ARBITRAGE EN VERTU DE LA LOI SUR LE RÉGIME DE RETRAITE DES

ARBITRAGE EN VERTU DU

RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (Décret 841-98)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossiers no :

GAMM :     2012-13-003, 2012-13-002, 2012-13-004

                         GQH :         85308-4553, 85309-4557, 85478-4558, 85478-4559

 

 

ENTRE :

MAURICE SEBAG, 6552307 CANADA INC., MARIO VILLENEUVE ET LINDA RABY

(ci-après les «Bénéficiaires»)

 

ET :

LA GARANTIE QUALITÉ HABITATION INC.

                                                                                                          

  (ci-après l’«Administrateur»)

 

ET :

LES CONSTRUCTIONS BERTON INC.

 (ci-après l’«Entrepreneur»)

 

 

 

DEVANT L’ARBITRE :

 Me Karine Poulin

 

 

Pour l’entrepreneur :                                                      

Absent

Pour l’administrateur :                                                    

Me Véronique Racicot

Pour les bénéficiaires Maurice Sebag et 6552307 Canada inc.:                                                      

Me Sonia Beauchamp

Pour les Bénéficiaires Mario Villeneuve et Linda Raby :

Me Francine Danais

 

 

Date d’audience :

13 juin 2012

Date de la sentence :                                                     

13 juillet 2012

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 


I

LE RECOURS

[1]               La présente décision statue sur 3 dossiers distincts, lesquels ont bénéficié d’une audition commune, à la demande des parties.

[2]               Les Bénéficiaires contestent en vertu de l’article 19 du Règlement  sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le «Règlement»), la décision suivante rendue le 4 mai 2012 par l’Administrateur :

«Monsieur,

 

Après vérification complète du dossier, nous constatons que l’immeuble mentionné en objet a été vendu alors que l’entreprise «Les Constructions Berton inc.» n’était plus accrédité (sic) à La Garantie Qualité Habitation.

 

De plus, celle-ci ne pouvait, au moment de la transaction vendre un bâtiment résidentiel neuf, car elle ne détenait pas les licences 1.1.1 et/ou 1.1.2 à la Régie du Bâtiment au moment de la signature de l’acte de vente.

 

Nous regrettons de ne pouvoir intervenir dans le règlement de votre dossier et vous prions de recevoir, Monsieur, nos salutations distinguées. »

[3]               Par la suite, le 18 mai 2012, l’Administrateur rendait une décision additionnelle qui se lit comme suit :

« Monsieur,

 

Après vérification complète du dossier, nous constatons que l’immeuble mentionné en objet a été vendu alors que l’entreprise «Les Constructions Berton inc.» n’était plus accrédité (sic) à La Garantie Qualité Habitation.

 

De plus, celle-ci ne pouvait, au moment de la transaction vendre un bâtiment résidentiel neuf, car elle ne détenait pas les licences 1.1.1 et/ou 1.1.2 à la Régie du Bâtiment au moment de la signature de l’acte de vente.

 

Toutefois, considérant que les contrats préliminaires portant les numéros (…) ont été signés alors que l’entrepreneur était accrédité auprès de Qualité Habitation, nous devrons nous prononcer dans le cadre de la protection des acomptes.

 

Nous vous demandons donc de bien vouloir nous transmettre copie des chèques payés en acompte à l’entrepreneur accrédité (copie recto-verso) et toute autre preuve utile au dossier afin de nous permettre de nous prononcer dans le cadre de la garantie. » (nos caractères gras)

 

II

                                                                    LES FAITS

[4]               Tel qu’indiqué précédemment, la présente décision statue sur 3 dossiers distincts. Les Bénéficiaires ont acheté de l’Entrepreneur des immeubles situés sur la rue [...] à Gatineau. La décision de l’Administrateur du 4 mai 2012 ainsi que la décision additionnelle du 18 mai 2012 relatées ci-dessus sont les mêmes pour chacun des dossiers. Lors de l’audience, l’Entrepreneur était absent, quoique dûment convoqué.

[5]               Les parties ont fait de nombreuses admissions au début de l’audience, et notamment quant aux éléments principaux de la trame factuelle. Les parties ont également admis que l’Entrepreneur a parfois utilisé le mauvais formulaire, mais que cela ne doit pas affecter les droits des Bénéficiaires. Enfin, l’Administrateur a admis que si la réception des immeubles a valablement eut lieu, alors, la garantie doit également s’appliquer après la réception.

[6]                Les 3 dossiers ont une trame factuelle, pour l’essentiel, identique. Ainsi, il n’est pas nécessaire de reproduire au long les faits pour chacun des dossiers. Je m’en tiendrai donc à résumer les faits pertinents à l’issue du litige dans le dossier du Bénéficiaire Maurice Sebag.

[7]                Le 19 mars 2011, Monsieur Sebag signe un contrat préliminaire avec l’Entrepreneur pour la construction d’un quadruplex. Le 23 mars 2011, l’Entrepreneur signe à son tour le contrat préliminaire et le Bénéficiaire en accuse réception le 28 mars 2011.

[8]               Le 6 mars 2012, soit près d’une année plus tard, le Bénéficiaire et l’Entrepreneur signent le formulaire d’inspection pré-réception, avec réserves, et signent l’acte de vente le 12 mars 2012.

[9]               Dans l’intervalle, le 15 février 2012, l’Entrepreneur perd son accréditation auprès de l’Administrateur. La décision est reçue par l’Entrepreneur le 17 février 2012.

[10]           Dans les semaines qui suivent la signature de l’acte de vente, le Bénéficiaire tente de communiquer avec l’Entrepreneur à de nombreuses reprises, sans succès. Il lui envoie une lettre le 4 avril 2012 et par la suite le 10 avril 2012, avec copie à l’Administrateur. La demande d’arbitrage est datée du 10 mai 2012.

