TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
|||||||
|
|||||||
CANADA |
|||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
|||||||
n/d : PG 2007-06 GAMM : 2007-04-003 Administrateur : A-20097/U-501701 |
|||||||
|
|
||||||
|
|||||||
Date : |
12 décembre 2007 |
||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
DEVANT L’ARBITRE : |
Me Bernard Lefebvre |
||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
Mme Lyne Montminy « Bénéficiaire » |
|||||||
|
|||||||
et |
|||||||
|
|||||||
La Garantie des Maîtres Bâtisseurs « Administrateur » |
|||||||
|
|||||||
et |
|||||||
|
|||||||
Constructions Clémart Enr. |
« Entrepreneur » |
||||||
|
|||||||
|
|
|
|||||
|
|
|
|||||
|
|||||||
|
|
||||||
|
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
SENTENCE ARBITRALE |
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
|
|
|
|
|
|
|
|
[1] Le 22 mai 2007, madame Montminy soumet à l’arbitrage le différend né du refus de l’Administrateur formulé le 22 avril 2007 de considérer le bruit entendu à des intervalles intermittents à l’intérieur du mur de sa chambre lors de grands vents comme un vice caché ou un vice de construction.
[2] L’Administrateur considère que les bruits occasionnés par le mouvement naturel des matériaux et de leurs ancrages lors de grands vents ne peuvent être considérés comme un vice caché ou un vice de construction aux termes du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs de la Garantie des Maîtres Bâtisseurs. Selon lui, la situation dénoncée par Mme Montminy ne cause pas préjudice à l’unité résidentielle.
[3] Nous dégageons la solution du litige selon l’élaboration suivante, à savoir;
I. Le différend soumis à l’arbitrage - 22 mai 2007;
II. La décision de l’Administrateur - 22 avril 2007 ;
III. La preuve;
IV. Les arguments et,
V. L’analyse et la décision. .
[4] Mentionnons au préalable les admissions des parties que l’arbitre est compétent pour trancher le différend et pour statuer sur les frais de l’arbitrage.
I. Le différend soumis à l’arbitrage - 22 mai 2007
[5] Le 22 mai 2007, Mme Montminy transmet au Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM) le résumé du différend qui l’oppose à l’Administrateur. Nous reproduisons les éléments essentiels de ce document.
« Le 3 avril 2006, début du bruit irrégulier, anormal qui se fait entendre dans un mur extérieur ( mur de la chambre à coucher ) lorsqu’il vente de l’Est plus particulièrement, ou du Nord-Est.
…, j’ai contacté l’entrepreneur et il a fait quelques vérifications de base…
lorsqu’il vente, … il est difficile de vivre et surtout de dormir… Je dois déménager au salon … j’ai noté toutes les dates où le bruit est assez fort pour une période de plus de quelques heures … Je formule une demande d’arbitrage afin qu’une décision satisfaisante soit rendue dans le meilleur délai afin de solutionner ce bruit.
Lyne Montminy
2007-05-22 »
II. Décision de l’Administrateur - 22 avril 2007
[6] Le 22 avril 2007, sur la base des inspections tenues les 20 septembre et 5 décembre 2006 et le 16 mars 2007, M. Michel Thibault, responsable technique de l’Administrateur, rejette la dénonciation de madame Montminy en ces termes;
« Montréal, le 22 avril 2007
1. Chambre principale - Bruit - Grand Vent
La bénéficiaire mentionne avoir de la difficulté à dormir lors des grands vents. La bénéficiaire entend de cliquetis plus ou moins forts, à des intervalles intermittents, à l’intérieur du mur de sa chambre depuis le 3 avril 2006.
La bénéficiaire habite au premier étage de l’immeuble et mentionne que les autres copropriétaires n’ont pas ce problème.
La bénéficiaire mentionne que l’entrepreneur a effectué deux visites, le 3 et 13 mai 2006 pour analyser la situation.
GMB n’a pas constaté de bruit provenant du mur lors de nos visites du 20 septembre et du 5 décembre 2006.
GMB a observé dans l’entretoit que les soffites, les déflecteurs, les fermes de toits et quelques éléments structuraux sont bien fixés selon les règles de l’art.
