ARBITRAGE SELON LE
RÈGLEMENT SUR LE
PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Chapitre B-1.1, r. 8)
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL
(Organisme d’arbitrage accrédité par la Régie du bâtiment du Québec)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
No dossier S18-072701-NP
Madame Maria-Emilia Minuche
Monsieur Riccardo Scappaticci
Bénéficiaires
c.
L’Entrepreneur
Et :
PriceWaterhouseCoopersInc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la
Garantie Habitation du Québec Inc.
L’Administrateur
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Roland-Yves Gagné
Pour les Bénéficiaires : Madame Maria-Emilia Minuche
Monsieur Riccardo Scappaticci
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Carmelo Zavaglia
Monsieur Dominico Zavaglia
Pour l’Administrateur : Me François Olivier Godin
Date de l’audience : 18 octobre 2018
Date de la décision : 6 novembre 2018
Description des parties
BÉNÉFICIAIRES :
Madame Maria-Emilia Minuche
Monsieur Riccardo Scappaticci
[...]
Montréal, Qc. [...]
ENTREPRENEUR :
Développement Domont Inc.
A/S Monsieur Carmelo Zavaglia
4241, boul. Industriel
Montréal, Qc. H1H 2Z4
ADMINISTRATEUR :
Me François Olivier Godin
Bélanger Paradis Avocats
9200 boul. Métropolitain Est
Montréal, Qc. H1K 4L2
PIECES
L’Administrateur a produit les pièces suivantes :
A-1 : Notification d’une demande d’arbitrage;
A-2 : Demande d’arbitrage datée du 26 juillet 2018;
A-3 : Rapport de conciliation du 19 juin 2018;
A-4 : Dénonciation des bénéficiaires datée du 16 février 2018 reçue le 20 février 2018 (nota A);
A-5 : Expertise technique de Labo S.M. inc. datée du 6 novembre 2017;
A-6 : Formulaire d’inspection préréception;
A-7 : Extrait du contrat préliminaire de vente et contrat de garantie obligatoire de maison neuve.
Les Bénéficiaires ont produit la pièce suivante :
B-1 : Extrait du Guide de performance de l’APCHQ - p. 12-20.
DÉCISION
[1] Le Tribunal d’arbitrage est initialement saisi du dossier suite à une demande d’arbitrage par les Bénéficiaires, reçue par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) le 27 juillet 2018, et par la nomination du soussigné comme arbitre le 31 juillet 2018.
[2] D’une part, l’Administrateur a produit une objection préliminaire à la demande d’arbitrage, qui se lit comme suit (courriel du 21 septembre 2018) :
Aussi, nous vous avisons dès maintenant que l’administratrice entend soulever une objection préliminaire quant à la demande d’arbitrage des bénéficiaires. Cette objection est basée sur l’article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs considérant que la demande d’arbitrage a été formulée dans le délai de plus de 30 jours suivant la réception de la décision de l’administratrice par courrier recommandé tel qu’il appert des documents produits en liasse sous A-8. Nous comprenons que cette objection sera discutée lors de la conférence téléphonique de gestion à venir.
[3] D’autre part, il s’agit d’un dossier dans lequel, l’Administrateur ne s’est pas prononcé sur le fond de la problématique pour les murs extérieurs (points 2 et 3) mais a rejeté les réclamations vu la tardivité de la dénonciation, mais il s’est prononcé sur les murs de fondation (point 1) sans parler du délai de dénonciation.
Questions en litige
[4] Le Tribunal d’arbitrage a rappelé qu’il y avait deux délais différents d’impliqués, et le Tribunal d’arbitrage entendra lors d’une audition préliminaire la preuve sur ces deux délais différents :
[4.1] (1) le délai pour produire la demande d’arbitrage de la décision de l’Administrateur du 19 juin 2018, étant entendu que les Bénéficiaires contestent l’objection préliminaire et demanderont de déclarer que leur demande d’arbitrage est recevable et demanderont, si nécessaire, de proroger le délai de production de leur demande d’arbitrage sur la base d’un motif suffisant et raisonnable pour lequel ils auront le fardeau de la preuve;
[4.2] (2) le délai raisonnable pour dénoncer la problématique à l’Entrepreneur et à l’Administrateur, dénonciation qui a mené à la décision de l’Administrateur du 19 juin 2018, pour lequel, les Bénéficiaires auront le fardeau de la preuve de prouver qu’ils ont respecté leur obligation de dénoncer leur problématique dans un délai raisonnable tel que défini par le droit applicable; et si la question du délai de dénonciation s’applique au point 1 elle sera aussi entendue.
Valeur du litige
[5] Malgré une demande en ce sens, l’Administrateur présent n’a soumis aucune valeur de ce litige.
[6] Le soussigné n’a donc aucune preuve à ce sujet.
PREMIÈRE PARTIE
Demande de prorogation de la demande d’arbitrage
[7] Le 19 juin 2018 l’Administrateur a rendu une décision suite à la réclamation des Bénéficiaires, en rejetant les trois points invoqués.
[8] Le samedi 23 juin 2018 (pièce A-8), la Bénéficiaire signe le reçu de réception du courrier recommandé contenant cette décision.
[9] Cette décision contient à la fin une mention d’un délai de trente jours pour porter la décision en arbitrage avec les noms, adresses, numéros de téléphone et adresses des sites web de quatre organismes d’arbitrage
[10] L’article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après, le Règlement) stipule ce qui suit :
19. Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.
[11] La Bénéficiaire affirme avoir contacté l’Entrepreneur pendant la semaine qui a suivi pour pouvoir décider de la décision à prendre quant à l’arbitrage.
[12] L’Entrepreneur lui aurait dit qu’il allait lui envoyer quelqu’un.
[13] Elle a attendu mais personne n’est venue.
[14] Elle a appelé « plusieurs fois » le premier organisme d’arbitrage cité après la décision, mais est toujours tombée sur un répondeur.