[11]           Le 18 mai 2012, l’Administrateur rend la décision additionnelle reproduite ci-dessus. Cette décision vient circonscrire le refus initial de l’Administrateur de couvrir les bâtiments : l’Administrateur accepte de couvrir les bâtiments au stade pré-réception, soit pour la protection des acomptes, mais refuse de couvrir les bâtiments après réception.

[12]           Le présent tribunal d’arbitrage est saisi de 3 demandes portant sur la décision du 4 mai 2012 et non sur celle du 18 mai 2012. Par ailleurs, comme cette décision du 18 mai équivaut à un aveu judiciaire quant à l’étendue des obligations de l’Administrateur au stade pré-réception, les parties ont demandé à ce que la présente sentence ne statue que sur la responsabilité de ce dernier après réception.

[13]           Dans les autres dossiers, les dates de signature des divers documents sont différentes. Cependant, dans tous les cas, l’Entrepreneur était dûment accrédité lors de la signature du contrat préliminaire, mais ne l’était plus lors de la signature du formulaire d’inspection pré-réception et de l’acte de vente. Chacun des Bénéficiaires a communiqué par écrit avec l’Entrepreneur ainsi qu’avec l’Administrateur. Les décisions de l’Administrateur portent toutes les mêmes dates. Les demandes d’arbitrage ont été déposées les 10 et 15 mai 2012. Aucun moyen préliminaire n’a été soulevé.

III

LA PREUVE

[14]           Lors de l’audience, seul Monsieur Sylvain Beausoleil, directeur général adjoint chez l’Administrateur a été entendu. Il témoigne à l’effet qu’il a reçu diverses correspondances de la part des Bénéficiaires au sujet de travaux à parachever et de malfaçons apparentes à corriger, lesquelles ont d’abord donné lieu à sa décision du 4 mai 2012.

[15]           Il explique que selon lui, la responsabilité de l’Administrateur cesse dès le retrait de l’accréditation. Il précise que le retrait de l’accréditation a pour effet d’empêcher l’entrepreneur de vendre des bâtiments résidentiels neufs. Le retrait de l’accréditation, selon M. Beausoleil, est le seul acte que l’Administrateur peut poser pour protéger le consommateur. Comme les bâtiments ont été vendus alors que l’Entrepreneur ne pouvait plus vendre lesdits immeubles, ceux-ci ne sont pas couverts.

[16]           Par ailleurs, il rend par la suite la décision du 18 mai 2012 selon laquelle les bâtiments sont couverts en ce qui concerne la protection des acomptes (soit avant réception).

[17]           En contre-interrogatoire, M. Beausoleil admet que les Bénéficiaires n’ont jamais été avisés du retrait de l’accréditation de l’Entrepreneur. Il explique par ailleurs qu’il était impossible d’aviser les Bénéficiaires, car l’Administrateur n’avait pas leurs noms, ni une copie de leurs contrats préliminaires. Il précise que ce sont les Bénéficiaires eux-mêmes qui lui ont fourni leurs contrats préliminaires.

[18]           Lorsqu’on lui demande « si c’est écrit quelque part dans le contrat préliminaire que la protection cesse s’il y a perte d’accréditation avant la réception », il se réfère aux articles suivants contenus dans le contrat préliminaire :

« 6.4.1 La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’Entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles AVANT LA RÉCEPTION du bâtiment couvre :

6.4.1.1 Dans le cas d’un contrat de vente :

6.4.1.1.1 Soit les acomptes versés par le Bénéficiaire.

6.4.1.1.2 Soit le parachèvement des travaux lorsque le Bénéficiaire est détenteur des titres de propriété et qu’une entente à cet effet intervient avec Qualité Habitation

(…)

 

6.1.4 «Entrepreneur» Une personne titulaire d’une licence d’Entrepreneur général l’autorisant à exécuter ou à faire exécuter en tout ou en partie, pour un Bénéficiaire, des travaux de construction d’un bâtiment résidentiel visé à la section 6.2 des présentes.

 

6.2 BÂTIMENTS VISÉS

6.2.1 Les bâtiments neufs ci-dessous mentionnés lorsque ceux-ci sont destinés à des fins principalement résidentielles et non détenus en copropriété divise par le Bénéficiaire de la garantie :

(…)

6.2.1.2 Un bâtiment multifamilial de 2 à 5 logements.

(…)» (nos soulignements)

 

[19]           Selon lui, il est clair que l’Entrepreneur ne peut plus vendre, car il n’est plus accrédité.

[20]           Quand on lui demande « pourquoi est-ce que la protection est différente dans le cas d’un contrat d’entreprise », il explique que c’est parce que les biens appartiennent au fur et à mesure aux bénéficiaires. Il confirme que les bénéficiaires d’un contrat d’entreprise auraient droit à la garantie contre les malfaçons et les vices cachés, mais pas ceux qui ont signé un contrat préliminaire. Selon lui, « le moment charnière » est la vente. La vente viendrait valider rétroactivement la réception préalable du bâtiment.

[21]           Aucun autre témoin de fût entendu. Le reste de la preuve consiste en des documents qui ont tous fait l’objet d’admissions quant à leur authenticité et, dans la majorité des cas, quant à leur contenu. Au besoin, je reviendrai sur cet aspect. Les procureurs se sont entendus pour traiter de la preuve documentaire en plaidoirie seulement, vu le dépôt de la preuve en liasse, de consentement, et les admissions faites.

IV

LES PLAIDOIRIES

Bénéficiaires

[22]           Pour les Bénéficiaires, le plan de garantie s’applique dès que les conditions énoncées à l’article 2 du Règlement sont rencontrées, soit 1) un entrepreneur, 2) un bénéficiaire et 3) un contrat conclu pour la vente ou la construction d’un type de bâtiment visé au Règlement. Les définitions de « bénéficiaire » et d’« entrepreneur » se trouvent à l’article 1 du Règlement. Toutes les conditions étant présentes au moment de la signature du contrat préliminaire, le bâtiment est protégé par la garantie.

