ARBITRAGE
EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (RLRQ, c. B-1.1, r. 8)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du Bâtiment du Québec :
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)
ENTRE : Monsieur Michel CARON
Madame Manon CHANDONNET
Bénéficiaires de la Garantie
ET : CONSTRUCTION DRUMMOND INC.
Entrepreneur
ET : LA GARANTIE ABRITAT INC.
Administrateur de la Garantie
Nº dossier CCAC : S14-060501-NP
Nº dossier du Plan de Garantie : 347156-1 - 14-312JP
Nº dossier de l’arbitre : ARB-3715
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Me Jean Robert LeBlanc
Pour le Bénéficiaire : Me Jean-Sébastien ROY, avocat
De Chantal, D’Amour, Fortier, S.E.N.C.R.L.
Pour l’Entrepreneur : Me François DAIGLE, avocat
Daigle Gamache avocats & fiscalistes
Pour l’Administrateur : Me Julie PARENTEAU, avocate
Contentieux des garanties ABRITAT/GMN
Date d’audience : Aucune audience
Date de la décision : 2 septembre 2015
IDENTIFICATION DES PARTIES
Bénéficiaire : Monsieur Michel CARON
Madame Manon CHANDONNET
[…] Drummondville, QC […]
Entrepreneur : CONSTRUCTION DRUMMOND INC.
1365, rue Bell
Drummondville, QC J2B 0B1
Administrateur : LA GARANTIE ABRITAT INC.
5930, boulevard Louis-H. Lafontaine
Montréal (Anjou), QC H1M 1S7
Et son procureur :
Me Julie PARENTEAU, avocate
Contentieux des garanties ABRITAT / GMN
7333, place des Roseraies
Montréal (Anjou), QC H1M 1X6
Mandat :
L’arbitre a reçu son mandat du CCAC le 13 août 2014.
DÉCISION ARBITRALE
APRÈS DÉLIBÉRÉ, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE REND LA DÉCISION SUIVANTE:
[1] Il s’agit d’un arbitrage en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs [1] (ci-après le « Règlement ») demandé par l’Entrepreneur qui conteste une décision qui lui est en partie défavorable rendue le 5 mai 2014 par l’Administrateur en vertu dudit Règlement. Le plan de Garantie de l’Administrateur reflète fidèlement les dispositions dudit Règlement.
[2] Aucune objection n’a été soulevée sur la compétence du Tribunal, en conséquence, le Tribunal se déclare compétent à rendre la présente décision.
La trame factuelle
[3] Selon les documents contenus au Cahier de pièces émis par l’Administrateur conformément aux dispositions du Règlement,[2] le bâtiment des Bénéficiaires construit par l’Entrepreneur est situé à Drummondville. Les Bénéficiaires en ont pris réception le 20 décembre 2012, ont transmis des réclamations écrites reçues par l’Administrateur les 11 juin et 18 septembre 2013.
[4] Dans le cadre de leur première réclamation que l’Administrateur identifie comme étant le Point #1, les Bénéficiaires se plaignent de ne pas avoir obtenu le Certificat d’homologation NOVOCLIMAT alors qu’ils avaient payé un supplément pour obtenir ladite certification. L’Administrateur accueille leur réclamation sur ce point et ordonne à l’Entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs requis pour que le bâtiment soit homologué Novoclimat et ce, dans un délai de quarante-cinq (45) jours suivant la réception de la décision. En date du 5 juin 2014, l’Entrepreneur se pourvoit en arbitrage à l’encontre de cette décision.
[5] Quant à la deuxième réclamation des Bénéficiaires (Point #2), elle porte sur la Déformation excessive des planchers de bois.
[6] L’inspection du 11 avril 2014, ne permet pas à l’Administrateur de rendre une décision immédiate sur ce point préférant prévoir effectuer une inspection supplémentaire à l’automne 2014. Il est alors convenu de revoir le point #2 ultérieurement.
