Montréal, le 23 avril 2007
MODIFICATION À LA SENTENCE ARBITRALE RENDUE PAR L’ARBITRE HENRI P. LABELLE, LE 5 AVRIL 2007, DANS L’AFFAIRE DU DIFFÉREND
ENTRE : Josée Raymond et Richard Marleau, les Bénéficiaires demandeurs
ET : La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, l’Administrateur de la garantie défenderesse
Et
Les Habitations Sylvain Ménard inc. l’Entrepreneur
Défenderesse
À la suite d’une demande qui m’a été adressée le 16 avril 2007 par Me François Laplante, procureur de La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, de modifier le paragraphe 49 de ma sentence arbitrale rendue le 5 avril 2007, je modifie cette sentence arbitrale en remplaçant l’article 49 de la sentence par l’article 49 suivant :
49. Je retiens la réclamation des Bénéficiaires et, selon l’éventualité où l’Entrepreneur n’exécuterait pas tous les travaux décrits dans le présent article 49 dans un délai ne dépassant pas douze semaines à compter de ce jour, j’ordonne à La Garantie :
• d’exécuter les travaux nécessaires pour redresser la maison des Bénéficiaires et la solidifier pour éviter qu’il ne se produise de nouveaux affaissements des murs, des planchers et autres éléments de la maison,
• de faire :
• les travaux de réparation aux finis intérieurs (cloisons, portes, cadres, planchers, etc ) qui sont nécessaires pour corriger les éléments de la maison qui devraient être horizontaux ou verticaux et qui ne le sont pas, ou qui ne sont pas actuellement d’équerre ou d’aplomb,
• tous les travaux de réparation aux éléments de la maison, intérieurs et extérieurs, qui auraient été abîmés par les travaux de redressement et de consolidation de la maison, et
• de refaire le plancher du sous-sol sur un fond adéquat pour éviter qu’il ne s’affaisse de nouveau.
Henri P. Labelle, architecte
arbitre
ARBITrAGE EN VERTU
DU rÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
ENTRE : Josée Raymond et Richard Marleau, les Bénéficiaires
demandeurs,
ET : La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ, l’Administrateur de la garantie,
défenderesse, (ci-après La Garantie)
Les
Habitations Sylvain Ménard inc., l’Entrepreneur
défenderesse.
COMPARAISSENT
pour les demandeurs, les Bénéficiaires:
Josée Raymond et Richard Marleau
pour la défenderesse, La Garantie:
Jocelyn Dubuc,
Me François Laplante, procureur
pour la défenderesse, l’Entrepreneur :
Sylvain Aumais représentant de Les Habitations Sylvan Ménard inc.
Me Serge Crochetière, procureur
ARBITRE :
Henri P. Labelle
DATE DE L’AUDIENCE :
6 mars 2007
LIEU DE L’AUDIENCE :
Résidence des Bénéficiaires, 1371 rue du Sous-Bois, Saint-Lazare, PQ
DATE DE LA SENTENCE ARBITRALE
5 avril 2007
INTRODUCTION
1. Les parties sont convenues de soumettre leur différend à l’arbitrage en vertu du règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. Elles se sont entendues au sujet de ma nomination en qualité d’arbitre et de ma compétence à entendre et à trancher le différend.
2. Avant le début de l’audience, toutes les personnes qui y ont assisté ont fait une visite sommaire de la maison des demandeurs au cours de laquelle il a été constasté des pentes dans les planchers attribuables à des affaissements de diverses parties de la maison, notamment :
• la chambre des maîtres au deuxième étage où nous avons constaté que la porte de la salle de toilette attenante frottait sur le plancher, et la partie supérieure du cadre de la porte double de la chambre comportait une pente importante, (5/8 de pouce sur une largeur de 53 pouces, mesuré à l’aide d’un niveau de 24 pouces) très visible sans l’aide d’un niveau, et même choquante,
• dans le salon, au rez-de-chaussée, un test a été fait à l’aide d’une bille qui a été déposée sur le plancher à peu au centre de la maison et qui s’est rapidement dirigée directement vers le mur extérieur avant,
• au sous-sol, une pente très importante qui origine d’une ligne parallèle au mur avant de la maison et qui se rend jusqu’à ce mur avant, très visible à l’oeil (indiquée sur le dessin du sous-sol préparé par l’expert Michel Provencher). À l’arrière, une fissure à peu près parallèle au mur arrière de la maison, qui n’est pas indiquée au dessin de Michel Provencher, et que celui-ci dit de cette fissure qu’elle s’est produite après la conduite de son expertise. (Son dessin indique dans cette région qu’une courte fissure en diagonale). Une niveau de 24 pouces a été déposé sur le plancher pour permettre de juger de l’ampleur des pentes à divers endroits.
