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Canada                                                                  Centre canadien d’arbitrage commercial

Province de Québec                                               C.C.A.C.

No. S05-1203-NP

 

                                                                              Cécile Laramée

                                                                              415, 57 e Rue Ouest #410

                                                                              Charlesbourg (Québec)

                                                                              G1H 7N6

                                                                              Représentante : Mme Johanne Tremblay

                                                                              Demanderesse - Bénéficiaire

 

                                                                              c.

 

                                                                              La Garantie des Maîtres Bâtisseurs Inc.

                                                                              4970 Place de la Savane, bureau 101

                                                                              Montréal (Québec)

                                                                              H4P 1Z6

                                                                              Représentant : M. Jasmin Girard P.D.G.

                                                                              Défenderesse

 

                                                                              Et

 

                                                                              Sommet Développement Immobilier Inc.

                                                                              5700, rue des Tournelles

                                                                              Québec (Québec)

                                                                              G2J 1E4

                                                                              Mis en cause

 

 

 

SOMMAIRE DES ÉVÈNEMENTS ET DE L’OBJET DU LITIGE

 

Dans la nuit du 12 au 13 janvier 2005, il y a eu infiltration d’eau en provenance du toit dans le condo de Mme Cécile Laramée (ci-après la Bénéficiaire), infiltration qui s’est accumulée entre la dalle de béton et le plancher en bois franc causant des dommages à ce dernier.

Plusieurs échanges ont eu lieu à ce sujet entre la Bénéficiaire, Sommet-Développement Immobilier (ci-après l’entrepreneur) et la Garantie des Maîtres Bâtisseurs Inc. (ci-après la Garantie).

Tant l’Entrepreneur au début que la Garantie par la suite ont convenu qu’il y avait lieu d’effectuer des travaux de corrections et changer une partie du plancher de bois franc.

La Bénéficiaire, quant à elle, demandait que la totalité du plancher du corridor, de la salle à dîner et du salon soit remplacé.

La Garantie, à la suite d’une inspection conciliation qui a eu lieu le 31 octobre 2005, propose le remplacement d’une partie seulement du plancher soit celle où les lattes sont disjointes ou gondolées.

La Bénéficiaire assistée de sa représentante n’a pas accepté cette proposition.  Le 7 décembre 2006, elle s’est adressée au C.C.A.C. pour que ce différend soit soumis à l’arbitrage.

Le 1er février 2006, le C.C.A.C. a transmis au soussigné l’ensemble du dossier en sa possession.

 

AUDITON

Après entente entre les parties, l’audition a été fixée au 20 mars 2006 à 17 :00 heures au domicile de la Bénéficiaire.  À noter que l’Entrepreneur n’était pas présent à cette audition et que la Bénéficiaire était représentée par sa fille Mme Johanne Tremblay (ci-après la Représentante).

La Représentante retire de l’arbitrage les items concernant l’ajustement des portes de garde-robe, le sablage des joints de plâtre et les reprises de peinture pour concentrer sa demande uniquement sur le plancher endommagé.

La Représentante présente l’historique de l’événement à savoir que, suite au dégât d’eau survenu dans la nuit du 12 au 13 janvier 2006, un représentant de l’entrepreneur est venu constater les dégâts la journée même.  La Bénéficiaire a aussi contacté son assureur et un ajusteur accompagné d’un expert en sinistre est venu le 14 février vérifier l’étendue des dégâts.  Ils auraient mentionné à la Bénéficiaire qu’il y avait de l’eau sous le plancher.  L’assureur de la Bénéficiaire a contacté une employée de l’entrepreneur Mme Christine Légaré et selon ses dires, cette dernière lui aurait indiqué qu’elle n’avait pas d’affaire dans ce dossier et que l’Entrepreneur s’occupait de tout régler.

L’entrepreneur a effectué certains travaux comme changer la laine isolante imbibée d’eau et faire des retouches de peinture mais aucun travail n’a été fait au niveau du plancher et de plus, selon la Représentante, les murs n’ont pas été ouvert pour vérifier l’étendue des dégâts.

Le 1er février 2005, la Bénéficiaire a reçu une lettre signée par Mme Légaré confirmant que l’Entrepreneur prendrait en charge toutes les réparations nécessaires.

