TRIBUNAL D’ARBITRAGE

Sous l’égide de

 CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)

   Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

CCAC: S17-070501-NP

GARANTIE ABRITAT : 344506-1

ENTRE :

CONSTRUCTION MAURICE BILODEAU INC.,

« Entrepreneur »

c.

DORIS DUMAS,

MATHIEU GEOFFROY,

MARIE-CLAUDE L’ESPÉRANCE,

           

                                                                       « Bénéficiaires »

                                                          

                                                                       Et

 

RAYMOND CHABOT ADMINISTRATEUR PROVISOIRE INC. ÈS QUALITÉ D’ADMINISTRATEUR PROVISOIRE DU PLAN DE GARANTIE DE LA GARANTIE ABRITA INC.,

 

                                                                       « Administrateur »

 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE

GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

DÉCISION ARBITRALE RENDUE LE 12 MARS 2018

YVES FOURNIER ARBITRE

 

 

IDENTIFICATION DES PARTIES

 

 

 

BÉNÉFICIAIRES :                                     DORIS DUMAS,

MATHIEU GEOFFROY,

MARIE-CLAUDE L’ESPÉRANCE,

                                                    

[...]

BEAUMONT, (QUÉBEC)

[...]

                                                                      

                                  

 

ENTREPRENEUR :                                  CONSTRUCTION MAURICE BILODEAU INC.,

 

                                                                       401, RUE GRAND-TRONC

LÉVIS, (QUÉBEC)

G6K 1K8

 

REPRÉSENTÉE PAR

ME HUGO LAFRENIÈRE

                                                            

 

 

ADMINISTRATEUR :                                LA GARANTIE ABRITAT

 

5930, BOUL. LOUIS-H. LAFONTAINE

MONTRÉAL, (QUÉBEC)

H1M 1S7

 

REPRÉSENTÉE PAR

ME NANCY NANTEL

 

 

 

 

 

 

/3

 

DÉCISION

 

 

[1] Le 29 mai 2017, le conciliateur Michel Hamel accueillait la réclamation des bénéficiaires quant aux points 1 à 4 formulés les 24 janvier 2017, lesquels étaient ainsi identifiés dans la décision de l’administrateur :

 

1.    Retouches de plâtre et peinture;

2.    Plâtrage et peinture à la salle de bain - partie centrale;

3.    Ajustement des fenêtres;

4.    Infiltration d’eau - salle commune et section « Mme Dumas ».

 

[2]  Le 20 juillet 2017, le soussigné était nommé arbitre au dossier par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC).

 

[3] Une première conférence téléphonique prenait place le 13 septembre 2017 et pour laquelle les bénéficiaires et l’entrepreneur n’étaient pas représentés par un procureur. Toutefois, monsieur Jérôme Côté, dirigeant au niveau de l’entrepreneur, annonçait qu’il serait représenté par Me Hugo Lafrenière.

 

[4] Il fut convenu qu’une deuxième conférence téléphonique prendrait place le 18 octobre et par la même occasion les bénéficiaires informèrent les parties et l’arbitre qu’un expert en ventilation de toiture se présenterait à leur domicile dans les semaines qui suivraient.

 

[5] La deuxième conférence téléphonique prit place, comme convenu, le 18 octobre 2017.  A cette occasion, Me Hugo Lafrenière informait l’arbitre que l’ingénieur Éric Walsh s’était rendu au domicile des bénéficiaires le 17 octobre et qu’un rapport serait produit au plus tard le 1er novembre 2017.  De plus, les bénéficiaires annonçaient qu’ils transmettraient leur expertise aux parties le 19 octobre et qu’ils retiendraient les services d’un avocat.

 

[6]   Le 8 novembre 2017, une troisième conférence téléphonique prit place à laquelle assistait Me Lisa Fournier pour les bénéficiaires, Me Hugo Lafrenière pour l’entrepreneur et Me Nancy Nantel pour l’administrateur.  Me Lisa Fournier communiquait aux participants qu’un représentant du Groupe d’Artech rédigerait une réponse à l’expertise d’Éric Walsh.

 

 

/4

 

[7] Après consultation auprès des parties il fut convenu de fixer l’audience les 26, 27 et 28 février 2018.