PIÈCES DÉPOSÉES
3. • “Cahier de pièces émis par l’Administrateur” dont j’ai reçu copie le 8 novembre
2006 et contenant 23 documents, identifié n/dossier : 06-330FL.
• “Rapport d’expertise” daté du 20 novembre 2006, faite par l’expert des Bénéficiaires,
Michel Provencher, ingénieur.
AUDIENCE
4. Au début de l’audience, à ma demande, les cinq personnes présentes, outre les procureurs et moi-même, ont soit prêté serment, soit affirmé solennellement de dire la vérité, toute la vérité et seulement la vérité au cours de l’audience, soit: Josée Raymond, Richard Marleau, Jocelyn Dubuc, Sylvain Aumais et Michel Provencher.
5. Me Serge Crochetière fait part que Les Habitations Sylvain Ménard inc, sont la défenderesse au même titre que La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., et de ce fait son rôle est identique à celui de Me François Laplante au cours de l’audience.
6. Je souligne que la décision de La Garantie que les Bénéficiaires contestent et qui fait l’objet du présent arbitrage est indiquée dans le document intitulé “Décision de l’Administrateur” daté du 28 août 2006 qui se lit comme suit :
LA GARANTIE DES MAISONS NEUVES DE L’APCHQ NE PEUT CONSIDÉRER LE POINT 1 DANS LE CADRE DU CONTRAT DE GARANTIE :
Étant donné que le point 1 qui suit fut dénoncé par écrit dans la quatrième année de garantie, nous devons vérifier, pour que la garantie s’applique, si le critère suivant est rencontré:
• Le point dénoncé constitue-t-il un vice de conception, de construction ou de réalisation ou un vice du sol, au sens du Code civil du Québec?
Selon les constatations effectuées sur place lors de l’inspection, nous sommes d’avis que la situation décrite au point 1 ne rencontre ce critère. En effet, les problèmes observés ne comportent définitivement pas le niveau de gravité du vice de construction au sens de l’article 2118 du code civil du Québec.
Par conséquent, La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ ne peut intervenir pour ce point.
et je n’ai vu dans ce document aucune mention d’un article du contrat de garantie sur lequel l’Administrateur du contrat de garantie aurait basé sa décision, laquelle est contestée par les Bénéficiaires et qui fait l’objet du présent arbitrage. Je demande donc qu’on m’indique de quelle disposition du contrat de garantie les Bénéficiaires contestent la décision de l’Administrateur .
7. Me François Laplante fait part qu’il s’agit de l’article 10 de la loi “Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, Loi sur le bâtiment” dont le paragraphe 5 décrit la couverture de la garantie comme suit : “la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.” Il explique que puisque la décision de l’Administrateur fait référence à l’article 2118 du Code civil, c’est donc de l’article 10.5 de la Loi qu’il s’agit, parce que cet article de la Loi fait référence aussi à l’article 2118 du Code civil.
8. Je vérifie sur un exemplaire original du contrat de garantie que j’ai apporté et qui est intitulé : “la nouvelle garantie des maisons neuves APCHQ” et dont l’article 3.4 me semble correspondre à l’article 10.5 de la Loi. Après l’audience cependant, une comparaison plus poussée des deux textes m’a permis de constater des différences qui m’ont paru importantes entre ces deux textes. Ces différences cependant n’affectent en rien ma décision dans le présent cas. Ma décision respecte les deux textes.