La Bénéficiaire a communiqué avec Mme Légaré à plusieurs reprises et s’est toujours fait répondre que « Couvre Plancher Pelletier » irait faire la réparation sous peu.  La Bénéficiaire a communiqué directement avec « Couvre Plancher Pelletier » et un employé de ce dernier lui a répondu qu’il attendait des nouvelles de Mme Légaré.

Vers le 21 mai 2005, « Couvre Plancher Pelletier » a effectivement fait livrer des lattes de bois pour les travaux de réparation.  Le 23 mai, les ouvriers se sont présentés sur les lieux pour faire les travaux mais selon les dires de la Représentante, ils ont refusé de faire les travaux car les planchers étaient plus endommagés que ce qu’ils croyaient et qu’ils manqueraient de matériaux.  Ils ont quitté les lieux.  Devant cette situation, l’Entrepreneur a informé la Bénéficiaire qu’il prendrait des arrangements pour que « Couvre Plancher Pelletier » retourne évaluer la superficie de plancher à changer.

Le 5 avril, deux employés de « Couvre Plancher Pelletier » se sont présentés sur les lieux et sans rien mesurer, selon les affirmations de la Représentante, ils ont informé la Bénéficiaire que le plancher était correct et qu’elle devait juste acheter un humidificateur.

Devant le refus de l’Entrepreneur de procéder aux travaux, la Bénéficiaire s’est adressée à la Garantie.  Cette dernière est venue faire une inspection le 31 octobre 2005 et a produit son rapport le 18 novembre.

La Garantie admet que le plancher situé près de la cuisinette a été endommagé par le dégât d’eau.  Elle a demandé à l’Entrepreneur de corriger le plancher sur une superficie  d’environ 8 pieds par 4 pieds.  L’Entrepreneur n’a pas répondu à cette demande.

Lors de son témoignage, la Représentante dépose un rapport d’expertise effectué par M. Steve Gagnon, technologue en mécanique du bâtiment de la firme Cetra.

Dans son rapport d’expertise, le technologue mentionne les faits suivants :

« Au niveau du hall d’entrée, j’ai constaté une déformation importante du plancher de bois franc et ce, jusqu’au  corridor donnant vers les chambres.

« Au niveau du plancher de la salle à dîner et du salon, j’ai constaté des dommages.  Les lattes de bois sont coffrées.  Les dommages vont en diminuant et ce jusqu’à mi-chemin entre le comptoir lunch et la porte-patio. »

Le technologue indique qu’il a pris des lectures du niveau de plancher.  Il a constaté une pente à partir du hall d’entrée vers le salon.  Selon lui, l’eau qui s’était infiltrée près du hall d’entrée s’est  écoulée vers le salon.

Les recommandations du technologue sont les suivantes :

-  Portion du plancher donnant dans le hall d’entrée :

« Tel que mentionné par votre constructeur, le remplacement des lattes de bois du plancher donnant dans le hall d’entrée devrait être fait ».

- Pour la portion de plancher correspondant à la moitié de la surface entre le comptoir lunch et la porte-patio, il indique :

« Cette portion est également endommagée.  Je vous recommande son remplacement.  Et il ajoute : « Selon moi, des interventions sur place ne pourront rendre l’apparence originale des lattes de bois et il risque d’y avoir des différences entre les nouvelles lattes et celles déjà  en place.

-  Pour la portion couvrant le reste de la superficie jusqu’à la porte-patio, il mentionne :

« Cette partie n’a pas été endommagée par l’eau.  Je vous recommande tout de même son remplacement.  Considérant que la porte-patio est orientée vers le sud et qu’il s’agit de lattes de bois franc pré-verni, il est fort probable qu’il y a eu décoloration.  Comme la pièce est très lumineuse et continue, le changement de couleur risque d’être prédominant et non esthétique. »

De son côté, le représentant de la Garantie ne conteste pas le fait qu’une partie du plancher doit être refait mais il ne voit pas la nécessité de remplacer la totalité du plancher à partir du hall d’entrée jusqu’à la porte-patio.

Selon lui, la partie salon est en bon état, n’a pas subit de dommage dû à l’eau et la partie salle à dîner, en dehors du prolongement du hall d’entrée, est également en bon état.

Il réfute les craintes formulées par le Technologue concernant une possible décoloration du plancher existant et ne doute aucunement qu’une harmonisation puisse se faire sans préjudice esthétique.

