CANADA Société pour la Résolution
des Conflits Inc. (SORECONI)
Province DE quÉbec
district DE montrÉal tribunal D’ARBITRAGE
NO RÉF. / soreconi : 051006001 montréal, le 11 août 2006
NO RÉF. / ARBITRE: 13 249-3-1
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Syndicat de copropriété « SDC Les Habitations Mélatti, 7014 Marie-Rollet et 7011 Louis-Hébert à Lasalle »
« Bénéficiaire » / Demanderesse
c.
Les Constructions G. Mélatti Inc.
« Entrepreneur » / Défenderesse
-ET-
La Garantie DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ Inc.
« Administrateur » / Mise en cause
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APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PROCÉDURES, ENTENDU LA PREUVE ET Les ARGUMENTS DES parties, le tribunal d’arbitrage rend la dÉcision suivante:
1. FAITS ET PROCÉDURES
L’immeuble faisant l’objet du présent arbitrage a déjà fait l’objet de deux décisions arbitrales ordonnant à l’Entrepreneur d’effectuer divers travaux.
Dans le cadre du présent dossier, l’Administrateur a inspecté les lieux le 8 septembre 2005 afin de vérifier si les travaux correctifs ordonnés précédemment avaient été complétés selon les règles de l’art par l’Entrepreneur. À la lumière de cette visite, l’Administrateur a rendu une décision supplémentaire le 19 septembre 2005 (pièce A-1) dans laquelle il ordonne que divers travaux soient exécutés aux frais de l’Entrepreneur.
Dans cette décision, l’Administrateur indique, au point 16, que les travaux effectués par l’Entrepreneur étaient satisfaisants. Il a de plus indiqué les travaux correctifs qu’il restait à accomplir.
Le Bénéficiaire, en désaccord avec cette décision, a fait parvenir à l’Administrateur une lettre le 25 septembre 2005 (pièce A-2). Il a joint à cette missive une facture préliminaire relative aux frais d’entreposage et de déménagement des biens de trois (3) copropriétaires, encourus en raison des travaux requis effectués au garage de l’immeuble (pièce B-9).
L’Administrateur, après discussion avec le Bénéficiaire, a rendu un Addenda à sa décision supplémentaire le 29 septembre 2005 (pièce A-3). Cet Addenda traite spécifiquement du point 16 et de la demande de remboursement des frais d’entreposage et de déménagement du Bénéficiaire.
L’Administrateur se dit satisfait des travaux correctifs proposés par le Bénéficiaire et ordonne à l’Entrepreneur de les effectuer. Cependant, l’Administrateur rejette la réclamation du Bénéficiaire relativement aux frais d’entreposage et de déménagement en raison du fait que le remboursement de ces frais n’est pas prévu par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1].
Le Bénéficiaire a porté cette Addenda en appel le 6 octobre 2005 (pièce A-4).
Préalablement à l’audition, le Tribunal d’arbitrage a été informé que l’Entrepreneur ne serait pas présent dans le cadre de l’arbitrage qui selon lui, ne relève que d’une question de droit entre l’Administrateur et le Bénéficiaire. À l’audition, le procureur de l’Administrateur précise qu’il ne partage pas cette opinion dans le sens que l’Entrepreneur demeure responsable de l’exécution des obligations énoncées aux termes du Règlement.
2. Question en litige
La décision rendue le 29 septembre 2005 par l’Administrateur rejetant la réclamation du Bénéficiaire relativement aux fins d’entreposage et de déménagement est-elle bien fondée en faits et en droit?
3. Analyse et POSITIONS DES PARTIES
Le Bénéficiaire soutient devant le Tribunal d’arbitrage que le remboursement des frais d’entreposage et de déménagement, encourus en raison de travaux effectués par l’Entrepreneur à la suite d’une décision de l’Administrateur ordonnant que l’Entrepreneur effectue des travaux conformes aux règles de l’art, est inclus et visé par le plan de garantie et dans le Règlement.
Il est utile de noter que toutes les parties à l’audition reconnaissent qu’il y avait, dans les faits en l’instance, malfaçon qui devait être corrigée.
Selon le Bénéficiaire, le Règlement doit se lire dans son ensemble, de sorte que si le remboursement des frais d’entreposage et de déménagement n’a pas été expressément exclu dans les cas où la réception des parties communes a déjà eu lieu, le Tribunal d’arbitrage doit conclure qu’il est inclus dans le Règlement.