[7] Le Tribunal arbitral reçoit le Cahier de pièces émis par l’Administrateur le, ou vers le, 5 septembre 2014 et tente à plusieurs reprises de trouver une date convenant à toutes les Parties pour la tenue d’une Conférence préparatoire. Finalement, la date du 12 mars 2015 est retenue et un Avis de convocation est transmis par courriel aux Parties ou à leurs procureurs selon le cas, en date du 20 janvier 2015.
[8] Or, le 9 mars 2015, le Tribunal arbitral reçoit par courriel une comparution de la part de Me Daigle qui l’informe, qu’il représentera dorénavant les intérêts de l’Entrepreneur et que ce dernier s’est récemment placé sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LFI) en déposant un avis d’intention de déposer une proposition concordataire.
[9] Le 11 mars, le Tribunal arbitral reçoit du syndic Raymond Chabot Inc. un Avis de suspension des procédures signé par le syndic Éric Pronovost.
[10] À la suite de plusieurs courriels transmis au syndic par le Tribunal arbitral pour connaître ses intentions quant au sort de la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur, le 10 juillet 2015, par courriel, une dernière demande de ses instructions était faite au syndic, avec copie aux autres Parties, dans les termes suivants :
« Objet : ARBITRAGE STATUTAIRE - Construction Drummond Inc c. La Garantie Abritat Inc. et Chandonnet et al. - CCAC # S14-060501-NP / Garantie Abritat # 347156-1 - 14-312JP / DCDAF # F 7840-01 / ARB-3715
Longueuil, le 10 juillet 2015,
Mme Diane DESFOSSÉS, technicienne en insolvabilité
M. Éric PRONOVOST, syndic
RAYMOND, CHABOT INC.
Trois-Rivières, QC
(Syndic de faillite)
Votre dossier 42-1958490 - Faillite - Débiteur « CONSTRUCTION DRUMMOND INC. »
Me Jean-Sébastien ROY, avocat
De Chantal, D'Amour, Fortier
Longueuil, QC
(Pour les « Bénéficiaires »)
Me François DAIGLE, avocat
Daigle, Gamache
Trois-Rivières, QC
(Pour l’« Entrepreneur ») Demandeur
Me Julie PARENTEAU, avocate
Contentieux de l’APCHQ Inc.
Montréal, QC
(Pour l’« Administrateur »)
Madame Julie HOULE, greffière
Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC)
Montréal, QC
(Pour l’« Organisme d’arbitrage »)
Madame Desfossés, Monsieur Pronovost,
À la suite du courriel que j’adressais le 23 juin dernier au Syndic de la faillite de l’Entrepreneur avec copie aux autres Parties, le Tribunal arbitral reste à ce jour sans commentaires dudit Syndic quant à ses intentions relativement à l’arbitrage entrepris par l’Entrepreneur.
Dans les circonstances, puisqu’un dossier d’arbitrage se termine par une sentence arbitrale écrite et signée par l’arbitre, j’entends procéder à la rédaction de celle-ci incessamment.
CONSIDÉRANT QUE dans le cadre de la sentence arbitrale, le Tribunal doit statuer sur les FRAIS de L’ARBITRAGE conformément aux dispositions du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (art.123 chapitre B-1.1 r. 8 - Loi sur le bâtiment) (ci-après le « Règlement ») j’invite toutes les Parties (dont le Syndic de faillite) à me transmettre toutes leurs représentations à cet égard et ce, avant 16h30 le vendredi, 14 août 2015;
Après cette date, le Tribunal arbitral rendra une décision finale et sans appel selon les termes de l’article 120 du Règlement et des règles de fonctionnement du Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) qui est l’organisme accrédité par la Régie du Bâtiment dans le cadre du présent arbitrage.
Veuillez recevoir mes salutations cordiales.
JRLeBlanc
Jean Robert LeBlanc, LL.B, M.B.A., Arb. Accr.
Avocat - Arbitre civil et commercial »
[11] La seule réponse du syndic à la demande formulée le 10 juillet, a été d’indiquer au Tribunal arbitral laconiquement que dans les circonstances, seul l’Entrepreneur pouvait décider de continuer ou pas son recours puisqu’il s’agissait d’un cas de proposition concordataire et non de faillite.