Pour faire suite à la demande du 20 septembre 2006, nous avons procédé le 16 mars 2007 à une inspection supplémentaire d l’unité résidentielle. Lors de notre visite en soirée, GMB a entendu des cliquetis intermittents dans la chambre principale, au niveau du plancher, ainsi que des cliquetis de très faible intensité dans la cuisine et le salon, à l’intérieur des murs.
GMB a été dans l’entretoit et ce bruit ne se fait pas entendre. Dans le grenier, GMB entend des bruits normaux provoqués par des forts vents, et tous les éléments structuraux de la toiture et les accessoires de plomberie et de ventilation sont fixés adéquatement.
GMB a visuellement observé à l’extérieur le revêtement de brique, la gouttière et le revêtement de toiture et aucunes déficiences n’ont été constatés.
Nous ne pouvons établir que la situation décrite au point 1 cause un préjudice à l’unité résidentielle. Les bruits occasionnés par le mouvement naturel des matériaux et de leurs ancrages lors de grands vents ne peuvent donc être considérés comme un vice caché ou vice de construction tels que définis au texte de garantie.
Par conséquent, GMB ne peut reconnaître ce point dans le cadre de son mandat. »
III. La preuve
Visite des lieux
[7] L’arbitrage a débuté par la visite des lieux en présence des parties intéressées. Les conditions climatiques sont clémentes.
[8] Une ouverture avait été pratiquée dans le mur de la chambre de l’unité de madame Montminy. M. Gosselin, résident à l’étage inférieur a été le seul témoin à entendre un bruit.
[9] Le tribunal s’est déplacé à l’extérieur pour visualiser le mur de briques du bâtiment attenant à la chambre des unités. L’arbitre a donné à toutes les parties intéressées l’occasion de l’accompagner.
Preuve de la bénéficiaire
[10] Madame Montminy dépose l’historique du dossier à compter du 3 avril 2006 jusqu’au 16 avril 2007 et elle produit un enregistrement audio des bruits entendus durant la période concomitante.
[11] M. Denis Gosselin réside à l’étage inférieur de l’unité de madame Montminy et il affirme avoir entendu des bruits le 12 mai 2006 mais il n’a pu en déceler la source ni détecter la cause.
[12] M. Jean-Philippe Caron connaît l’unité de madame Montminy et il affirme avoir entendu les bruits en question le ou vers le 16 avril 2007.
[13] M. Sydney Peat, possède une bonne connaissance en bâtiments et il atteste que lors de sa visite du 2 mars 2007, il n’a pas entendu de bruits spécifiques dans l’entretoit du bâtiment.
Preuve de l’Administrateur
[14] L’Administrateur admet que les conditions climatiques exceptionnelles ne sont pas la source du bruit en cause, sinon M. Thibault, responsable technique de l’Administrateur, aurait mentionné ce fait dans son rapport.
[15] Madame Montminy convient que l’entrepreneur s’est rendu à son unité à plusieurs reprises pour cerner la cause du bruit et elle souligne les méthodes de correctives proposées à ce dernier. Par exemple, remplacer les panneaux en carton fibre par des panneaux en plastique; faire souffler de l’uréthane, et visser les panneaux de placoplâtre. L’entrepreneur n’a retenu aucune de ses suggestions.
[16] M. Caron décline ses compétences en matières de construction et, il soumet qu’il ne peut identifier le bruit si le mur n’est pas « ouvert ».
Preuve de l’Entrepreneur
[17] M. Martial Chabot, au nom de l’entrepreneur, récite les interventions de l’entreprise auprès de la bénéficiaire en termes quantitatifs et qualitatifs à compter du 3 avril 2006 et il dépose à cet effet la correspondance échangée entre eux les 29 octobre, 6 septembre et 22 novembre 2006, cette dernière par l’intermédiaire de l’Administrateur.
[18] M. Béland, employé de l’Entrepreneur, affirme s’être présenté chez la bénéficiaire à trois reprises et il décrit la visite effectuée dans l’entretoit du bâtiment sans rien détecter rien d’anormal.