[23]           Contrairement aux prétentions de l’Administrateur, la signature de l’acte de vente ne crée aucune distinction entre un bénéficiaire qui signe un contrat préliminaire et un bénéficiaire qui signe un contrat d’entreprise. Cette distinction que l’Administrateur tente de faire n’est écrite nulle part dans le Règlement qui lui, est d’ordre public.

[24]           L’annexe II du Règlement énonce divers engagements pris par l’entrepreneur lors de son accréditation, dont notamment l’enregistrement obligatoire de chaque bâtiment dès la signature du contrat préliminaire et le paiement de la prime déterminée. Ainsi, si la prime est due, c’est que le bâtiment est couvert et que le Règlement s’applique dès ce moment. Le Règlement vient en aide aux bénéficiaires consommateurs.

[25]           L’article 96 du Règlement stipule clairement que :

« Les droits d’un bénéficiaire ne sont pas affectés par la cessation d’effet de l’adhésion d’un entrepreneur. »

[26]           L’article 97, pour sa part, énonce :

«Le bénéficiaire qui a conclu un contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment visé à l’article 2 avec un entrepreneur qui a adhéré à un plan approuvé, mais qui n’est pas titulaire du certificat d’accréditation approprié, ne perd pas le bénéfice de la garantie applicable à ce bâtiment.»

[27]           Enfin, rien dans le Règlement n’indique qu’au moment de la vente, s’il y a perte d’adhésion, il y a perte de garantie pour les Bénéficiaires. La procureure des Bénéficiaires réitère que l’esprit du Règlement en est un de protection et que c’est d’ailleurs la raison même de l’existence de l’article 116 qui prévoit la possibilité de faire appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.

[28]           Dans les dossiers en l’instance, tous les documents signés le sont sur des formulaires de l’Administrateur. Lors de la réception, l’Entrepreneur a toujours le logo de l’Administrateur sur sa pancarte devant le chantier, les Bénéficiaires n’ont jamais été avisés de la perte d’adhésion de l’Entrepreneur et ceux-ci n’ont pas à souffrir de cet état de fait.

[29]           Sur la réception, Me Beauchamp réfère le tribunal à l’article 8 du Règlement. Ici, ce que je dois décider, c’est s’il y a eu réception. Or, les documents déposés par l’Administrateur sous les cotes A-7 du cahier 1, A-5 du cahier 2 et A-7 du cahier 3 s’intitulent : « Formulaire d’inspection préréception ». Tous portent la déclaration de réception du bâtiment. Par conséquent, je dois conclure qu’il y a eu réception des bâtiments. Elle soulève que l’argument de l’Administrateur à l’effet que la réception n’est pas vraiment une réception parce que c’est la vente qui valide le tout ne fonctionne pas. À tout événement, tant la réception que la vente ont eu lieu après la perte d’accréditation de l’Entrepreneur.

[30]           Enfin, elle dépose des autorités dont notamment la décision Verre Azur inc.[1] Dans cette décision, l’entrepreneur a fait fi de sa perte d’accréditation et utilisé certains formulaires de l’Administrateur dans le cours de ses affaires. Le tribunal d’arbitrage condamne l’administrateur au remboursement des acomptes et fait supporter à la bénéficiaire une partie des coûts vu son manque de diligence.

[31]           Dans les cas sous étude, l’Entrepreneur a également fait fi de sa perte d’accréditation lors de la réception et de la signature de l’acte de vente. Au surplus, tous les documents signés le sont sur les formulaires de l’Administrateur. Par conséquent, en droit, je dois conclure que les bâtiments sont protégés par la garantie, sinon, en équité.

[32]           Me Danais, procureur des Bénéficiaires Villeneuve et Raby souscrit entièrement au discours de Me Beauchamp. Elle ajoute toutefois quelques arguments auxquels Me Beauchamp souscrit également.

[33]           Elle plaide que lors de la signature du contrat préliminaire, l’entrepreneur agit comme mandataire de l’Administrateur et qu’il lie ce dernier dès ce moment. De plus, le contrat est valable dès qu’il y a échange de consentement. Me Danais réitère avec force et conviction que le Règlement est d’ordre public et qu’il a pour but la protection des bénéficiaires à l’encontre des manquements de l’entrepreneur. Le but du contrat préliminaire est notamment d’informer le public. Or, rien n’indique que le contrat prend fin lors de la perte d’accréditation.

[34]           Pour les Bénéficiaires qui ne sont pas avocat, « aucune lumière jaune ou rouge » n’apparait qui les mette en garde contre la perte d’accréditation de l’Entrepreneur et rien ne les informe qu’ils doivent vérifier que l’entrepreneur soit toujours accrédité en cours d’exécution du contrat. Le Règlement est également silencieux à cet égard.

[35]           Par ailleurs, rien sur le site de la Régie du bâtiment n’indique que l’Entrepreneur a une licence restreinte ou qu’il y a perte d’accréditation. D’ailleurs, dans la section qui porte sur les licences annulées, suspendues ou restreintes, le nom de l’Entrepreneur n’apparaît pas. S’il est vrai que cette section porte sur les restrictions, annulations et suspensions en relation avec la lutte contre la criminalité dans l’industrie de la construction, pour monsieur et madame tout le monde, cela ne dit rien de particulier.

[36]           Quant au document déposé par l’Administrateur et qui porte sur les retraits de licence 1.1.1 et/ou 1.1.2 pour une période donnée, ce document n’est pas accessible au public et est envoyé à l’Administrateur directement par la Régie du bâtiment.

[37]           Jusqu’au 12 juin 2012, veille de l’audition, le nom de l’Entrepreneur apparaissait encore sur le site des entrepreneurs accrédités par l’Administrateur.

[38]           Ainsi, même quelqu’un de très diligent ne trouvera rien qui lui permette de savoir que l’Entrepreneur n’est plus accrédité.

[39]           Le contrat de garantie s’apparente au contrat d’assurance, plaide-t-elle. L’assureur assure le risque jusqu’à la fin : il ne peut mettre un terme à la police prématurément. Pareillement, l’Administrateur ne peut retirer l’accréditation avec effet rétroactif sans aviser les bénéficiaires et leur donner l’opportunité de se trouver une autre protection.

