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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

Syndicat des copropriétaires « La Seigneurie La Prairie 1933 »

Syndicat des copropriétaires « La Seigneurie La Prairie 1930 »

Syndicat des copropriétaires « La Seigneurie La Prairie 1898 »

Syndicat des copropriétaires « La Seigneurie La Prairie 1896 »

(520, 540, 570 et 590 rue Notre-Dame à La Prairie)

(ci-après les « bénéficiaires »)

 

ET :

Le Groupe Trigone Construction inc.

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

Nos dossiers APCHQ : B-21163c, 006146, 018500 et 018486

No dossier GAMM : 2006-09-011

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis, ing.

 

Pour les bénéficiaires :

Me Nicolas Dion

 

Pour l'entrepreneur :

M. Daniel Fortier

 

Pour l'administrateur :

Me François Laplante

 

Dates d’audience :

6 et 20 septembre 2006

 

Lieu d'audience :

La Prairie

 

Date de la sentence :

18 octobre 2006

I : INTRODUCTION

[1]                Le présent arbitrage fait suite à une réclamation de la part des bénéficiaires auprès de l'entrepreneur et de l'administrateur au sujet de raccordements d'égout inversés.

[2]                Il s'agit d'une inversion concernant les adresses civiques 520, 540, 570 et 590 de la rue Notre - Dame à La Prairie.

[3]                Puisqu'il y a 6 unités de logement par adresse civique, cette inversion affecte 24 unités de logement.

[4]                L'inversion résulte du fait que les égouts sanitaires de ces adresses ont été raccordés au réseau pluvial de la Ville, tandis que les égouts pluviaux de ces mêmes adresses ont été raccordés au réseau sanitaire de la Ville.

[5]                C'est la Ville de La Prairie qui, la première, a constaté cette inversion.

[6]                Dans une lettre datée du 28 octobre 2003, la Ville somme le syndicat de procéder aux mesures correctives.

[7]                De son côté, le syndicat, dans une lettre datée du 31 octobre 2003, met l'entrepreneur en demeure d'entreprendre les corrections; copie de cette lettre est adressée à l'administrateur.

[8]                Le 14 avril 2004, l'administrateur émet un rapport de décision traitant, entre autres, de cet élément. Voici sa conclusion :

LA GARANTIE DES MAISONS NEUVES DE L'APCHQ N'EST PRÉSENTEMENT PAS EN MESURE DE STATUER SUR LE POINT 3 QUI SUIT :

3.          RACCORDEMENT D'ÉGOUTS INVERSÉ

                         [...]

                         Compte tenu de ce qui précède, nous devrons attendre de connaître la position finale de la ville de Laprairie avant de statuer sur le point 3 dans le cadre du contrat de garantie. Dès que la position de la ville sera connue, nous émettrons un addenda pour vous faire part de la position de La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ relativement au point 3 du présent rapport.

[9]                En octobre 2004, soit sous pression de la part des occupants, soit pour déterminer les responsables de l'inversion, les dirigeants de la Ville décident de procéder à la correction des inversions pour les adresses civiques 570 et 590 de la rue Notre‑Dame; selon une note de service interne à la Ville, le coût de la correction des inversions pour ces deux adresses est de 22 804 $, incluant 4 259 $ pour la remise en état des terrains; à ce jour, le syndicat n'a reçu ni facture ni mise en demeure de la part de la Ville pour le remboursement des montants imputables aux corrections.

[10]            Subséquemment, soit le 21 mars 2006, l'administrateur émet un deuxième rapport de décision. Voici, reproduit intégralement, le texte concernant cet élément pour l'adresse civique 520 :

Selon ce qu'il nous a été possible de constater et les témoignages recueillis sur place, nous ne sommes pas en mesure d'établir la responsabilité de l'entrepreneur en ce qui a trait au point 5 qui suit.

Par conséquent, La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ ne peut intervenir pour ce point.