IV. Arguments
[19] La Bénéficiaire admet que l’entrepreneur a fait des efforts pour régler le problème mais ce fut en vain. La GMB s’applique et elle a droit à la même quiétude que les autres occupants du bâtiment. Mme Montminy anticipe une perte de valeur de sa propriété en raison de ce vice caché.
[20] L’Administrateur ne nie pas qu’il y ait des cliquetis mais la Bénéficiaire n’a pas prouvé que ceux-ci constituent un vice de construction. Peut-être que madame Montminy souffre d’une intolérance personnelle au bruit. En conséquence, l’arbitre doit confirmer le refus de l’Administrateur d’assujettir la plainte de la bénéficiaire au Plan de Garantie de GMB, prononcé le 22 avril 2007 par M. Thibault.
[21] Selon l’Entrepreneur, le témoignage de M. Béland prime sur ceux des témoins présentés par la bénéficiaire et en particulier sur celui de M. Gosselin qui est le seul à avoir entendu du bruit lors de la visite des lieux.
V. Analyse et décision
[22] Somme toute, l’Administrateur et l’Entrepreneur admettent l’existence du bruit entendu par madame Montminy et ils confirment l’observation afférente de M. Thibault apparaissant dans la décision du 22 avril 2007 que :
« La bénéficiaire mentionne avoir de la difficulté à dormir lors des grands vents. La bénéficiaire entend de cliquetis plus ou moins forts, à des intervalles intermittents, à l’intérieur du mur de sa chambre depuis le 3 avril 2006. »
[23] La question est de savoir si la preuve supporte les conclusions de M. Thibault, que …
« Nous ne pouvons établir que la situation décrite au point 1 cause un préjudice à l’unité résidentielle. Les bruits occasionnés par le mouvement naturel des matériaux et de leurs ancrages lors de grands vents ne peuvent donc être considérés comme un vice caché ou vice de construction tels que définis au texte de garantie. »
[24] Examinons d’abord la question sous l’angle du préjudice à l’unité résidentiel et ensuite celle de la qualification du bruit en fonction des critères du vice caché.
Le préjudice
[25] La bénéficiaire assume le fardeau de prouver le préjudice découlant du bruit dont elle se plaint. Seuls les faits peuvent supporter la présence du bruit. Mais il ne suffit pas de soumettre ses observations pour établir le préjudice. Le bruit doit priver Mme Montminy de la jouissance normale de son unité d’habitation ou en diminuer notablement son usage.
[26] Or, la détermination de la jouissance normale de cette unité doit découler de critères objectifs car l’entrepreneur n’est pas tenu de construire un bien en fonction des critères personnels du client, sauf preuve du contraire.
[27] En l’espèce, l’obligation de l’entrepreneur consiste à fournir à Mme Montminy une unité d’habitation correspondant à la fin à laquelle elle est destinée, sans autres considérations personnelles de la bénéficiaire.
[28] Dans notre cas, la preuve audio constitue un critère objectif. Quelle est la valeur probante de cette preuve quant à savoir si le bruit prive Mme Montminy de l’usage normal de son unité d’habitation?
[29] Soulignons que ni l’Administrateur, ni l’Entrepreneur ne se sont objectés au dépôt de la bande audio à titre de preuve du bruit alors que la bénéficiaire avait mis cette bande à leur disposition avant l’arbitrage. Il est vrai que la bénéficiaire a admis, en réponse à l’entrepreneur, que le bruit inscrit sur la bande vidéo n’avait pas été mesuré en décibels. L’entrepreneur en tire la conclusion que cette bande audio ne fait pas preuve de son contenu.
[30] En tout état de cause, cette bande ne revêt pas les caractéristiques d’une expertise et constitue ainsi une preuve ordinaire qui peut être contredite par toute autre preuve ordinaire.
[31] Or, la valeur probante de la bande audio ne souffre d’aucune distorsion avec la valeur les éléments des pièces déposées en arbitrage et avec les témoignages entendus dans cette instance. Ainsi, l’ensemble de ces preuves donnent lieu de décider que le bruit entendu par la bénéficiaire est avéré et empêche celle-ci d’utiliser son unité d’habitation en fonction de l’usage normal auquel il est destiné et auquel elle a droit.
