SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

PAR COURRIEL SEULEMENT

(avec confirmation de réception requise)

 

Objet :  Cathy Bayard

 

  c.

 

  Les Constructions Alain Gaudreault et Fils inc.

 

  Et

 

  Garantie de construction résidentielle (GCR)

 

Notre dossier: S21-012501-NP

 

 

Arbitre :

 

Me Saleha Hedaraly

 

 

Pour le Bénéficiaire :

Madame Cathy Bayard

 

 

Pour l’Entrepreneur :

Monsieur Alain Gaudreault

Madame Myriam Gaudreault

 

 

Pour l’Administrateur :

Me Éric Provençal, avocat

 

 

 

Identification complètes des parties

 

 

Bénéficiaire

Cathy Bayard

[...]

Mirabel (Québec) [...]

[...]

 

Bénéficiaire

 

Entrepreneur

Les Constructions Alain Gaudreault

et Fils inc.

a/s M. Alain Gaudreault

14761, des Bouleaux

Mirabel (Québec) J7N 3G9

constructionag@videotron.ca

 

Entrepreneur

 

Administrateur

Garantie de construction résidentielle (GCR)

a/s Me Éric Provençal

4101, rue Molson, bureau 300

Montréal (Québec)

H1Y 3L1

eprovencal@garantiegcr.com

 

Avocat de l’Administrateur

 

Valeur en litige

La valeur en litige est estimée à une valeur correspondant à la classe 2 (entre 7001 et 15 000 $).

Sentence arbitrale

 

FAITS

 

[1]               Le bâtiment en litige est situé au [...], à Mirabel  Immeuble »).

 

[2]               Le 15 mars 2016, l’Entrepreneur vend l’Immeuble à la Bénéficiaire[1].

 

[3]               Le 10 janvier 2020, la Bénéficiaire dénonce par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur les travaux déficients de l’Entrepreneur, notamment relativement aux items en litige dans le cadre de la présente décision, soit:

 

  1. Item no 6 : Étanchéité de la porte d’entrée
  2. Item no 8 : Canexel de la façade avant
  3. Item no 9 : Têtes de vis
  4. Item no 10 : Infiltration d’eau dans la garderie

 

[4]               Le 22 janvier 2021, l’Administrateur rend une décision sur les treize (13) items dénoncés par la Bénéficiaire. Sur les quatre (4) items susmentionnés, l’Administrateur rejette les réclamations pour un défaut de dénoncer par écrit les malfaçons dans un délai raisonnable de leur découverte[2].

 

[5]               Le 25 janvier 2021, la Bénéficiaire conteste en arbitrage plusieurs éléments de la décision de l’Administrateur du 22 janvier 2021[3]. Une suspension d’environ une (1) année et deux (2) remises d’audience ont permis aux parties de régler certains éléments. Lors de l’audience, seul les quatre (4) items susmentionnés demeurent en litige.

Sommaire des positions et des preuves respectives des parties

 

[6]               La Bénéficiaire explique de manière détaillée les différentes démarches quelle a entreprise auprès des de l’Entrepreneur pour faire corriger les items en litige. Par la suite, le représentant de l’Entrepreneur, M. Alain Gaudreault, témoigne à son tour sur chacun des éléments en litige. L’Administrateur fait entendre comme témoin Mme Catherine Beausoleil-Carignan, la conciliatrice au dossier, et présente de la jurisprudence au soutien de ses prétentions en droit dans sa plaidoirie.

 

[7]               Pour l’item no 6 (Étanchéité de la porte d’entrée), elle explique qu’elle a contacté l’Entrepreneur vers les 18 et 21 décembre 2017 pour lui faire part de la glace qui s’accumule sur la porte d’entrée.[4] De plus, elle relate les nombreux échanges qu’elle a eus avec l’Entrepreneur, messages textes à l’appui, mais admet qu’elle n’a pas contacté l’Administrateur à ce moment. Selon elle, malgré les visites de l’Entrepreneur, le problème demeure récurrent durant l’hiver. Pour sa part, l’Entrepreneur explique qu’il s’est rendu à de nombreuses reprises chez la Bénéficiaire pour constater les malfaçons et faire les réparations possibles. Il explique s’être déplacé 10 à 12 fois pour corriger la situation, notamment en substituant la nouvelle serrure pour l’ancienne. Quant à la position de l’Administrateur, la conciliatrice explique que le délai de dénonciation est déraisonnable puisque la Bénéficiaire a constaté le problème vers le 18 décembre 2017, qu’elle l’a dénoncé à l’Entrepreneur à ce moment[5], mais ne l’a dénoncé à l’Administrateur que le 10 janvier 2020[6], soit après un délai de plus de deux (2) ans.