DÉCLARATIONS, TÉMOIGNAGES ET COMMENTAIRES
9. Me Serge Crochetière fait part qu’il a l’intention de démontrer que la contestation de la décision de l’Administrateur n’est pas fondée pour trois raisons :
9 a) parce que la dénonciation à l’Administrateur n’a pas été faite par la propriétaire d’origine. Irene Keller, dans le délai prévu à l’article 3.4 du contrat de garantie,
9 b) parce que les actuels propriétaires de la maison, qui ont achetée cette maison de la propriétaire d’origine ont renoncé à la garantie de l’APCHQ lors de cet achat,
9 c) parce qu’il n’existe rien pour démontrer qu’il y aurait eu détérioration de la maison depuis le dernier rapport de Inspec-Sol, sur lequel la décision de l’Administrateur est fondée.
10. Sur le point 9 a), Serge Crochetière fait part que le délai de 6 mois prévu à l’article 3.4 du contrat de garantie entre la première apparition du vice et sa dénonciation à La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ n’a pas été respecté et de ce fait la contestation de la décision de l’Administrateur n’est pas recevable.
11. Josée Raymond déclare que le problème a été signalé en 2002 et la preuve est que l’entrepreneur Ménard est venu réparer une fissure à cette époque.
12. Serge Crochetière souligne qu’en vertu de l’article 3.4 la déclaration doit être faite et à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans le délai de 6 mois. Il ajoute que la dénonciation n’a pas été faite à temps. Il souligne que la première décision de l’APCHQ est datée du 20 avril 2005.
13. François Laplante dit que la première manifestation remonte à 2003, comme en témoigne le premier rapport de Inspec-Sol du 23 septembre 2003, alors que la première démarche formelle pour aviser l’Administrateur a été faite en 2005. La décision de La Garantie est basée sur l’article 3.4 du contrat de garantie dans lequel le délai maximum de 6 mois est imposé.
14. Josée Raymond fait part que Irene Keller lui a dit que La Garantie avait été avisée des problèmes et Josée Raymond est restée sous l’impression que ceci avait été fait à temps. Elle déplore que Irene Keller n’ait pas accepté de se présenter à la présent audience car elle aurait pu confirmer ce qui s’est passé. Richard Marleau souligne que l’Entrepreneur avait été avisé bien avant 2005 et que normalement il aurait dû en aviser La Garantie. François Laplante rappelle que le bénéficiaire a l’obligation d’aviser directement l’Administrateur et l’Entrepreneur dans le délai prescrit et ne peut pas compter sur l’Entrepreneur pour aviser l’Administrateur.
15. Francois Laplante dit que le délai de 6 mois pour dénoncer un vice de construction selon l’article 3.4 est une disposition de la Loi qui est d’ordre public et de ce fait les parties ne peuvent pas y déroger. De plus, un arbitre n’a pas le droit de ne pas en tenir compte dans sa décision.
16. Concernant le point 9 b), Serge Crochetière demande aux Bénéficiaires de soumettre le contrat d’achat entre eux et la propriétaire d’origine, Irene Keller , de qui ils ont acheté la maison. Josée Raymond acquiesce et il fait la lecture d’une clause spéciale dans ce contrat, datée du 25 mai 2005 : “Le Vendeur et l’Acheteur conviennent que nonobstant l’article 1456 du Code civil du Québec, l’Acheteur assume les risques liés à la propriété à compter des présentes.” De ce fait dit-il, ils ont acheté la maison à leurs risques et péril en renonçant à tout recours. De plus ils étaient au courant des problèmes dont était affectée la maison, car ils disposaient d’un rapport qu’ils avaient commandé à l’architecte Jean Bluteau. Ce rapport décrivait l’état de la maison lors de l’inspection que l’architecte en avait faite le 17 février 2005.
17. Serge Crochetière dit que la garantie de l’Administrateur est transférable de l’acheteur d’origine de la maison (Irene Keller) à celui à qui il vend la maison. Cependant, en vertu de la clause spéciale dans le contrat entre Irene Keller et les Bénéficiaires, ceux-ci ont abandonné ce droit et n’ont plus aucun recours contre La Garantie .
