TRIBUNAL D’ARBITRAGE

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

Sous l’égide du

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

(CCAC)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

______________________________________________________________________

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

Dossier CCAC no: S16-022901-NP

9266-4374 QUÉBEC INC.

(Les Constructions Alyro)

c.

ALAIN PHANEUF

et

LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE

(« GCR »)

                        _______________________________________________

 

DÉCISION ARBITRALE

Mesures conservatoires

                        _______________________________________________

 

Arbitre:                                                                                                    Me Jean Philippe Ewart

 

Pour l’Administrateur :                                                                              Me Pierre-Marc Boyer

M. Jocelyn Dubuc, inspecteur-conciliateur

 

Pour l’Entrepreneur :                                                                          M. Pierre Olivier Rodrigue

 

Pour le Bénéficiaire:                                                                                         M. Alain Phaneuf

 

Date de l’Enquête et audition

par appel téléphonique :                                                                                        26 avril 2016

 

Date de la décision :                                                                                                 27 avril 2016

 

Identification des Parties

 

ADMINISTRATEUR:                LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE

Attention: Me Pierre-Marc Boyer

contentieux de GCR

7171, rue Jean-Talon Est

Montréal (Québec) H1M 3N2

Administrateur »)

 

ENTREPRENEUR :                                                                        9266-4374 QUÉBEC INC.

(Les Constructions Alyro)

a/s : M. Pierre Olivier Rodrigue

1179, rue Legendre

Thetford Mines (Québec) G6G 7Z8

Entrepreneur »)

 

BÉNÉFICIAIRES :                                                                                 M. ALAIN PHANEUF

LISANNE PHANEUF

SÉBASTIEN WILLE

[...] Montréal (Québec) [...]

Bénéficiaires »)

 

 

Introduction

 

[1]        Les Bénéficiaires A. Phaneuf, L. Phaneuf et S. Wille et l’Entrepreneur sont intervenus à un contrat sous intitulé de ‘contrat de construction’ daté du 23 janvier 2015 (Pièce A-2) (« Contrat de construction ») et les Parties sont intervenues d’autre part à un contrat de garantie - bâtiments non détenus en copropriété divise daté du 29 avril 2015 sous formulaire de l’Administrateur, (Pièce A-1) pour les fins de la construction de quatre (4) unités résidentielles avec adresses civiques respectives des [...], [...], [...] («[...]») et [...], Montréal, décrit comme un quadruplex en rangée (le « Bâtiment »).

 

Litige

 

[2]        Le litige est un recours qui découle d’une décision de l’Administrateur en date du 3 février 2016 (no de dossier : 104413-01) (Pièce A-28)  Décision Adm ») émise en application du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r. 8) adopté en conformité de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1) (le « Règlement ») et par demande d’arbitrage de l’Entrepreneur, et, pour les fins de la présente décision, plus particulièrement en suivi de la réclamation

 

visée au Point 20 de la Décision Adm (dégât d’eau au plafond de la cuisine et présence de moisissures au [...]), contestée par l’Entrepreneur, et requérant la possible nécessité de mesures conservatoires quant à ce Point.

 

Mandat et Juridiction

 

[3]        Le Tribunal est initialement saisi du dossier par nomination du soussigné en date du 1er avril 2016.  Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les Parties en conférence préparatoire ou par la suite et juridiction du Tribunal a été alors confirmée.

 

Déroulement de l’instance

 

Pièces

 

[4]       Les Pièces contenues au Cahier de l’Administrateur et dont référence sera faite aux présentes sont identifiées comme A-, avec sous-numérotation équivalente à l’onglet applicable au Cahier visé ou en continu suite à dépôt subséquent, et les Pièces présentées par les Bénéficiaires comme B- et par l’Entrepreneur comme E-.  Aucune objection quant à véracité ou exactitude de la preuve documentaire n’a été soulevée.

 

Le Règlement

 

[5]        Le Tribunal s’appuie que le Règlement est d’ordre public et prévoit que toute disposition d’un plan de garantie (« Garantie » ou « Plan ») qui est inconciliable avec le Règlement est nulle[1].  Conséquemment, le Tribunal se réfère aux articles du Règlement lorsque requis sans rechercher la clause correspondante au contrat de garantie, s’il en est.

 

[6]        La décision arbitrale est finale et sans appel et lie les parties dès qu’elle est rendue[2].

 

[7]        Le Tribunal note aussi les dispositions de l’article 111 du Règlement qui prévoit que :

 

            « 111. Avant ou pendant la procédure arbitrale, une partie intéressée ou l’Administrateur peut demander des mesures nécessaires pour assurer la conservation du bâtiment. ».

