SENTENCE ARBITRALE SUR UNE

OBJECTION PRÉLIMINAIRE

 

 

 

 

 

 

                                                                       RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE             GARANTIE   DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

                                                                       (L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2), ci-après appelé

                                                                       «Règlement»

 

 

 

                                                                       M. ROGER BOURGEOIS

                                                                       MME PIERRETTE MONTREUIL

                                                                       (bénéficiaires)

 

                                                                                                      Demandeurs

 

                                                                       c.

 

                                                                       LE GROUPE TRIGONE

                                                                       CONSTRUCTION INC.

                                                                       (entrepreneur)

 

                                                                                                      Défenderesse

 

                                                                       - et -

 

                                                                       LA GARANTIE DES BÂTIMENTS

                                                                       RÉSIDENTIELS NEUFS DE

                                                                       L’APCHQ INC.

                                                                       (administrateur)

 

                                                                                                      Mise en cause

 

                                                                             

 

 

                                                  M. Claude Dupuis, ing., arbitre

 

 

Audience tenue à Montréal le 12 février 2002

Sentence rendue le 8 mars 2002


I : INTRODUCTION

 

Les parties ont accepté la nomination du soussigné comme arbitre dans le présent dossier.

 

Lors de l’enquête, M. Roger Bourgeois représentait les bénéficiaires et Me Jacinthe Savoie représentait l’administrateur.

 

Après avoir été dûment convoqué, l’entrepreneur ne s’est point présenté à l’audience.

 

Suite au rapport d’inspection du 23 novembre 2001 de l’administrateur, le bénéficiaire, dans une lettre datée du 18 décembre 2001, faisait une demande d’arbitrage relativement aux points 13 à 31 du rapport précité.

 

Avant la tenue de l’audience, dans une lettre datée du 23 janvier 2002 adressée au tribunal, avec copie conforme aux parties, Me Savoie, représentante de l’administrateur, nous informait qu’elle contesterait, dès le début de l’audience, la recevabilité de la demande du bénéficiaire, celle-ci ayant manifestement été formulée hors délai.

 

Le tribunal a donc avisé les parties que lors de l’audience, seule la question de cette objection serait entendue.

 

En cours d’enquête, il y eut admission de la part des parties présentes à l’effet que le rapport du conciliateur, daté du 23 novembre 2001, a été reçu par M. Bourgeois le 1er décembre 2001, alors que la demande d’arbitrage de ce dernier a été faite en date du 18 décembre 2001.

 

II : POSITION DE L’ADMINISTRATEUR

 

La procureure rappelle que le délai prévu pour une demande d’arbitrage en regard du plan de garantie est de 15 jours.

 

Elle cite les dispositions à l’article 19 du Règlement (Recours) ainsi qu’à l’article 2 du Code d’arbitrage du GAMM (Délai) et indique que l’on retrouve les mêmes dispositions au contrat de garantie signé le 6 juin 2001 par le bénéficiaire et l’entrepreneur.

 

La loi étant d’ordre public, le bénéficiaire aurait dû être au courant de ces dispositions; en effet, nul n’est censé ignorer la loi.

 

Le texte à l’article 19 du Règlement est impératif :

 

19.  Le bénéficiaire ou l’entrepreneur, insatisfait d’une décision de l’administrateur, doit, pour que la garantie s’applique, soumettre le différend à l’arbitrage dans les 15 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur à moins que le bénéficiaire et l’entrepreneur ne s’entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d’en arriver à une entente.  Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l’arbitrage est de 15 jours à compter de la réception par poste recommandée de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation.

 

La procureure cite l’article 51 de la Loi d’interprétation :

 

51.  Chaque fois qu’il est prescrit qu’une chose sera faite ou doit être faite, l’obligation de l’accomplir est absolue; mais s’il est dit qu’une chose «pourra» ou «peut» être faite, il est facultatif de l’accomplir ou non.

 

De plus, le législateur n’a prévu aucun moyen de déroger à ce délai, même en cas de force majeure.

 

La procureure insiste sur le fait qu’il s’agit ici d’un délai de déchéance («... pour que la garantie s’applique ...») et non pas d’un délai de formalité.

 

Le fait que la demande d’arbitrage est hors délai enlève toute juridiction à l’arbitre; une décision contraire serait susceptible d’évocation.

Selon la procureure, l’article 2878 du Code civil permettrait à l’arbitre de rejeter d’office la demande d’arbitrage.

 

La procureure convient que le délai de 15 jours est court; cependant, on ne peut rien y faire.

 

Elle demande au tribunal de rejeter la demande d’arbitrage et de maintenir la décision de l’administrateur.

 

À l’appui de son argumentation, la procureure a déposé les documents suivants :

 

   Contrat de garantie passé le 6 juin 2001.

   Loi d’interprétation, pp. I-16/1, I-16/4 et I-16/6.

   Gilles DOYON et Serge CROCHETIÈRE, Le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs commenté, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 1999, pp. 84 et 85.

