ARBITRAGE EN VERTU DE LA LOI SUR LE RÉGIME DE RETRAITE DES

ARBITRAGE EN VERTU DU

RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (Décret 841-98)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

Dossier : GAMM : 2014-13-005

                 ABRITAT : 308612-1

 

ENTRE :

SUZANNE CHALHOUB

 

(ci-après la « Bénéficiaire »)

 

ET :

 

ENTREPRISES DEVCO DUFRESNE INC.

 

(ci-après l’« Entrepreneur »)

ET :

 

LA GARANTIE ABRITAT INC.

 

(ci-après l’« Administrateur »)

 

 

DEVANT L’ARBITRE :              Me Karine Poulin

 

Pour l’Entrepreneur :                    Monsieur Jean-François Tremblay

Pour la Bénéficiaire :                   Monsieur Sam Barakat

Pour l’Administrateur :                 Me Julie Parenteau

 

Date d’audience :                         10 juillet 2015

Date de la sentence :                   17 décembre 2015

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 


I
LE RECOURS

[1]           La bénéficiaire, Madame Suzanne Chalhoub (ci-après la « Bénéficiaire »), conteste en vertu de l’article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement ») la décision de l’Administrateur rendue le 15 décembre 2014 et qui se lit comme suit :

POINT 1 : BARDEAUX D’ASPHALTE QUI SE SOULÈVENT

Les faits

Dès le mois de mai 2012, soit en première année de garantie, la bénéficiaire a constaté que les bardeaux de la toiture se soulevaient, à la suite de quoi l’entrepreneur est intervenu en collant les bardeaux soulevés.

Au cours de la même année, la bénéficiaire a de nouveau constaté le soulèvement de bardeaux, situation pour laquelle l’entrepreneur est de nouveau intervenu.

Au cours de l’automne 2013 et le 6 janvier 2014, la bénéficiaire a une fois de plus constaté le soulèvement de bardeaux.

ANALYSE ET DÉCISION (point 1) :

La bénéficiaire a déclaré avoir découvert la situation décrite au point 1, pour la première fois, au cours du mois de mai 2012.

Quant à l’administrateur, il fut informé par écrit de l’existence de cette situation pour la première fois, le 10 février 2014.

En ce qui a trait au délai de dénonciation, le contrat de garantie stipule que les malfaçons, les vices cachés ou les vices majeurs, selon le cas, doivent être dénoncés par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de leur découverte ou survenance ou, en cas de vices ou de perte graduels, de leur première manifestation.

Dans le cas présent, il appert que le délai de dénonciation excède le délai raisonnable qui a été établi par le législateur et par conséquent, l’administrateur ne peut donner suite à la demande de réclamation de la bénéficiaire à l’égard de ce point.

[2]           Lors de l’audience, la Bénéficiaire est représentée par son conjoint, Monsieur Sam Barakat, lequel a une connaissance personnelle des faits en litige. Pour les fins des présentes, nous référerons à Monsieur Barakat comme étant la Bénéficiaire.

[3]           La Bénéficiaire conteste la date de découverte du problème. Ainsi, la question que doit trancher le Tribunal consiste à déterminer la date de découverte du problème et, incidemment, procéder au calcul du délai de six (6) mois afin de déterminer si la demande de la Bénéficiaire est admissible.

[4]           Lors de l’audience, les parties ont convenu de déposer la totalité des pièces soumises de part et d’autre de consentement, pièces qui sont majoritairement constituées de courriels entre la Bénéficiaire et l’Entrepreneur.

II
LES FAITS

[5]           Le 17 juillet 2011, la Bénéficiaire et l’Entrepreneur ont signé un contrat préliminaire et contrat de garantie pour la construction d’une maison neuve située au [...], dans la ville de Laval (ci-après appelée la « Propriété »).

[6]           Le 4 mai 2012, les parties ont dûment signé l’acte de vente devant Me Pierre Lavoie, notaire, sous le numéro 22420 de ses minutes, ainsi que le formulaire d’inspection préréception. Le formulaire d’inspection préréception réfère à l’Annexe #255537 lequel n’a pas été remis au Tribunal.

[7]           Suivant l’acquisition de la Propriété, la Bénéficiaire a emménagé vers la fin du mois de juin 2012.

