement daté du 26 juin 2014.
b- A l’hiver 2015, les Bénéficiaires ont constaté des problèmes d’approvisionnement en eau chaude, pour remplir le bain, ou pour compléter une douche à la température choisie.
c- Ils ont également, à la même époque, constaté que de l’air frais circulait près du sol et ils ont alors fait appel au sous-traitant qui avait installé le système de climatisation-chauffage, Bertrand Chauffage.
d- Bertrand Chauffage n’a pas réussi à régler le problème et les Bénéficiaires ont alors fait appel à divers intervenants pour connaître leur opinion de spécialistes; mais sans toutefois signer aucun contrat de service avec ces différentes entreprises.
d- Effectivement, plusieurs personnes ont donné leur avis, des spécialistes comme des visiteurs, amis ou parents, à l’effet qu’on ressentait, dans au moins deux pièces, une impression de froid et, plus particulièrement, à l’entrée principale de la résidence qui pouvait pratiquement servir « de chambre froide ».
f- Quant à la période estivale, la critique est aussi vive, depuis l‘été 2015, puisque toutes les toiles doivent être fermées afin que le système de climatisation rafraichisse la résidence.
6. Les Bénéficiaires sont insatisfaits du système de chauffage-climatisation depuis
2014 et affirment ne souhaiter rien de plus que ce qu’on leur avait promis au moment de la vente. Ils sont déçus et veulent que ça change.
7. Tel qu’il appert à la pièce A-5, une réclamation fut déposée auprès de l’Administrateur de la garantie Abritat le 10 février 2017 et, une demande formelle de réclamation sur formulaire officiel de l’Administrateur de la garantie, le 13 mars 2017.
8. Force est de constater, en conclusion de la preuve entendue par le tribunal, qu’une période d’environ trois (3) ans s’est écoulée entre le constat des premiers symptômes d’insatisfaction, quant au système chauffage-climatisation et la dénonciation écrite, reçue chez l’Administrateur, le 13 mars 2017.
9. Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, dans sa version antérieure au 1er janvier 2015, applicable en l’instance, stipule à l’article 10 paragraphe 3 :
« La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’Entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
. . .
3o « La réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code Civil et dénoncées, par écrit, à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six mois des malfaçons; (les soulignements sont du soussigné)
10. Les articles 2113 et 2120, C.C.Q. se lisent comme suit :
« Art. 2113. Le client qui accepte sans réserve, conserve, néanmoins ses recours contre l’Entrepreneur au cas de vices ou malfaçons non apparents. »
« Art. 2120. L’Entrepreneur, l’architecte et l’ingénieur pour les travaux qui sont dirigés ou surveillés et, le cas échéant, le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécuté, sont tenus conjointement pendant un an de garantir l’ouvrage contre les malfaçons existantes au moment de la réception ou découvertes dans l’année qui suit la réception. »
11. Il est bien évident que l’article 10 par 3o du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs reprend, dans ses grandes lignes, et est au même effet que ces articles 2113 et 2120 du Code Civil du Québec.
12. L’étude des décisions remises au tribunal par l’Administrateur de la garantie se traduit comme suit :
13. L’arbitre dans une cause de Étienne Pedneault et Chloé Pedneault et Le PorteHauban Inc. et La Garantie Abritat, après avoir analysé les délais encourus entre le moment de la découverte des déficiences au niveau du système de climatisation reprenait comme suit :
« Les bénéficiaires indiquent que le climatiseur ne suffit pas à la tâche, situation constatée au cours du premier été d’occupation, soit au mois de juillet 2013. Ils ont dénoncé la situation, par écrit, à l’entrepreneur, le 25 août 2015 et à l’administrateur le 28 août 2015. »
14. L’arbitre, après avoir déterminé que le Règlement applicable était celui antérieur au 1er janvier 2015, concluait comme suit :
« 16. Il n’empêche que 27 mois s’étaient écoulés entre la découverte et la dénonciation des malfaçons et qu’un tel délai, limité à 6 mois ou non, était déraisonnable. »
15. Dans la cause de Syndicat de la Copropriété Condos Cité Clark et Développement Webcor Inc. et Raymond Chabot Administrateur provisoire Inc. es qualité d’Administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie des Bâtiments Neufs
de l’APCHQ,1 l’arbitre Roland-Yves Gagné déterminait au paragraphe 23 de sa décision que :
« [23] Malgré tous les pouvoirs qui sont dévolus à l’arbitre en vertu du Règlement et selon la jurisprudence à cet effet, le Tribunal d’arbitrage ne peut pas faire appel à l’équité pour faire réapparaître un droit déchu qui n’existe plus, il ne s’agit pas ici de suppléer au silence du Règlement ou l’interpréter de manière plus favorable à une partie, malgré toute la sympathie qu’il pourrait avoir envers le Bénéficiaire ».
