TRIBUNAL D’ARBITRAGE

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

Constitué en vertu du Règlement sur le plan de garantie des

bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)

 

CANADA

 

 

PROVINCE DE QUéBEC

 

 

 

Dossier no: PG 158425-1

Dossier no: S13-042601-NP

Dossier no: PG 158425-2

Dossier no: S13-102102-NP

RICHARD VIENS

ET

DEBORAH RITZHAUPT

 

“Bénéficiaires” / Défenderesses

 

c.

 

9048-9717 QUÉBEC INC.

 

Entrepreneur” / Demanderesse

 

-et-

 

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.

 

Administrateur de La Garantie

 

 

 

 

DÉCISION INTERLOCUTOIRE

______________________________________________________________________

 

Arbitre :

Me Tibor Holländer

 

 

Pour les Bénéficiaires :

Monsieur Richard Viens

 

 

Pour l’Entrepreneur :

Me Jessica Tremblay

 

Monsieur Léopold Guay

 

 

Pour l’Administrateur :

Me Stéphane Paquette

Date de la décision interlocutoire :

1re mai 2014

Identification des parties

 

« BÉNÉFICIAIRES» / DÉFENDERESSES:

Monsieur Richard Viens et Madame Deborah Ritzhaupt

 

[…]Hudson (Québec) […]

 

 

« ENTREPRENEUR » / DEMANDERESSE:

9048-9717 Québec inc.

 

892, rue Main

 

Hudson (Québec)

 

J0P 1J0

 

 

« ADMINISTRATEUR » DU PLAN DE GARANTIE:

La Garantie des bâtiments résidentiels

neufs de l’APCHQ Inc.

 

5930, boulevard Louis-H.-La Fontaine

 

Montréal (Québec)

 

H1M 1S7

Observations Préliminaires

[1]              Aux fins de la présente décision interlocutoire, le Tribunal exposera d’abord les faits, documents et pièces qui sont pertinents à la décision qui est rendue.

Mandat

[2]              Une demande d’arbitrage a été déposée par l’Entrepreneur en date du 26 avril 2013[1] et le soussigné a été désigné comme arbitre le 13 mai 2013.[2]

[3]              Le soussigné a été saisi de la demande d’arbitrage suite à la décision rendue par l’Administrateur, Monsieur François Lalancette, le 25 mars 2013 (ci-après «Première Décision»)[3] en application du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.8) (ci-après le «Règlement») en vertu de laquelle les demandes formulées par les Bénéficiaires liées aux points 1 au 7 ont été maintenues par l’Administrateur.

[4]              Une deuxième demande d’arbitrage a été déposée par l’Entrepreneur en date du 12 novembre 2013[4] et le soussigné a été désigné comme arbitre le 12 novembre 2013.[5]

[5]              Le soussigné a été saisi de la deuxième demande d’arbitrage suite à la décision rendue par l’Administrateur, Monsieur François Lalancette, le 23 septembre 2013 (ci-après «Deuxième Décision»)[6] en application du Règlement en vertu de laquelle les demandes formulées par les Bénéficiaires liées au point 1 ont été maintenues par l’Administrateur. La Première Décision et la Deuxième Décision seront désignées ci-après les «Décisions».

[6]              Le 4 février 2014, l’audition de la demande d’arbitrage a été fixée le 25 avril 2014.[7]

[7]              Le 17 avril 2014, l’Entrepreneur représenté par Me Jessica Tremblay du cabinet Crochetière, Pétrin a informé le Tribunal que son client souhaitait demander la remise de l’audience prévue pour le 25 avril 2014[8], pour les raisons exposées ci-après :

«Monsieur Léopold Guay, représentant de la société 9048-9717 Québec inc. nous a consultés ce jour.

Suivant les informations obtenues, les parties mentionnées en rubrique sont convoquées à un arbitrage le 25 avril prochain.

Après étude rapide du dossier, il appert que le précédent procureur de 9048-9717 Québec inc. n’a jamais conseillé à son représentant de retenir les services d’un expert. Vu la nature du dossier, cela nous semble une aberration et une nécessité.

Nous sollicitons donc une remise de l’arbitrage à une date ultérieure afin de nous permettre de retenir les services d’un expert et effectués une analyse des matériaux dits «usagés».»