[8]           Par la suite, la Bénéficiaire entend des bruits lors de forts vents. Elle contacte l’Entrepreneur et celui-ci lui indique qu’il s’agit d’un problème de bardeaux sur le côté nord de la toiture. Plusieurs courriels sont échangés avec l’Entrepreneur à ce sujet et ce dernier se présente également sur les lieux à plusieurs reprises pour y effectuer des travaux dans le but de corriger le problème.

[9]            Devant l’absence de travaux satisfaisants et sur la recommandation de l’Administrateur, le 10 février 2014, la Bénéficiaire dénonce par écrit à l’Administrateur et à l’Entrepreneur le problème du soulèvement des bardeaux.

[10]        Suivant l’inspection effectuée par l’inspecteur-conciliateur chez l’Administrateur, la réclamation est refusée en raison de la tardiveté de la dénonciation.

[11]        Si les parties s’entendent sur les principaux faits entourant les événements, ceux-ci ne s’entendent pas sur la date à laquelle le problème serait survenu, d’où le présent débat relativement au délai de six (6) mois.

III
LA PREUVE

Bénéficiaire

[12]        La Bénéficiaire a acquis la Propriété le 4 mai 2012 et y a emménagé avec son époux à la fin du mois de juin 2012.

[13]        Monsieur Barakat explique qu’il a entendu des bruits de claquement lors de forts vents au printemps 2013 et qu’il a contacté l’Entrepreneur à ce sujet par courriel le 2 avril 2013. À ce moment, il ignorait s’il s’agissait d’un problème de bardeaux ou de revêtement extérieur.

[14]        Par la suite, suivant une visite par l’Entrepreneur le 4 avril 2013, ce dernier a informé la Bénéficiaire que le bruit était causé par le décollement de plaques de bardeaux.

[15]        Conséquemment, et avant d’effectuer quelque travaux que ce soit, l’Entrepreneur a entrepris des démarches pour vérifier l’origine du problème à savoir s’il s’agissait d’un défaut d’installation ou de fabrication et, le 26 avril 2013, il a informé la Bénéficiaire du fait qu’il y avait un défaut de fabrication dans son bardeau d’asphalte.

[16]        Néanmoins, fatigué d’attendre, la Bénéficiaire offrait à l’Entrepreneur, le 25 avril 2013, d’écrire directement au fabricant afin de faire accélérer le processus ou encore d’écrire à l’Administrateur si cela pouvait aider au dénouement rapide de la situation.

[17]        Ainsi, à partir du 26 avril 2013, la Bénéficiaire a compris que l’Entrepreneur n’était pas responsable de la situation et qu’il revenait au fournisseur de bardeaux de fournir de nouveaux bardeaux non défectueux et de faire en sorte que ceux-ci soient installés sur la toiture de la Bénéficiaire. Selon sa compréhension toujours, elle croyait que son recours était contre le fabricant de bardeaux et non contre son Entrepreneur.

[18]        Quoi qu’il en soit, le 7 mai 2013 l’Entrepreneur a envoyé le couvreur pour réparer le problème. Monsieur Barakat a été avisé par les couvreurs qu’il n’y aurait pas de remplacement des bardeaux mais plutôt une réparation. Monsieur Barakat affirme qu’à ce moment, il ne pouvait qu’être confus puisque s’il y avait un défaut de fabrication, il devait donc y avoir nécessairement remplacement desdits bardeaux. Néanmoins, en mai 2013, aucun remplacement n’a eu lieu, mais la réparation a été faite. Le témoin ignore la nature exacte des réparations faites à l’été 2013.

[19]        Par la suite, le 18 novembre 2013, la Bénéficiaire a de nouveau contacté l’Entrepreneur pour l’informer du fait que les travaux correctifs n’avaient pas fonctionnés et que le problème était réapparu.

[20]        La Bénéficiaire confirme que l’Entrepreneur est intervenu après chaque appel de service et ne formule aucun reproche à son endroit à ce titre.

[21]        Le 6 janvier 2014, Monsieur Barakat envoie un nouveau courriel à l’attention de l’Entrepreneur, pour l’informer que le problème de toit persistait depuis le 18 novembre 2013. Monsieur Barakat indique à l’Entrepreneur qu’il aimerait aviser l’Administrateur de l’existence du problème.

[22]        Devant l’absence de réponse au courriel du 6 janvier 2014, Monsieur Barakat envoie à l’Entrepreneur un courriel de suivi le 8 février 2014.

[23]        Le témoin affirme que, quelque part entre le 6 janvier 2014 et le 8 février 2014, il a contacté l’Administrateur par téléphone pour s’enquérir de la procédure à suivre.