[15] Si elle a appelé cet organisme, c’est qu’elle voulait commencer à faire un processus d’arbitrage.
[16] Elle a appelé l’Inspecteur-conciliateur au début juillet.
[17] Elle lui a demandé d’aller dans l’entretoit et il a répondu qu’il n’avait pas besoin d’y aller.
[18] Elle a fait toutes ces démarches parce qu’elle voulait comprendre la décision et connaître ses options.
[19] Toutes ces démarches ont été faites dans le délai de trente jours.
[20] Ce mois de juillet était très occupé (un rush) pour elle professionnellement.
[21] Le 26 juillet, elle a appelé un autre Organisme d’arbitrage, CCAC, la greffière lui a expliqué au téléphone les démarches et elle a immédiatement préparé sa demande d’arbitrage, envoyée le 27 juillet.
[22] L’Administrateur s’objecte à la prorogation.
[23] L’Administrateur demande que soit appliqué avec rigueur un délai qui n’est pas de rigueur pour quatre jours de retard.
[24] Il cite au soutien de sa position la décision Denis Richard et Lucie Mezzapelle et les Habitations Classique V et la Garantie Abritat[1].
[25] Dans l’affaire Alain Ward et 9205-4717 Québec Inc. et La Garantie Abritat[2], le Tribunal d’arbitrage soussigné a déjà expliqué en quoi cette décision était contraire aux décisions de la Cour supérieure et de seize (16) arbitres différents, d’autant plus que la Cour supérieure avait jugé dans Takhmizdjian c. SORECONI et al.[3] qu’adopter la position que le délai de trente jours était un délai de rigueur, était une cause de révision judiciaire pour annuler la décision de l’arbitre.
DÉCISION
[26] La demande de prorogation de quatre jours supplémentaires est accueillie.
[27] D’une part, le délai de trente jours est au mois de juillet et le 30e jour tombe pendant la fermeture des bureaux de l’Administrateur qui ne peut donc pas plaider (du moins dans le présent dossier) un préjudice.
[28] D’autre part, et c’est le plus important, la Bénéficiaire :
[28.1] a fait plusieurs efforts en contactant d’abord l’Entrepreneur qui lui a dit qu’il irait sur place puis l’Administrateur pour connaître ses options ;
[28.2] elle a contacté dans les trente jours à quelques reprises le même organisme d’arbitrage avec l’intention de produire sa demande d’arbitrage mais est tombée sur un répondeur en plein mois de juillet; de plus, cette période était pour elle une période de « rush » professionnel ;
[28.3] elle a agi avec diligence après avoir contacté l’Organisme d’arbitrage CCAC.
[29] Le 30e jour tombait le lundi 23, alors que les bureaux de l’Administrateur sont fermés pour les vacances de la construction et ce dernier n’aurait su que le lundi 6 août à la réouverture que la demande fut déposée, donc le 23 ou le 27 ne préjudicie en rien l’Administrateur.
DEUXIÈME PARTIE
[30] Il s’agit d’un dossier dans lequel, l’Administrateur ne s’est pas prononcé sur le fond de la problématique pour les murs extérieurs (points 2 et 3), mais il s’est prononcé sur les murs de fondation (point 1).
1. FISSURES AUX MURS DE FONDATION
N’ayant pas été constaté dans l’année suivant la prise de possession de l’unité résidentielle […] et dénoncé par écrit […] nous devons nous prononcer dans le cadre d’un vice caché […] la situation observée à ce point lors de l’inspection ne rencontre pas tous les critères du vice caché […] Selon les constatations réalisées sur les lieux, la situation dénoncée à ce point rencontre la performance attendue […]
2. FISSURES AUX JOINTS RÉPARÉS À LA MAÇONNERIE
[…] Entre la situation observée et la dénonciation, il s’est écoulé près de trente (30) mois. Dans le cas présent, il appert que le délai de dénonciation excède le délai raisonnable qui a été établi au contrat de garantie obligatoire.
3. NOUVELLES FISSURES À LA MAÇONNERIE
[…] Entre la situation observée et la dénonciation, il s’est écoulé près de huit (8) mois. Dans le cas présent, il appert que le délai de dénonciation excède le délai raisonnable qui a été établi au contrat de garantie obligatoire.
[32] Le soussigné a souligné à l’audience qu’il allait également se pencher sur le délai de dénonciation quant au point 1 puisque, au final, si la demande d’arbitrage sur ce point 1 devait procéder au fond, la question du délai allait nécessairement refaire surface[4].
Les faits
[33] Les Bénéficiaires ont procédé à l’inspection préréception en février 2015, ils affirment ne pas avoir inspecté l’extérieur car il y avait de la neige, qu’il faisait froid et la Bénéficiaire était enceinte.
[34] C’était leur première maison.
[35] Pour la fissure aux murs de fondation (point 1), la première fois qu’il l’a vue est au début de l’été 2017, elle est apparue pour la première fois en 2017.
[36] Ils fixent la période à juin 2017, moment où ils voulaient installer leur clôture - ils ont installé leur pelouse en 2016 et la fissure n’était pas là.
[37] La première fois qu’ils ont vu les fissures (point 2) est à l’été 2015.
[38] Ils ont appelé l’Entrepreneur, qui passait par là pour d’autres raisons professionnelles, il a dit que c’est normal, que la maison bouge.
[39] En 2016, l’Entrepreneur est venu colmater les fissures.
[40] Les fissures sont réapparues à la mi-juin 2017.
[41] Ils ont appelé l’Entrepreneur qui est venu et dit que c’était normal.
[42] Ils ont aussi discuté de la fissure aux murs de fondation (point 1), il a répondu qu’il y avait une membrane et qu’il ne fallait pas s’inquiéter.
[43] Quant aux nouvelles fissures dénoncées au point 3, elles sont apparues à peu près en juin 2017 - ils en ont discuté avec l’Entrepreneur en juin et juillet mais « on n’a plus eu de nouvelles, il n’a pas réparé en 2017 ».