[8]              La demande formulée par l’Entrepreneur de reporter l’audience, doit être considérée à la lumière des faits et des circonstances donnant lieu à la demande de remise de l’audition qui a été déposée 9 jours avant le début de l’audition qui a été fixée au 25 avril 2014.

[9]              Il convient de noter que la demande d’arbitrage découlant des Décisions[9] rendues par L’Administrateur est présentée par l’Entrepreneur conformément aux dispositions de l’article 19 du Règlement.

[10]           La Décision a été rendue le 25 mars 2013[10]. L’Entrepreneur agissant à ce moment par l’entremise de son procureur Me Rock Seguin a déposé une demande d’arbitrage. Une conférence téléphonique rassemblant toutes les parties concernées a eu lieu le 3 septembre 2013, au cours duquel le procureur de l’Entrepreneur à ce moment, Me Séguin, s’est engagé à communiquer et produire un rapport d’expert au plus tard le 25 octobre 2013.

[11]           Par lettre du 16 septembre 2013, Me Seguin a informé le Tribunal qu’il cessera de représenter l’Entrepreneur. Me Seguin a par la suite signifié à toutes les parties en cause la «DÉCLARATION DU PROCUREUR DU 9048-9717 QUÉBEC INC. AFIN DE CESSER D’OCCUPER».

[12]           La Deuxième Décision a été rendue le 23 septembre 2013 et Me Jean-Gabriel Mercier Rancourt du cabinet Rancourt, Legault & St-Onge a déposé une demande d’arbitrage au sujet de cette décision.

[13]           Une seconde conférence téléphonique s’est tenue entre les parties en cause le 11 décembre 2013 au cours duquel le procureur de l’Entrepreneur à ce moment, Me Rancourt, s’est engagé à communiquer et produire un rapport d’expert au plus tard le 31 janvier 2014.

[14]           Il suffit de préciser que l’Entrepreneur n’a pas communiqué ni produit un rapport d’expert en tout temps avant le 31 janvier 2014 ou à tout moment par la suite.

[15]           Le 4 février 2014, toutes les parties en cause ont été informées que l’audience aurait lieu le 25 avril 2014.[11]

[16]           Par lettre du 15 avril 2014, Me Rancourt a informé le Tribunal qu’il cessera de représenter l’Entrepreneur. Me Rancourt a par la suite signifié à toutes les parties en cause la «DÉCLARATION DU PROCUREUR DE L’ENTREPRENEUR AFIN DE CESSER D’OCCUPER».

[17]           Le 17 avril 2014, Me Tremblay agissant au nom de l’Entrepreneur a fait savoir au Tribunal que son client n’était pas en mesure de procéder selon le calendrier prévu pour les raisons précédemment exposées au paragraphe 7.

[18]           Une conférence téléphonique a eu lieu avec toutes les parties en cause, y compris Monsieur Léopold Guay, le président de l'Entrepreneur, le 22 avril 2014.

Analyse

[19]           Afin de faciliter une meilleure compréhension de la décision interlocutoire par les parties en cause, il est opportun de reproduire ici les articles qui reçoivent application dans la présente cause°:

«Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, RRQ, c B-1.1, r 8:

106. Tout différend portant sur une décision de l’administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l’annulation de l’adhésion d’un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l’arbitre désigné en vertu de la présente section.

116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.»

[Nos soulignements]

[20]           Dans la présente affaire, l’Entrepreneur a demandé l’arbitrage en ce qui concerne les Décisions rendues par l’Administrateur. Il est donc évident que, jusqu’à ce que le Tribunal entende les demandes d’arbitrage, l’Entrepreneur n’est pas tenu d’effectuer le travail qu’il fut ordonné, conformément aux Décisions.

[21]           D’autre part, les Bénéficiaires ont droit à ce que la procédure d’arbitrage avance avec célérité, car les Bénéficiaires sont directement affectés et, après tout, aussi longtemps que l’audience n’a pas lieu, les différentes malfaçons comme constatées dans les Décisions ne seront pas corrigées par l’Entrepreneur.

[22]           Il est évident que l’Entrepreneur n’a pas communiqué ni produit un rapport d’expert que ce soit pour le 25 octobre 2013 ou le 31 janvier 2014.