   Coffrage Legault St-Pierre inc. c. Régie du bâtiment du Québec, T.T. Montréal 500-28-000082-933, 1993-10-13, D.T.E. 93T-1330 , juge Claude Saint-Arnaud (13 p.), ( AZ-93147083 ).

   Pellerin c. Thérien (C.Q.), [1995] R.J.Q. 259 à 265.

   Nakis Holding Ltd. c. Sous-ministre du revenu du Québec, MM. les juges Montgomery et Nichols, C.A. Montréal 500-09-000675-801 à 500-09-000680-801 (C.S. Montréal 500-02-060689-796), 1984-12-21, jugement no 85-64.

   Fraternité inter-provinciale des ouvriers en électricité c. Ingénierie B.G. Checo Ltée, MM. les juges Bernier, Beauregard et Monet (dissident), C.A. Montréal 500-09-000180-786 (C.S. Hull 550-05-002048-77), le 16 mars 1981, jugement no 81-354.

   Centis et Jorge c. Les Constructions Naslin Inc., C.A.C.N.I.Q., décision du 08-11-01 de l’arbitre Robert Masson.


III : POSITION DU BÉNÉFICIAIRE

M. Bourgeois explique qu’il n’avait pas été informé du délai de 15 jours pour faire sa demande d’arbitrage.

 

Le bénéficiaire mentionne que le délai a été dépassé de 3 jours, à un moment où les ouvriers étaient dans la maison et où il ne savait pas quand les travaux seraient terminés; il ajoute : «Comment gérer un retard de 3 jours dans une telle situation?»

 

Il affirme avoir pris connaissance du délai de 15 jours une journée avant d’envoyer sa demande d’arbitrage, alors qu’il était déjà en retard, qu’il a dû préparer son dossier et l’expédier.

 

À cette époque, il travaillait le jour et, le soir, il vérifiait les travaux de construction de sa maison; il n’était ni malade, ni en voyage à l’extérieur.

 

Le 14 décembre 2001, les travaux de réparation n’étaient pas encore complétés.

 

M. Bourgeois a invoqué les nombreux délais qu’il a lui-même dû subir de la part de l’administrateur lors de la construction de sa propriété en raison du fait que l’entrepreneur ne complétait pas ses travaux.

 

Le bénéficiaire s’indigne de devoir vivre dans une maison où les travaux ne sont pas encore complétés et d’avoir accepté la maison avec réserve sous la menace d’une prise d’hypothèque légale de la part de l’entrepreneur.

 

IV : DÉCISION ET MOTIFS

 

Il a été admis que le bénéficiaire a reçu le rapport du conciliateur le 1er décembre 2001 et que sa demande d’arbitrage est datée du 18 décembre 2001.

 

Nous reproduisons ci-après l’article 19 du Règlement :

 

19.  Le bénéficiaire ou l’entrepreneur, insatisfait d’une décision de l’administrateur, doit, pour que la garantie s’applique, soumettre le différend à l’arbitrage dans les 15 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur à moins que le bénéficiaire et l’entrepreneur ne s’entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d’en arriver à une entente.  Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l’arbitrage est de 15 jours à compter de la réception par poste recommandée de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation.

 

Il a aussi été reconnu que le différend n’a pas été soumis à un médiateur.

 

Comme l’a à juste titre mentionné la procureure de l’administrateur, l’article 19 du Règlement est impératif : il y est précisé «doit».  Il y est de plus stipulé «pour que la garantie s’applique».  C’est là un texte très spécifique, en ce sens que dans le cas contraire, la garantie ne s’applique pas.

 

Le bénéficiaire plaide la non-connaissance de cette loi; or, l’article 39 de la Loi d’interprétation indique ce qui suit : «... Toute personne est tenue de prendre connaissance des lois publiques ...»

 

Le bénéficiaire admet qu’aucun événement de force majeure, tel que maladie, voyage à l’étranger, etc., n’est survenu à cette époque.

 

Toutefois, même en présence d’un cas de force majeure, la Loi d’interprétation ne procure aucune porte de sortie, car «... l’obligation d’accomplir est absolue ...», tel que stipulé à l’article 51.

 

La jurisprudence est unanime à l’effet que le non-respect d’une disposition législative à caractère impératif entraîne automatiquement la déchéance.

 

Une autre jurisprudence souligne le fait qu’il n’est pas nécessaire qu’un délai de déchéance soit qualifié de rigueur; il faudrait que dans la même loi, il y ait d’autres dispositions atténuant la rigueur de ce délai, ce qui n’est pas le cas dans le présent Règlement.

 

La demande d’arbitrage ayant été tardivement adressée, le tribunal

 

REJETTE cette demande; et

 

MAINTIENT la décision de l’administrateur.

 

En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, l’arbitre ordonne que les coûts du présent arbitrage soient défrayés à parts égales par le bénéficiaire et l’administrateur.

 

SENTENCE rendue à Beloeil, ce 8e jour de mars 2002.

 

 

 

 

 

 

 

                                                                              Claude Dupuis, ing., arbitre