[32] En conséquence, Mme Montminy subit un préjudice personnel réel et un préjudice monétaire éventuel mais non virtuel que l’entrepreneur doit réparer si le bruit est un vice caché au sens du contrat de garantie.
La qualification du bruit en terme de vice caché
[33] De prime abord, sont exclus du contrat de garantie, les réparations rendues né-cessaires par un comportement normal des matériaux tels les fissures et les rétrécisse-ments et les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l'entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppres-sions, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire ( art. 12 Règlement sur le plan de garantie des bâtiments (L.R.Q., c. B-1.1, a. 185, par. 19.3º à 19.6º et 38º et 192)
[34] Il est clair que les vérifications effectuées par la bénéficiaire elle-même ou par ses préposés ne lui sont pas opposables.
[35] Les règles de la charge de la preuve conduisent le tribunal à affirmer que la bénéficiaire n’assume pas le fardeau de démontrer que le bruit ne résulte pas du comportement normal des matériaux. La preuve du lien entre le bruit et le comportement normal des matériaux incombe à la partie adverse et celle-ci a allégué cette exclusion dans sa décision du 22 avril 2007 et dans sa plaidoirie sans l’appuyer sur aucune preuve probante.
[36] Ceci suffirait pour conclure que le bruit en question constitue un vice caché ou un vice de construction. Mais vidons la question en fonction des critères du vice caché ou du vice de construction élaborés par la jurisprudence sur la base du droit formel (art. 1726 C.c.Q.).
[37] Penchons-nous ici sur l’argument que le bruit n’étant entendu que dans une seule unité d’habitation, il n’est pas permis d’inférer que ce bruit constitue un vice de construction puisqu’il y a vice de construction si tout le bâtiment est affecté.
[38] Il est clair que la Garantie des Maîtres Bâtisseurs (GMB) se rattache au contrat de vente ou de construction conclu entre Mme Montminy et l’entrepreneur et cette Garantie est divisible en fonction de chacune de ces unités tout en s’appliquant sur les parties communes en y faisant les adaptations nécessaires.
[39] En conséquence, le fait que le bruit ne se fasse entendre que dans une seule unité ne fait pas obstacle à l’application de la notion juridique du concept du vice caché ou du vice de construction à l’unité d’habitation de Mme Montminy.
[40] Ceci étant, le bruit est-il un vice caché?
[41] Bref, le vice caché rend le bien impropre à son usage ou en diminue tellement la valeur que l’acheteur, s'il l'avait connu, n’aurait pas acheté le bien ou du moins n'aurait pas payé le prix demandé. Ce défaut peut provenir de la mauvaise conception du bâtiment ou de l’exécution défectueuse des travaux de construction (G. Cornu, Vocabulaire juridique, 4ième Ed., Paris, P.U.F., 1994, page 842)
[42] La preuve conduit à la conclusion que le bruit dont se plaint Mme Montminy est un vice caché au sens juridique de ce terme et l’entrepreneur est tenu de corriger ce fait.
[43] Compte tenu de l’article 2099 C.c.Q., l’entrepreneur a le libre choix des moyens de correction et d’exécution des travaux. Il est clair cependant que les résultats doivent être conformes aux règles de l’art.
[44] En conséquence, Mme Montminy doit attendre que l’entrepreneur corrige le vice et si celle-ci n’est pas satisfaite, elle peut demander à la Garantie d’intervenir à nouveau.
[45] L’Administrateur assume les frais de l’arbitrage.
[46] Ainsi décidé, le 12 décembre 2007.
|
|||
|
_________________________________ Me Bernard Lefebvre |
||
|
|||
|
|||
Pour la Bénéficiaire : |
Mme Lyne Montminy [...] St-Nicolas Qc. […]
|
||
|
|||
Pour l’Administrateur : |
M. Jasmin Girard 4970 Place de la Savane, # 301 Montréal Qc. H4P 1Z6 |
||
|
|||
Pour l’Entrepreneur : M. Martial Chabot [...] St-Romuald Qc. [...]
|
|||
Date d’audience : |
5 novembre 2007 |
||
|
|||
Début du délibéré : |
6 novembre 2007 |
||
|
|
|
|