[24]        Informé de son obligation de dénoncer formellement par écrit la situation à l’Entrepreneur et à l’Administrateur, la Bénéficiaire a donc fait sa dénonciation le 10 février 2014, puis de nouveau le 14 juillet 2014.

[25]        Dans l’intervalle, la Bénéficiaire a remarqué, le 24 avril 2014, que les bardeaux d’asphalte du côté sud du toit se soulèvent et il a informé l’Entrepreneur de ce fait le même jour.

[26]        En juin 2014, Monsieur Barakat a été informé par l’Entrepreneur qu’une transaction est intervenue entre lui-même et le fabricant relativement aux problèmes de bardeau d’asphalte et qu’en conséquence, l’Entrepreneur n’avait plus de recours contre le fabricant.

[27]        Le témoin dit avoir compris des propos de l’Entrepreneur que la Bénéficiaire n’avait plus de recours contre le fabricant et que son seul recours était alors contre l’Entrepreneur.

[28]        En contre-interrogatoire, le témoin a réitéré le fait qu’il a pris connaissance du problème en avril 2013 lors de l’envoi du premier courriel à l’Entrepreneur et non en mai 2012 comme l’indique la décision. De fait, le témoin justifie sa position notamment en raison du fait qu’ils ont emménagé dans la Propriété, son épouse et lui-même, qu’à la fin juin 2012.

[29]        Quant à la mention « les premiers vents » utilisée dans le courriel du 2 avril 2013, celle-ci réfère aux premiers vents d’avril 2013.

[30]        Enfin, la Bénéficiaire explique ne pas avoir contacté l’Administrateur dès l’apparition du problème puisqu’il s’agissait pour lui d’un simple appel de service auquel l’Entrepreneur a répondu. De plus, l’Entrepreneur étant un professionnel, elle estime qu’il lui appartenait de lui dire de contacter l’Administrateur au moment opportun.

Entrepreneur

[31]        Jean-François Tremblay, président de l’Entrepreneur, est le seul témoin entendu pour l’Entrepreneur.

[32]        Pour l’essentiel, l’Entrepreneur confirme les propos de la Bénéficiaire quant à la séquence des événements, ceux-ci étant appuyés par des courriels échangés entre les parties. Il précise qu’environ onze (11) mois se sont écoulés entre la date de prise de possession de l’immeuble par la Bénéficiaire et le premier courriel envoyé par la Bénéficiaire le 2 avril 2013, pièce B-1, concernant le problème de soulèvement des bardeaux de la toiture.

[33]        Il a également confirmé être allé au domicile de la Bénéficiaire à chaque appel de service et avoir effectué environ cinq (5) ou six (6) réparations depuis le 2 avril 2013, date du premier courriel envoyé par la Bénéficiaire.

[34]        Le témoin explique toutefois le problème par la présence de vents de plus de 80 kilomètres par heure (80 km/h) au cours de la dernière année. Il indique ne pouvoir garantir que le bardeau résistera à de tels vents. Il ajoute que la Propriété de la Bénéficiaire est située dans un corridor de grands vents.

[35]        De plus, il témoigne à l’effet que la Propriété en litige fait partie d’un projet domiciliaire d’environ 52 maisons et qu’une seule maison, outre la Propriété en litige, a manifesté un problème de toiture et ce, 3 ans après la fin de la construction. Selon lui, il a procédé à la réparation et le problème ne s’est plus manifesté.

[36]        Lors du contre-interrogatoire, le témoin confirme qu’il y a effectivement eu transaction avec le fabricant relativement aux problèmes de bardeaux et que celui-ci lui a fourni des paquets de bardeaux neufs pour changer ceux qui étaient défectueux. Selon le fabricant, les bardeaux auraient mal adhéré au goudron. Outre la remise de bardeaux neufs, Monsieur Tremblay affirme qu’il n’a reçu aucun dédommagement monétaire de la part du fabricant.

[37]        L’Entrepreneur mentionne que, quoique la situation ait été réglée, le problème pourrait se manifester à nouveau dans l’éventualité où il y avait une récurrence de vents de plus de 80 km/h. De plus, il souligne que la toiture est étanche et que les bardeaux ne s’enlèvent pas du toit.

