ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment:

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

 

 

ENTRE:                                                           Mme. Nathalie Bouchard et M. Philippe Ragot

 

(ci-après «les Bénéficiaires»)

 

ET:                                                                  Habitations André Denault  Inc.

 

(ci-après «l'Entrepreneur»)

 

ET:                                                                  La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

 

(ci-après «l’Administrateur»)

 

No dossier CCAC: S14-101001-NP

 

 

DÉCISION ARBITRALE SUR REQUËTE EN IRRECEVABILITÉ

 

 

Arbitre:                                                                         Me Lydia Milazzo

 

Pour les Bénéficiaire:                                                  Mme Nathalie Bouchard

                                                           

Pour l'Entrepreneur :                                                   Me Sonia Beauchamp

                                                                                               

Pour l’Administrateur:                                                 Me Julie Parenteau

 

Date de l’audition:                                                      23 mars 2015

 

Date de la sentence:                                                   22 mai  2015

 

Identification complète des parties

 

 

Bénéficiaires                                                   Mme. Nathalie Bouchard

                                                                        M. Philippe Ragot

                                                                        […] Laval (Québec) […]

 

 

Entrepreneur:                                                  Habitations Denault Inc.

18 140, rue J-A. Bombardier

Mirabel (Québec)

J7J 0H5

 

Procureur : Me Sonia Beauchamp

 

Administrateur:                                                La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

5930 L.-H. Lafontaine

Anjou, (Québec)

H1M 1S7

 

Procureur: Me Julie Parenteau

 

 

Mandat

 

L’arbitre a reçu son mandat du CCAC le 30 octobre 2014.

 

 

                                              Historique du dossier

 

 

10 novembre 2008 :                Contrat Préliminaire de Vente et Contrat de Garantie Obligatoire (Pièce A-3);

7 juillet 2009 :                          Formulaire d’Inspection Pré-réception et date de Réception (pièce A-1);

15 juillet 2009 :                        Signature de l’ Acte de Vente devant notaire (Pièce A-4);

1 septembre 2009:                  Rapport d’Inspection RMS, mandaté par les Bénéficiaires (Pièce A-2);

août 2009 :                              Date retenue par l’Administrateur relativement à la première constatation d’infiltration d’eau par les Bénéficiaires;

janvier 2010 :                           Échange de courriels entre les Bénéficiaires et M. Laforêt (représentant de l’Entrepreneur) (Pièce A5) concernant une infiltration d’eau provenant du toit; exécution de premiers travaux de réparation par ce dernier selon les Bénéficiaires;

Hiver 2011 :                             Échange de courriels entre les Bénéficiaires et M. Laforêt (Pièce A5) concernant une autre infiltration d’eau provenant du toit et le sous-sol; exécution de travaux de réparation par l’Entrepreneur selon les Bénéficiaires;

17 mai 2011 :                          Dénonciation écrite par les Bénéficiaires à l’Administrateur (Pièce A-5);

Hiver 2012 :                             Date à laquelle les Bénéficiaires déclarent avoir constaté une autre infiltration d’eau (à deux reprises), toujours provenant du toit, suivie d’un échange de courriels entre les Bénéficiaires et M. Laforêt (représentant de l’Entrepreneur) (Pièce A5) et l’exécution de travaux de réparation par l ‘Entrepreneur, selon les Bénéficiaires;

Hiver 2014 :                             Infiltration d’eau provenant du toit selon les Bénéficiaires;

24 février 2014 :                      Mise en demeure adressée à l’entrepreneur, avec copie à l’Administrateur (Pièce A-6);

5 mars 2014 :                          Rapport d’Inspection visuelle de toiture pour assurance par Groupe Conseils Lacasse-Trudeau Inc. tel que mandaté par la compagnie d’assurance des Bénéficiaires (Pièce A-10);

21 avril 2014 :                          Lettre et demande de réclamation par les Bénéficiaires (Pièces A-7 et A-9);

24 avril 2014 :                          Rapport de PB Consultant Expert-Conseil en Bâtiment tel que mandaté par l’Entrepreneur (Pièce A-8);

25 juin 2014 :                           Inspection par M. Marc-André Sauvage, Inspecteur-conciliateur pour l’Administrateur;

15 septembre 2014:                Décision de l’Administrateur suivant laquelle ce dernier rejette la réclamation des Bénéficiaires sur la base de la tardivité de leur dénonciation (Pièce A-12);

10 octobre 2014:                     Réception par le CCAC de la Demande d’Arbitrage du Bénéficiaire;