 

[8]   Le 1er février 2018, Me Nancy Nantel annonce à l’arbitre et aux autres parties qu’aucun représentant de l’administrateur ne serait présent lors de l’audition considérant qu’il s’agit d’une demande d’arbitrage formulée par l’entrepreneur et que ce dernier l’avait informé qu’il avait effectué les travaux correctifs, ajoutant que les bénéficiaires ne semblaient pas satisfaits de ceux-ci.

 

[9] Le 20 février 2018, le procureur de l’entrepreneur, Me Hugo Lafrenière écrivait aux parties les informant que son client se désistait de sa demande d’arbitrage. Le Tribunal se permet d’en rapporter un extrait :

 

 

Dès lors, force est de constater que les travaux faits le 20 décembre ont réglé le problème.

 

En somme, la ventilation a été corrigée, l’isolation a été améliorée (bien qu’elle ne faisait pas partie du contrat de notre cliente), les écoulements d’eau ont cessé et l’étanchéité de la toiture a été validée par notre cliente.  Les bardeaux arrachés au début de l’année dernière ont été remplacés il y a longtemps et aucun indice ne laisse croire à une défaillance de la toiture à remplir l’usage auquel elle est destinée.  Il ne reste à compléter que le tirage de joints et la peinture, ce que notre cliente était (et est toujours) disposée à faire, et elle est aussi disposée à poser un solin de transition à la jonction mansarde/toit de galerie dès que les conditions le permettront au printemps.

 

Comme le mentionnait M. l’arbitre dans son procès-verbal du 25 octobre dernier, « [l]a partie qui demande l’arbitrage (ici, c’est l’entrepreneur) aura le fardeau de prouver que la décision de l’administrateur est mal fondée. »

 

Compte tenu de ce qui précède, notre client ne voit guère plus d’utilité à investir temps et argent pour préparer et tenir une audition (quelle qu’en soit la durée, mais présentement prévue pour 2 à 3 jours) visant uniquement à contester le bien-fondé d’une décision de l’administrateur lui intimant de faire quelque chose qu’elle a depuis déjà fait de toute façon.

 

 

/5

 

 

Elle désire donc, par la présente, se désister de sa demande d’arbitrage.  Dans ce contexte, nous comprenons que la gestion d’instance suggérée par Me Fournier n’est plus requise.

                                                  (Je souligne)

 

[10] Le 20 février 2018, l’arbitre signifiait aux parties que l’audience prévue pour les 26 au 28 février à Québec était annulée, qu’il prenait acte du désistement de l’appel de l’entrepreneur et par voie de conséquence il confirmerait le désistement de l’entrepreneur par voie de jugement à être transmis aux parties.

 

 

FRAIS D’EXPERTISES

 

[11]   Le 21 février 2018, Me Nancy Nantel prenait acte du désistement et rappelait qu’en vertu du Règlement (1) les frais de l’arbitrage seraient partagés entre l’entrepreneur et l’administrateur.  Elle complétait sa correspondance en précisant que les bénéficiaires ne pouvaient réclamer des frais d’expertises conformément à l’article 124 du Règlement qui s’appliquait à la date de la signature du contrat de garantie, soit en 2013 (A-2).  Trois décisions étaient jointes à son envoi. (2)

 

[12] Le 22 février 2018, Me Tessa Rheault du cabinet de Me Lisa Fournier questionnait l’arbitre quant à savoir s’il avait précisé aux bénéficiaires quel règlement prenait place dans le présent dossier.

 

[13] Le même jour réponse était transmise par l’arbitre à Me Rheault :

 

Je n’ai pas fait état puisque je dois présumer que les parties savaient à quelle date le contrat d’entreprise et de garantie a été signé et par conséquent quel est le règlement qui s’applique.

 

__________________

(1) Décret 841-98, 17-06-1998

(2) Construction S. Cousineau c. Éric Lavoie et al et Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, GAMM 17 août 2015; Développement Magna Inc. c. SDC 670 Montée Masson, Mascouche et Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., CCAC S10-280501-NP, Me Pierre Boulanger, 17-02-2012 : T.B. Construction Inc. c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ et Peter Pilas et Terry Eliopoulos, Gamm 2006-16-003.