[44] Les Bénéficiaires ajoutent :
[44.1] « on voulait savoir ce qui se passait avec notre maison on a fait venir l’ingénieur, c’était notre première maison, on ne comprenait pas ce qui se passait on a appelé l’ingénieur pour qu’il fasse l’analyse de la maison » ;
[44.2] « on a appelé l’ingénieur en juillet 2017 ».
[45] L’ingénieur est venu le 24 août 2017 et les Bénéficiaires ont reçu son rapport le 6 novembre 2017.
[46] Ils contactent l’Entrepreneur qui est venu sur les lieux, a dit que la situation était normale et que quand un ingénieur a le mandat de trouver quelque chose il trouve quelque chose.
[47] Le Bénéficiaire a rétorqué que l’Entrepreneur n’avait alors qu’à amener son propre ingénieur sur les lieux et que ce dernier lise le rapport.
[48] L’Entrepreneur lui aurait répondu qu’il allait faire venir quelqu’un mais personne n’est venu.
[49] La dernière fois qu’ils ont parlé à l’Entrepreneur est en janvier 2018.
[50] Par lettre du 16 février 2018, reçu le 20 février, pièce A-4, les Bénéficiaires dénoncent les trois points en litige :
[…] En résumé, l’investigation réalisée par l’ingénieur Houde de LABO SM Inc., dans l’entre toit lui a permis de constater que les fissures dans la maçonnerie extérieure ont été causées par le poids des fermes de toit. La majorité des fermes de toit sont actuellement appuyées directement sur la maçonnerie sans avoir d’espace entre celles-ci afin de compenser la variation de l’humidité du bois après la construction et durant toutes les saisons de l’année.
[51] Ils affirment que :
[51.1] « j’ai su seulement au rapport d’ingénieur que j’avais un problème » ;
[51.2] « le fond de la problématique de ma maison a été connu le 6 novembre 2017 ».
[52] Pour les Bénéficiaires, l’Administrateur n’a pas rendu de décision sur l’entretoit.
[53] Pour l’Entrepreneur, ce sont les Bénéficiaires qui ont refusé d’aller à l’extérieur lors de l’inspection préréception en prétextant qu’il y avait beaucoup de neige, toutefois, il ajoute que l’extérieur est visible du trottoir.
[54] Il ajoute aussi avoir envoyé « un gars » pour réparer les fissures.
[55] Quant à la fissure au mur de fondations, c’est normal, à chaque fois qu’il y a une fenêtre il y a une fissure.
[56] L’Inspecteur-conciliateur affirme avoir pris connaissance du rapport de l’ingénieur avant d’effectuer son inspection.
[57] Il ajoute :
[57.1] qu’il n’avait pas à inspecter l’entre toit, le problème au niveau des fermes de toit était très clair, il n’avait pas besoin d’y aller, car la manifestation du problème était bien visible
[57.2] que ce n’est pas la connaissance de la cause du problème qui compte dans la computation du délai de dénonciation, on demande de dénoncer à la découverte du problème et non à la connaissance de la source du problème.
[58] L’Administrateur plaide que si la dénonciation du problème est hors délai, il en est de même de la cause du problème - si les fissures ne sont plus couvertes par le plan de garantie, la cause, les fermes de toit, ne le sont plus.
[59] Le Bénéficiaire réplique que l’Entrepreneur et l’Inspecteur-conciliateur (voir le paragraphe suivant), deux types d’experts, lui ont dit que les fissures n’étaient pas un problème, « c’est seulement quand mon ingénieur l’a confirmé (sic!) que je l’ai su ».
[60] L’Inspecteur-conciliateur s’est objecté à l’affirmation du Bénéficiaire à l’effet qu’il aurait dit « les fissures faut pas nécessairement s’inquiéter », puisque à la seule vue d’une fissure, il peut reconnaître si une fissure est problématique et une autre non, ça dépend donc de la fissure en elle-même et non, les fissures en général, et nie avoir affirmé tout de go que « les fissures n’étaient pas un problème ».
[61] À la toute fin de l’audience, la Bénéficiaire a affirmé que leur garantie pour vice caché se terminant bientôt, ils avaient voulu s’assurer qu’ils n’avaient pas de problème en faisant venir un ingénieur.
DÉCISION
[62] Vu les faits, vu le droit applicable, le Tribunal d’arbitrage est obligé de conclure que la demande d’arbitrage des Bénéficiaires pour les trois points doit être rejetée puisque leur réclamation du 20 février 2018 était hors du délai de déchéance de six mois prévu à l’article 10 de la version applicable du Règlement, le tout pour les motifs suivants.
Version du Règlement applicable
[63] Les Bénéficiaires ont signé leur contrat le 18 octobre 2014.
[64] L’extérieur du bâtiment était construit, ne restait que la finition intérieure à faire.
[65] Un nouveau Règlement est entré en vigueur le 1er janvier 2015.
[66] Cette version amendée en vigueur le 1er janvier 2015 ne mentionne pas de délai maximal de six mois comme dans la version en vigueur en 2014; voici la version de 2014 :
10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir;
[…]
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
[67] Le Tribunal soussigné a déjà dû traiter de la non-rétroactivité de ce Règlement, et conclut dans le présent dossier que, comme le contrat de construction et de garantie a été signé en octobre 2014 c’est la version d’avant le 1er janvier 2015 qui s’applique.
[68] Le Tribunal d’arbitrage reprend ici ses motifs énoncés dans 3093-2313 Québec c. Létourneau et Bouchard et la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ[5] et Nazco et Milian c. 9181-5712 Québec Inc. et Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ[6].
[69] Le Tribunal d’arbitrage conclut qu’à défaut de dispositions transitoires exprimées par le Législateur, le nouvel article 10 du Règlement tel qu’amendé n’est pas applicable pour le contrat de construction objet du présent arbitrage, conclu entre des particuliers avant l’entrée en vigueur du nouvel article le 1er janvier 2015.