17 octobre 2014:                     Notification de la Demande d’Arbitrage et Nomination de l’Arbitre;

11 novembre 2014                  Réception du cahier de pièces de l’Administrateur;

10 décembre 2014:                 Audience préliminaire par conférence téléphonique, lors de laquelle les Bénéficiaires annoncent leur décision de faire réparer la toiture par une tierce partie; envoi par les Bénéficiaires d’une copie du rapport complémentaire de Groupe Conseils Lacasse-Trudeau Inc. avec série de photos;

12 décembre 2014:                 Courriel de la part des Bénéficiaires dans lequel ils déclarent que les travaux de réparation de leur toit commence le jour même et que des photos seraient prises pendant les réparations;

15 décembre 2014:                 Deuxième audience préliminaire par conférence téléphonique (suivi de l ‘expédition du procès-verbal) lors de laquelle les Bénéficiaires confirment que les travaux de réparation sur le toit sont complétés et les parties se sont entendus pour fixer une date d’audition sur la question du délai de dénonciation;

18 décembre 2014 :                Lettre de la part du procureur de l’Administrateur dans laquelle celui-ci demande le rejet de la réclamation des Bénéficiaires qu’il prétend être irrecevable vu les travaux de correction effectués par un tiers;

9 janvier 2015 :                        Lettre de la part de l’arbitre soussignée rejetant la demande de l’Administrateur de procéder par voie d’audience téléphonique sur la requête en irrecevabilité;

23 mars 2015 :                        Audience au Palais de Justice de Laval sur la requête en irrecevabilité de l’Administrateur;

 

 

 

Juridiction

 

 

1.            Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les parties. Le tribunal déclare que juridiction lui est acquise.

 

 

Contexte

 

 

 

2.           La décision de l’Administrateur, datée du 25 septembre 2014, rejette la réclamation des Bénéficiaires relativement à une problématique d’infiltration d’eau par la toiture, la qualifiant de tardive.  L’Administrateur considère que la découverte de la problématique par les Bénéficiaires a eu lieu au mois d’aout 2009 et la réception de la dénonciation écrite au 17 mai 2011, soit 16  mois plus tard;

3.           La présente décision interlocutoire vise une requête en irrecevabilité formulée par l’Administrateur suite à la décision prise par les Bénéficiaires au mois de décembre 2014, de faire réparer leur toiture, dans le but de régler les problèmes d’infiltration d’eau provenant de cette toiture et faisant l’objet de la décision de l’Administrateur visée par la demande d’arbitrage;

 

4.           Les Bénéficiaires demandent dorénavant le remboursement des frais de réparations encourus en décembre 2014;

 

5.           Selon l’Administrateur, la demande d’arbitrage n’a plus d’objet et l’Arbitre n’a pas la compétence pour ordonner le remboursement des frais de réparations encourus par les Bénéficiaires;

 

La Preuve et la Position des Parties

 

6.           Selon les Bénéficiaires, les infiltrations d’eau dans le salon par le biais du toit se sont produits en hiver dans les années 2010, 2011, 2012 et finalement, en février 2014, et ce malgré les réparations effectués par l’Entrepreneur à chaque fois;

7.           Suite à l’inondation de 2010, l’Entrepreneur a effectué certaines réparations.  Malgré ceci, le problème s’est reproduit en fin d’hiver 2011. Cette fois-ci les Bénéficiaires en avise l’Administrateur par lettre datée le 17 mai 2011 (Pièce A-5), mais ils décident de ne pas ouvrir de demande de réclamation, vu la collaboration de l’Entrepreneur lequel procède à d’autres travaux correctifs durant l’été 2011;

8.           Durant l’hiver 2012, les bénéficiaires déclarent avoir subi de nouveaux une infiltration d’eau provenant de la toiture et l’entrepreneur procède à des réparations;

9.           Les Bénéficiaires déclarent ne pas avoir eu d’infiltration d’eau en 2013;

10.        Par contre, en hiver 2014, les Bénéficiaires déclarent avoir subi une infiltration d’eau majeure, que la Bénéficiaire, Mme. Bouchard, a décrit comme étant un « ruisseau » dans son salon (à cet égard ils ont référé le Tribunal aux photos annexées au Rapport d’Expertise de l’entrepreneur (Pièce A-8), ainsi qu’aux photos envoyés par les Bénéficiaires le 24 mars 2014 par courriel);