 

 

 

/6

 

 

De façon non limitative, je dois ajouter que je n’ai pas à instruire les parties sur l’ensemble du Règlement.  Le contrat de garantie reprend plusieurs articles du texte du règlement en vigueur.  Qui plus est, le procureur qui soit les représenter doit être au fait de la législation qui s’applique au dossier qu’elle devra traiter.

 

Il pourrait arriver que l’une des parties émettre des propos ou des écritures qui laissent croire que cette partie se base sur le mauvais règlement.  Dès lors, l’arbitre devra intervenir pour orienter la partie sur le règlement approprié.

 

Avec mes salutations,

 

 [14] Le 23 février 2017, Me Hugo Lafrenière argumentait que la pertinence des expertises (condition de recevabilité d’un quelconque remboursement) ne saurait pouvoir avoir été appréciée dans la présente affaire et que par surcroit, le débat était prématuré, les travaux n’étant pas terminés. De plus, il serait particulier de condamner quelque partie que ce soit à payer les frais d’expertise pour des rapports qui serviront en fait dans une autre instance.

 

[15] Le 23 février, Me Lisa Fournier soumettait l’argumentation suivante au Tribunal.

 

[16]  Une fois le processus d’arbitrage enclenché et suite à un désistement l’arbitre a l’autorité pour statuer sur les frais.  De plus, il y a lieu d’appliquer l’article 124 du Règlement dans sa version actuelle puisque le mot Règlement est ainsi défini :

 

Règlement : Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, créé en vertu de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1, r.0.2), adopté par le décret 841-98 du 17 juin 1998 et tel qu’il est et peut être modifié de temps à autre;

                                                          (Elle souligne)

 

[17] Me Fournier soutient que l’arbitre avait l’obligation d’informer les bénéficiaires quel était le Règlement applicable dans le présent dossier car ils ne se seraient pas engagés dans des frais d’expertises.

 

 

 

 

/7

 

[18] Finalement, elle souligne que l’arbitre dispose du pouvoir d’agir en équité en application de l’article 116 du Règlement (3), lui permettant ainsi d’octroyer le remboursement des frais d’expertises aux bénéficiaires.

 

[19] Au soutien de ses prétentions la procureure des bénéficiaires a soumis de la jurisprudence (4).  

 

[20] Le 26 février, le procureur de l’entrepreneur soumettait que la phraséologie empruntée par Me Lisa Fournier pour l’obtention des frais d’expertises, lesquels étaient « rendus nécessaires par l’attitude de l’entrepreneur » ne semblait d’aucune pertinence quant à l’octroi desdits frais.

 

 

DISCUSSION

 

[21] Le présent dossier prend assise sur le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. Le Procureur général du Québec s’est ainsi exprimé pour qualifier ce Règlement. (5)

 

« Les dispositions à caractère social de ce règlement visent principalement à remédier au déséquilibre existant entre le consommateur et les entrepreneurs lors de mésententes dans leurs relations contractuelles. En empruntant un fonctionnement moins formaliste, moins onéreux et mieux spécialisé, le système d’arbitrage vient s’insérer dans une politique législative globale visant l’établissement d’un régime complet de protection du public dans le domaine de la construction résidentielle ».

 

 

___________

 

(3) 0pus cite.

 (4) Voir : Fortin c. Gesprodec inc., décision arbitrale du 18 décembre 2017, no. S17-071201-NP (CCAC) (arbitre Yves Fournier); Brousseau c. 9119-0009 Québec inc., décision arbitrale du 21 décembre 2017, no. S17-051901-NP (CCAC) (arbitre Yves Fournier).

Prud’homme c. Construction Sogescon inc., décision arbitrale du 7 novembre 2014, no 2014-16-005

Syndicat de copropriété Les Jardins Saint-Hyppolyte c. 9129-2516 Québec inc, décision arbitrale du 10 décembre 2010, no. 2009-09-018 (GAMM) (arbitre : Claude Dupuis).

(5) Les Habitations Sylvain Ménard Inc. C. Gilles Lebire, es qualités d’arbitre, et al., 500-17-034723-075 (C.S.), Mémoire de l’intervenant Le Procureur général du Québec, p.5.