16. Dans la cause Carl Michel et 9104-2523 Québec Inc. et La Garantie Abritat,2 le 2 juin 2015, l’arbitre, dans des circonstances semblables, tenait les propos suivants :
« 28. CONSIDÉRANT que le Bénéficiaire n’a pas dénoncé à
l’Administrateur de la garantie avant le 21 août 2014 (date de la réception de l’avis par l’Administrateur de la garantie) une situation qu’il avait constaté durant le premier hiver de son occupation, soit la période hivernale 2011/2012;
. . .
Le Tribunal n’a d’autre choix que de conclure que le Bénéficiaire a dénoncé la problématique affectant son unité d’habitation en dehors des délais prévus au règlement et constate également la déchéance conséquente des droits du Bénéficiaire. »
17. Le 6 octobre 2011, l’arbitre Me Johanne Despatis dans la cause de Carole Castonguay et Gaston Legault et La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ et Construction Serge Rheault Inc.3 concluait comme suit :
« [31] Le Plan est clair et ne souffre pas d’exception à ce sujet : un avis, écrit, dénonçant la situation doit être donné non seulement à l’entrepreneur, mais aussi à l’administrateur, et cela dans le délai imparti. Or, en l’espèce, il ne l’a pas été.
[32] Il en résulte que la réclamation en litige n’a pas été dénoncée à l’administrateur en conformité du Plan de sorte que je n’ai guère le choix que de conclure à son rejet. »
18. Considérant que les Bénéficiaires ont pris possession de leur résidence le 26 juin 2014;
19. Considérant que les Bénéficiaires ont constaté la problématique de chauffage durant l’hiver 2014;
20. Considérant que les Bénéficiaires ont constaté une problématique relative à la climatisation de leur résidence à l’été 2015;
21. Considérant que les Bénéficiaires n’ont fait parvenir un avis de dénonciation, à l’Administrateur de la garantie, que le 13 mars 2017;
22. Considérant que les délais encourus entre la constatation de la problématique relative à la climatisation-chauffage et la dénonciation à l’Administrateur dépasse amplement le délai de six (6) mois prévu à l’article 10 par. 3 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs;
23. Le tribunal conclut au REJET de la demande d’arbitrage des Bénéficiaires.
POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL :
REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;
MAINTIENT la décision de l’Administrateur de la garantie datée du 1e mai 2017; CONDAMNE les Bénéficiaires à payer une somme de 50$ pour les frais du présent arbitrage;
CONDAMNE l’Administrateur de la garantie au paiement des frais d’arbitrage sauf un montant de 50$ pour lequel les Bénéficiaires sont condamnés conformément aux articles 116 et 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
MONTRÉAL, le 15 janvier 2018
___________________________________
Jean Doyle, avocat
Arbitre
JD-1500-096 - GAMM
1Syndicat de la Copropriété Condos Cité Clark et Développement Webcor Inc. et Raymond Chabot
Administrateur provisoire Inc. es qualité d’Administrateur provisoire du plan de garantie de la
Garantie des Bâtiments Neufs de l’APCHQ , (S17-022101-NP)
2Carl Michel et 9104-2523 Québec Inc. et La Garantie Abritat, (ABRITAT : 516683-A/ Acc. 210607, GAMM :
3Carole Castonguay et Gaston Legault et La Garanie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ et Construction Serge Rheault Inc., (GAMM : 2011-12-009, APCHQ : 152907-1 (11-
243ES))
[1] . Le mandat du soussigné lui a été confié par lettre du Groupe d’Arbitrage et de
Médiation sur Mesure (GAMM), le 7 juin 2017, suite à une demande d’arbitrage des Bénéficiaires, datée du 1er juin 2017, pour les points 1 à 3 de la décision de