11.        C’est à ce moment là qu’ils décident de faire appel à l’APCHQ (Pièce A-6),  et se sont fait dire que leur dénonciation du mois de mai 2011 était tardive, soit 16 mois après la découverte initiale de janvier 2010;

12.        Le 5 mars 2014, ils ont fait faire un rapport d’inspection visuelle de toiture par le Groupe Lacasse-Trudeau (Pièce A-10); le rapport d’expertise de l’expert de l’Entrepreneur est daté du 24 avril 2014;

13.        Le 21 avril, ils ont fait parvenir une demande officielle d’ouverture de dossier chez la Garantie de l’APCHQ (Pièce A-7) et l’inspection a lieu le 25 juin 2014, suivi de la décision rejetant la réclamation, pour motif de tardivité de la dénonciation écrite à l’Administrateur, est émise le 15 septembre 2014;

14.        Ils ont fait faire les réparations en décembre 2014, soit à la limite de l’hiver 2015;

15.        La Bénéficiaire, Mme. Bouchard, a décris le mandat donné comme suit, « Je leur ai dit de faire ce qu’il y avait à faire pour que je n’ai plus d’eau »;

16.        En fait, lors de l’audition préliminaire du 12 décembre 2014, le Tribunal a été informé que les travaux en question allait débuté incessamment, que les Bénéficiaires n’attendrais plus, et ce même après que le Tribunal les a informé qu’il y avait des risques légales associés à cette décision;

17.        Le Tribunal a aussi, lors de la même audition préliminaire, invité les parties a cédulé une inspection urgente pour permettre auxdits parties de s’entendre sur ce qui constituerait des travaux urgents et conservatoires selon le Règlement applicable. Cette suggestion a été refusé par les Bénéficiaires, lesquelles voulait à tout prix éviter une autre infiltration d’eau, avec tous les dégâts qui s’ensuivent;

18.        Le Tribunal a tout de même fixée une conférence téléphonique pour le lundi, 15 décembre 2015;

19.        Deux jours plus tard, soit le 12 décembre 2015, les Bénéficiaires ont confirmé le début des travaux et lors de la conférence téléphonique du 15 décembre, le fait que les travaux étaient complétés de manière à ce que le problème soit définitivement réglé;

20.        Lors de cette conférence téléphonique, le Tribunal a prononcé les ordonnances suivantes (tel que constaté par écrit dans un procès verbal daté le 17 décembre 2015 :

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

DÉCLARE que le présent dossier procèdera, en premier lieu, sur la question préliminaire  du délai de dénonciation, soulevée dans la décision de l’Administrateur en date du 15 septembre 2014;

 

S’ENGAGE à fixer une audition d’une durée d’une journée, au Palais de Justice de Laval et ce, à partir du mois de janvier 2015, prenant en considération les dates de disponibilités de salles du Palais de Justice de Laval, du Tribunal et des parties;

 

CONSERVE SA JURIDICTION quant au mérite de la cause, à savoir la question de l’infiltration d’eau à la toiture du salon du bâtiment faisant l’objet du litige, telle que dénoncée par les Bénéficiaires, ainsi que par rapport à toute pièce et procédure, règles de droit et de preuve, incluant les règles de procédures à suivre afin de régler toute question d’échéancier, preuve et procédure qui ne seront pas l’objet d’un accord entre les parties;

 

LE TOUT, frais à suivre le cours de l’instance.

 

21.        Le 18 décembre 2014, l’Administrateur a envoyé une correspondance dans laquelle il présente ce qui s’apparente à une requête en irrecevabilité en vertu de l’Article 165 (4) du Code de Procédure Civile du Québec;

22.        L’Administrateur plaide que la décision des Bénéficiaires de faire exécuter les travaux par un tiers prive l’Entrepreneur du choix de la méthode corrective, laquelle lui appartient, la décision de l’Arbitre se limitant à celle d’ordonner ou ne pas ordonner les travaux;  il cite plusieurs décisions à l’appui de cette prétention, dont l’affaire Brisson et Brabant et 9141-1074 Québec Inc. (Construction Norjo) et La Garantie Des Bâtiments Résidentiels Neufs De l’APCHQ Inc. ( CCAC 3 novembre 2008, Me Michel Jeanniot, arbitre), ainsi que L. Rae et M. Nutter et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. (GAMM 10 juin 2008, Me Joanne Despatis, arbitre);