18. Serge Crochetière dit que lors de l’achat de la maison par les Bénéficiaires, les deux parties étaient au courant du vice qui affectait la maison et dans un tel cas la valeur d’une maison affectée par un tel vice est inférieure à la valeur d’une maison identique qui ne serait pas affectée par ce vice. Donc, les acheteurs ont vraisemblablement payé la maison qu’ils ont achetée de Irene Keller moins cher que la valeur d’une maison identique qui n’aurait pas été affectée du vice. Ils auraient ainsi bénéficié d’un rabais lors de leur achat. Le montant de ce rabais correspondrait normalement au prix qu’il en coûterait pour corriger le vice.
19. Josée Raymond dit que la maison de Irene Keller a été mis en vente au prix de $ 269,000 et que le prix qu’elle et son mari ont payé est $ 266,000, ce qui prouve qu’ils n’ont pas bénéficié d’un rabais attribuable au vice dont est affectée la maison. Serge Crochetière indique son désaccord sur cette conclusion.
20. François Laplante dit lui aussi que la garantie est transférable au second acheteur et cite à cet égard l’article 1442 du Code civil. Il ajoute cependant que lorsqu’un acheteur bénéficie d’un rabais attribuable à un vice, comme Serge Crochetière en a évoqué la possibilité, il ne pourrait pas avoir droit à une compensation de la part de La Garantie, ce qui équivaudrait à recevoir deux fois une compensation pour une même cause. À quelques endroits dans le contat de garantie il est écrit qu’il ne doit pas avoir enrichissement du Bénéficiaire.
21. Concernant le point 9 c), Serge Crochetière réfère au dernier rapport de Inspec-Sol, daté du 25 mai 2005 qui indique que les affaissements qu’ont subis les murs extérieurs de la maison entre les relevés faits le 16 janvier 2006 et ceux faits le 21 avril 2006 (écart d’environ 3 mois) ne dépassent dans aucun cas 2 mm (moins de 1/8 de pouce) ce que Inspec-Sol décrit comme n’étant pas des variations significatives et donc un comportement acceptable. Il appartient aux Bénéficiaires de faire la preuve qu’il y a eu détérioration depuis 2006.
22. Josée Raymond en référant aussi à ce même rapport de Inspec-Sol souligne qu’il indique des affaissements jusqu’à 5.5 mm (1/4 de pouce) entre les relevés faits le 21 juin 2005 et ceux du 21 avril 2006 (écart de 10 mois) qui témoignent de variations plus importantes.
23. Josée Raymond réfère aussi au rapport de Inspec-Sol du 23 septembre 2003 et cite certaines phrases tirées de ce rapport, notamment :
• à l’article 5.0 où il est dit que le sol est très mou: “Le terrain naturel en place est constitué d’un dépôt d’argile silteuse de consistance très molle à molle.”
• à l’article 5.2 où il est dit : “Le tassement différentiel de 50 mm (2 pouces) sous le mur extérieur de façade avec le balcon produira un tassement différentiel avec les autres éléments dans tous les cas inacceptable.”
• à l’article 5.3 où il est dit : “Les tassements calculés, excèdent les valeurs limites habituelles, en particulier pour le mur de façade, ce qui a causé un affaissement du sol le long de celui-ci et provoqué la fissuration de la dalle parallèlement à ce mur.”
• à l’article 5.3, page 11, où il est dit que c’était fini les tassements, alors que ça n’a pas été le cas.