[23]           Me Tremblay a soutenu devant le Tribunal qu’«il appert que le précédent procureur de 9048-9717 Québec inc. n’a jamais conseillé à son représentant de retenir les services d’un expert.».

[24]           Même si Me Tremblay a communiqué au Tribunal l’information qu’elle a reçue de son client, le Tribunal ne peut ignorer le fait qu’à deux reprises, l’Entrepreneur fut représenté par deux procureurs différents et, qui ont tous les deux soulevé la nécessité de retenir les services d’un expert chargé d’établir un rapport d’expert dans un premier temps avant le 25 octobre 2013 et, ultérieurement le 31 janvier 2014.

[25]           Le Tribunal est invité, en quelque sorte, d’accepter que les deux procureurs n’auraient pas conseillé leur client respectif, l’Entrepreneur, qu’un rapport d’expert s’imposait pour s’acquitter de son fardeau de la preuve.

[26]           Bien que l’Entrepreneur ait le droit de demander l’arbitrage du différend qu’il a découlé des Décisions rendues par l’Administrateur le 25 mars 2013 et le 23 septembre 2013, l’Entrepreneur a l’obligation d’agir de bonne foi et de faire avancer la demande d’arbitrage d’une manière qui ne porte pas préjudice aux Bénéficiaires.

[27]           Il convient cependant de souligner le but et l’objet du Règlement. Dans une décision rendue dans l’affaire de Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d’habitation de), 2013 QCCA 1211 (CanLII), la Cour d’appel du Québec a déclaré ce qui suit :

«°[18] La procédure d’arbitrage expéditive prévue au Règlement pour réparer rapidement les malfaçons est, comme le note la juge, un complément aux garanties contre les vices cachés du Code civil. Régime d’ordre public[5], le Règlement vise notamment à obliger que les réparations des bâtiments résidentiels neufs soient effectuées rapidement par l’Entrepreneur ou prises en charge par l’administrateur de la garantie. Par la mise en place d’une procédure arbitrale qui implique non seulement l’Entrepreneur, mais aussi la personne ayant accepté d’agir à titre de garantie, le législateur veille à ce que les propriétaires et les occupants d’un bâtiment neuf ne fassent pas les frais des délais d’un recours en dommages-intérêts pour vices cachés. De cette façon, le législateur cherche à assurer que le nouveau parc immobilier au Québec offre des logements de qualité. De plus, comme le rappelle l’arbitre, un entrepreneur qui omet d’effectuer des réparations requises peut voir son adhésion au plan de garantie annulée et sa licence d’entrepreneur suspendue ou annulée par la Régie du bâtiment[6].

[19] Le juge Dufresne, alors de la Cour supérieure, expose à bon droit les finalités du recours arbitral prévu au Règlement dans La Garantie habitations du Québec inc. c. Lebire [7] :

[69] Le législateur veut, par l’adhésion obligatoire de tout entrepreneur à un plan de garantie dont les caractéristiques sont définies au Règlement, donner ouverture à un mode de résolution des réclamations ou des différends survenus à l’occasion de la construction ou de la vente d’un bâtiment résidentiel neuf qui soit plus souple, plus rapide et moins coûteux pour les parties à un contrat assujetti au Règlement.

[Nos soulignements]

[28]           Le Tribunal a un droit inhérent d’entendre et trancher des requêtes, de remettre ou d’ajourner des audiences.

[29]           Dans l’affaire de Résidence St-Eugène (Office municipal d’habitation de Montréal) et Consoltec inc., Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI), 112510001, 2012-07-03, Me Michel A. Jeanniot, arbitre, a été appelé à se prononcer sur ce qu’il décrit comme étant «une requête «sui generis» pour suspendre la … demande d’arbitrage.».

[30]           Me Michel A. Jeanniot a déclaré ce qui suit:

«La demande d’ajournement sine die

[45]     D’entrée de jeu, il faut rappeler que, même en contexte judiciaire, l’octroi des remises et des ajournements relève de la discrétion du Tribunal, comme le consacre l’article 288 du Code de procédure civile : 

«Le Tribunal peut toujours accorder l’ajournement de la cause, aux conditions qu’il juge à propos.»