 

 

                                                                                                                              /8

 

 [22] Dans l’affaire C. Gouin c. Habitations Réa Inc. et La Garantie Habitation du Québec Inc. (6), mon collègue Me Robert Masson, écrivait que l’économie générale du Règlement et les buts visés par le législateur l’inscrivent au type des lois de la protection du consommateur.  Il rapporte les articles suivants :

 

 « 3 Tout plan de garantie auquel s’applique le présent règlement doit être conforme aux normes et critères qui sont établis et être approuvé par la Régie [du bâtiment du Québec].

 

4  Aucune modification ne peut être apportée à un plan approuvé à moins qu’elle ne soit conforme aux normes et critères établis par le présent règlement.

 

5  Toute disposition d’un plan de garantie qui est incompatible avec le présent règlement est nulle.

 

19.1 Le non-respect d’un délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l’entrepreneur ou l’administrateur manque à ses obligations … à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n’a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou que le délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d’un an.

 

105 Une entente [suivant la médiation] ne peut déroger aux prescriptions du présent règlement.

 

138 Le bénéficiaire n’est tenu à l’exécution de ses obligations prévues au contrat conclu avec l’entrepreneur qu’à compter du moment où il est en possession d’un double du contrat de garantie dûment signé.

 

139 Toute clause d’un contrat de garantie qui est inconciliable avec le présent règlement est nulle.

 

140 Un bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère le présent règlement. »

 

[23] Sous le Règlement qui régit la présente affaire, l’article 123 traite ainsi des frais d’arbitrage.

_____________________

 

(6) 2015047 (GAUD), 19 août 2015, la Loi sur la Protection du consommateur (L.R.Q.Q., P-40.1) confirme cette classification.

 

/9

 

 

‘’123 Les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

 

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts. »

 

[24]  L’article 124 du Règlement édicte :

 

«124 L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel. »

 

[25] Le nouvel article 124 du Règlement actuellement en vigueur (7) se lit ainsi :

 

124-  L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel. »

 

Il doit aussi statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur et l’entrepreneur solidairement doivent rembourser au bénéficiaire même lorsque ce dernier n’est pas le demandeur.

 

Le présent article ne s’applique pas à un différend portant sur l’adhésion d’un entrepreneur.

                                                   (Je souligne)

 

[26]  Faut-il le rappeler, les bénéficiaires soumettent que l’arbitre devrait juger en équité et appliquer le nouvel article 124 du Règlement puisqu’en vertu de l’article 116 du Règlement l’arbitre peut faire appel à l’équité.  L’article 116 se présente ainsi :

 

116.  Un arbitre statue conformément aux règles de droit ; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.

 

 

_____________________

(7) Chapitre B-1.1, r. 8

/10

 

[27] Certaines décisions (8) soumises par Me Nancy Nantel ne fait qu’appliquer l’ancien article 124 du Règlement sans discussion.

 

[28] Dans Développement Magna Inc. c. SDC du 670 Montée Masson, Mascouche et Garantie des bâtiments résidentielles neufs de l’APCHQ Inc. (9) l’arbitre Pierre Boulanger disposait ainsi des frais d’expertise :

 

 [73] En l’occurrence, c’est l’entrepreneur qui est le demandeur de sorte que la partie intimée (ici le bénéficiaire) n’a pas droit au remboursement des frais de son expert.  Deux décisions soutiennent cette position.6

 

[74]  Une lecture attentive des articles 106 à 126 du règlement m’amène aussi à conclure que le terme « demandeur » dont il est question à l’article 124 désigne la partie qui demande l’arbitrage.  En l’occurrence, il s’agit de l’entrepreneur, pas du bénéficiaire.

 

[75] Le libellé de l’article 124 m’apparait curieux; je me demande pourquoi la partie intimée ne pourrait avoir droit au remboursement des frais d’expertise si elle a gain de cause.

 

[76] Placé devant cette situation, j’ai donc considéré l’article 116 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs qui permet de faire appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient. Cet article se lit comme suit :

 

116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.