24. Josée Raymond s’interroge aussi sur le fait que Inspec-Sol ait changé d’idée entre ses deux premiers rapports (23 septembre 2003 et 2 mars 2005) et les rapports subséquents (à compter du 8 mars 2006). On lui répond que les premier rapports de Inspec-Sol étaient basés sur une information qu’on lui avait fournie que les semelles des murs de fondation mesuraient 30 pouces de largeur, alors qu’il s’est avéré qu’elles mesurent 36 pouces de largeur, ce qu’Inspec-Sol mentionne dans son rapport du 8 mars 2005. Cette information que les semelles mesurent 36 pouces de largeur lui a été fournie par Sylvain Aumais de Les Habitations Sylvain Ménard inc. qui, à partir de la quantité de béton qui a été utilisée pour la construction des semelles, lui a permis de calculer et de conclure que les semelles avaient réellement 36 pouces de largeur. Ceci a permis à Inspec-Sol de calculer que le coefficient de sécurité pour les semelles des murs avant et arrière de la maison sont 2.0 et 2.5 respectivement, alors que les calculs basés sur des semelles de 30 pouces de largeur et indiqués dans son rapport du 2 mars 2005 étaient de 1.65 et 2.1 respectivement. Ainsi, en se basant sur des semelles de 36 pouces, on arrive à des coefficients qui se situent à l’intérieur de la norme qui est de 2.0 à 3.0
25. Josée Raymond réfère aussi au dernier rapport de Inspec-Sol, du 25 mai 2006
• aux articles 2.0 et 3.0 où on utilise des termes tels “pas de variations significatives” “écarts cumulatifs de 0 mm à 2 mm . . . . ce qui n’est pas jugé significatif” “les valeurs observées sont considérées acceptables pour un bâtiment résidentiel”
et fait part de son désaccord avec ces termes qui indiquent que les défauts sont mineurs alors qu’elle considère au contraire qu’ils sont très importants. Elle rappelle que dans son rapport du 23 septembre 2003 Inspec-Sol avait utilisé le mot “inacceptable” pour décrire un certain tassement différentiel. Elle ajoute que Inspec-Sol souligne surtout les différences minimes dans le niveaux qui ont été observées entre les dates de ses plus récents rapports, (une période de moins d’un an), et omet de mentionner les différences très importantes entre certains niveaux observés en 2003 et ceux observés en 2006, (une période de 32 mois).
26. Josée Raymond souligne que Pierre Bonneville, l’inspecteur-conciliateur qui a signé la décision de La Garantie n’est même pas venu voir la maison et il affirme dans sa décision que les problèmes dont est affectée la maison ne sont pas graves. Elle dit ne pas comprendre comment il a pu porter un tel jugement sans observer les faits.
27. Michel Provencher, ingénieur, souligne que dans son rapport d’expertise du 20 novembre 2006 il n’est pas fait mention de la fissure de la dalle du sous-sol, située à quelques pieds du mur arrière et parallèle à ce mur, fissure qui a été constatée ce matin avant le début de l’audience, parce que cette fissure n’existait pas lors de son relevé du 4 octobre 2006 et s’est donc produite depuis.
28. Michel Provencher ajoute certaines informations à celles indiquées dans son rapport:
• les planchers du rez-de-chaussée et du deuxième étage sont supportés, le long des murs avant et arrière de la maison, par ces murs extérieurs avant et arrière. Tout affaissement de ces murs avant et arrière est donc transmis intégralement aux planchers aux endroits où ils rencontrent ces murs,
• le plancher du sous-sol quant à lui, qui est entièrement supporté par le sol sur lequel il repose, est indépendant des murs extérieurs qui l’entourent et les affaissements de certaines parties de ce plancher n’ont pas de rapport avec l’affaissement des murs qui l’entourent,
• au sous-sol, tout comme au rez-de-chaussée, il a donné aux niveaux des planchers, à peu près au centre de la maison, la cote 0.00 Les autre cotes indiquées à divers endroits permettent donc de calculer les dénivellations du plancher à ces endroits par rapport au niveau du plancher au centre de la maison, Par exemple, la cote —2.0 indique une dénivellation de 2 pouces.
• au sous-sol, le rapport indique des dénivellations, importantes surtout à certains endroits en périphérie du plancher. Ces dénivellations atteignent un maximum de 3 pouces à l’avant de la maison, sous la porte extérieure avant de la maison.
• au rez-de-chaussée le rapport indique une dénivellation maximum de 2 pouces le long du mur extérieur avant, à deux endroits, l’une dans la salle à manger et l’autre à la porte extérieure avant.