Au soutien de ses prétentions, le Bénéficiaire soumet une décision rendue par l’arbitre Claude Mérineau[2] et dans laquelle le remboursement des frais de déménagement et d’entreposage a été octroyé aux Bénéficiaires et ce, même après la réception de l’immeuble.
Pour sa part, l’Administrateur soutient que le remboursement des frais d’entreposage et de déménagement au Bénéficiaire est possible seulement dans le cas où ces frais sont encourus avant la réception des parties communes.
De plus, le remboursement ne s’effectue que dans des cas précis délimités par le Règlement. Selon lui, les faits en l’espèce ne permettent pas au Bénéficiaire de réclamer le remboursement desdits frais.
L’Administrateur appuie ses prétentions avec deux décisions arbitrales rendues en 2006. En effet, le remboursement des frais d’entreposage et de déménagement après la réception des parties communes a fait l’objet d’une décision récente rendue par Me Alcide Fourier, arbitre[3]. Il fut alors décidé que le Règlement ne permettait pas d’octroyer aux Bénéficiaires le remboursement pour ce type de frais, mais que ceux-ci conservaient toujours leurs recours en vertu du droit commun afin de les réclamer à l’Entrepreneur.
De même, dans la décision Perron et Rousseau c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. et Développement GRDL Inc.[4], la Cour du Québec a refusé de condamner l’Administrateur au remboursement des frais d’entreposage et de déménagement, mais a condamné l’Entrepreneur à payer ces frais aux Bénéficiaires selon les règles de droit civil.
Les parties invitent également le Tribunal d’arbitrage à considérer les articles 26, 27, 29 et 30 du Règlement, même si les parties ont des interprétations différentes de leur sens. Ces articles se lisent comme suit :
« 26. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir: […]
3° le relogement, le déménagement et l'entreposage des biens du bénéficiaire dans les cas suivants:
a) le bénéficiaire ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l'entrepreneur à moins que les acomptes ne soient remboursés;
b) il ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l'entrepreneur afin de permettre à l'administrateur de parachever le bâtiment.
27. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir: […]
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception; […]
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu'il n'y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
29. Sont exclus de la garantie: […]
5° l'obligation de relogement, de déménagement et d'entreposage des biens du bénéficiaire et les réparations rendues nécessaires à la suite d'événements de force majeure tels les tremblements de terre, les inondations, les conditions climatiques exceptionnelles, la grève et le lock-out;
Toutefois, les exclusions visées aux paragraphes 2 et 5 ne s'appliquent pas si l'entrepreneur a fait défaut de se conformer aux règles de l'art ou à une norme en vigueur applicable au bâtiment.
30. La garantie d'un plan relative à un bâtiment détenu en copropriété divise est limitée aux montants suivants: […]
2° pour la protection à l'égard du relogement, du déménagement et de l'entreposage des biens du bénéficiaire, sur présentation des pièces justificatives et à la condition qu'il n'y ait pas enrichissement injustifié du bénéficiaire, 5 000 $ par fraction prévue à la déclaration de copropriété soit:
a) le remboursement du coût réel raisonnable engagé pour le déménagement et l'entreposage; […] »
(L’emphase est celui du Tribunal d’arbitrage)
Selon le Bénéficiaire, l’article 27 du Règlement implique nécessairement le remboursement des frais d’entreposage et de déménagement encourus par les copropriétaires en raison des travaux nécessaires afin de corriger un vice ou une malfaçon. L’emploi du terme « réparation » inclut à son avis le remboursement de ses frais.
De plus, le Bénéficiaire soulève que le paragraphe 5, deuxième alinéa de l’article 29 du Règlement confirme que le remboursement des frais d’entreposage et de déménagement n’est pas exclu, faisant en sorte qu’il est inclus.
Selon l’Administrateur, l’article 26 du Règlement ne trouve application que dans les cas où la réception des parties communes n’a pas eu lieu au moment où ces frais sont encourus. Or, en l’espèce, la réception des parties communes a eu lieu le 18 juin 2004 bien avant les circonstances donnant lieu à la demande de remboursement du Bénéficiaire. En conséquence, l’Administrateur soumet que cet article n’est pas applicable dans le cas présent.