 

[77]  Toutefois, suivant la jurisprudence, la notion d’équité ne peut autoriser un arbitre à créer un droit non prévu au règlement (qui est d’ordre public) en faisant fi de la rédaction de celui-ci.  Le droit doit prendre souche dans le texte du règlement. 7

 

[78] La rédaction de l’article 124 est peut-être à revoir.  Mais pour le moment, je considère que cet article ne m’autorise malheureusement pas à ordonner le remboursement des frais d’expertise à la partie intimée, même si elle a gain de cause.         

                                                   (Je souligne)

______________________

(8) Construction Simon Cousineau Inc. C Lavoie et Charbonneau et la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, arbitre Claude Dupuis, GAMM; 180321-1, 17 août 2015

(9) CAAC, S10-280501-NP, 17-02-2012

/11

 

[29] Comme le faisait remarquer le procureur de l’entrepreneur dans son courriel du 21 février 2017 :

 

Pour faire suite au courriel de Me Nantel, qu’il nous soit également permis d’ajouter que l’article 124 (dont la teneur reprend essentiellement celle de l’article 38) est dans la section III du règlement, portant sur l’arbitrage lui-même, et plus particulièrement dans la sous-section « 4. - Décision arbitrale ».

 

Manifestement, il n’y a pas eu ici, de décision arbitrale à la suite de laquelle l’arbitre devrait se prononcer sur les frais d’expertises, puisqu’il n’y a pas eu d’arbitrage en premier lieu.

 

L’article 38 suit, quant à lui, des dispositions parlant également de la sentence arbitrale, inférant ici encore qu’une telle décision doit d’abord avoir été rendue. Toutes les décisions soumises par Me Nantel sont d’ailleurs des décisions sur le fond dans lesquelles l’arbitre se prononce aussi sur les frais d’expertise. Nous ne sommes pas dans une telle situation ici.

                                                             (Je souligne)

 

[30] Dans la décision André Prud’homme et Lucie Granger c. Construction Sogescon Inc. et Garantie Habitation du Québec Inc. (10), dans une situation où l’entrepreneur avait requis l’arbitrage, l’arbitre Jean Morisette disposait ainsi des frais d’expertise :

 

[18] Selon l’entrepreneur, le désistement me retire toute juridiction sur la demande d’arbitrage, je dois constater le désistement et ne peut que traiter les frais;

 

[19] Pour l’Administrateur, le désistement met fin à l’arbitrage, la décision sous étude est exécutoire et l’Entrepreneur doit faire les réparations.  La production du désistement me retire le pouvoir de rendre une décision sur les items de la décision et ce n’est qu’en vertu de l’article 116 du règlement que les frais d’expertise peuvent faire l’objet de la décision, car le règlement ne prévoit pas ce cas;

 

[20] Pour les Bénéficiaires, puisque j’ai demandé à la suite de la première journée d’audition que les experts se rencontrent pour déterminer les travaux correctifs, j’ai conclu à l’existence de vices de construction sujet de la couverture du plan de garantie et une ordonnance quant aux moyens correctifs peut être rendue; ________________________

(10) GAMM 2014-16-005, 7 novembre 2014.

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[21] Les procureurs des parties acceptent par ailleurs que les prescriptions relatives au désistement et le stade du dossier en instance ne permettent de statuer sur les frais d’expert raisonnables encourus en vertu des articles 116 à 124 du Règlement.  Effectivement l’article 264 du Code de procédure civile du Québec mentionne que le désistement comporte les frais occasionnés par la demande et s’applique en vertu de l’article 2638 du C.c.Q. [1];

 

[22] CONSIDÉRANT qu’une partie ne peut se désister de la demande d’arbitrage en tout état de cause comme prévu à l’article 262 du Code de procédure civile du Québec;

 

[23] CONSIDÉRANT que le désistement est fait par simple déclaration signée du procureur de l’Entrepreneur et a été signifiée aux autres parties en conformité de l’article 263 du Code de procédure civile du Québec;

 

[24]  CONSIDÉRANT que le désistement remet les choses dans l’état préalable et que la décision de l’Administrateur du 31 janvier 2014 devient exécutoire;

 

[25] CONSIDÉRANT que la transaction intervenue sur une partie du litige, lors de la première journée d’audition, est valide et peut faire l’objet d’une homologation, si cela devenait nécessaire;