29. Michel Provencher souligne que dans un cas comme celui-ci, les vices apparaissent graduellement et il est difficile de dire quand ils se sont manifestés pour la première fois. Une fissure lorsqu’elle se produit peut paraître anodine et sans conséquence et donc on ne la rapporte pas. Ce n’est que plus tard, quand la fissure s’élargit ou devient plus longue, qu’elle peut être considérée comme un vice important de la gravité visée par l’article 2118 du Code civil et de ce fait nécessite dénonciation. Il en va de même pour les affaissements, qui eux sont encore plus difficiles à percevoir.
30. Michel Provencher indique dans son rapport les travaux qu’il recommande pour corriger les affaissements qui se sont produits et ainsi redresser la maison, ainsi que les travaux qu’il recommande pour éviter de futurs affaissements.
OFFRE DE RÈGLEMENT
31. Serge Crochetière soumet une offre de la part de son client, Les Habitations Sylvain Ménard inc., dont il fait lecture. Il ne la dépose pas disant qu’il voudrait en faire une rédaction plus précise et plus formelle qu’il a l’intention de transmettre aux Bénéficiaires d’ici quelques jours. L’offre dont il fait lecture peut se résumer à peu près comme suit :
Les Habitations Sylvain Ménard inc. offre d’installer des repères dans la maison des Bénéficiaires pour observer les mouvements qui pourraient se produire sur une période de deux ans et s’il se produit des mouvements s’engage à entreprendre les travaux nécessaires pour corriger la situation. Les deux parties nommeront Henri P. Labelle pour arbitrer le respect de cette entente. Cette offre est soumise sans admission de responsabilité.
32. François Laplante fait part que La Garantie n’est pas partie à cette offre. Il ajoute qu’elle ne concerne que l’Entrepreneur et les Bénéficiaires. Cette offre, qu’elle soit acceptée ou non, n’engage aucunement La Garantie, de quelque façon que ce soit.
33. Il est convenu par tous que si cette offre résulte en une entente entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur elle équivaudrait à une renonciation de la réclamation adressée à La Garantie par les Bénéficiaires, laquelle fait l’objet du présent arbitrage, et y mettrait fin. Selon cette éventualité, il est convenu que je ne rendrai pas de sentence.
34. Je m’engage à ne pas prononcer ma sentence tant que je n’aurai pas reçu de chacune des deux parties un écrit m’avisant que les parties ont conclu une entente sur l’offre lue par Serge Crochetière, soit dans sa forme initiale, soit amendée à la suite de négociations entre les parties impliquées. Si je ne reçois aucun écrit à cet effet avant le 5 avril 2007, je rendrai ma sentence immédiatement après. Si je reçois une attestation qu’il y a eu entente entre les partie, mon rôle se limitera alors à entériner cette entente et je ne rendrai pas de sentence.
35. François Laplante déclare que s’il survient une entente entre les partie suite à l’offre susmentionnée, La Garantie prendra à sa charge les honoraires raisonnables qui seront demandés par l’expert des Bénéficiaires, Michel Provencher pour ses travaux d’expertise.
36. Fin de l’audience du présent arbitrage.
37. J’ai reçu le 3 avril 2007 un courriel de Me François Laplante me faisant par qu’il me transmettait en pièce jointe une décision arbitrale “6 mois Gariépy” qui résume sa plaidoirie faite à l'audition concernant le délai de 6 mois de dénonciation. J’ai pris connaissance de ce document et constate qu’en effet cette décision arbitrale correspond à ce qu’il a dit au cours de l’audience.
38. J’ai reçu une déclaration des Bénéficiaires le 3 avril 2007 m’informant que les négociations avec Les Habitations Sylvain Ménard inc. étaient rompues et m’invitant à rendre ma décision suite à l’audition du 6 mars 2007. Je n’ai pas reçu de confirmation de cette rupture suite à la demande que j’en ai faite à l’autre partie. Je juge cependant qu’une telle confirmation n’est pas nécessaire puisque la déclaration d’une partie est suffisante pour conclure qu’il n’y a pas entente entre les parties, et je procède donc à la conclusion de cet arbitrage.