[40]           Le retrait de l’accréditation est un geste sérieux. Or, l’Administrateur ne retire pas les formulaires à l’Entrepreneur et ne se rend pas à son bureau pour obtenir une copie des contrats. Il se contente d’envoyer une lettre, sans plus.

[41]           Par conséquent, on ne peut priver les Bénéficiaires de la protection qu’apporte le plan de garantie. La garantie s’applique ou non. L’Administrateur ne peut prendre ce qui fait son affaire et laisser le reste.

[42]           Par ailleurs, Me Danais commente la décision Verre azur inc. citée plus haut et conclue à l’application de la protection aux bâtiments visés par la présente demande d’arbitrage.

 

Administrateur

[43]           L’Administrateur, pour sa part, plaide que pour qu’il y ait couverture du bâtiment, il faut que les 3 conditions énoncées à l’article 2 du Règlement soient remplies, soit 1) un bénéficiaire, 2) un entrepreneur visé au chapitre II du Règlement et 3) un contrat conclu pour la vente ou la construction d’un bâtiment visé.

[44]           Le chapitre II du Règlement porte sur la Garantie minimale. L’article 6 prévoit :

« Toute personne qui désire devenir un entrepreneur en bâtiments résidentiels neufs visés à l’article 2 doit adhérer, conformément aux dispositions de la section I du chapitre IV, à un plan qui garantit l’exécution des obligations légales et contractuelles prévues à l’article 7 et résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire. » (nos soulignements)

 

[45]           En l’espèce, l’Entrepreneur n’adhère plus à un plan qui garantit ses obligations. Par conséquent, le bâtiment n’est pas couvert. Autrement, chaque fois qu’un entrepreneur représente avoir une licence, il faudrait couvrir le bâtiment.

[46]           Le Règlement protège, mais il impose aussi des limites, lesquelles sont nécessaires afin de connaître la hauteur des réserves requises.

[47]           De plus, l’article 2 du Règlement exige que l’entrepreneur vende ou construise. Or, l’Entrepreneur qui n’est plus accrédité ne peut plus vendre, ni construire. Le Règlement est d’ordre public et donc, les bénéficiaires sont protégés jusqu’à la perte de l’accréditation.

[48]           « L’équité à des limites : ce n’est pas un élastique ». L’article 2 circonscrit l’application du Règlement et celui-ci s’applique tant qu’il y a accréditation. L’Administrateur n’a pas d’autre choix.

[49]           Me Racicot appuie ses propos de 3 décisions.

[50]           Tout d’abord, dans la décision Desindes Larochelle[2] de la Cour d’appel, la Cour explique :

« [10] La Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B.-1.1 ci-après la Loi) oblige les entrepreneurs généraux à détenir une licence, ce qu’ils ne peuvent obtenir à moins de remplir certaines conditions. L’une d’elles est l’adhésion à un plan de garantie de leurs obligations légales et contractuelles pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf.

 

[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.

 

[12] L’appelante est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec (la Régie) à agir comme administrateur d’un plan de garantie approuvé. Elle s’oblige, dès lors, à cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui adhèrent à son plan de garantie. »

 

[51]           Pour l’Administrateur, « dès lors » signifie que dès que l’entrepreneur adhère à un plan de garantie, l’administrateur est tenu de cautionner ses obligations légales. Parallèlement, dès lors que l’entrepreneur n’adhère plus à un plan de garantie, l’administrateur n’est plus tenu de cautionner les obligations de cet entrepreneur. En l’espèce, il ne pouvait plus y avoir de vente, vu la perte d’accréditation.

[52]           Elle réitère le contenu impératif du Règlement et rappelle que le contrat reprend le texte du Règlement. L’équité ne peut s’appliquer lorsque c’est « dans le cadre, la base même » du Règlement. Au surplus, les circonstances en l’espèce ne justifient pas de recourir à l’équité parce que nous sommes dans « le cadre » du Règlement.

[53]           S’appuyant ensuite sur la décision Maisons zibeline[3], l’Administrateur affirme que l’équité doit prendre source dans les garanties du Règlement. Elle ne peut habiliter un décideur à contredire un texte clair. L’article 2 du Règlement est limpide. L’équité ne peut faire échec à une position calquée sur le Règlement d’ordre public. En l’occurrence, la position de l’Administrateur est calquée sur l’article 2 du Règlement : l’adhésion est obligatoire.

[54]           En réplique, Me Danais argumente que cette décision ne porte pas sur le moment où la garantie cesse de s’appliquer, mais plutôt sur une question de muret extérieur clairement exclu par le Règlement.

[55]           Enfin, l’Administrateur incite le tribunal à appliquer avec rigueur et sans compromis les prescriptions impératives du Règlement, conformément à la décision Constructions Cartierville inc.[4] L’Administrateur accepte de couvrir les bâtiments, mais jusqu’au 15 février 2012 seulement, date de la perte de l’accréditation et donc, avant la réception des bâtiments.

[56]           En réplique, Me Beauchamp précise que l’article 2 du Règlement traite d’un contrat pour la vente et non d’un contrat de vente. Au surplus, l’Administrateur est seul à savoir que l’Entrepreneur n’est plus accrédité. Il ne fait aucun sens de prendre une décision unilatérale, sans aviser les Bénéficiaires et leur imposer par la suite le fardeau de la conséquence.

V

ANALYSE ET DÉCISION

[57]           Le présent tribunal d’arbitrage doit déterminer l’effet de la perte d’accréditation par l’Entrepreneur en cours d’exécution d’un contrat sur les droits des Bénéficiaires.

[58]           Personne n’a prétendu que les Bénéficiaires ont fait preuve de négligence dans ces affaires.

[59]           Cependant, ce que je dois décider c’est de savoir si la perte d’accréditation fait en sorte que les droits des Bénéficiaires après le 15 février 2012 sont affectés.