[46]     Il est par ailleurs admis par la doctrine et par la jurisprudence que cette discrétion est plus grande encore lorsque l’on se trouve en présence d’institution arbitrale qui, contrairement aux tribunaux judiciaires et administratifs, ne sont assujettis qu’au devoir d’agir équitablement; c’est en effet ce que rappelle le professeur Denis Lemieux dans Droit public et administratif[10]:

«Un organisme administratif est maître de ses règles de preuve et jouira à cet égard d’une liberté plus grande que les tribunaux judiciaires et, dans certains cas administratifs soumis à un cadre procédural strict.

[…]

Un organisme administratif jouira d’un pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de rejeter une telle demande d’ajournement; toutefois, un refus d’ajournement pourra être illégal s’il en résultait un préjudice irréparable pour la personne concernée, sans que ce préjudice ne découle de sa propre négligence ou celle de son procureur.»

[47]     L’enseignement du professeur Patrice Garant est d’ailleurs au même effet. Dans son ouvrage intitulé Droit administratif (Éditions Yvon Blais, 5e édition, Cowansville, 2004), il explique dans les termes suivants les règles gouvernant le droit à l’ajournement devant les tribunaux et organismes administratifs, aux pages 807 et 811 : 

«Le tribunal (inférieur) étant maître de la procédure, il a le pouvoir et le devoir d’apprécier si l’octroi de l’ajournement est vraiment nécessaire ou s’il n’est qu’abusif; les cours de justice n’interviendront que si le refus d’ajournement est injuste ou arbitraire. 

[…]

[48]     Ces énoncés reprennent en réalité la position de principe adoptée sur le sujet par le Cour Suprême du Canada. Ainsi, par exemple, dans l’affaire Prassad c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration[11], le juge Sopinka rappelle le caractère discrétionnaire de la décision disposant d’une demande d’ajournement, ne l’assujettissant qu’à la nécessité de ne pas l’exercer de façon à violer les règles de justice naturelle. Il s’en exprime dans les termes suivants, aux paragraphes 16 et 17 :

« […] Nous traitons ici des pouvoirs d’un tribunal administratif à l’égard de sa procédure. En règle générale, ces tribunaux sont considérés maîtres chez eux. En l’absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l’équité et, dans l’exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle. Il est donc clair que l’ajournement de leurs procédures relève de leur pouvoir discrétionnaire.

[…] Le juge en chef Jackett, dans la décision Pierre c. Ministre de la Main-d’œuvre et de l’Immigration, (1978), 2 C.F. 849 , s’exprime ainsi à la page 851 :

«Dans l’examen d’une plainte relative à un refus d’ajournement par un tribunal, il ne faut pas oublier qu’en absence de toute règle spécifique régissant le mode d’exercice par le tribunal de son pouvoir discrétionnaire dans l’octroi d’un ajournement, la question d’accorder ou de refuser l’ajournement est de nature discrétionnaire pour le tribunal même, et qu’une cour supérieure ayant droit de surveillance n’a pas compétence pour réviser un refus d’ajournement, à moins qu’à cause de ce refus, la décision rendue par le tribunal à la fin de l’audience ne soit annulable pour violation des règles de justice naturelle.»

[49]     L’on est dès lors en mesure de constater qu’en matière de justice administrative - et à plus forte raison en matière d’arbitrage puisque cette institution de justice privatisée ne véhicule pas les objectifs de préservation de l’intérêt public poursuivis par les organismes et les tribunaux administratifs -, l’octroi des remises et des ajournements est régi par deux (2) paramètres fondamentaux :

[49.1]    d’une part, il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire que l’instance est maître d’exercer de différentes façons selon les circonstances;

[49.2]    d’autre part, il ne s’agit pas d’un pouvoir arbitraire : il doit être exercé judicieusement, en fonction du contexte particulier dans lequel la question est soulevée, ce qui commande de prendre en compte certains facteurs comme l’impact de la décision sur la capacité de tenir une audition qui respecte les standards exigés par les règles de la justice fondamentale;