[70] Le 18 octobre 2014, les Bénéficiaires et l’Entrepreneur ont conclu un contrat, les Bénéficiaires ont eu à payer un montant précis, et à même le prix payé, ils ont obtenu la couverture du plan de garantie géré par l’Administrateur, selon le Règlement d’ordre public alors en vigueur.
[71] Le Règlement alors en vigueur « gouvernait le contenu des plans de garantie et des contrats qu’offre l’entrepreneur ». Dans l’affaire La Garantie habitation du Québec c. M[7], la Cour supérieure écrit:
3. La Loi sur le bâtiment, (L.Q. ch. B-1.1), oblige les entrepreneurs à détenir une licence et à adhérer à un plan qui garantit l'exécution de leurs obligations légales et contractuelles pour la vente ou la construction d'un bâtiment résidentiel. C'est le « Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs », (B-1.1, R. 0.2), qui gouverne le contenu des plans de garantie et des contrats qu'offre l'entrepreneur. Le contrat de garantie comporte des mentions obligatoires quasi identiques à celles du règlement, bien qu'avec une numérotation différente. (nos soulignés)
[72] Il n’y a aucune disposition précise dans le Règlement amendé en vigueur depuis le 1er janvier 2015 qui stipule que l’article 10 amendé est applicable aux contrats de construction et de garantie conclus avant cette date.
[73] Le Tribunal d’arbitrage soussigné considère que, faute de disposition précise à ce sujet de la part du Législateur, il ne peut ajouter cette disposition au Règlement.
[74] Si le Législateur, par action ou par omission, ne dit pas que son Règlement en vigueur le 1er janvier 2015 change le contenu de contrats entre particuliers, soit les Bénéficiaires, l’Entrepreneur, l’Administrateur, signés avant le 1er janvier 2015, le soussigné considère qu’il ne revient pas au Tribunal d’arbitrage d’en changer le contenu.
[75] L’article 116 du Règlement permet au Tribunal d’arbitrage de faire appel à l’équité en cas de silence du Législateur pour interpréter le Règlement.
[76] Le Tribunal d’arbitrage soussigné considère qu’il serait contre l’équité pour les parties en présence d’essayer d’interpréter l’article 10 du Règlement pour ajouter des dispositions de rétroactivité non stipulées par le Législateur, car il considère qu’il serait contre l’équité de changer :
[76.1] le contenu des obligations de l’Administrateur, alors qu’il a accepté de couvrir les Bénéficiaires selon un Règlement d’ordre public en échange d’un prix précis ;
[76.2] le contenu des obligations de l’Entrepreneur, alors qu’il a accepté de construire un bâtiment résidentiel neuf selon un Règlement d’ordre public en échange d’un prix précis.
[77] Cette position a été maintenue récemment par la Cour supérieure dans Syndicat de la copropriété 400 Place du Louvre c. La Garantie Habitation du Québec Inc. et 9119-3557 Québec Inc.[8] :
[59] Le Tribunal est d’avis que l’Arbitre n’a pas commis une erreur révisable en décidant que le Règlement applicable est celui en vigueur avant les modifications apportées à l’article 27 [notre ajout : équivalent de l’article 10 pour les copropriétés] par l’adoption du Décret 156-2014, le 1er janvier 2015. […]
Délai de déchéance
[78] Comme le soussigné le rappelait dans l’affaire Abdellatif Bensari c. Les Constructions M.C. et La Garantie Qualité Habitation[9], le délai de dénonciation de six mois est un délai de déchéance :
[64] […] l’état du droit à cet effet est clair : le délai de six mois prévu à l’article 10 du Règlement est un délai de rigueur et de déchéance.
[65] Dans l’affaire Abderrahim Moustaine et al. c. Brunelle Entrepreneur Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de L’APCHQ (Soreconi 070424001) du 9 mai 2008, Me Jean Philippe Ewart, arbitre, écrit :
[31] Le Tribunal est d’avis […] que le délai maximum de six (6) mois prévu aux alinéas 3e, 4e et 5e respectivement de l’article 10 (…) du Règlement est de rigueur et de déchéance et ne peut conséquemment être sujet à extension.
[36] En résumé, la dénonciation prévue à l’article 10 du Règlement se doit d’être par écrit, est impérative et essentielle, le délai de six mois prévu au même article emporte et est un délai de déchéance, et si ce délai n’est pas respecté, le droit des Bénéficiaires à la couverture du plan de garantie visé et à le (sic!) droit à l’arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés
[66] Baudouin explique ce qu’est un délai de déchéance[10]
Dans le cas des délais de déchéance, la créance est absolument éteinte après l'expiration du temps fixé. Le tribunal est alors tenu de suppléer d'office au moyen en résultant (art. 2878 C.c.). Dans ces cas donc, ce n'est plus seulement l'action en justice qui est éteinte, mais bien le droit lui-même.
[79] Ce Règlement a été décrété par le Législateur pour couvrir le bâtiment des Bénéficiaires selon ses dispositions, Règlement que notre Cour d’appel a jugé comme étant d’ordre public :
[79.1] en 2013 dans Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal[11]:
[17] La juge avait raison de souligner les différences de vocation entre les recours arbitral et de droit commun.
[18] La procédure d'arbitrage expéditive prévue au Règlement pour réparer rapidement les malfaçons est, comme le note la juge, un complément aux garanties contre les vices cachés du Code civil. Régime d’ordre public, le Règlement vise notamment à obliger que les réparations des bâtiments résidentiels neufs soient effectuées rapidement par l'entrepreneur ou prises en charge par l'administrateur de la garantie.
[79.2] en 2011 dans Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL[12]:
[13] Le Règlement est d'ordre public. Il détermine notamment les dispositions essentielles du contrat de garantie en faveur des tiers. Le contrat doit de plus être approuvé par la Régie du bâtiment (art. 76);
[79.3] en 2004 dans La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause[13]
[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.