[60]           Le Règlement prévoit :

« CHAPITRE I

INTERPRÉTATION ET APPLICATION

 

SECTION I

INTERPRÉTATION

 

1.    Dans le présent règlement, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :

(…)

«administrateur» : une personne morale autorisée par la Régie du bâtiment du Québec à administrer un plan de garantie ou un administrateur provisoire désigné par la Régie en vertu de l’article 83 de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q., c. B-1.1);

(…)

«bénéficiaire» : une personne, une société, une association, un organisme sans but lucratif ou une coopérative qui conclut avec un entrepreneur un contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf et, dans le cas des parties communes d’un bâtiment détenu en copropriété divise, le syndicat de copropriétaires;

(…)

«entrepreneur» une personne titulaire d’une licence d’entrepreneur général l’autorisant à exécuter ou à faire exécuter, en tout ou en partie, pour un bénéficiaire des travaux de construction d’un bâtiment résidentiel neuf visé par le présent règlement;

(…)

 

SECTION II

APPLICATION

 

2. Le présent règlement s’applique aux plans de garantie qui garantissent l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur visées au chapitre II et résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction :

 

10 des bâtiments neufs suivants destinés à des fins principalement résidentielles et non détenus en copropriété divise par le bénéficiaire de la garantie :

 

(…)

 

b) un bâtiment multifamilial à partir du duplex jusqu’au quintuplex;

 

(…)

 

6. Toute personne qui désire devenir un entrepreneur en bâtiments résidentiels neufs visés à l’article 2 doit adhérer, conformément aux dispositions de la section I du chapitre IV, à un plan qui garantit l’exécution des obligations légales et contractuelles prévues à l’article 7 et résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire.

 

8. Pour l’application de la présente sous-section, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :

 

(…)

«réception du bâtiment» : l’acte par lequel le bénéficiaire déclare accepter le bâtiment qui est en état de servir à l’usage auquel on le destine et qui indique, le cas échéant, les travaux à parachever ou à corriger.

 

CHAPITRE III

ADMINISTRATEUR D’UN PLAN DE GARANTIE

 

SECTION II

CONDITIONS À REMPLIR PAR L’ADMINISTRATEUR

 

SOUS-SECTION 7

AUTRES CONDITIONS

 

68. L’administrateur doit, pour assurer la mise en application du plan approuvé, établir et faire approuver un programme d’inspection couvrant les diverses étapes de construction d’un bâtiment et tenant compte notamment de l’expérience des entrepreneurs, de la nature des projets de construction et des catégories de bâtiments visés.

 

69. L’administrateur doit fournir à chaque entrepreneur la liste d’éléments à vérifier pour chaque catégorie de bâtiments, approuvée par la Régie aux fins de l’inspection qui précède la réception.

 

72. L’administrateur doit confectionner et tenir à jour, un registre indiquant pour chaque entrepreneur, la catégorie de bâtiments visés par la garantie, l’adresse du chantier et les décisions arbitrales concernant l’entrepreneur.

 

Ce registre est public et peut être consulté sans frais pendant les heures d’affaires de l’administrateur.

 

L’administrateur doit délivrer à toute personne qui lui en fait la demande une copie ou un extrait du registre moyennant des frais n’excédant pas le coût de sa reproduction et de sa transmission.

 

74. Aux fins du présent règlement et, en l’absence ou à défaut de l’entrepreneur d’intervenir, l’administrateur doit assumer tous et chacun des engagements de l’entrepreneur dans le cadre du plan approuvé.

 

CHAPITRE IV

NORMES ET CRITÈRES DU PLAN DE GARANTIE ET DU CONTRAT DE GARANTIE

 

SECTION I

ADHÉSION D’UN ENTREPRENEUR

 

81. L’administrateur demeure propriétaire du certificat d’accréditation.

 

Le titulaire ne peut le céder.

 

SOUS-SECTION 7

            Annulation de l'adhésion



93.  L'administrateur peut annuler une adhésion lorsque l'entrepreneur se trouve dans l'une des situations suivantes :

 

  1 °    il ne remplit plus l'une des conditions requises par le présent règlement pour obtenir un certificat d'accréditation;

 

  2 °    en cas de réticence ou de fausse déclaration de sa part;

 

  3 °    il est en défaut de paiement des frais d'adhésion, de renouvellement de l'adhésion ou d'enregistrement;

 

  4 °    ses constructions ne répondent pas aux critères de qualité requis par l'administrateur;

 

  5 °    il omet de parachever les travaux relatifs au bâtiment ou n'effectue pas les réparations requises selon les exigences de l'administrateur;

 

  6 °    l'administrateur a été appelé à effectuer un déboursé à la suite du défaut de l'entrepreneur d'exécuter ses obligations relatives au remboursement des acomptes, au relogement, au déménagement, à l'entreposage des biens du bénéficiaire, au parachèvement des travaux et à la garantie contre les vices et malfaçons, les vices de conception, de construction ou de réalisation ou des vices du sol;

 

  7 °    il utilise, pour l'exécution de travaux de construction, les services d'un autre entrepreneur qui n'est pas titulaire d'une licence de la Régie à cette fin;

 

  8 °    dans le cas où l'entrepreneur est une personne morale, l'un ou plusieurs de ses actionnaires ou dirigeants a ou ont été, à quelque moment que ce soit, actionnaires ou dirigeants d'une autre personne morale accréditée ou ayant été accréditée et ayant fait défaut d'honorer les obligations lui incombant en vertu d'une convention d'adhésion;

 

  9 °    il ne transmet pas les documents requis par l'administrateur ou ne fournit pas les garanties ou les sûretés exigées par l'administrateur conformément au présent règlement.



SOUS-SECTION 8

Dispositions particulières

 

96. Les droits d’un bénéficiaire ne sont pas affectés par la cessation d’effet de l’adhésion d’un entrepreneur.

 

97. Le bénéficiaire qui a conclu un contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment visé à l’article 2 avec un entrepreneur qui a adhéré à un plan approuvé, mais qui n’est pas titulaire du certificat d’accréditation approprié, ne perd pas le bénéfice de la garantie applicable à ce bâtiment.