 

[26] CONSIDÉRANT que dans le corps de sa déclaration de désistement du 6 octobre 2014 l’Entrepreneur s’engage à procéder le plus rapidement possible aux travaux correctifs exigés par la décision de l’Administrateur du 31 janvier 2014;

 

[27] CONSIDÉRANT que les Bénéficiaires pourront demander que ces travaux correctifs soient inspectés et l’objet d’une décision de l’Administrateur;

 

[28] CONSIDÉRANT que ma gestion de l’audition visait son efficacité et l’atteinte d’une solution satisfaisante suivant la conciliation des prétentions exprimées séance tenante;

 

[29] CONSIDÉRANT que la preuve des Bénéficiaires n’était pas close;

 

[30] CONSIDÉRANT que l’Entrepreneur et l’Administrateur n’ont pas eu l’opportunité de présenter leur preuve;

 

 

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[31] CONSIDÉRANT qu’il m’apparait que je ne peux ordonner les travaux correctifs à ce stade de l’audition;

 

[32] CONSIDÉRANT que l’Entrepreneur doit respecter son obligation de résultat;

 

[33] CONSIDÉRANT qu’il n’y a aucune preuve de conflit d’intérêt véritable contrairement à ma décision dans l’affaire Lefrançois (GAMM 2009-10-001);

 

[34] CONSIDÉRANT la décision de l’Honorable Normand Gosselin, J.C.S. du 2 octobre 2012 (200-17-015331-119) dans laquelle il est mentionné :

 

« […] [39] En l’espèce, dès lors que Platinum se désistait de sa demande d’arbitrage, il ne subsistait plus de différend à trancher. Les parties étaient remises dans la situation qui prévalait après la décision de l’administrateur et l’arbitre se trouvait dessaisi. En conséquence, il était sans juridiction sur le différend.

 

[40] Enfin les demandeurs n’ont pas prétendu que le désistement de Platinum les privait d’un droit quelconque qu’ils auraient pu faire valoir devant l’arbitre […] »

 

[35] CONSIDÉRANT le principe de stare decisis qui m’instruit de me conformer à la décision d’un tribunal d’une autorité supérieure et de respecter cette décision de la Cour supérieure;

 

[36] CONSIDÉRANT que la bonne foi se présume toujours (article 2805 C.c.Q.);

 

[37] CONSIDÉRANT que le quantum des frais des experts des Bénéficiaires est raisonnable et pour des services pertinents;

 

[38]  CONSIDÉRANT que l’article 124 du Règlement ne prévoit pas le cas sous étude et que le support de ces frais d’expert par les Bénéficiaires n’est pas équitable, puisque nécessités par des carences dans les travaux de l’Entrepreneur et sa demande d’arbitrage;

 

[39] CONSIDÉRANT que l’esprit du Règlement est d’exiger de l’Administrateur d’agir pour l’Entrepreneur advenant son défaut;

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

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PREND ACTE du désistement de la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur de la décision du 31 janvier 2014;

 

ORDONNE à l’Entrepreneur de rembourser aux Bénéficiaires les frais d’expertise de 30 477,24$. À défaut de l’Entrepreneur de payer ces frais dans les 30 jours de la présente décision ORDONNE l’Administrateur de rembourser ce montant aux Bénéficiaires, sous réserves de ses droits de se les faire rembourser;

 

ORDONNE que les frais de l’arbitrage soient assumés par l’Administrateur, à charge pour lui de se faire rembourser la moitié de ces coûts par l’Entrepreneur et sous réserves du contrat les liant;       (SIC)

 

[31] Dans la décision La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. c. Claude Dupuis et Raymond Chabot et als. (11) la juge Michèle Monast de la Cour supérieure, traitant de l’équité, écrivait :

 

[45] L’article 116 du règlement précise que l’arbitre doit décider selon les règles de droit et mentionne qu’il peut faire appel aux règles de l’équité si les circonstances le justifient.