Pour ce qui est du plancher qui a une légère inclinaison vers le centre de la pièce et vers la porte-patio, il indique que la structure du bâtiment est en béton et qu’il est tout à fait normal qu’au niveau de la dalle, il y ait une légère déflexion.

Enfin, reconnaissant le bien-fondé de la demande de la Bénéficiaire pour une partie du plancher qui peut s’étendre jusqu’à une longueur de 10 ou 12 pieds  à partir du hall d’entrée et sur la largeur de celui-ci, il mentionne que la Garantie fera exécuter les travaux par un spécialiste et qu’elle en supervisera l’exécution.

La représentante de la Bénéficiaire rejette cette proposition et demande le remplacement complet du plancher de bois à partir du hall d’entrée jusqu’à la porte-patio.  Elle demande également que les inconvénients soient limités au minimum pour la Bénéficiaire . Entre autres, que le nettoyage et les retouches de peinture, s’il y a lieu, soient effectuées à la fin des travaux.

Enfin, elle demande le remboursement des frais d’expertise.

 

DÉCISION ARBITRALE

Le Tribunal arbitral suite au témoignage des parties, à la visualisation de l’état du plancher et après analyse du rapport d’expertise déposé par la Représentante tient à faire les commentaires suivants :

Il est indéniable qu’une partie du plancher ait subi des dommages dû au dégât d’eau, ce que reconnaît d’ailleurs la Garantie.

Par contre, pour la majorité du plancher, on ne peut déceler à première vue une  quelconque détérioration ou déformation.

Le coffrage des lattes mentionné dans le rapport d’expertise du technologue n’est pas perceptible à l’œil même sous un éclairage naturel direct.  Il se peut qu’un tel coffrage existe mais c’est un phénomène que l’on retrouve quelquefois avec un plancher de bois franc, dû à la variation du taux d’humidité dans l’appartement.

Il n’y a pas de disjonctions décelable entre les lattes pour la majeure partie de la salle à dîner et du salon.  Même s’il y a eu une possible infiltration d’eau, elle s’est probablement résorbée dans une courte période surtout que le dégât d’eau a eu lieu l’hiver alors que le condo était chauffé ce qui assèche l’air ambiant.

La pente du plancher que le technologue a vérifié n’est pas non plus perceptible à l’œil et ne vient pas affecter l’esthétique du plancher.

En ce qui concerne les craintes mentionnées par le technologue concernant l’harmonisation des lattes de bois à remplacer avec celles qui demeureront en place, le Tribunal arbitral est d’avis qu’un spécialiste en pose de plancher de bois franc peut très bien les atténuer en choisissant les lattes dont les couleurs sont les plus compatibles.

D’ailleurs, on remarque que les lattes n’ont pas toutes la même apparence en ce qui concerne la couleur et c’est tout à fait normal pour un plancher naturel avec un verni de finition transparent.

Le Tribunal d’arbitrage est d’avis que les recommandations du technologue pour la portion de  plancher correspondant à la moitié de la surface entre le comptoir lunch et la porte-patio ne sont pas justifiées.

La même conclusion s’impose pour la portion du plancher couvrant le reste de la superficie allant jusqu’à la porte-patio qu’il admet ne pas avoir été endommagé par l’eau.

Le remplacement de l’ensemble du plancher est de l’avis du Tribunal sans commune mesure avec l’état actuel de celui-ci.

Par conséquent, le tribunal arbitral ordonne à la Garantie de remplacer la portion de plancher comprise entre le hall d’entrée sur toute la largeur du corridor jusqu’à une longueur qui permettra une harmonisation esthétique des lattes remplacées et celle en place et qui pourra aller au-delà de  12 pieds du hall d’entrée si nécessaire.

La Garantie devra s’assurer que les travaux de remplacement des lattes endommagées soient faits par un spécialiste et que celui-ci devra le faire selon les règles de l’art en s’assurant d’harmoniser les nuances de couleurs.

De plus, le Tribunal ordonne à la Garantie de rembourser les frais d’expertise du technologue retenu par la Bénéficiaire lesquels s’élèvent à $391.09.

Québec, le 12 avril 2006

 

L’Arbitre

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Claude Desmeules, ing.