Administrateur

[38]        Le seul témoin appelé par l’Administrateur est Madame Anne Delage, inspectrice-conciliatrice chez l’Administrateur. Elle est l’auteure de la décision rendue le 15 décembre 2014, pièce A-9, qui fait aujourd’hui l’objet de la contestation de la Bénéficiaire.

[39]        Madame Delage témoigne à l’effet qu’elle a préparé son dossier avant de procéder à l’inspection chez la Bénéficiaire, et ce, à l’aide des documents reçus de la Bénéficiaire. Elle se dit surprise d’apprendre en cours d’audience que les premières manifestations du problème de toiture sont apparues en avril 2013 et non en mai 2012.

[40]        Par ailleurs, Madame Delage affirme avoir confirmé verbalement la date de découverte de mai 2012 lors de son inspection qui a eu lieu le 6 novembre 2014. Elle indique toutefois qu’elle n’a jamais reçu copie des courriels déposés à l’audience de sorte qu’elle n’a pu en prendre connaissance au moment de rendre sa décision.

[41]        En réponse aux reproches formulés relativement à l’absence d’inspection de la toiture, le témoin réitère que le motif de la décision rendue par elle le 14 décembre 2015 fut que la Bénéficiaire n’a simplement pas respecté le délai de dénonciation prévu au Règlement et que cette décision n’a aucun lien avec l’existence véritable ou non d’un problème de toiture.

IV
PLAIDOIRIES

Bénéficiaire

[42]        La Bénéficiaire soutient que la date de découverte retenue par l’Administrateur, au mois de mai 2012, est erronée. De fait, elle rappelle avoir emménagé dans la Propriété à la fin du mois de juin 2012.

[43]        De plus, elle ajoute que la décision rendue par l’Administrateur le 14 décembre 2014 est basée sur une mauvaise compréhension des propos indiqués dans sa dénonciation du 10 février 2014 puis du 14 juillet 2014. Elle ne se souvient pas avoir confirmé à Madame Delage la date de découverte en mai 2012.

[44]        La Bénéficiaire rappelle que la première manifestation du problème de toiture est survenue en avril 2013. Par ailleurs, selon sa compréhension, elle devait d’abord communiquer avec l’Entrepreneur via un appel de service pour corriger la situation et ce n’est qu’ensuite, en l’absence de correctifs satisfaisants par l’Entrepreneur, qu’elle devait contacter l’Administrateur. Or, l’Entrepreneur est intervenu et le problème a été réglé, jusqu’à sa réapparition en novembre 2013.

[45]        Elle ajoute aussi que l’Entrepreneur ne l’a pas informée de son obligation de dénoncer la situation à l’Administrateur malgré qu’elle ait tendu des perches, recherchant manifestement à savoir ce qu’elle devait faire.

[46]        Néanmoins, quant à elle, ce n’est qu’en juin 2014 qu’elle a découvert que son seul recours était contre l’Entrepreneur et non contre le fabricant de sorte qu’elle demande au Tribunal de retenir comme date de découverte du problème le mois de juin 2014. Elle demande donc le maintien de sa réclamation.

[47]        Quant aux frais de l’arbitrage advenant le rejet du recours, la Bénéficiaire soutient que ceux-ci doivent être à la charge de l’Entrepreneur, celui-ci l’ayant induite en erreur.

Entrepreneur

[48]        De son côté, l’Entrepreneur rappelle au Tribunal qu’il a fait tout ce qu’il avait à faire depuis le début et qu’il a répondu à tous les appels de service de la Bénéficiaire depuis le mois d’avril 2013. Il demande au Tribunal de conclure au rejet de la demande de la Bénéficiaire puisque non fondée.

[49]        Quant aux frais, l’Entrepreneur soutient que la Bénéficiaire doit être tenue de payer la plus grosse partie des frais d’arbitrage considérant que c’est lui qui a entrepris le présent recours.

Administrateur

[50]        Me Parenteau dépose un volumineux cahier d’autorités.

[51]        Elle rappelle que le Règlement est d’ordre public[1], qu’il est impossible d’y déroger de quelque façon et que ce Règlement fixe les modalités et les limites du plan de garantie de l’Administrateur, dont le délai de dénonciation de (six) 6 mois qui est de déchéance[2].

[52]        Me Parenteau ajoute que le fardeau de la preuve appartient à la partie qui a entrepris le recours et qu’en l’espèce, ce fardeau repose sur les épaules de la Bénéficiaire qui conteste la décision rendue par l’Administrateur le 14 décembre 2014[3].