23.        Le procureur de l’Administrateur ajoute qu’en procédant de façon unilatérale aux travaux correctifs, ils ont fait en sorte que : « le Tribunal n’ait plus de matière à trancher, car en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, le pouvoir de l’arbitre est de se prononcer sur le bien-fondé de la décision de l’Administrateur, et s’il en vient à la conclusion que des travaux sont à faire, d’ordonner que l’entrepreneur les réalise ou que l’Administrateur y remédie en cas de défaut. »

24.        D’autre part, l’Administrateur plaide que le Règlement ne prévoit pas le remboursement ni l’indemnisation des Bénéficiaires pour les travaux correctifs exécutés par ceux-ci, mais uniquement le remboursement des travaux urgents et conservatoires, et ce dans les conditions et selon la procédure, édictée par le Règlement; il cite l’affaire Saindon, Dion et Emli Construction et La Garantie Des Maisons Neuves de L’APCHQ (GAMM, 25 septembre 2008, Me Jeffrey Edwards, arbitre) et l’affaire E. Kénol Mondé, L. Mondé et 2731-1051 Québec Inc. (Les Entreprises Hébert-Tremblay) et La Garantie Qualité Habitation du Québec (SORECONI, 17 avril 2007, Jacques Ouellet, arbitre);

25.        Lors de l’audience sur la requête en irrecevabilité, le procureur de l’Administrateur a présenté ses arguments en droit à l’appuie de sa requête et les Bénéficiaires ont eu l’opportunité de faire une réplique;

 

26.        Le 23 mars 2015, le Tribunal a envoyé un courriel aux Bénéficiaires leur rappelant de leur engagement de fournir les photos des correctives qui, selon les Bénéficiaires, ont commencé le 12 décembre 2015 et terminé le 15 décembre 2015, et qui font l’objet de la requête de l’Administrateur;

 

27.        Les Bénéficiaires ont référé le Tribunal aux photos annexés au rapport complémentaire du Groupe-Lacasse en date du 5 novembre 2014, et expédié par lesdits Bénéficiaires le 10 décembre, 2014;

 

28.        Le 24 mars, 2015, les Bénéficiaires ont envoyé un courriel au Tribunal auquel ils ont annexé des photos additionnels, dans le but, selon leurs propres dires, de justifier « notre urgence, notre nécessité à réparer les dégâts causés à notre maison le 21 février 2014 », lesquelles photos ils décrivent comme suit :

« 3 photos de notre salon (là où nous recevons nos invités, notre famille, nos amis) qui a du resté délabré pendant un an-comme l’a stipulé Nathalie, la couleur du parquet rénové n’est pas celle du reste de la maison, une teinture/vernis utilisé en 2009 par HAD dorénavant interdit.

2 photos de notre sous-sol (une autre pièce/room de vie sociale) : la 1ière d’une des plusieurs chaudières d’eau que j’ai évacuées avant que le ruissèlement n’endommage la dalle, et la 2ième de nos installations pendant les travaux- j’ai réussi à sauver notre home-cinéma Yamaha/Harman/Panasonic HD avant que l’eau, qui s’infiltrait par le plafond et les conduites électriques, ne l’atteigne. »

29.        Les Bénéficiaires soumettent qu’après plusieurs tentatives infructueuses de la part de l’Entrepreneur de régler le problème, ils étaient justifiés de ne plus avoir confiance en cet entrepreneur et que de plus, l’Administrateur ne s’est démontré aucunement disposé à les aider, préférant de rejeter leur réclamation sur la base d’une question de délai de dénonciation;

 

ANALYSE ET DÉCISION

 

30.        Il faut rappeler que nous sommes dans le contexte d’une requête en irrecevabilité, soit une question de droit, et qu’en conséquence l’Administrateur à le fardeau de convaincre le Tribunal que la réclamation des Bénéficiaires n’est pas fondé, les faits au dossier étant tenus pour avérés;

31.        L’article 165 (4) du Code de Procédure Civile se lit comme suit :

     165. Le défendeur peut opposer l'irrecevabilité de la demande et conclure à son rejet:

       4. Si la demande n'est pas fondée en droit, supposé même que les faits allégués soient vrais.

       1965 (1re sess.), c. 80, a. 165.

32.        Tel que  réitéré par la Cour Supérieure dans l’affaire Laquinte c. Veilleux, 2013 QCCS 2220, conf. par 2014 QCCA 372, à ce stade préliminaire de la procédure, le Tribunal doit se montrer prudent et en cas de doute, laisser aux parties la chance d’être entendues et de faire valoir leurs prétentions :

“21]        Ce n'est que dans le cadre d'une situation claire et évidente qu'une requête en irrecevabilité fondée sur le paragraphe 4 de l'article 165 C.p.c. sera accueillie.”