[12] L’appelante est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec (la Régie) à agir comme administrateur d’un plan de garantie approuvé. Elle s’oblige, dès lors, à cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui adhèrent à son plan de garantie.
[13] Toutefois, cette obligation de caution n’est ni illimitée ni inconditionnelle. Elle variera selon les circonstances factuelles […];
[15] La réclamation d’un bénéficiaire est soumise à une procédure impérative. (nos caractères gras)
[80] L’avis doit être donné par écrit dans les délais fixés par le Règlement à l’Administrateur qui cautionne les obligations contractuelles de l’Entrepreneur pour qu’il puisse intervenir à brève échéance.
[81] Malgré tous les pouvoirs qui sont dévolus à l’arbitre en vertu du Règlement et selon la jurisprudence à cet effet[14], le Tribunal d’arbitrage ne peut pas faire appel à l’équité pour faire réapparaître un droit déchu qui n’existe plus, il ne s’agit pas ici de suppléer au silence du Règlement ou l’interpréter de manière plus favorable à une partie, malgré toute la sympathie qu’il pourrait avoir envers le Bénéficiaire.
[82] Cette position en droit est bien établie. Voir entre autres:
[82.1] l’affaire Kwok et Tang c. 9181-5712 Québec et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ[15] notre collègue Me Tibor Holländer, arbitre, écrit:
[134] The Beneficiaries’ failure to do so cannot be saved by the application of principles of equity or fairness that would therefore result in the Tribunal allowing their claim.
[82.2] l’affaire Castonguay et al et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ et Construction Serge Rheault Inc.[16], notre collègue Me Johanne Despatis, arbitre, écrit:
[28] Il est vrai que l’audience m’a permis de constater que le point 3 concerne un problème qui, s’il avait été dénoncé à temps, aurait pu être corrigé en conformité du Plan. Force est toutefois de constater, après analyse du Plan, qui est clair et impératif au sujet de ces questions, et à la lumière de toute la jurisprudence pertinente à la sanction de ce délai de six mois, qu’il s’agit d’un délai impératif qu’il n’est tout simplement pas possible d’ignorer ni de contourner en invoquant l’équité.
Découverte
[83] L’article 10 4° est à l’effet que le délai de dénonciation ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil.
[84] Dans l’affaire Colloccia Carmelina Coloccia - Guiseppe Borreggine c. Trilikon Construction et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ[17] notre collègue Me Jean Philippe Ewart, arbitre, résume le droit applicable quand il s’agit de déterminer le point de départ de la découverte d’un vice ou d’une malfaçon
[46] En résumé, pour qu’il y ait « découverte » au sens de 1739 C.c.Q. et des dispositions applicables aux présentes, il est requis une connaissance d’un bénéficiaire prudent et averti qui agissant de façon diligente puisse soupçonner qu’une malfaçon ou vice est existante, ce qui requiert à tout le moins une indication suffisante d’un problème, et une connaissance que ce problème causera un préjudice certain.
[85] Notre collègue élabore aussi sur le mot « découverte » dans l’affaire Syndicat des Copropriétaires du 716 Saint Fernand et al. c. Développements TGB et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ[18]:
« Point de départ du délai de dénonciation
[87] La preuve révèle que nous sommes dans un cadre de non simultanéité de la faute (vice de conception et construction - absence de blocage et d’entretoisement) et du préjudice (affaissement de structure et al.) et que la manifestation du préjudice peut être qualifiée de tardive qui emporte la manifestation graduelle de l’art. 27 [note du soussigné, équivalent à l’article 10 pour la copropriété] du Règlement. [...]
[91] La doctrine nous enseigne sous la plume de Jean Louis Baudouin, citant d’autre part l’auteur et une jurisprudence très abondante de nos tribunaux, dans un cadre de simultanéité lorsque la faute et le dommage se produisent en même temps :
« La victime n’a pas à attendre que le dommage se réalise complètement, du moment que sa manifestation est certaine. » [BAUDOUIN, J.L. et DESLAURIERS, P., La responsabilité civile, 7e éd., Cowansville, Ed. Yvon Blais Inc., 2007, para.1-1419.] »
et dans le cadre de non-simultanéité de la faute et du dommage, Baudouin
indique :
« ...que l’on doit se reporter au fondement même de la prescription extinctive : la sanction d’une conduite négligente. On doit donc, à notre avis, partir du jour où une victime raisonnablement prudente et avertie pouvait soupçonner le lien entre le préjudice et la faute » Idem, para.1-1420. VOIR pour jurisprudence la note 92, p.1199 sous le para.1-1420. (nos caractères gras)
[92] Applicable en l’espèce, Baudouin indique sous une analyse de l’art. 2926 C.c.Q. et de la manifestation graduelle, que :
« ...la prescription du recours commence à courir du jour où il se manifeste pour la première fois. Le législateur entend probablement, par cette expression, la faire débuter au jour où le réclamant constate le premier signe appréciable ou tangible de la réalisation du préjudice, alors même qu’il ne s’est pas totalement réalisé ... » Idem, no.1-1421.
[86] Dans l’affaire Julie Santori et Les Constructions Raymond et Fils Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ[19], notre collègue Guy Pelletier écrit :
[49] Ce n’est qu’au moment où le champ d’épuration du voisin a été bloqué (suite à l’intervention de l’administrateur du voisin) qu’il a été constaté que ces travaux n’avaient pas réglé le problème de fonctionnement des installations visées et qu’un doute a surgi dans l’esprit du Bénéficiaire quant à la responsabilité possible de l’Entrepreneur. (nos caractères gras)
[87] L’Administrateur cite à l’audience l’affaire Hélène Parent c. Construction Yvon Loiselle et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc.[20];
[41] Le procureur de la Bénéficiaire soulève un argument de texte à l’effet que l’article 10 stipule que ce sont les malfaçons, les vices cachés et les vices de construction qui doivent être dénoncés. Cette disposition ne stipule aucunement que le bénéficiaire doit dénoncer à l’Administrateur ‘un problème’. Sa prétention est à l’effet que la Bénéficiaire devait identifier le vice avant de le connaître et de pouvoir valablement le dénoncer à l’Administrateur conformément au Règlement. La simple dénonciation d’un problème sans en connaître la cause ne satisfait pas à l’obligation de dénoncer le vice.