[57]     En janvier 2012, la Cour d’appel du Québec, sous la plume du juge Dalphond[13], auquel ont souscrit les juges Morin et Léger, a réaffirmé que les dispositions du Code de procédure civile ne s’applique pas aux tribunaux administratifs. Nous savons qu’en contexte arbitral plus qu’en contexte administratif, la souplesse est de rigueur et manifeste. Bien que le présent Tribunal puisse s’inspirer des dispositions du Code de procédure civile, ne s’applique pas au présent forum. D’ailleurs, et indépendamment de cette décision de la Cour d’Appel, le législateur n’a pas prévu au Règlement de référence au Code de procédure civile qui plus est et, par l’article 116 du Règlement, il prévoit qu’un arbitre statue conformément aux règles de droit mais qu’il fait aussi appelle à l’équité lorsque les circonstances le justifient;»

[Nos soulignements]

[31]           Le Tribunal peut, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, d’accorder ou de refuser la demande de remise formulée par l’Entrepreneur.

[32]           Enfin, le Tribunal examinera si le refus d’accorder la demande de remise à l’Entrepreneur serait de nature à causer un préjudice irréparable à l’Entrepreneur.

[33]           Pour rendre sa décision de ne pas accorder une requête en suspension, Me Michel A. Jeanniot[12] a traité la notion de préjudice irréparable de la manière suivante :

«[53]     L’on peut dès lors résumer l’état du droit sur la question de la façon suivante. D’abord, l’octroi des remises et des ajournements relève en principe de la discrétion de l’instance décisionnelle. Ensuite, cette discrétion ne peut pas être exercée injustement ou arbitrairement : elle doit plutôt l’être juste et raisonnable. Enfin, est généralement considérée comme étant injuste ou arbitraire une décision refusant une remise ou un ajournement à une partie qui, lorsque ce refus cause à cette partie un préjudice certain et irrémédiable, ce qui nous savons ici n’est pas le cas puisque si l’Entrepreneur peut en tout ou en partie (tôt ou tard) être indemnisé par un tiers (la judiciarisation est d’ailleurs déjà initiée) et ne sera pas préjudicier par l’issue de la présente instance;

[54]        J’ouvre ici une parenthèse pour souligner que l’enjeu du préjudice dont il est question lorsqu’il s’agit de déterminer si une décision discrétionnaire est abusive ou non, diffère de l’enjeu du préjudice dont il est question une fois que la violation des règles de justice fondamentale est constatée : il s’agit de la même expression, mais applicable à deux contextes différents. Dans le premier cas, l’existence ou non d’un préjudice est pertinente aux fins de décider si la décision discrétionnaire de refuser l’ajournement est injuste ou arbitraire. Dans le second, c’est-à-dire en cas de violation avérée d’une règle de justice fondamentale, la partie lésée a droit à la réparation sans avoir besoin de prouver qu’elle en a subi un préjudice sérieux et irréparable[12];

[55]        Il résulte ultimement de ce qui précède que la présente décision discrétionnaire de refuser une remise ou un ajournement ne viole pas la règle audi alteram partem à moins que, au terme de l’audition, la décision finale rendue l’ait été en violation du droit d’être entendu

[Nos soulignements]

[34]           Le Tribunal est confronté à des droits conflictuels. D’une part, l’Entrepreneur a le droit d’être entendu et de présenter ses preuves et arguments. D’autre part, les Bénéficiaires ont le droit d’être entendus avec célérité.

[35]           Si le Tribunal reporte l’audience prévue pour le 25 avril 2014, à l’issue de cette épreuve, l’Entrepreneur sera autorisé d’obtenir le rapport d’expert qu’il prétend d’être nécessaire, tout en notant que le report de l’audience à une date ultérieure occasionnera des retards supplémentaires à la présente affaire.

[36]           Étant confronté à des droits conflictuels, le Tribunal doit considérer la nature du préjudice irréparable que subirait l’Entrepreneur, si l’audience n’était pas reportée.

[37]           Quel préjudice irréparable subirait l’Entrepreneur si le Tribunal procédait à entendre la Demande d’arbitrage au lieu de reporter l’audience pour permettre l’Entrepreneur une nouvelle et dernière fois de communiquer et produire un rapport d’expert?

[38]           Nous estimons que la réponse est assez simple. Si l’Entrepreneur se voyait refuser le droit de communiquer et produire un rapport d’expert, par conséquent, il pourrait ne pas être en mesure de s’acquitter de son fardeau de la preuve.