[53]        En l’espèce, l’Administrateur invite le Tribunal à conclure que la Bénéficiaire n’a pas rempli son fardeau de preuve et qu’en conséquence, sa demande doit être rejetée.

[54]        Répondant aux reproches formulés par la Bénéficiaire à l’effet qu’il n’y a pas eu une véritable inspection par Madame Delage, Me Parenteau invite le Tribunal à faire la distinction entre la présence ou non de malfaçons ou de vices et la nécessité d’une dénonciation à l’intérieur du délai de six (6) mois. Au soutien de cet argument, Me Parenteau soumet au Tribunal plusieurs autorités[4].

[55]        Me Parenteau soutient qu’en l’espèce, l’existence de malfaçons ou de vices n’est pas du tout pertinente dans l’appréciation du dossier par l’Administrateur puisque le délai de dénonciation a été jugé expiré par Madame Delage. Il n’y avait donc pas lieu de vérifier le fond du dossier puisque l’expiration du délai de dénonciation rendait la demande irrecevable.

[56]        Me Parenteau réitère les propos de la Bénéficiaire dans ses lettres de dénonciation : « Suite à l’acquisition de notre propriété en mai 2012, et dès les premiers vents le toit a eu la misère à supporter l’intensité du soufflement. » (sic)

[57]        Ainsi, Madame Delage était fondée de croire que le problème a été découvert en mai 2012, d’autant plus qu’elle affirme avoir confirmé ce fait avec la Bénéficiaire lors de son inspection. Comme l’Administrateur a reçu la dénonciation le 10 février 2014, puis ensuite le 14 juillet 2014, le délai de six (6) mois était échu et l’Administrateur était bien-fondé de refuser d’étudier le dossier au fond.

[58]        Par ailleurs, Me Parenteau soutient que, même si la date retenue par Madame Delage en mai 2012 devait ne pas être retenue par le Tribunal, la Bénéficiaire a eu connaissance du problème vers le 2 avril 2013, pièce B-1, soit plus ou moins dix (10) mois avant la dénonciation à l’Administrateur. Bien que la Bénéficiaire avait de fausses croyances à l’effet que c’est le fabricant qui devait effectuer les réparations, le délai de six (6) mois est un délai de déchéance. Ainsi, le fait que l’Entrepreneur ait répondu aux appels de service et ait fait des tentatives de réparations ne suspend pas le délai de six (6) mois et il appartenait à la Bénéficiaire d’aviser l’Administrateur en temps utile.

[59]        Elle demande donc au Tribunal de rejeter la demande de la Bénéficiaire et de confirmer la décision rendue par l’Administrateur le 14 décembre 2014.

[60]        Quant aux frais de l’arbitrage, Me Parenteau demande que la Bénéficiaire soit condamné à payer une vaste portion de ces frais advenant le rejet de la demande.

V
ANALYSE ET DÉCISION

[61]        Le Tribunal doit déterminer la date à laquelle la Bénéficiaire a eu connaissance du problème de toiture dont elle se plaint pour ensuite constater le respect ou non du délai de dénonciation et disposer du présent recours.

[62]        Les dispositions légales applicables sont les suivantes :

Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs

10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :

(…)

 

 3°la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

 

 4°la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

 

 5 la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation significative;

 

116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient.

 

123. Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

 

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.

(…)

 

Code civil du Québec

 

2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

 

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.

[63]        Le Tribunal a analysé les témoignages entendus de même que les pièces déposées au soutien des prétentions de chacun.

[64]        Le Tribunal abonde dans le sens de la Bénéficiaire lorsqu’elle soutient qu’il est impossible qu’elle ait découvert le problème de toiture en mai 2012 puisque lui et son épouse n’avaient pas encore emménagé.

[65]        Il est vrai qu’à première vue, la rédaction de la dénonciation peut donner à croire que tel est le cas. Elle se lit comme suit :

Bonjour,

Suite à mon dernier courriel daté du 6 janvier 2014, concernant le toit, je vous écris formellement à la demande de l’APCHQ.

Un petit historique à but de clarifier la situation :

Suite à l’acquisition de notre propriété en mai 2012, et dès les premiers vents le toit a eu la misère à supporter l’intensité du soufflement.

J’ai notifié l’entrepreneur, il a réagit assez rapidement et il m’a envoyé le couvreur du toit que lui avait installé au paravent.