[12] En conséquence, le 13 juillet 2015, le Tribunal arbitral transmettait au procureur de l’Entrepreneur, avec copies aux autres Parties et au syndic, le courriel suivant :
« Objet : ARBITRAGE STATUTAIRE - Construction Drummond Inc c. La Garantie Abritat Inc. et Chandonnet et al. - CCAC # S14-060501-NP / Garantie Abritat # 347156-1 - 14-312JP / DCDAF # F 7840-01 / ARB-3715
Longueuil, le 13 juillet 2015,
Me François DAIGLE, avocat
Daigle, Gamache
Trois-Rivières, QC
(Pour l’« Entrepreneur ») Demandeur
COPIE CONFORME À :
Monsieur Éric PRONOVOST, syndic,
Madame Diane DESFOSSÉS, technicienne en insolvabilité
RAYMOND, CHABOT INC.
Trois-Rivières, QC
Me Jean-Sébastien ROY, avocat
De Chantal, D'Amour, Fortier
Longueuil, QC
(Pour les « Bénéficiaires »)
Me Julie PARENTEAU, avocate
Contentieux de l’APCHQ Inc.
Montréal, QC
(Pour l’« Administrateur »)
Madame Julie HOULE, greffière
Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC)
Montréal, QC
(Pour l’« Organisme d’arbitrage »)
Maître Daigle,
À la suite de l’échange de courriels avec monsieur Pronovost, syndic dans le dossier de proposition de votre cliente (Construction Drummond Inc.) dont copie plus bas, merci d’indiquer au Tribunal arbitral si votre cliente entend continuer son recours en arbitrage (entrepris le 5 juin 2014) à l’encontre d’une décision de l’Administrateur de la garantie Abritat datée du 5 mai 2014.
Considérant l’Avis de suspension des procédures émis par le Syndic le 11 mars 2015 et mon courriel du 10 juillet dernier (adressé à toutes les Parties), je vous réitère spécifiquement mon invitation à me transmettre vos représentations à cet égard et ce, avant 16h30 le vendredi, 14 août 2015. Évidemment, j’attendrai également les représentations de toutes les Parties conformément à mon courriel du 10 juillet 2015.
Après cette date, le Tribunal arbitral pourrait conclure à une désertion du recours entrepris et à un désistement présumé. Il rendra alors une décision finale et sans appel selon les termes de l’article 120 du Règlement et des règles de fonctionnement du Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) qui est l’organisme accrédité par la Régie du Bâtiment dans le cadre du présent arbitrage.
Veuillez recevoir mes salutations cordiales.
JRLeBlanc
Jean Robert LeBlanc, LL.B, M.B.A., Arb. Accr.
Avocat - Arbitre civil et commercial »
[13] Dans le délai imparti, le Tribunal arbitral a reçu les représentations de l’Administrateur et des Bénéficiaires et constate le silence complet de l’Entrepreneur en date de la rédaction de la présente décision. Le Tribunal arbitral n’a reçu aucun commentaire, représentation ou demande de la part de l’Entrepreneur ou de son procureur relativement au sort de l’arbitrage entrepris par l’Entrepreneur le 5 juin 2014. De plus, puisqu’il n’y a eu aucune Audience, aucune preuve n’a été présentée par les Parties.
L’analyse et la décision quant aux frais de l’arbitrage
[14] Dans les circonstances, force est de constater que l’Entrepreneur par son silence a déserté son recours en arbitrage et qu’il est en conséquence présumé s’en être désisté.
[15] Or, le Règlement et le contrat de Garantie qui en découle sont muets relativement au désistement de la procédure d’arbitrage, le Tribunal arbitral doit alors rechercher les règles de droit supplétives à appliquer. Elles se trouvent au Code de procédure civile aux articles suivants.
« 262. Une partie peut se désister de sa demande ou de son acte de procédure en tout état de cause.
[…]
264. Le désistement remet les choses dans l'état où elles auraient été si la demande à laquelle il se rapporte n'avait pas été faite.
Il comporte obligation de payer les frais occasionnés par la demande, qui sont adjugés à la partie adverse, par le greffier, sur inscription. »
(Les caractères gras sont nôtres)
[16] Selon le second alinéa de l’article 264, l’Entrepreneur serait, en conséquence de son désistement, obligé de payer les frais occasionnés par sa demande d’arbitrage.