 

[8]               Pour l’item 8 (Canexel de la façade avant), la Bénéficiaire explique qu’elle se demande pourquoi du vinyle a été installé et non du canexel. Pour sa part, l’Entrepreneur explique que le vinyle est plus épais et non standard et que la Bénéficiaire était au courant puisqu’il y a une facture à cet effet[7]. Selon lui, aucun extra n’a été chargé à la Bénéficiaire. L’Administrateur fait remarquer qu’il s’agit d’une malfaçon apparente qui a été constaté dès le premier mois suivant l’achat mais qui n’a été dénoncé que le 10 janvier 2020, soit trente-trois (33) mois plus tard. Aucune dénonciation n’existe à cet effet dans le formulaire d’inspection pré-réception[8] et la Bénéficiaire avait l’obligation de dénoncer une telle malfaçon tel qu’il appert du contrat de garantie[9].

 

[9]               Pour l’item no 9 (Têtes de vis), la Bénéficiaire constate, en mars 2018, que plusieurs têtes de vis sont apparentes. L’Entrepreneur explique qu’il est prévisible qu’après plus de deux (2) ans, un immeuble « sèche », que le bois travaille et qu’en conséquence, les têtes de vis apparaissent. Selon lui, la solution est de repeinturer. Pour l’Administrateur un raisonnement similaire s’applique à cet item comme aux items précédents: le problème a été dénoncé vers le 15 septembre 2017 mais l’Administrateur n’a été informé que le 10 janvier 2022, soit près de vingt-huit (28) mois plus tard.

 

[10]           Pour l’item no 10 (Infiltration d’eau dans la garderie), la Bénéficiaire explique qu’elle a envoyé les messages texte à l’Entrepreneur vers le 14 novembre 2019 pour dénoncer l’infiltration d’eau dans le mur de fondation de la garderie, où des manteaux sont suspendus. Elle dénonce dans son message texte que « [c]’est comme ça à tous les hivers depuis l’achat. » La Bénéficiaire admet qu’elle ignorait que l’Administrateur devait être avisé dans un certain délai de la constatation des malfaçons. Selon l’Entrepreneur, aucune fissure n’est présente puisque si les infiltrations d’eau découlaient de fissures, il y aurait présence de l’eau sur le sol. Selon lui, les « coulisses » proviennent des manteaux humides suspendus dans l’entrée. Pour l’Administrateur, la conciliatrice explique que suite à la dénonciation du 10 janvier 2020, la conciliatrice s’est rendue à plusieurs reprises ou a eu plusieurs échanges avec la Bénéficiaire, notamment le 16 novembre 2020, le 30 novembre 2020 et le 3 décembre 2020. Selon elle, il s’agit également d’un problème de scellant et non de fissures puisque s’il y avait des fissures, les infiltrations auraient eu lieu toute l’année et non seulement durant la période hivernale. De plus, la présence des cernes d’eau sur le haut du mur semble indiquer qu’il s’agit d’un problème de condensation de l’eau[10]. De plus, la présence de cernes d’eau n’a été dénoncé à l’Administrateur que vingt-huit (28) mois après sa constatation par la Bénéficiaire.

ANALYSE

LE DROIT

[11]           Les délais de dénonciation sont notamment prévus à l’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[11] (ci-après « Règlement »):

 

   la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception. Pour la mise en œuvre de la garantie de réparation des vices et malfaçons apparents du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l’entrepreneur et en transmet copie à l’administrateur dans un délai raisonnable suivant la date de fin des travaux convenue lors de l’inspection préréception;

 

   la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons;

 

 [notre emphase]

 

[12]           Les articles 27 et 34 du Règlement prévoient également ce que le plan de garantie doit couvrir. Plus particulièrement, l’article 34 prévoit que:

 

La procédure suivante s’applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l’article 27:

 

   le bénéficiaire dénonce par écrit à l’entrepreneur le défaut de construction constaté et transmet une copie de cette dénonciation à l’administrateur en vue d’interrompre la prescription; [notre emphase]

 

[13]           Les dispositions pertinentes du Code civil du Québec relativement à la prescription sont reproduites ci-après :

 

2113. Le client qui accepte sans réserve, conserve, néanmoins, ses recours contre l’entrepreneur aux cas de vices ou malfaçons non apparents.

 

2120. L’entrepreneur, l’architecte et l’ingénieur pour les travaux qu’ils ont dirigés ou surveillés et, le cas échéant, le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont tenus conjointement pendant un an de garantir l’ouvrage contre les malfaçons existantes au moment de la réception, ou découvertes dans l’année qui suit la réception.

 

2925. L’action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier et dont le délai de prescription n’est pas autrement fixé se prescrit par trois ans. [notre emphase]

 

[14]           La Cour d’appel du Québec a rappelé que les délais mentionnés au Règlement étaient d’ordre public.[12]

 

[15]           Il est important de noter que le Tribunal se doit d’appliquer le Règlement, soit de vérifier si les faits d’une réclamation permettent l’octroi des réparations prévues audit Règlement. Pour ce faire, les dispositions du Règlement doivent être respectées.