33.        La cour Suprême dans l’affaire S.C. c. Archevêque Catholique Romain de Québec, 2010 CSC 44, en rejetant des requêtes en irrecevabilité fondées sur la prescription, s’exprime ainsi :

« [2]  Le point de départ de la prescription soulevait des questions de fait qui ne pouvaient pas être résolues à la simple lecture du dossier.  Le juge du procès devra évaluer la preuve pour décider si les faits permettent de tirer des inférences établissant que la prescription n’a pas commencé à courir avant 2006 ou, possiblement, qu’elle a été suspendue en raison des circonstances de l’espèce. »

34.        Ce faisant, la Cour suprême entérinait les principes énoncés par le Juge Chamberland en Cour d’appel :

« [129]  La demande ne doit être rejetée que si elle n'est pas fondée en droit, supposé même que les faits allégués soient vrais (article 165 (4) C.p.c.).   Ce n'est pas le moment de trancher des questions de fait.   Le juge saisi d'un moyen préliminaire en irrecevabilité doit se mettre en garde contre les risques de mettre fin prématurément à un procès, sans examen de l'affaire au mérite[38]. (2009 QCCA 1349);

35.        La Requête de l’Administrateur, telle que présentée, suppose que le fait d’avoir procéder de façon unilatérale aux travaux de correction met fin à la réclamation des Bénéficiaires, l’arbitre n’ayant plus de matière à trancher. Il reconnait, par contre, qu’une telle situation est permise en vertu du Règlement en cas de réparations urgents et conservatoires au sens de l’Article 18 (5) du Règlement, mais prétend que cet article ne saurait s’appliquer au présent dossier vu que la procédure prescrite n’a pas été suivie;

36.        Dans le cas qui nous occupe, les Bénéficiaires ont faite réparer (par une tierce partie) la problématique qu’ils avaient soumise à l’Administrateur, après la décision de ce dernier de rejeter leur réclamation, et avant que l’arbitre puisse statuer sur leur demande d’arbitrage découlant de cette même décision;

37.        Est-ce que cela fait en sorte que l’arbitre n’a plus de juridiction, soit qu’il n’a plus de matière à trancher?

38.        Le Tribunal ne retient pas la prétention de l’Administrateur à l’effet que qu’il n’y a plus de matière à trancher;

39.        Les articles 18(5) et 111 du Règlement permettant le remboursement de certaines réparations, lorsque les les critères d’une de ces articles sont rencontrés.  De plus, la jurisprudence démontre que dans certaines circonstances, ce remboursement peut avoir lieu même pour des travaux effectués par des tiers à la demande des Bénéficiaires, et ce après que la décision faisant l’objet de l’arbitrage soit rendue, mais encore là il s’agit d’une question de faits et non uniquement de droit;

40.        L’Article 18 (5) du Règlement se lit comme suit :

18. La procédure suivante s’applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l’article 10 :

(…)

50 dans les 20 jours qui suivent l’inspection, l’administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l’absence de règlement et en transmettre copie, par poste recommandée, aux parties impliquées. En l’absence de règlement, l’administrateur statue sur la demande de réclamation et ordonne, le cas échéant, à l’entrepreneur de rembourser au bénéficiaire le coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes et de parachever ou corriger les travaux dans le délai qu’il indique, convenu avec le bénéficiaire;

(…)

 

41.        La question soulevé par l’Article 18 (5) est donc  une question de fait, à savoir : si les travaux de réparations effectués dans le présent cas constituent des réparations urgents et conservatoires;

42.        Il ne s’agit pas simplement d’une question de droit à être tranché dans le contexte d’une requête préliminaire en irrecevabilité, sans qu’une preuve complète quant aux faits pertinents n’ait été présentée au Tribunal;

43.        Dans le cas sous étude, la preuve n’est pas complète à cet égard.  Plus précisément, le Tribunal n’est pas en mesure de déterminer si les travaux qu’on fait effectuer les Bénéficiaires, même en admettant qu’il s’agit de travaux qui règlent de façon définitive la problématique en question,  constituent néanmoins  des travaux urgents qui devaient s’effectuer pour éviter d’autres dommages;