 

[46] C’est le cas, notamment, lorsque l’application littérale des dispositions du règlement ne permettent pas de remédier à une situation donnée [18] ou lorsque les circonstances font en sorte que l’interprétation stricte du règlement est susceptible d’entraîner un déni de justice parce qu’elle ne permet pas d’en appliquer l’esprit et d’assurer la protection des droits des parties. [19]

 

[47] En l’espèce, l’arbitre justifie son recours à l’équité par les circonstances particulières de la cause et par le fait que l’application littérale de l’article 26.1 du règlement était susceptible en l’espèce de causer une injustice parce qu’elle ne permettrait pas de tenir compte de l’esprit et du cadre général du règlement.

 

 

[66] La possibilité pour l’arbitre de faire appel aux règles de l’équité constitue en outre une marque de reconnaissance par le législateur qu’il a une certaine marge de manœuvre pour disposer au mieux des différends qui surviennent entre les bénéficiaires de la garantie et l’administrateur du plan lorsque l’application stricte des dispositions du plan ne permettent pas de remédier à une injustice.

________________________

(11) 2007 QCCS 4701, C.S., 26 octobre 2007

/15

 

 

 

[67] L’arbitre peut ainsi suppléer au silence du règlement et agir comme amiable compositeur. Dans un tel cas, le Tribunal doit donc limiter son intervention à sanctionner ce qui est manifestement déraisonnable. [28]

 

[68] Quant à la résolution du différend qui existait entre les mis en cause et la Garantie, il faisait appel à l’interprétation et l’application d’un texte réglementaire dont l’arbitre avait une connaissance considérable puisque ce règlement est la source de sa compétence exclusive. [29]

 

[69] En effet, l’article 106 du règlement confie à un arbitre le soin de trancher tout différend portant sur une décision de l’administrateur concernant une réclamation.

 

[70]  En l’espèce, il devait trancher le différend entre la Garantie et les mis en cause selon les règles de droit et pouvait, si nécessaire, faire appel aux règles de l’équité.  Ce faisant, il devait interpréter le règlement et l’appliquer à la situation vécue par les mis en cause.  Il devait donc décider si la garantie donnait droit à un remboursement d’acomptes ou au parachèvement des travaux et, dans l’affirmative, le montant de l’indemnité qui devait être versée en exécution de la garantie.

                                                      (Je souligne)

 

[32] Je dois comprendre de cette dernière décision qu’un désistement déposé avant une enquête au fond complétée n’a pas été prévue par le Règlement en force dans le présent arbitrage, ni dans celui qui prit place en 2015.

 

[33] Il m’apparaît indéniable que la situation présentée dans l’affaire Prud’homme et Granger, s’apparente à la présente affaire malgré qu’elle n’ait pas fait l’objet d’un début d’audience.

 

[34] Pour le soussigné, la rédaction actuelle ou antérieure de l’article 124 ne permet pas de conclure que le législateur ciblait la situation d’un désistement, sinon il l’aurait formulée. Une décision rendue après enquête est fort différente d’un désistement signifié avant une enquête au fond ou début d’enquête.

 

[35]   Face à un vide juridique, l’équité a-t-elle sa place? Poser la question c’est y répondre.

 

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[36] L’article 116 du Règlement prescrit que l’arbitre … statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifiaient.

 

[37]   Ainsi l’arbitre apprécie la solution du différend à partir des règles de droit et subséquemment, si les circonstances ou les faits l’exigent ou le justifient, en fonction de l’équité.

 

[38] Juger en équité, c’est apporter un correctif du droit quand l’application de celui-ci entraîne des conséquences manifestement disproportionnées.  C’est aussi un complément permettant de combler les lacunes d’une loi, d’un règlement ou d’une disposition législative lorsqu’un cas précis n’a pas été envisagé par ceux-ci.  Elle vise alors à maintenir au profit d’une personne un équilibre qui se trouve rompu par une stricte utilisation des textes.

 

[39] L’équité doit rester une valeur corrective de la règle de droit tout en pondérant les dispositions légales lorsque les circonstances l’exigent.

 

[40]  Le désistement, c’est l’abandon d’un recours, d’un appel, d’une demande civile ou administrative.  Face à un appel d’une décision d’un conciliateur, le désistement emporte alors acquiescement à jugement (du conciliateur).