De plus, l’article 27 du Règlement traite spécifiquement des cas où l’Entrepreneur manque à ses obligations légales ou contractuelles après la réception des parties communes, et ne prévoit pas le remboursement des frais d’entreposage et de déménagement.
Ensuite, l’Administrateur mentionne que les exclusions, ainsi que les exclusions à l’exclusion prévues à l’article 29 ont trait au remboursement des frais d’entreposage et de déménagement encourus avant la réception des parties communes.
4. DÉCISION
Avec respect pour l’opinion contraire, le Tribunal d’arbitrage est d’avis que rien dans le Règlement ne lui permet d’ordonner le remboursement des frais d’entreposage et de déménagement encourus par le Bénéficiaire après la réception des parties communes dans les circonstances de la présente demande. En effet, le législateur a voulu limiter les cas où le remboursement de ces frais peut être octroyé aux frais encourus avant la réception des parties communes. Les articles auxquels le Bénéficiaire se réfère pour fonder son droit de réclamation sont des exclusions et des limitations des droits créés ailleurs et non des articles constitutifs de droits.
De plus, le Bénéficiaire dispose toujours de son recours en vertu du droit commun afin de réclamer les frais encourus à l’Entrepreneur.
Le Tribunal d’arbitrage a considéré la possibilité que l’article 116 du Règlement, permettant de faire appel à l’équité, pourrait être pertinent dans l’octroi de la compensation recherchée par le Bénéficiaire. De l’avis du Tribunal d’arbitrage, avec égard pour l’opinion contraire, l’équité n’a pas pour objectif de créer plus de droits que ceux que le législateur confère au Bénéficiaire par le biais du Règlement.
Nous n’écartons pas la possibilité que dans les cas d’extrême injustice, il peut être nécessaire ou approprié pour un Tribunal d’arbitrage d’accorder des frais de déménagement et/ou d’entreposage au Bénéficiaire en se fondant sur l’article 116. Cependant, dans les circonstances actuelles, il n’y a pas ce type de preuve mais uniquement l’application normale et habituelle de la teneur du Règlement.
5. RÉPARTITION DES COÛTS
Considérant que le Bénéficiaire n’a pas gain de cause sur le seul point en litige, le Tribunal d’arbitrage a discrétion de partager les frais d’arbitrage et ce, conformément à l’article 123 du Règlement.
Compte tenu que la source de la mésentente à la base de la présente demande d’arbitrage est le caractère trop technique et peu clair des règles prévues au Règlement qui relève pourtant du droit de la consommation et compte tenu de la bonne foi du Bénéficiaire relativement à cette confusion, il nous semblerait qu’il serait approprié de condamner le Bénéficiaire à une partie des frais d’arbitrages, soit 250$ et que l’Administrateur soit tenu au paiement du reste des frais d’arbitrage.
POUR CES RAISONS, LE Tribunal D’ARBITRAGE:
REJETTE l’appel du Bénéficiaire;
CONDAMNE le Bénéficiaire à payer le montant de 250$ des frais d’arbitrage;
CONDAMNE l’Administrateur à payer le solde des frais et dépenses du présent arbitrage.
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Me Jeffrey Edwards, arbitre
Pour le Bénéficiaire :
M. Richard Marleau, représentant
Syndicat de copropriété
« SDC Les Habitations Mélatti »
1C-7011, Louis-Hébert
Lasalle (Québec) H8N 3E9
Pour l’Entrepreneur :
Absent à l’audition
Les Constructions G. Mélatti Inc.
7717, boul. Newman
Lasalle (Québec) H8N 1X7
Pour l’Administrateur :
Me François Laplante
Savoie Fournier
Contentieux de l’A.P.C.H.Q.
5930, boulevard Louis-H.-Lafontaine
Montréal (Québec) H1M 1S7
Audition: 5 juillet 2006
Vacances estivales de la construction : 15 au 30 juillet 2006
Décision arbitrale: 11 août 2006
[2] Charbonneau et Dumont c. Etmar Construction inc. et La Garantie Qualité Habitation, 6 mai 2002, SORECONI, (Claude Mérineau).
[3] Pelletier c. C=BO2 Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., 9 mars 2006, SORECONI, Me Alcide Fournier.
[4] C.Q. Mtl, No. 500-32-085072-041, j. Brossard, 12 mai 2006.