[39]           Dans ce contexte, on pourrait faire valoir que le refus d’accorder la demande de remise pour permettre à l’Entrepreneur d’obtenir un rapport d’expert, est en substance équivalente de ne pas permettre à l’Entrepreneur de se faire entendre sur la question en cause et, en tant que telle la règle audi alteram partem ne sera pas respectée.

[40]           Au vu des considérations ci-dessus, il est dans l’intérêt de la justice que l’Entrepreneur serait autorisé une dernière fois à produire et à communiquer un rapport d’expert, et ce, nonobstant, que le Tribunal a de la difficulté d’accueillir l’affirmation de l’Entrepreneur qu’il ignorait jusqu’à la dernière minute la nécessité de retenir les services d’un expert chargé d’établir un rapport d’expert.

[41]           Par conséquent, le Tribunal est d’opinion que dans cette instance en droit et en équité, il a lieu de faire droit à la demande de remise de l’audience.

Conclusions

[42]           Suivant l’appréciation des faits et compréhension de la Loi et de la jurisprudence connue, le Tribunal est d’opinion que dans cette instance la demande formulée par l’Entrepreneur pour reporter l’audition et accordé.

[43]           L’Entrepreneur est ordonné à communiquer aux parties concernées ainsi qu’au Tribunal, toutes les pièces additionnelles et /ou des rapports d’experts qu’il entende faire usage lors de l’enquête et audition a remis, et ce, au plus tard le 10 juin 2014, à défaut de quoi l’Entrepreneur sera forclos de déposer ultérieurement un rapport d’expert.

[44]           Les Bénéficiaires et/ou l’Administrateur disposeront d’un délai jusqu’au 11 juillet 2014 pour produire et communiquer leurs rapports d’experts respectifs, dans le cas où ils décideraient de le faire.

[45]           Le 30 avril 2014, alors que le Tribunal était en train de rédiger la présente Décision Interlocutoire, il a reçu un courriel de Me Tremblay en déclarant ce qui suit :

 «La présente vise à vous informer qu’en date de ce jour, notre firme ne représente plus la société 9048-9717 Québec inc., dans le dossier mentionné en rubrique.»

[46]           Le Tribunal prend acte que c’est le troisième procureur qui a cessé de représenter l’Entrepreneur; toutefois, les délais imposés, à l’Entrepreneur de communiquer un rapport d’expert n’est pas affecté, par le fait que Me Tremblay ne représente plus l’Entrepreneur.

[47]           Dans l’objectif d’assurer que l’audience se déroulera dans les plus brefs délais, le Tribunal déclare que la date de l’audience sera fixée péremptoirement pour les 25 et 26 août 2014 à venir.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE:

[48]           ACCORDE la demande de remise formulée par l’Entrepreneur.

[49]           CONSERVE juridiction.

[50]           ORDONNE l’Entrepreneur de communiquer à toutes les parties ainsi qu’au Tribunal, toutes les pièces additionnelles y compris les rapports d’experts, qu’il entende faire usage lors de l’enquête et audition, et ce au plus tard le 10 juin 2014;

[51]           CONVOQUE péremptoirement les parties à une enquête et une audition les 25 et 26 août 2014 à 10:00 heure, dans la salle 105.3 du palais de justice de Salaberry-de-Valleyfield situé au 74, rue Académie à Salaberry-de-Valleyfield°;

[52]           CONDAMNE l’Entrepreneur au paiement des frais et dépens du jour au plus tard le 30 mai 2014.

DATE : 1re MAI 2014

 

 

 

 

                    [Original signé]

 

___________________________

 

M Tibor Holländer

 

Arbitre

 



[1] Pièce A-6.

[2] Lettre du 13 mai 2013.

[3] Pièce A-5.

 

[4] Pièce A-8.

[5] Pièce A-8.

[6] Pièce A-7.

[7] Courriel et lettre en date du 17 avril 2014.

 

 

[9] Pièce A-5 et Pièce 7.

[10] Pièce A-6.

[11] Courriel en date du 4 février 2014.

[12] Résidence St-Eugène (Office municipal d’habitation de Montréal) et Consoltec inc., Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI), 112510001, 2012-07-03.