 

SECTION III

ARBITRAGE

 

116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.

 

SECTION IV

RÈGLES RELATIVES AU CONTRAT DE GARANTIE

 

136. La signature apposée par l’entrepreneur lie l’administrateur.

 

ANNEXE II

 

L’entrepreneur s’engage :

 

(…)

60 à enregistrer et verser la prime déterminée pour chaque catégorie de bâtiments et ce, sans délai auprès de l’administrateur selon la première des éventualités suivantes :

 

a)    à la signature du contrat préliminaire ou d’entreprise;

b)    à la délivrance du permis de construction;

c)    au début des travaux de construction du bâtiment visé;

 

70 à toutes et chacune des obligations qui lui sont imposées par l’administrateur dans le cadre du plan de garantie à l’égard de tout bâtiment visé, que ce dernier soit enregistré ou non auprès de l’administrateur;

 

80 à dénoncer à l’administrateur, sur la formule fournie par celui-ci, la liste des travaux relatifs au bâtiment dénoncés par écrit au moment de la réception du bâtiment ou de la partie privative, selon le cas, et devant faire l’objet de parachèvement;

(…)

 

130 à effectuer une inspection préréception conjointement avec le bénéficiaire ou le professionnel du bâtiment désigné par le syndicat de copropriétaires et ce dernier, selon le cas, et ce, à l’aide de la liste préétablie d’éléments à vérifier fournie par l’administrateur, en remettre une copie dûment remplie au professionnel du bâtiment, au syndicat, à chaque bénéficiaire connu et à tout nouvel acquéreur lors de la conclusion du contrat et à en transmettre, sur demande, le résultat à l’administrateur;

(…)»

 

[61]           Selon la preuve administrée devant le tribunal, les Bénéficiaires ont conclu des contrats préliminaires pour la vente de bâtiments visés par le Règlement avec l’Entrepreneur qui était accrédité auprès de l’Administrateur.

[62]           Le Règlement stipule qu’il s’applique aux plans de garantie qui garantissent les obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur et qui résultent d’un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction d’un bâtiment visé. Le Règlement ne stipule pas qu’il s’applique aux plans de garantie qui garantissent les obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur et qui résultent d’un contrat de vente d’un bâtiment visé et conclu avec un bénéficiaire. Par conséquent, les droits des Bénéficiaires naissent lors de la signature dudit contrat préliminaire et le Règlement s’applique dès cet instant.

[63]           Selon l’argumentation de l’Administrateur, le contrat préliminaire fait naître une première série de droits, soit ceux avant réception. Ensuite, une deuxième série de droits naît par la signature de l’acte de vente qui vient valider rétroactivement la réception.

[64]           L’Administrateur invite le tribunal à conclure qu’en raison de l’incapacité de l’Entrepreneur à vendre un bâtiment suite à la perte de son adhésion, il ne pouvait y avoir réception du bâtiment. De cette conséquence découlerait l’invalidité de la réception qui serait réputée ne jamais avoir existée. De cette conséquence découlerait également que tout ce que peuvent réclamer les Bénéficiaires à l’Administrateur, c’est le remboursement des acomptes.

[65]           Avec égards, cette conclusion de l’Administrateur n’est pas supportée par le Règlement ni par aucune autorité. D’une part, rien dans le Règlement ne fait la distinction proposée par l’Administrateur à l’effet que les droits naîtraient successivement. D’autre part, le Règlement indique que la réception est l’acte par lequel le bénéficiaire déclare recevoir le bâtiment. La réception est donc le fait du bénéficiaire et non de l’entrepreneur.

[66]           De plus, le Règlement prévoit qu’une inspection pré-réception doit (et non peut) avoir lieu à l’aide de la liste préétablie d’éléments à vérifier fournie par l’Administrateur.

[67]           En l’instance, les documents déposés par l’Administrateur sous les cotes A-7 du cahier 1, A-5 du cahier 2 et A-7 du cahier 3 et qui s’intitulent : « Formulaire d’inspection préréception » portent tous la déclaration de réception du bâtiment par les Bénéficiaires. Il s’agit du formulaire fourni par l’Administrateur. Ces pièces ont fait l’objet d’admission quant à leur authenticité et quant à leur contenu.

[68]           Je conclus donc que dès la signature des contrats préliminaires, les Bénéficiaires détenaient tous les droits que le Règlement leur accorde, sans distinction aucune. Je conclus également que les Bénéficiaires pouvaient recevoir leurs bâtiments.

[69]           Par ailleurs se pose la question centrale de savoir quel est l’effet de la perte d’accréditation sur les droits des Bénéficiaires.

[70]           L’Administrateur qui accrédite un entrepreneur a le pouvoir de lui retirer son accréditation. L’article 93 du Règlement qui porte sur le retrait de l’adhésion prévoit les conditions dans lesquelles l’Administrateur peut retirer l’adhésion à son membre. Dans les faits, lorsque l’Administrateur retire l’accréditation à son membre, celui-ci est avisé par écrit.

[71]           Le Règlement ne prévoit aucune obligation pour l’Administrateur d’aviser les  bénéficiaires de la perte d’accréditation de l’entrepreneur. Le Règlement n’indique nulle part que l’entrepreneur doit maintenir son accréditation en tout temps pour que les bâtiments soient couverts. Il ne prévoit pas non plus de gradation des droits selon l’étape à laquelle les parties sont rendues lors de la perte d’accréditation, soit avant réception, après réception ou après la signature de l’acte de vente.

[72]           Au contraire, en vertu de l’article 96 du Règlement, les droits des Bénéficiaires ne sont pas affectés par la cessation d’effet de l’adhésion. Si le législateur avait voulu cristalliser les droits des Bénéficiaires à la date de cessation de l’accréditation, il l’aurait fait. À la lumière de cette disposition et dans le contexte d’un Règlement d’ordre public de protection, le présent tribunal ne peut souscrire à la thèse selon laquelle les droits des bénéficiaires cessent dès la perte d’accréditation, en l’occurrence dans les dossiers au mérite, le 15 février 2012 soit avant la réception des bâtiments.