Faits pertinents

 

[8]        Les Bénéficiaires A. Phaneuf, L. Phaneuf et S. Wille sont, selon la preuve documentaire, propriétaires indivis du Bâtiment et ont initialement confirmé au Contrat de construction (Pièce A-2) que M. Alain Phaneuf est mandaté pour agir pour les Bénéficiaires (pour aisance de texte, le « Bénéficiaire »).

 

[9]        Le Tribunal est informé que les unités du Bâtiment, sauf le [...], ont des occupants.

 

[10]     Le Tribunal a pris connaissance du rapport d’inspection daté du 16 décembre 2015 mandaté par le Bénéficiaire (Les Services Inspec-Thor Inc.; auteur : S. Bergeron, inspecteur en bâtiment certifié - Pièce A-29) (« Rapport Bergeron») et plus particulièrement d’une possibilité de moisissures (page 31 du Rapport Bergeron - Plafonds) et de la nécessité d’une expertise complémentaire :

 

 « immédiatement » … « afin d’éviter ou du moins de minimiser la propagation des spores qui pourraient contaminer tout l’espace environnant. »

 

[11]     Le Tribunal note également la preuve photographique à la Décision Adm (p. 17) ainsi que le constat de l’inspecteur conciliateur, et plus particulièrement :

 

                        « … L’inspection nous a permis de constater que ce dégât d’eau a causé d’importants dommages dans la cuisine.  On observe également la présence de traces de moisissures, ce qui nécessitera des travaux de dégarnissage et de décontamination avant de procéder à la remise en état des lieux. »

 

[12]     La preuve non contredite fait constat (i) de moisissures et de ‘dégâts d’eau’ qui requièrent dégarnissage et décontamination (« Décontamination »), et (ii) de dommages à des armoires dont preuve non contredite requièrent remplacement.

 

[13]     Le Bénéficiaire indique que sa dénonciation de la fuite ou infiltration d’eau visée au Point 20 fut effectuée le 11 novembre 2015 et que ce n’est que le 10 décembre 2015 que Cloutier Inc. effectue la réparation requise (nonobstant copie conforme d’un courriel du Bénéficiaire à l’Entrepreneur avisant d’une fuite ou infiltration d’eau au plafond du [...] - (para.3)).

 

Analyse et Motifs

 

[14]     Le Contrat de construction est un contrat d’entreprise au sens de l’article 2098 du Code civil du Québec (« CcQ ») et dans les circonstances l’Entrepreneur est tenu à une obligation de résultat (art. 2100 CcQ).

[15]     Il a été fait cas lors de l’enquête que l’Entrepreneur avait retenu les services d’un sous-traitant pour les travaux de plomberie, Construction Olivier Cloutier Inc. (« Cloutier Inc») et M. Olivier Cloutier (« Cloutier ») a témoigné à la demande du Bénéficiaire.

 

[16]     L’Entrepreneur en contre-interrogatoire a demandé si, et ce fut son allégué, Cloutier Inc. avait après les vacances de la construction été retenu par le Bénéficiaire pour finir les travaux; Cloutier a énoncé clairement en principal, et sous contre-interrogatoire de nouveau, que sa seule entente contractuelle pour l’ensemble des travaux de plomberie sur le Bâtiment est avec l’Entrepreneur.

 

[17]     La preuve non contredite indique une fuite ou infiltration d’eau dénoncée par écrit à l’Entrepreneur et l’Administrateur par le Bénéficiaire le 11 novembre 2015 (Pièce A-5) avec rappels écrits à l’Entrepreneur entre autre les 13 et 18 novembre 2015 (Pièces A-6 en liasse et A-9 en liasse, respectivement).

 

[18]     Cloutier témoigne que ce n’est que le 9 décembre 2015 que l’Entrepreneur a communiqué avec lui au sujet de cette fuite d’eau et de la nécessité de vérifier et réparer si requis, alors que l’Entrepreneur souligne que Cloutier Inc. était un des récipiendaires en copie de la dénonciation initiale du Bénéficiaire du 11 novembre 2015 (Pièce A-5).  Ce n’est pas au Tribunal dans les circonstances de déterminer l’attribution de responsabilité respective entre un entrepreneur et son sous-traitant, mais ayant saisi toutefois les dispositions du CcQ:

 

« 2101.   À moins que le contrat n'ait été conclu en considération de ses qualités personnelles ou que cela ne soit incompatible avec la nature même du contrat, l'entrepreneur ou le prestataire de services peut s'adjoindre un tiers pour l'exécuter; il conserve néanmoins la direction et la responsabilité de l'exécution. »

nos soulignés

 

et l’admission par Cloutier, admission confirmée par l’Entrepreneur, que la fuite est causée par une mauvaise installation ou défectuosité d’un coude de renvoi d’évier de l’unité supérieure à l’unité [...] (bris de plomberie d’ailleurs confirmé à la Décision Adm).

 

Conclusions

 

[19]     Le Tribunal conclut à la responsabilité de l’Entrepreneur quant à cette fuite et aux dommages subséquents.