39. Concernant l’affirmation des deux procureurs que la dénonciation des vices de construction que les Bénéficiaires ont adressée à La Garantie a été faite en retard, {voir 9 a)} je n’ai entendu aucune preuve à cet effet au cours de l’audience, malgré que j’aie écouté attentivement pendant environ trois heures toutes les interventions de tous les participants. Exception faite du témoignage de la Bénéficiaire à ce sujet, que je considère être un ouï-dire, les procureurs n’ont questionné aucun témoin pour appuyer leur affirmation sur cette question et aucun témoin n’a affirmé une telle chose de son propre chef. D’autre part, l’inspecteur-conciliateur Pierre Bonneville a émis deux décisions, datées des 20 avril 2005 et 28 août 2006 ainsi qu’un addenda entre ces deux dates, soit le 12 mai 2005, et dans aucun de ces trois documents la moindre allusion n’a été faite quant à une possibilité de dépassement du délai prescrit. Pierre Bonneville a eu trois occasions pour mentionner le dépassement du délai prescrit, s’il y avait eu dépassement, et il ne l’a pas fait. Ceci laisse supposer qu’il n’y avait pas dépassement.
40. Il est difficile d’imaginer que Pierre Bonneville n’aurait pas profité d’un dépassement de délai, le cas échéant, pour mettre fin à cette affaire dès le jour de sa première décision, le 20 avril 2005 et ainsi mettre fin aux dépenses et au temps que les intervenants y consacraient. Les économies résultant de la conclusion de cette affaire à ce moment s’appliquent autant à sa propre entreprise, La Garantie, qu’aux autres intervenants. Au contraire, trois autres expertises ont été faites par Inspec-Sol entre la première décision de Pierre Bonneville (20 avril 2005) et sa décision finale (28 août 2006). Des expertises additionnelles étaient recommandées dans sa première décision et exigées dans son addenda du 12 mai 2006. L’explication indiquée dans ces deux documents émis par Pierre Bonneville est qu’il avait besoin de données additionnelles pour juger de la gravité des vices et lui permettre de prendre une décision. On doit conclure qu’il n’aurait pas eu besoin de ces trois expertises additionnelles s’il y avait eu dépassement du délai, dépassement qui à lui seul lui aurait permis de prendre une décision.
41. Au second paragraphe de sa décision finale, Pierre Bonneville écrit :
Étant donné que le point 1 qui suit fut dénoncé par écrit dans la quatrième année de la garantie, nous devons vérifier, pour que la garantie s’applique, si le critère suivant s’applique : Le point dénoncé constitue-t-il un vice de conception, de construction ou de réalisation ou un vice du sol, au sens du Code civil du Québec?
J’interprète que cette phrase indique que la seule vérification qui doit être faite est de vérifier si le délai de 5 ans s’applique ici. Pour qu’il s’applique, il faut deux conditions : que ce soit un vice important et que le vice se soit produit dans un délai de 5 ans de la fin des travaux. Donc le délai de 5 ans est primordial. Pierre Bonneville admet que ce délai de 5 ans est rencontré en écrivant que le vice a été dénoncé dans la quatrième année. Donc il ne reste plus qu’à vérifier la gravité du vice d’après lui. La vérification le mène à la conclusion que le vice n’est pas grave et ainsi qu’il peut rendre sa décision, ce qu’il a fait.
42. S’il y avait eu dépassement du délai prescrit en ce qui a trait à la dénonciation du vice, ou s’il avait même eu un doute à ce sujet, il l’aurait mentionné ici en écrivant : nous devons aussi vérifier si le délai prescrit pour en faire la dénonciation a été respecté, ou quelque chose du genre. Mais non. Il ne fait allusion qu’à une seule vérification, ce qui indique à mon avis qu’il juge que la dénonciation n’a pas été faite en retard. Qui est mieux placé que lui pour juger de ceci? Ainsi, la probabilité prépondérante est qu’il n’y a pas eu de dépassement du délai. Pierre Bonneville aurait-il simplement oublié de dire que le délai avait été dépassé? Je ne le crois pas.