[73]           Par conséquent, la perte d’accréditation de l’Entrepreneur n’a pas affecté les droits des Bénéficiaires. Les droits nés lors de la signature des contrats préliminaires subsistent et survivent à la perte d’accréditation de l’Entrepreneur. Le rôle de l’Administrateur en est un de caution et il se doit d’assumer les obligations qui lui incombent par la loi dès la signature du contrat préliminaire. Cette conclusion emporte celle à l’effet que les bâtiments sont couverts par le plan de garantie après réception. L’Administrateur a d’ailleurs admis que telle devait être la conclusion du tribunal si la réception devait être déclarée valide. J’ajoute ici quelques considérations qui m’auraient permises, n’eût été de ma conclusion selon les règles de droit, de conclure malgré tout à la couverture des bâtiments, en équité.

[74]           L’Entrepreneur, en apposant sa signature sur les contrats préliminaires a lié l’Administrateur. En corollaire, il avait des devoirs envers celui-ci dont notamment celui d’enregistrer les bâtiments et de payer les primes dues dès la signature des contrats préliminaires. Ainsi, en contrepartie de sa prestation qui consiste à garantir certaines obligations de l’Entrepreneur, l’Administrateur touche une prime pour chaque bâtiment ainsi assuré.

[75]           L’administrateur qui accrédite un entrepreneur a le pouvoir de lui retirer son accréditation. Le Règlement énonce clairement que l’Administrateur demeure propriétaire du certificat d’accréditation. Or, la preuve est muette quant au retrait du certificat d’accréditation de l’Entrepreneur par l’Administrateur.

[76]           La preuve est également muette quant aux tentatives de l’Administrateur de se procurer une copie des contrats. Étant donné que l’Entrepreneur a lié l’Administrateur dès lors qu’il a signé les contrats préliminaires, l’Administrateur ne peut prétendre devant le tribunal qu’il n’a pas pu aviser les Bénéficiaires du retrait de l’accréditation de l’Entrepreneur au motif que leur identité lui était inconnue. L’Administrateur ne peut non plus prétendre ne pas être lié par ces contrats en raison de sa décision unilatérale d’annuler l’adhésion de son membre. Il en va de la stabilité des contrats et de l’essence même du plan de garantie.

[77]           La preuve a démontré qu’au moment de la signature des actes de vente, l’Entrepreneur arborait toujours le logo de l’Administrateur sur sa pancarte posée sur le chantier. La veille de l’audience, le nom de l’Entrepreneur apparaissait encore sur le site de l’Administrateur à titre d’entrepreneur accrédité. L’Administrateur n’a pas contredit cette preuve. Or, l’Administrateur a l’obligation de confectionner et de tenir à jour un registre des entrepreneurs qu’il accrédite qui soit accessible au public. Aucun reproche n’a été fait aux Bénéficiaires relativement à un quelconque manque de diligence à cet égard.

[78]           Dans un monde idéal, l’Entrepreneur aurait avisé les Bénéficiaires, dès février 2012, qu’il n’était plus accrédité par l’Administrateur et qu’il ne pouvait désormais plus procéder à la vente des bâtiments en question. Or, ce n’est pas ce qui s’est produit. L’Administrateur non plus n’a pas avisé les Bénéficiaires. Les Bénéficiaires ont donc procédé à la réception des bâtiments et à la signature des actes de vente (N.B. les actes de vente indiquent être conclus en exécution des contrats préliminaires).

[79]           Dans les dossiers sous étude, l’Administrateur n’a apporté aucune preuve de négligence, ou d’aveuglement volontaire de la part des Bénéficiaires. Il n’a également apporté aucune preuve de quelque effort qu’il aurait fait pour prémunir les Bénéficiaires contre les actes fautifs de l’Entrepreneur après le 15 février 2012.

[80]           Dans l’affaire Verre Azur[5], le tribunal d’arbitrage saisi de la cause s’exprimait ainsi :

« [3] Selon la preuve administrée devant le Tribunal d’arbitrage, Monsieur Gabriel Saad a décidé de ne pas obtempérer à la demande contenue dans cette lettre. L’Administrateur, quant à lui, n’a pas fait de démarches additionnelles afin d’assurer que la suspension de l’accréditation d’IMM soit connue du grand public.

 

[23] De l’avis du Tribunal d’arbitrage, les faits suivants paraissent déterminants :

 

A) IMM était un entrepreneur dûment accrédité par l’Administrateur et ce, jusqu’au 15 novembre 2005;

 

B) L’adhésion de l’Entrepreneur au programme de garantie de l’Administrateur a été suspendue le 15 novembre 2005 et l’Entrepreneur n’avait pas le droit, à partir de cette date, de signer des promesses de vente ou de recevoir des acomptes dans le cadre du programme de garantie de l’Administrateur;

 

C) L’Entrepreneur a sciemment fait fi des directives claires de l’Administrateur et a continué à signer des contrats en apparence garantis par l’Administrateur, d’émettre même des attestations d’acomptes en apparence protégés par l’Administrateur, et de rassurer les bénéficiaires que leur compte était protégé par le Plan de la garantie de l’Administrateur;

 

 

[27] La question fondamentale à laquelle le Tribunal d’arbitrage doit répondre en l’espèce est la suivante : Dans le cas où un entrepreneur accrédité auprès de l’Administrateur fait sciemment fi et outrepasse les directives de l’Administrateur, et que cet entrepreneur trompe et abuse de la confiance d’un bénéficiaire en lui soutirant de l’argent dans la forme d’un acompte, quelle partie est la mieux placée, le bénéficiaire ou l’administrateur, pour prévenir et, le cas échéant, assumer cette perte?