(sic)

[66]        Compte tenu des explications fournies sur la séquence des événements et notamment la référence à la notification à l’Entrepreneur, par courriel, dès la découverte du problème, le Tribunal estime que la découverte a bien eu lieu, tel que le déclare la Bénéficiaire, en avril 2013. De fait, le premier courriel déposé en preuve est daté du 2 avril 2013 et le témoignage de la Bénéficiaire a été appuyé et confirmé par l’Entrepreneur.

[67]        En conséquence, le Tribunal retient le 2 avril 2013 comme étant la date de découverte du problème de toiture. La Bénéficiaire a donc raison sur ce point et le Tribunal estime qu’elle a relevé son fardeau de la preuve à cet égard.

[68]        Néanmoins la Bénéficiaire doit également prouver au Tribunal qu’elle a dénoncé la situation dans le délai prescrit de six (6) mois suivant la découverte de la problématique. En l’espèce, l’article 10 du Règlement énonce ce que le plan de garantie couvre et dans quelles circonstances.

[69]        À ce titre, il appert que le plan de garantie couvre les malfaçons, les vices cachés et les vices majeurs, dans certaines circonstances, notamment lorsque ceux-ci sont dénoncés par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable suivant leur découverte, lequel délai ne peut excéder six (6) mois.

[70]        C’est une erreur de croire que le délai de dénonciation débute lorsque la Bénéficiaire découvre que son recours est à l’encontre de l’Entrepreneur et non du fabricant. Ce qui doit être dénoncé est la survenance d’un problème et non la découverte de nos droits.

[71]        Ainsi, le Tribunal ne peut retenir la date de juin 2014 proposée par la Bénéficiaire pour calculer le délai écoulé entre la découverte du problème et la dénonciation écrite à l’entrepreneur et à l’Administrateur.

[72]        En l’espèce, la dénonciation à l’Entrepreneur a eu lieu le 2 avril 2013, mais n’a eu lieu qu’en février 2014 à l’endroit de l’Administrateur.

[73]        La conjonction ET indique que ce sont des conditions cumulatives et non alternatives de sorte que c’est la date du 14 février 2014 qui est retenue comme date de dénonciation.

[74]        Par ailleurs, qu’en est-il des travaux effectués par l’Entrepreneur suite à la dénonciation du 2 avril 2013? Le Tribunal réfère à la décision SDC Lot 3 977 437 c. Gestion Mikalin ltée[5]  qui indique ce qui suit :

[26]         Les principes afférents à cette disposition ont été maintes fois exprimés dans des décisions d’arbitrage ou par les tribunaux de droit commun. Le procureur de l’Entrepreneur a résumé ces divers principes de la façon suivante, jurisprudences à l’appui :

[a]       Le délai de 6 mois est de rigueur;

[b]       Il s'agit d'un délai de déchéance qui ne peut être ni suspendu ni prorogé;

[c]       Le pouvoir d'agir en équité de l'arbitre ne lui permet pas de passer outre à ce délai en le suspendant ou en le prorogeant;

[d]       L'ignorance du bénéficiaire ou sa bonne foi ne peuvent justifier qu'il soit passé outre à ce délai;

[e]       Il en est de même des représentations et des promesses de l'entrepreneur et même des travaux de correction qu'il aurait entrepris et/ou effectués;

[f]         Ce délai commence au moment où le bénéficiaire a connaissance d'un problème même s'il n'en connaît pas la cause;

[g]       Dans ce délai, une dénonciation écrite doit être reçue de l'entrepreneur et de l'administrateur;

[h]       Il est impératif que cette dénonciation soit reçue par l'entrepreneur et par l'administrateur dans ce délai de 6 mois;

[75]        Plusieurs autres décisions soutiennent cette conclusion[6]. Conséquemment, le Tribunal ne peut suspendre le délai de dénonciation de six (6) mois au motif que l’Entrepreneur a effectué certains correctifs. De plus, le dépassement d’un délai de déchéance emporte l’extinction à tout jamais du recours. À ce titre, le Tribunal fait sien les propos de Me Jeanniot dans l’affaire Gilles Domaine et al. c. Construction Robert Garceau inc.[7] :

[55]         Une des conséquences de la déchéance, la perte ou la forclusion du droit d’exercice d’un droit particulier, dans le cas des présentes quant à l’Administrateur, le droit des Bénéficiaires de requérir la couverture du plan de garantie, n’est pas sujet aux dispositions de la suspension ou interruption de la prescription applicables dans certaines circonstances. Alors qu’un délai de prescription peut être suspendu ou interrompu (articles 2289 C.c.q. et s.), la solution contraire prévaut pour le délai de déchéance, qui éteint le droit dès que la période est expirée quoi qu’il arrive. Le titulaire du droit, de ce fait, ne peut même plus invoquer celui-ci par voie d’exception.