43. D’autre part, pour qu’un Bénéficiaire invoque l’article 3.4 du contrat d’arbitrage pour dénoncer un vice de construction qui serait grave, au sens de l’article 2118 du Code civil, faut-il encore qu’il juge qu’il y a perte de l’ouvrage, qui est une condition que l’on retrouve dans l’article 2118. Or à quel moment le Bénéficiaire aurait-il pu constater la première manifestation de la perte de l’ouvrage qui lui permettrait de faire le lien avec l’article 3.4 du contrat de garantie et être en mesure de respecter les conditions et le délai de dénonciation qu’il impose?
44. Quoiqu’il en soit, je ne sais toujours pas aujourd’hui si le délai de dénonciation a été dépassé ou non et ainsi je ne peux pas rejeter la réclamation des Bénéficiaires pour cause de dépassement du délai de 6 mois prescrit à l’article 3.4 du contrat de garantie pour faire la dénonciation du vice auprès de l’Administrateur.
45. Concernant l’affirmation de Serge Crochetière que la clause spéciale dans le contrat de vente de la maison de Irene Keller aux Bénéficiaires constitue une renonciation de la part de ceux-ci de faire toute réclamation contre La Garantie {voir 9 b)}, je ne partage pas son opinion. En effet, comme il s’agit ici d’un contrat entre les Bénéficiaires et Irene Keller je considère que l’engagement des Bénéficiaires est exclusivement envers Irene Keller et ne constitue pas un engagement envers des tiers qui ne sont pas partie à ce contrat de vente, notamment La Garantie.
46. Concernant la gravité des vices dont est affectée la maison des Bénéficiaires je considère qu’ils sont graves. Les principaux sont :´
• un affaissement de 2 pouces du plancher du rez-de-chaussée en bordure du mur extérieur avant, qui signifie un affaissement du mur extérieur avant de 2 pouces,
• un cadre de porte croche au deuxième étage, de 53 pouces de largeur, qui comporte une pente de 5/8 de pouce dans sa partie supérieure, ce qui est visuellement choquant. Le plancher à l’endroit de ce cadre de porte est parallèle à la partie supérieure du cadre et donc comporte lui aussi la même pente de 5/8 de pouce dans 53 pouces, ce qui est beaucoup à mon avis,
• des affaissements du plancher du sous-sol à de nombreux endroits dont le pire est un affaissement de 3 pouces et quelques-uns sont de 2 pouces ou plus. Le plancher comporte aussi de nombreuses fissures. Le sous-sol ne peut même pas être aménagé tellement le plancher est en mauvais état.
47. Chacun de ces vices constituent à mon avis un élément de perte de l’ouvrage, qui est l’expression que l’on retrouve à l’article 2118 du Code civil. Le dernier vice constitue quant à lui un empêchement d’utiliser une partie de l’ouvrage.
48. Pierre Bonneville écrit dans son rapport : “ . . . les problèmes observés ne comportent définitivement pas le niveau de gravité du vice de construction au sens de l’article au sens de l’article du Code civil du Québec.” Je suis en complet désaccord avec lui sur ce point. En effet je considère au contraire que les problèmes observés comportent le niveau de gravité de vice de construction au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec.
SENTENCE
49. Je retiens la réclamation des Bénéficiaires et ordonne à La Garantie :
• d’exécuter les travaux nécessaires pour redresser la maison des Bénéficiaires et la solidifier pour éviter qu’il ne se produise de nouveaux affaissements des murs, des planchers et autres éléments de la maison,
• de faire :
• les travaux de réparation aux finis intérieurs (cloisons, portes, cadres, planchers, etc ) qui sont nécessaires pour corriger les éléments de la maison qui devraient être horizontaux ou verticaux et qui ne le sont pas, ou qui ne sont pas actuellement d’équerre ou d’aplomb,
• tous les travaux de réparation aux éléments de la maison, intérieurs et extérieurs, qui auraient été abîmés par les travaux de redressement et de consolidation de la maison, et
• de refaire le plancher du sous-sol sur un fond adéquat pour éviter qu’il ne s’affaisse de nouveau.
50. J’ordonne à La Garantie d’acquitter les frais de l’arbitrage
Henri P. Labelle, architecte
arbitre