 

[28] À notre avis, à moins de fraude, négligence grossière ou aveuglement volontaire de la part d’un bénéficiaire, la réponse qui s’impose est que l’Administrateur est le mieux placé pour gérer, conformément à l’esprit de la protection du consommateur du Règlement, le risque, les conséquences et les pertes d’argent liés au comportement fautif et délinquant de son ancien membre.

 

[29] Le Tribunal d’arbitrage considère qu’il est de l’esprit du Règlement de protéger les consommateurs à l’encontre d’un abus des entrepreneurs. En effet, Me Denys-Claude Lamontagne mentionne dans son ouvrage sur le droit de la vente :

 

« Depuis le 1er janvier 1999, toutes les constructions résidentielles neuves sont soumises au nouveau plan de garantie instauré par la Régie du bâtiment. Avec cette protection, d’ordre public, une des plus complètes au Canada, la Régie compte mettre un point final aux cauchemars des propriétaires.»

 

[31] Devant un consommateur de bonne foi, l’Administrateur devrait assumer le risque de tels écarts de conduite de son ancien membre. L’Administrateur est beaucoup mieux placé pour contrôler et gérer ce risque (…) »

 

[81]           L’arbitre soussignée fait siens les commentaires de Me Edwards dans cette affaire.

[82]           Il est vrai que le Règlement ne prévoit pas d’obligation pour l’Administrateur d’aviser les Bénéficiaires de la perte d’accréditation de l’Entrepreneur et il n’impose aucune obligation à l’Administrateur en ce qui concerne la reprise des contrats en possession de l’entrepreneur ou encore, le retrait des formulaires en sa possession ou le retrait de son logo sur toute la documentation de l’entrepreneur. Cependant, il m’apparaît que l’Administrateur doit prendre les moyens à sa disposition pour se prémunir des conséquences de sa décision à la lumière  notamment de l’article 96 du Règlement.

[83]           Par ailleurs, s’il est vrai que le règlement octroi des droits au bénéficiaire, il pose également certaines limites. Ces limites s’inscrivent dans le cadre de l’application du Règlement et sont bien identifiées, notamment à titre d’exclusions. L’Administrateur a insisté sur la nécessité pour le tribunal de ne pas déroger à une règle claire. Citant la décision Maisons zibeline[6] :

« [37] Notre collègue Masson puise aux articles 74 et 116 du Règlement, (ce dernier article qui prévoit entre autres : 'qu'un arbitre statue conformément aux règles de droit, et fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient '), son droit à recourir à «l'équité » afin de faire échec aux exclusions prévues à l'alinéa 9 de l'article 29 du Règlement. Je suggère que cette «équité » doit prendre source au contrat de garantie et doit faire l'objet d'une utilisation logique, raisonnable et judicieuse, et ne peut être utile à habiliter un décideur à contredire un texte qui me semble limpide.

 

[38] Si l'article 74 du Règlement dispose à bon droit que l'Administrateur du Plan doit : 'assumer tous et chacun des engagements de l'Entrepreneur dans le cadre du Plan approuvé ',. Le Plan approuvé contient des exceptions manifestement claires et l'appel à l'équité, par le biais de l'article 116, ne peut être utile à faire échec à une position du Plan qui est sans ambigüité, et qui est calqué sur le Règlement qui est d'ordre public. Je ne peux appuyer la thèse que par le biais de l'article 116, un décideur peut faire fi des exclusions et inclure un ouvrage ostensiblement situé à l'extérieur du bâtiment et spécifiquement exclu par le Législateur, simplement parce qu'il s'agit d'un engagement de l'Entrepreneur;

 

[39] Nous savons que l'arbitre désigné est autorisé par la Régie à trancher tout différend découlant des plans de garantie; ceci inclut toutes questions de faits, de droit et de procédure, mais la réclamation doit prendre souche et/ou prendre source dans le Règlement. » (nos soulignements)

 

l’Administrateur prétend que l’arbitre soussignée ne peut décider en équité parce que sa position est clairement calquée sur l’article 2 du Règlement et plus particulièrement en ce que le Règlement ne s’applique plus à partir de la perte d’accréditation parce qu’à partir de cette date, le critère de « l’entrepreneur visé au chapitre II » est absent. Soulignons que l’affaire citée ci-dessus traitait d’une réclamation selon laquelle le bénéficiaire demandait notamment le parachèvement de travaux exclus par le Règlement (un muret extérieur).

[84]           En tout respect, je ne partage pas l’opinion de l’Administrateur à l’effet que sa position soit calquée sur le Règlement. Il m’apparaît plutôt que l’Administrateur tente de faire dire au Règlement ce qu’il ne dit pas.

[85]           Par conséquent, j’estime que les faits et les circonstances en l’espèce justifient amplement de déclarer la réception valide et les bâtiments couverts par le plan de garantie.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE

ACCUEILLE la réclamation des Bénéficiaires;

DÉCLARE que les bâtiments sont couverts par le plan de garantie

CONDAMNE l’Administrateur à payer la totalité des frais du présent arbitrage.

 

Montréal, ce 13 juillet 2012

 

 

 

 

 

 

______                                  ___

Me Karine Poulin, arbitre

 

 

 

 

Karine Poulin avocate inc.

GAMM :     2012-13-003

                      2012-13-002

                      2012-13-004

S/A 102

 



[1] Catherine Agudelo c. Verre azur inc. et La garantie habitation du Québec inc., T.A. GAMM, 19 septembre 2007, arbitre Jeffrey Edwards.

[2] La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, 2004 CanLII 47872 (QC CA).

[3] Syndicat des copropriétaires Les villas du golf, Phase II et als. c. Les maisons zibeline, T.A. 15 mars 2010, arbitre Michel A. Jeanniot.

[4] Constructions Cartierville inc. c. La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., 2007 QCCQ 12075.

[5] Catherine Agudelo c. Verre azur inc. et La garantie habitation du Québec inc., précitée note 1.

[6] Syndicat des copropriétaires Les villas du golf, Phase II et als. c. Les maisons zibeline, précitée note 3.