[17] Dans le cadre de l’application du Règlement, un désistement intentionnel ou présumé est relativement peu fréquent et peut être considéré plutôt exceptionnel.
[18] Or, cette situation exceptionnelle, dans le cas d’un Entrepreneur demandeur de l’arbitrage, cause un préjudice à l’Administrateur qui est tenu de payer la moitié des frais de l’arbitrage lorsque l’Entrepreneur est le demandeur[3] et ce, sans égard à l’issue du recours.
« 123. Les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
[…]» (Les caractères gras sont nôtres)
[19] Avec égard pour l’opinion contraire, le Tribunal arbitral est d’avis que dans les circonstances de l’espèce, obliger l’Administrateur à payer la moitié des frais du présent arbitrage constitue une injustice à son l’égard. Cette injustice doit être réduite le plus possible.
[20] En conséquence, comme l’a plaidé la procureure de l’Administrateur avec le soutien du procureur des Bénéficiaires, le Tribunal arbitral peut recourir aux règles d’équité tel que le Règlement l’autorise à le faire lorsque les circonstances le justifient.[4]
« 116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.
[…]» (Les caractères gras sont nôtres)
[21] S’autorisant de cette disposition, c’est ce que le Tribunal arbitral fera relativement aux frais de l’arbitrage.
[22] Tel que mentionné plus avant, les circonstances le justifiant amplement, le Tribunal arbitral considère qu’il serait pertinent de condamner l’Entrepreneur à payer la totalité de tous les frais de l’arbitrage.
[23] Cependant de manière tout à fait pratico-pratique, en raison des dispositions de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et de l’Avis de suspension des procédures émis par le syndic en vertu d’icelle, la condamnation aux frais imposée à l’Entrepreneur ne pourra excéder le montant déjà détenu par le Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC) à titre de provision pour frais que l’Entrepreneur a versé au cours des présentes procédures.
[24] Le Tribunal arbitral rappelle aux Parties que l’arbitre désigné est autorisé par la Régie du bâtiment du Québec à trancher tout différend découlant des plans de Garantie existant en vertu du Règlement, que sa décision lie les Parties et qu’elle est finale et sans appel.
« 120. La décision arbitrale, dès qu’elle est rendue, lie les parties intéressées et l’administrateur.
La décision arbitrale est finale et sans appel. » [5]
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D'ARBITRAGE:
DÉCLARE le présent arbitrage déserté par l’Entrepreneur qui en était le demandeur;
DÉCLARE que l’Entrepreneur en désertant son recours s’en est désisté;
REJETTE la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur;
MAINTIENT la décision de l’Administrateur du 5 mai 2014 sous la plume de monsieur Yvan Gadbois et en conséquence;
ORDONNE à l’Administrateur d’intervenir en lieux et place de l’Entrepreneur dans le cadre du Point #1 pour réaliser les travaux correctifs nécessaires pour que les Bénéficiaires obtiennent le Certificat d’homologation NOVOCLIMAT pour leur bâtiment, si cela n’est déjà fait;
ORDONNE à l’Administrateur de reprendre son étude du Point #2, si ce n’est déjà fait, et de rendre une décision à l’égard de la réclamation des Bénéficiaires relativement à la Déformation excessive des planchers de bois;
CONDAMNE l’Entrepreneur à payer tous les frais et coûts de l’arbitrage du présent dossier jusqu’à hauteur de toutes les sommes détenues par le CCAC en son nom à titre de provision dans le cadre du présent arbitrage;
REQUIERT que la greffière du CCAC se conforme à la présente décision quant à l’utilisation des sommes d’argent détenues au nom de l’Entrepreneur à titre de provision pour frais dans le présent dossier d’arbitrage;
CONDAMNE l’Administrateur à payer tous les frais et coûts résiduels du présent arbitrage;
Longueuil, le 2 septembre 2015
(S) Jean Robert LeBlanc
__________________________
Me Jean Robert LeBlanc
Arbitre / CCAC