[42] Avec égards, il s’agit d’une interprétation littérale de l’article 10 du Règlement qui omet de tenir compte de l’article 18 du même Règlement qui stipule que c’est le défaut de construction qui doit être dénoncé. Les dispositions législatives doivent s’interpréter les unes par les autres et tenir compte du contexte.
[43] Dans le cas du Règlement sous étude, il s’agit d’un règlement d’ordre public de protection. Les dispositions du Règlement sont impératives et applicables à tous. Les parties ne peuvent contractuellement y déroger.
[44] Le défaut de construction, tel que mentionné à l’article 18 du Règlement, réfère à la même réalité juridique : soit la malfaçon, le vice caché et le vice de construction, chacun à des degrés divers de gravité. L’article 18 est rédigé dans des termes suffisamment larges pour permettre d’englober ces 3 réalités.
[45] La jurisprudence est constante à l’effet que c’est la connaissance de l’existence d’un problème qui déclenche l’obligation de dénonciation. Prétendre que la Bénéficiaire devait connaître la nature du vice, i.e. procéder à toutes les analyses et expertises requises pour confirmer la nature du vice affectant sa propriété avant de le dénoncer à l’Entrepreneur avec copie à l’Administrateur serait lui imposer un trop lourd fardeau.
[46] D’ailleurs, si tel devait être l’interprétation du Règlement, il y a longtemps que l’Administrateur aurait soulevé ce point afin de faire échec à des dénonciations qui pourraient être considérées comme prématurées.
[47] Par conséquent, j’estime que ce que devait dénoncer la Bénéficiaire à l’Entrepreneur avec copie à l’Administrateur c’est l’existence d’un problème, quel qu’il soit.
[88] Dans l’affaire Létourneau citée ci-haut, les Bénéficiaires croyaient en mars que l’odeur qu’ils sentaient avait été causée par le dégel printanier (à la campagne), mais avait finalement contacté un expert en avril, qui était venu en avril et leur avait alors, sur place en avril, parlé de leur problématique : leur dénonciation au 1er octobre fut jugée comme étant à l’intérieur des six mois.
[89] Puisqu’il s’agit d’une question de délai et que le soussigné cherchera ici dans la preuve le moment qui soit le plus favorable aux Bénéficiaires, la preuve au présent dossier démontre que le moment le plus près de la date du 20 février 2018 qui puisse « bénéficier d’un bénéfice de doute » favorable aux Bénéficiaires est leur appel à un ingénieur en juillet 2017.
[90] Si un appel est fait à un ingénieur pour qu’il vienne voir des fissures, c’est que les Bénéficiaires soupçonnaient qu’il y avait une possibilité que leurs fissures pouvaient être la manifestation d’un vice, sinon, pourquoi appeler un ingénieur et lui donner un mandat d’inspecter?
[91] Le rapport d’ingénieur daté du 6 novembre 2017 donne les détails du mandat de l’ingénieur :
[…] afin de réaliser une expertise technique qui a pour but de donner notre avis technique concernant la présence de désordres observés aux fondations et aux parement extérieur (maçonnerie) de la résidence […] Notre mandat consistait principalement à : Réaliser une inspection visuelle des désordres apparents ; Déterminer la ou les causes probables de l’apparition des désordres observés; Émettre nos recommandations sur les travaux correctifs à réaliser pour corriger la problématique observée […]
[92] Le plan de garantie, dont ils sont les Bénéficiaires, les obligent de dénoncer par écrit le vice dans les six mois de sa découverte et en droit, cette découverte était au moins avant qu’il ne prenne le téléphone pour parler à l’ingénieur (ou envoie un courriel à l’ingénieur) un jour de juillet 2017, pour demander à un ingénieur qu’il vienne donner son avis sur la présence de désordres.
[93] Il s’agit d’une obligation qui résulte d’un Règlement d’ordre public, le Tribunal d’arbitrage n’a pas la compétence juridictionnelle de prolonger ce délai de six mois, tel qu’il était dans sa version d’avant 2015 applicable au présent litige.
[94] Le même sort suit leur réclamation quant aux fermes de toit que les Bénéficiaires allèguent être séparée, puisque la première manifestation de ce problème allégué est l’apparition de fissures, que les Bénéficiaires ont considéré en juillet 2017 devoir être vues par un ingénieur.
RÉSERVE DES DROITS
[95] L’article 11 de la Loi sur le bâtiment[21] stipule :
11. La présente loi n'a pas pour effet de limiter les obligations autrement imposées à une personne visée par la présente loi.
[96] Le Tribunal rappelle la décision de la Cour supérieure dans l’affaire Garantie d'habitation du Québec c. Jeanniot[22]:
[63] Il est clair des dispositions de la Loi et du Règlement que la garantie réglementaire ne remplace pas le régime légal de responsabilité de l'entrepreneur prévu au Code civil du Québec. Il est clair également que la garantie prévue à la Loi et au Règlement ne couvre pas l'ensemble des droits que possède un bénéficiaire, notamment en vertu des dispositions du Code civil du Québec et que les recours civils sont toujours disponibles aux parties au contrat.
[97] Dans la décision arbitrale Valérie Hamelin c. Groupe Sylvain Farand inc. c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc[23], notre collègue Me Jean Robert LeBlanc rappelle :
Enfin, le Tribunal souligne que la présente décision arbitrale est rendue uniquement et strictement dans le cadre de l’application du Règlement et qu’en conséquence elle est sans préjudice et sous toutes réserves des droits d’une Partie d’intenter tout recours approprié devant les tribunaux civils ayant compétence, sujet bien entendu, aux règles de droit commun et de prescription civile, le cas échéant.