 

[41] Or, le Règlement et le contrat de garantie qui en découle étant muets relativement au désistement de la procédure arbitrale avant une l’enquête, le Tribunal doit alors déterminer les règles de droit supplétives à administrer.  Il va de soi qu’elles se logent au Code de procédure civile à l’époque du litige, notamment aux articles 262 et 264 :¸

 

« 262. Une partie peut se désister de sa demande ou de son acte de procédure en tout état de cause.

[…]

264. Le désistement remet les choses dans l’état où elles auraient été si la demande à laquelle il se rapporte n’avait pas été faite.

 

Il comporte obligation de payer les frais occasionnés par la demande, qui sont adjugés à la partie adverse, par le greffier, sur inscription. »

                                                     (Je souligne)

 

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[42] Le juge Durocher de la Cour supérieure écrivait dans la décision La Garantie Habitation du Québec Inc. c. Me Robert Masson et Francine Mainville (12) :

 

21, Or le cadre du plan approuvé, comme le contrat, n’exclut aucunement la réparation des malfaçons ou le paiement de leur coût. L’économie de la loi, du règlement et du contrat le prévoient.

 

22. Par analogie, on peut retenir qu’en matière de contrat d’assurance, l’interprétation est favorable à l’assuré au cas d’ambiguïté

.

                                                             (Je souligne)

 

[43]  Qu’en est-il des frais d’expertises?

 

[44]  Lors de la conférence téléphonique préparatoire du 15 septembre 2017, le représentant de l’entrepreneur, Jérôme Côté apportait comme argument au soutien de son appel qu’il n’avait pas procédé à l’isolation de l’entre-toit et que ces travaux avaient été donnés à une tierce partie laquelle se serait mal exécutée.

 

[45] Lors de cette même conférence téléphonique les bénéficiaires annonçaient déjà qu’ils avaient retenus les services d’un expert, lequel s’est exécuté le 4 octobre 2017.  Faisant suite à cette expertise, l’entrepreneur retenait les services de monsieur Éric Walsh, ingénieur, lequel après avoir visité les lieux le 17 octobre 2017 signait son rapport le 1er novembre 2017.

 

[46] Dans ce rapport du 1er novembre 2017, l’ingénieur Éric Walsh écrivait :

 

Pour faciliter la compréhension, j’ai utilisé la même identification des parties de la résidence qu’utilisée par Groupe d’Artech inc. qui a produit un rapport d’expertise le 4 octobre 2017, pour le compte des propriétaires.  J’ai également repris quelques figures soumises par les propriétaires pour les annoter et indiquer la position des emplacements problématiques la mise en place des correctifs proposés.

 

 

_________________

(12) 500-05-071027-021, (C.S.), 12 juin 2002

 

 

 

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[47]  L’annonce par les bénéficiaires qu’ils procéderaient à une expertise a certes pousser l’entrepreneur à contrer celle-ci.  À ce stade, la lecture des expertises et des écritures des procureurs des bénéficiaires et de l’entrepreneur m’amène à conclure que l’expertise de Pierre Bernier, du Groupe d’Artech Inc., datée du 4 octobre 2017 se voulait pertinente et éclairante pour toutes les parties et par surcroit, pour le Tribunal.

 

[48] Le Tribunal conclut que l’entrepreneur et l’administrateur devront se partager le coût de cette expertise qui se chiffre à 1,149.75$ dollars.

 

 

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

 

PREND ACTE         du désistement de l’entrepreneur;

 

 

CONDAMNE            l’entrepreneur et l’administrateur à payer solidairement la somme de 1,000.00$ dollars, plus les taxes de 149.75$ dollars aux bénéficiaires et ce, dans les trente jours des présentes.  Au delà de ce délai, l’intérêt légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec s’appliqueront;

 

 

CONDAMNE            l’administrateur et l’entrepreneur à payer solidairement les frais d’arbitrage, avec intérêts au taux légal, majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de facturation émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de carence de 30 jours.

 

 

 

 

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RÉSERVE                à l’administrateur ses droits à être indemnisé par l’entrepreneur et/ou caution, pour toute somme versée incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par.19 de l’annexe du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.

 

 

LAVAL, CE 12 MARS 2018.

 

 

Yves    Fournier

__________________________

YVES FOURNIER

ARBITRE