 

[20]     Sous contrat d’entreprise, l’Entrepreneur a généralement le libre choix des moyens d'exécution du contrat, entre autre des travaux correctifs pouvant être requis, sujet à certaines dispositions du Règlement et à des mesures spécialisées requises selon le Tribunal dans les circonstances.

 

[21]     Il est nécessaire de pourvoir à Décontamination des lieux affectés, et ce par une firme spécialisée  dans ce type de travaux incluant de pouvoir à confirmation que la Décontamination est complète et selon les règles de l’art (« Firme D&D »).  L’Entrepreneur a requis d’aviser ses assureurs et de vérifier si ceux-ci sélectionnent une Firme D&D particulière; quelle que soit la suggestion de l’Entrepreneur de la Firme D&D, incluant la portée du mandat et le délai d’exécution de celui-ci, ce choix sera sujet à l’approbation de l’Administrateur et si aucune suggestion de Firme D&D n’est faite par l’Entrepreneur dans les délais impartis, l’Administrateur pourvoira, à sa seule discrétion, au choix d’icelle.

 

[22]     Quoique l’Entrepreneur ait libre choix des moyens d'exécution il est requis, dans les circonstances, que les travaux correctifs subséquents à la Décontamination, s’ils sont effectués par l’Entrepreneur ou un prestataire tiers choisi par celui-ci, soient sous le contrôle, inspection et approbation de l’Administrateur dans chaque étape de ceux-ci.

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

[23]     CONSIDÉRANT la preuve non contredite de la cause et des dommages visés par le Point 20 de la décision de l’Administrateur en date du 3 février 2016 (no de dossier : 104413-01) (« Décision Adm »);

 

[24]     CONSIDÉRANT l’article 111 du Règlement et la nécessité de décontamination  au Bâtiment;

 

[25]     MAINTIENT la décision de l’Administrateur à ce Point 20;

 

[26]     ORDONNE qu’une firme spécialisée en dégarnissage et décontamination suite à fuites ou dégâts d’eau et constat de moisissures soit mandatée pour effectuer les travaux requis de dégarnissage et décontamination (avec confirmation écrite d’une décontamination complète selon les règles de l’art) soit :

 

(i)           par choix de l’Entrepreneur ayant avisé l’Administrateur par écrit le ou avant le mardi 3 mai 2016 à 15h00 (délais de déchéance pour ce faire) de l’identité de la firme spécialisée, des paramètres du mandat accordé à celle-ci et du délai contractuel confirmé pour ce faire, ou

 

(ii)          si l’Entrepreneur néglige de pourvoir à avis écrit précité de choix dans le délai imparti, ou si le choix proposé ne rencontre approbation de l’Administrateur, ou si la firme choisie par l’Entrepreneur et initialement approuvée par l’Administrateur ne procède pas dans les délais identifiés à son mandat et ce dans les règles de l’art, alors par choix unilatéral de l’Administrateur d’une autre firme spécialisée - à son entière discrétion et sans que ne soit requis motifs.

 

[27]     ORDONNE à l’Entrepreneur sur réception de la confirmation de la firme spécialisée précitée que les travaux de décontamination sont terminés et selon les règles de l’art (« Confirmation D&D »), de pourvoir - en coordination avec la gestion de projets de l’Administrateur attitré au Bâtiment (qui coordonnera avec le Bénéficiaire pour accès) - aux travaux correctifs requis pour une remise en état des lieux visés aux présentes, incluant finitions, remplacement et installation des armoires et de tout autre ameublement endommagé des locaux, débutant dans les cinq (5) jours ouvrables de la réception de la Confirmation D&D, œuvrant de manière continue sans interruption pendant les jours ouvrables, le tout sous la surveillance, contrôle, inspection et approbation de l’Administrateur dans chaque étape de ceux-ci.

 

[28]     ORDONNE si l’Entrepreneur néglige ou fait défaut de ses obligations aux présentes ordonnances du Tribunal, que sans autre avis ou délai, l’Administrateur prenne charge d’obtenir Confirmation D&D, des correctifs et parachèvement, convienne pour ce faire d'un délai avec le Bénéficiaire, choisisse un entrepreneur tiers si requis et surveille les travaux.

 

[29]     PERMET que soit présent, si le Bénéficiaire le requiert, à ses frais et sans que cela ne retarde indûment l’intervention de l’Entrepreneur dans les délais qui lui sont imposés par le Tribunal, un représentant du Bénéficiaire, incluant tout tiers expert s’il le juge à propos.

 

[30]     ET CONSERVE juridiction.

 

Frais à suivre.

 

--------------------------------------

Me Jean Philippe Ewart

Arbitre



[1] Idem, D.841-98, a.5, article 5 du Règlement.

 

[2] Idem, articles 20 et 120 du Règlement.