[98] Dans la décision arbitrale Syndicat de la Copropriété Les Jardins du Parc c. La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ[24], notre collègue Me Johanne Despatis écrivait :
[55] Il est vrai qu’à l’audience l’administrateur a reconnu que les points en litige, incluant certains parmi ceux abandonnés par le bénéficiaire, concernent des problèmes qui, s’ils avaient été dénoncés à temps, auraient pu être corrigés en conformité du Plan.
[56] Cela est certes regrettable mais je ne peux pour ma part aller au-delà des limites que le législateur a fixées à la juridiction de l’arbitre. […]
[57] La présence de délais impératifs en matière de protection de ce genre est commune et motivée. La raison d’être de dispositions comme celles du Plan exigeant que suivant sa nature une réclamation soit faite dans un délai précis vise en vérité à permettre, notamment à l’administrateur de la protection, lequel s’est engagé à cautionner certaines obligations des entrepreneurs, à prévenir une dégradation plus grande du bien, en lui fournissant l’occasion d’agir rapidement s’il le désire et ainsi diminuer les inconvénients et coûts pour tout le monde. Je ne peux donc pas au nom de l’équité faire droit aux demandes du bénéficiaire.
[99] Pour ces problèmes non couverts par le Plan de garantie, le Tribunal réservera les droits des Bénéficiaires pour leurs recours civils contre toute personne autre que l’Administrateur, à supposer qu’ils aient un droit fondé eut égard aux règles de droit commun, y compris celles relatives à la prescription, sans que cette affirmation ne puisse être interprétée comme étant une opinion, dans un sens ou dans l’autre, sur le bien-fondé de la réclamation des Bénéficiaires.
[100] De plus, l’immeuble est toujours couvert par le Plan de Garantie en vertu de l’article 10 du Règlement, il va de soi que les Bénéficiaires conservent donc leurs recours en vertu du Règlement pour la durée de sa couverture.
FRAIS
[101] L’Article 21 du Règlement stipule :
21. Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
[102] Chaque cas est un cas d’espèce.
[103] Vu tous les faits énoncés ci-haut, dont beaucoup sont particuliers, vu que la demande d’arbitrage fut produite de bonne foi, vu l’article 116 du Règlement, le Tribunal départage les frais d’arbitrage de la façon suivante, soit $50.00 pour les Bénéficiaires et le solde à l’Administrateur.
[104] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[105] PROROGE le délai de production de la demande d’arbitrage des Bénéficiaires et DÉCLARE bonne et valable la demande d’arbitrage produite par les Bénéficiaires auprès du CCAC le 27 juillet 2018 Et REJETTE le premier moyen préliminaire en irrecevabilité de l’Administrateur quant à la tardivité de la production de la demande d’arbitrage.
[106] REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires de la décision de l’Administrateur du 19 juin 2018 vu la tardivité de leur dénonciation écrite à l’Administrateur et la déchéance de leur recours à l’encontre de ce dernier en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs pour les trois points y compris les fermes de toit objets de cette décision Et RÉSERVE le droit des Bénéficiaires, à supposer qu’ils aient un recours fondé, de porter devant les tribunaux de droit commun, leur prétention ainsi que de rechercher les correctifs qu’ils réclament contre toute personne autre que l’Administrateur, sujet aux règles de droit commun et de la prescription civile;
[107] ORDONNE aux Bénéficiaires à payer au CCAC la somme de $50.00 pour leur part des frais d’arbitrage.
[108] LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage, moins la somme de $50.00, à la charge de PriceWaterhouseCoopersInc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Habitation du Québec Inc. ses successeurs et ayant droits, conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage CCAC, après un délai de grâce de 30 jours.
[109] RÉSERVE à PriceWaterhouseCoopersInc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Habitation du Québec Inc. ses successeurs et ayant droits, ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour toute somme versée pour les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe ll du Règlement), et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.
Montréal, le 6 novembre 2018
__________________________
ROLAND-YVES GAGNÉ
Arbitre / CCAC
Autorités citées
Denis Richard et Lucie Mezzapelle et les Habitations Classique V et la Garantie Abritat GAMM 2015-16-006, 8 octobre 2015, Me Jean Doyle, arbitre.
Alain Ward et 9205-4717 Québec Inc. et La Garantie Abritat CCAC S16-032801-NP, 16 juin 2016, Roland-Yves Gagné, arbitre.
Takhmizdjian c. SORECONI et al. 2003 CanLII 18819 (QC CS) 9 juillet 2003 (Hon. Ginette Piché, j.c.s.).
Syndicat des Copropriétaires Lot 3 977 437 c. Gestion Mikalin et La Garantie Abritat GAMM 2013-15-011, 24 avril 2015, Jean Morissette, arbitre.
3093-2313 Québec c. Létourneau et Bouchard et la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ CCAC S15-022401-NP, Décision rectifiée du 12 novembre 2015, Roland-Yves Gagné, arbitre.
Nazco et Milian c. 9181-5712 Québec Inc. et Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ CCAC S16-011902-NP, 8 avril 2016, Roland-Yves Gagné, arbitre.
La Garantie habitation du Québec c. M REJB 2002-33076 (Hon. Denis Desrochers, j.c.s.).
Syndicat de la copropriété 400 Place du Louvre c. La Garantie Habitation du Québec Inc. et 9119-3557 Québec Inc. 2018 QCCS 881 (Hon. Élise Poisson, j.c.s.).
Abdellatif Bensari c. Les Constructions M.C. et La Garantie Qualité Habitation Soreconi 100508001, 26 novembre 2010, Roland-Yves Gagné, arbitre.