L’APPLICATION AUX FAITS

[16]           En l’espèce, il ressort clairement de la preuve que la Bénéficiaire n’a pas contacté l’Administrateur dans les délais raisonnables. Effectivement, pour chacun des items en litige, la Bénéficiaire n’a dénoncé la situation à l’Administrateur qu’au minimum deux (2) ans suite à leur constatation. Or, pour l’item 8 (Canexel de la façade avant), cette dénonciation n’avait pas été effectuée dans le formulaire pré-réception alors qu’il s’agit d’une malfaçon apparente, s’il y a malfaçon. Pour les items no 6 (Étanchéité de la porte d’entrée), no 9 (Têtes de vis) et no 10 (Infiltration d’eau dans la garderie), il s’agit de malfaçons non apparentes qui doivent être dénoncés dans un délai raisonnable selon le Règlement, ce qui n’a pas été le cas dans la situation actuelle. Aucune raison n’est invoquée par la Bénéficiaire pour justifier la tardivité de sa dénonciation à l’Administrateur, mise à part son ignorance du processus. Or, il ne s’agit malheureusement pas d’un motif qui permet d’interrompre la prescription prévue à l’article 34 du Règlement.

 

[17]           Or, le Règlement indique clairement que pour interrompre le délai de prescription et obtenir compensation sous son égide, la Bénéficiaire doit dénoncer les malfaçons apparentes dans le formulaire pré-réception et les malfaçons non apparentes par écrit non seulement à l’Entrepreneur, mais également à l’Administrateur. Cette position est d’ailleurs constante dans la jurisprudence arbitrale qui énonce qu’un délai de dénonciation de vingt (20) mois ne constitue pas un délai raisonnable en vertu de la l’article 18 du Règlement[13].

 

[18]           Finalement, en vertu de l’article 123 du Règlement, puisque la Bénéficiaire n’a eu gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, le Tribunal doit départager les coûts de l’arbitrage entre le Bénéficiaire et l’Administrateur. Malheureusement, l’ignorance de la loi ne peut justifier la tardivité de la dénonciation à l’Administrateur. En vertu des règles d’équité prévues l’article 116 du Règlement, les Bénéficiaires paieront 50$ et l’Administrateur, le reliquat.

 

DÉCISION

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

MAINTIENT la décision de l’Administrateur du 22 janvier 2021;

REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire relativement aux points 1 et 4;

LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage à être départagés entre le Bénéficiaire pour la somme de 50,00$ et la balance par l’Administrateur et avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.

 

RÉSERVE à l’Administrateur ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour les coûts exigibles pour l’arbitrage, conformément à l’article 78 et au paragraphe 19 de l’annexe 2 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

 

 Montréal, le 6 mars 2023

 

 

 

____________________________

ME SALEHA HEDARALY, Arbitre

 


[1] Contrat de vente A-3, dont le contenu n’est pas non-contredit lors de l’audience. La Bénéficiaire indique qu’elle est la seule responsable de l’Immeuble et cette preuve n’est pas contredite lors de l’audience.

[2] Pièce A-8, Décision initiale du 20 janvier 2021, pp. 10-14.

[3] Pièce A-19. Demande d’arbitrage.

[4] Pièce B-1, suite de messages textes entre la Bénéficiaire et l’Entrepreneur, particulièrement, le message du 21 décembre 2021. Ces messages sont aussi reproduits dans la pièce A-8, qui contient le message du 18 décembre 2017.

[5] Pièce A-8, qui contient le message texte du 18 décembre 2017, p. 65.

[6] Pièce A-4 Dénonciation de la Bénéficiaire.

[7] Pièce E-1 Facture du 15 février 2017.

[8] Pièce A-17.

[9] Pièce A-2.

[10] Pièce A-8, page 78.

[11] RLRQ c B-1.1, r 8. 

[12] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ c. Desindes, 2004 CanLII 47872 (QC CA), para 11; Racaniello c. Développement Domont Inc., 2019 CanLII 102576 (QC OAGBRN), paras 77-79.

[13] Dorcent c. Développeur du Nord, CCAC S19-082601-NP; Chalhoub c. Entreprises Devco Dufresne inc. et La Garantie Abritat inc., 2005 CanLii 15433, paras 70 à 74 (QC OAGBRN). Voir également Deschênes c. Groupe Nordco et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., 2005 CanLii 59132, para 17 (QC OAGBRN); Vachon et Bédard c. Entreprises Ricbo inc. et La Garantie de Construction Résidentielle (GCR), GAJD 20210501;