[56]         En résumé, la dénonciation prévue à l’article 10 du Règlement se doit d’être par écrit, est impérative et essentielle, le délai de 6 mois prévu au même article emporte et est un délai de déchéance, et si ce délai n’est pas respecté, le droit des Bénéficiaires à la couverture du plan de garantie visé et au droit à l’arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés;

[…]

[58]         […] Tout motif, quel qu’il soit (si noble soit-il) ne peut reposer sur un fondement juridique puisque même si la preuve révèle qu’il pouvait s’agir de l’erreur ou de la négligence d’un tiers mandataire et/ou conseiller, il s’agit ici d’un délai de déchéance; sitôt le calendrier constaté, l’arbitre est dans l’impossibilité d’agir.

[76]        Ainsi, le Tribunal abonde dans le sens de l’Administrateur en ce qui concerne le sort du litige qui doit être rejeté.

[77]         Par ailleurs, ceci met fin au litige en vertu du Règlement. Il est toujours loisible à la Bénéficiaire de saisir les tribunaux civils du différend qui l’oppose à l’Entrepreneur si elle le désire, mais elle ne saurait bénéficier de la couverture du Règlement dans les circonstances.

[78]        Considérant le sort du litige et compte tenu de l’article 123 du Règlement, le Tribunal déclare que les frais du présent arbitrage seront à la charge de l’Administrateur, sauf quant à la somme de 100 $ qui doit être à la charge de la Bénéficiaire.

EN CONSÉQUENCE, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

REJETTE la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire;

CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage liés au présent arbitrage, sauf pour une somme de 100 $;

CONDAMNE la Bénéficiaire à payer la somme de 100 $ à titre de frais liés à sa demande d’arbitrage.

 

 

                                                                              Montréal, ce 17 décembre 2015

 

 

 

                                                                                                                                                           

                                                                              Me Karine Poulin, arbitre

 

 

G1115-56

S/A 126



[1] Roll c. Groupe maltais (97) inc., Soreconi, 6 juin 2006, Me Michel A. Jeanniot; La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Desindes et Blanchet, C.A. Montréal, no 500-09-013349-030, 15 décembre 2004, jj. Rousseau-Houle, Morin, Rayle J.C.S.

[2] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Desindes et Blanchet, C.A. Montréal, no 500-09-013349-030, 15 décembre 2004, jj. Rousseau-Houle, Morin, Rayle J.C.S.; SDC Les jardins du parc c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., GAMM, 28 janvier 2010, Me Johanne Despastis.

[3] Picard c. Berthiaume constructif inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., CCAC, 30 août 2006, Jean Royer, arbitre; Les entreprises Chapam ltée c. SDC condo « SO » phase 2 et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., CCAC, 10 décembre 2010, Me Roland Yves Gagné.

[4] Azaduhi Polat c. Construction D’Astous ltée et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., SORECONI, 27 juin 2014, Me Lydia Milazzo; La construction au Québec perspectives juridiques, Me Olivier F. Kott et Me Claudine Roy, Wilson Lafleur ltée, 1998, p. 453 à 455; Le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté, Me Gilles Doyon et Me Serge Crochetière, Les Éditions Yvon Blais inc. 1999, p. 41 à 44; Audette et al c. Construction Louis-Seize et Associés inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., CCAC, 5 avril 2013, Me France Desjardins.

[5] SDC Lot 3 977 437 c. Gestion Mikalin ltée et La Garantie Abritat inc., GAMM, 24 avril 2015, Me Jean Morissette.

[6] Chantal Daigneault et al. c. Les constructions Yves Brunette inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., CCAC, 29 juin 2009, Me Albert Zoltowski; Katia Drouin c. Construction Nordi inc. et La Garantie Qualité Habitation, GAMM, 2 décembre 2012, Me Johanne Despatis; Daniel Côté et al. c. Les constructions E.D.Y. inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., 12 janvier 2010, Me Pierre Boulanger.

[7] Gilles Domaine et al c. Construction Robert Garceau inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., CCAC, 18 juillet 2014, Me Michel A. Jeanniot.