Abderrahim Moustaine et al. c. Brunelle Entrepreneur Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de L’APCHQ (Soreconi 070424001) du 9 mai 2008, Jean Philippe Ewart, arbitre
J.L. Baudouin La prescription civile, 7e édition, 2007, Éditions Yvon Blais, Cowansville
Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal Cour d’appel, 2013 QCCA 1211.
Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL 2011 QCCA 56.
La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause AZ-50285725, 15 décembre 2004, J.E. 2005-132 (C.A.).
Garantie habitation du Québec inc. c. Lebire J.E. 2002-1514 (Hon. Jacques Dufresne, j.c.s.).
Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. c. Décarie 2006 QCCS 907 (Hon. Gilles Hébert, j.c.s.).
Kwok et Tang c. 9181-5712 Québec et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ CCAC S14-080101-NP, 5 octobre 2015, Tibor Holländer, arbitre.
Castonguay et al et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ et Construction Serge Rheault Inc., GAMM 2011-12-009, 6 octobre 2011, Me Johanne Despatis, arbitre.
Colloccia Carmelina Coloccia - Guiseppe Borreggine c. Trilikon Construction et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ CCAC S09-231001-NP, Jean Philippe Ewart, arbitre, 30 juillet 2010.
Syndicat de copropriété Le Vendôme c. 9137-7937 Québec Inc. c. La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ CCAC S09-240701-NP, 12 mai 2011, Jean Philippe Ewart, Arbitre.
Syndicat des Copropriétaires du 716 Saint Fernand et al. c. Développements TGB et La Garantie des Bâtiments Résidentiles Neufs de l’APCHQ SORECONI 101206001, 15 avril 2011, Jean Philippe Ewart, Arbitre
J.L. Baudouin et P. Deslauriers, La responsabilité civile, 7e éd., Cowansville, Ed. Yvon Blais Inc., 2007.
Julie Santori et Les Constructions Raymond et Fils Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, SORECONI 080925001, 3 février 2009, Guy Pelletier, arbitre.
Hélène Parent c. Construction Yvon Loiselle et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. GAMM 2012-11-007, 23 juillet 2012, Me Karine Poulin, arbitre.
Garantie d'habitation du Québec c. Jeanniot 2009 QCCS 909 (Hon. Johanne Mainville, J.C.S.).
Valérie Hamelin c. Groupe Sylvain Farand inc. c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc CCAC S13-121002-NP, 26 avril 2014, Jean Robert Leblanc, arbitre.
Syndicat de la Copropriété Les Jardins du Parc c. La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, GAMM 2009-09-0003 28 janvier 2010, Me Johanne Despatis, arbitre.
Autre autorité produite à l’audience
Yvon Bernier c. Rénovation Larocque et Fils et La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. SORECONI 060517002 4 juillet 2006, Marcel Chartier, arbitre.
[1] GAMM 2015-16-006, 8 octobre 2015, Me Jean Doyle, arbitre.
[2] Paragraphes [44] et suivants; CCAC S16-032801-NP, 16 juin 2016, Roland-Yves Gagné, arbitre.
[3] 2003 CanLII 18819 (QC CS) 9 juillet 2003 (Hon. Ginette Piché, j.c.s.).
[4] Baudouin écrit : « Dans le cas des délais de déchéance, la créance est absolument éteinte après l'expiration du temps fixé. Le tribunal est alors tenu de suppléer d'office au moyen en résultant (art. 2878 C.c.). Dans ces cas donc, ce n'est plus seulement l'action en justice qui est éteinte, mais bien le droit lui-même. » La prescription civile, 7e édition, 2007, Éditions Yvon Blais, Cowansville, p. 1219, I-1447.
[5] Paragraphes [446] à [467], CCAC S15-022401-NP, Décision rectifiée du 12 novembre 2015, Roland-Yves Gagné, arbitre ; voir aussi, au même effet, Syndicat des Copropriétaires Lot 3 977 437 c. Gestion Mikalin et La Garantie Abritat GAMM 2013-15-011, 24 avril 2015, Jean Morissette, arbitre.
[6] CCAC S16-011902-NP, 8 avril 2016, Roland-Yves Gagné, arbitre, paragraphes [128] et seq.
[7] REJB 2002-33076 (Hon. Denis Desrochers, j.c.s.).
[8] 2018 QCCS 881 (Hon. Élise Poisson, j.c.s.).
[9] Soreconi 100508001, 26 novembre 2010, Roland-Yves Gagné, arbitre.
[10] La prescription civile, 7e édition, 2007, Éditions Yvon Blais, Cowansville, p. 1219, I-1447.
[11] 12 juillet 2013, Cour d’appel, 2013 QCCA 1211.
[12] 2011 QCCA 56.
[13] AZ-50285725, 15 décembre 2004, J.E. 2005-132 (C.A.).
[14] Voir, par exemple, Garantie habitation du Québec inc. c. Lebire J.E. 2002-1514 (Hon. Jacques Dufresne, j.c.s.) et Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. c. Décarie 2006 QCCS 907 (Hon. Gilles Hébert, j.c.s.) .
[15] CCAC S14-080101-NP, 5 octobre 2015, Tibor Holländer, arbitre.
[16] GAMM 2011-12-009, 6 octobre 2011, Me Johanne Despatis, arbitre.
[17] CCAC S09-231001-NP, Jean Philippe Ewart, arbitre, 30 juillet 2010.
[18] SORECONI 101206001, 15 avril 2011, Jean Philippe Ewart, Arbitre
[19] SORECONI 080925001, 3 février 2009, Guy Pelletier, arbitre.
[20] GAMM 2012-11-007, 23 juillet 2012, Me Karine Poulin, arbitre.
[21] B-1.1.
[22] 2009 QCCS 909 (Hon. Johanne Mainville, J.C.S.).
[23] CCAC S13-121002-NP, 26 avril 2014.
[24] GAMM 2009-09-0003 28 janvier 2010, Me Johanne Despatis, arbitre.