44.        L’Article 111 du Règlement prévoit qu’avant ou pendant la procédure arbitrale, une partie intéressée ou l’Administrateur peut demander des mesures nécessaires pour assurer la conservation du bâtiment. Il s’agit encore une fois d’une question de fait, à savoir si les réparations effectués dans le cas sous étude étaient nécessaire pour assurer la conservation du bâtiment;

45.        Or, le Tribunal n’a pas eu le bénéfice d’une preuve factuelle complète relativement à l’application de l’Article 111 du Règlement;

46.        L’Administrateur soulève aussi le fait qu’il n’y a pas eu de réclamation des Bénéficiaires auprès de l’Administrateur au sens de l’Article 18 (5) du Règlement, ces derniers ayant même refusé la suggestion du Tribunal à cet égard;

47.        Cependant, la jurisprudence nous démontre que ceci ne représente pas toujours une fin de non-recevoir à la demande de remboursement pour des travaux effectués après la décision de l’Administrateur, et que le tout dépend des circonstances particulières de chaque dossier, incluant celles entourant le refus d’agir de l’administrateur;

48.        Ainsi, dans l’affaire Antonietta di Manno c. Pentan Construction et la Garantie des Maisons Neuves de l’APCHQ Inc., GAMM 27 février 2013, Me Edwards, après avoir cité les Articles 18(5) et 111 du Règlement, s’est appuyé sur l’article 116 du Règlement (lequel autorise l’arbitre à prendre en considération l’équité) pour permettre le remboursement de la moitié des frais réclamés par la Bénéficiaires pour des travaux effectués par un tiers à leur demande, et ce après la demande d’arbitrage, mais avant l’audition de celle-ci;

49.        Il en est de même dans l’affaire, B. Radilescu et Groupe Axxco Inc. et La Garantie Habitation Du Québec Inc., GAMM, 20 septembre 2010, dans laquelle Me Edwards s’est appuyé sur l’Article 111 du Règlement pour ordonner le remboursement des frais encourus par les Bénéficiaires pour des mesures prises après la demande d’arbitrage, la preuve au mérite ayant permis de constater les circonstances entourant le refus de l’Administrateur d’intervenir, ainsi que l’urgence et la nécessité desdites mesures pour conserver le bâtiment;

50.        Le Tribunal tient à souligner que dans ces décisions, la question a été examinée lors de l’audience au mérite, permettant ainsi au Tribunal d’entendre toute la preuve avant de rendre une décision en vertu de l’Article 18 (5) et/ou 111 du Règlement;

51.        La preuve au dossier sous étude révèle que l’Administrateur a rejeté la réclamation des Bénéficiaires au mois de septembre 2014 (soit 3 mois après l’inspection) et que lors de la première conférence téléphonique avec l’arbitre soussigné, en décembre 2014, soit à la limite du début de l’hiver 2014-5, les Bénéficiaires avaient déjà subi plusieurs infiltrations d’eau, suivies de réparations infructueuses de la part de l’entrepreneur, la dernière infiltration de 2014 ayant été la plus majeur; les réparations effectués à la demande des Bénéficiaires ont eu lieu en décembre 2014, soit à la limite de l’hiver 2015;

52.        Dans ces circonstances, et sans avoir une preuve complète à cet égard, le Tribunal ne peut, à ce stade ci, se prononcer sur le non-respect des formalités de l’Article 18 (5) du Règlement comme fin de non-recevoir à la demande de remboursement formulée par les Bénéficiaires, ni sur la question de fait à la base des articles 18(5) et 111 du Règlement, à savoir si les réparations effectués à la demande des Bénéficiaires étaient urgents et nécessaires au sens de l’article 18(5) ou s’ils représentent des mesures nécessaires à la conservation du bâtiment au sens de l’article 111 du Règlement;

53.        Quant à l’argument de l’Administrateur à l’effet que les Bénéficiaires ont privé l’Entrepreneur du choix des correctifs, la jurisprudence applicable, tant en vertu de l’Article 18 (5) que de l’Article 111 du Règlement, démontre qu’il existent des circonstances où les travaux exécuter par un tiers peuvent faire l’objet d’un remboursement;

                                                            CONCLUSION

54.        Suivant mon appréciation de la preuve versée au dossier à ce stade-ci et du droit applicable, je suis d’avis que la requête en irrecevabilité présentée par l’Administrateur doit être rejetée;

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE:

REJETTE la requête en irrecevabilité présentée par l’Administrateur;

Le tout, frais à suivre le sort de l’instance.

Montréal, le 22 mai 2015.

(Original signé: L. Milazzo)

ME LYDIA MILAZZO