5.          SORTIES D'ÉGOUTS INVERSÉES

                         Dans un premier temps, il importe de préciser que cet élément fut traité au point 2 d'un rapport que nous avons émis le 7 avril 2004.

            Lors de l'émission dudit rapport, nous n'avions pas statué quant à la responsabilité de l'entrepreneur, puisque des échanges avaient lieu entre la ville de Laprairie et Le groupe Trigone construction inc.

            Nous avions alors indiqué que nous devions attendre de connaître la position de la ville, avant de statuer sur ce point.

            Or, ce n'est que plusieurs mois plus tard que nous avons appris que la ville avait effectué les travaux correctifs sur certains des bâtiments concernés.

            Quant à l'entrepreneur, il nie toujours sa responsabilité quant à l'inversement des sorties d'égout.

[11]            La présente demande d'arbitrage comporte deux volets :

Volet A :        Les bénéficiaires réclament le remboursement par l'entrepreneur des 22 804 $ déboursés par la Ville pour la correction des inversions au 570 et au 590 de la rue Notre‑Dame.

Volet B :        Les bénéficiaires exigent de l'entrepreneur la correction des inversions au 520 et au 540 de la rue Notre-Dame.

[12]            En cours d'enquête, en plus des représentants des parties, les personnes suivantes sont intervenues :

·        M. Guy Trahan, directeur du Service des travaux publics à la Ville de La Prairie

·        M. Georges Laferrière, administrateur du syndicat

·        M. Jocelyn Dubuc, coordonnateur à la conciliation

II : LA PREUVE

[13]            Les unités d'habitation concernées ont été construites en 2000-2001. L'inversion des raccordements d'égout pour ces quatre unités faisait en sorte que les eaux usées se jetaient directement dans le fleuve, tandis que les eaux pluviales étaient acheminées vers l'usine d'épuration.

[14]            M. Trahan, directeur du Service des travaux publics à la Ville de La Prairie, a déposé le règlement no 773 concernant les branchements à l'égout.

[15]            Le témoin a insisté sur les articles suivants :

ARTICLE 12:    INFORMATION REQUISE

                                     Tout propriétaire doit demander à la ville la profondeur et la localisation de la canalisation municipale d'égout en face de sa propriété avant de procéder à la construction d'un branchement à l'égout et des fondations de son bâtiment.

ARTICLE 26:    INTERDICTION, POSITION RELATIVE DES BRANCHEMENTS

26.1           Nul ne doit évacuer ses eaux usées domestiques dans une canalisation d'égout pluvial et ses eaux usées pluviales dans une canalisation d'égout domestique.

26.2           Le propriétaire doit s'assurer de la localisation de la canalisation municipale d'égout domestique et de celle d'égout pluvial avant d'exécuter les raccordements.

26.3           Comme règle générale, le branchement à l'égout pluvial se situe à gauche du branchement à l'égout domestique, en regardant vers la rue du site du bâtiment.

ARTICLE 32:    AVIS DE REMBLAYAGE

            Avant de remblayer le branchement à l'égout, le propriétaire doit en aviser la ville.

ARTICLE 33:    AUTORISATION

33.1           Avant le remblayage des branchements à l'égout, l'inspecteur de la ville doit procéder à leur vérification.

33.2           Si les travaux sont conformes aux prescriptions du présent règlement, l'inspecteur délivre un certificat d'autorisation pour le remblayage.

ANNEXE "I"

4.                   VERIFICATION DU RACCORDEMENT DU BRANCHEMENT A L'EGOUT

                         Lorsque l'égout municipal est de type séparatif, un essai sur le branchement à l'égout domestique est exigé afin de vérifier si le branchement est bien raccordé à l'égout domestique municipal. Un générateur de son est introduit soit dans le branchement privé, soit dans l'égout municipal et le son doit être audible avec netteté à l'autre extrémité.

[16]            M. Trahan nous informe que depuis 1998, il existe à la Ville un système d'information permettant d'enregistrer toute demande faite par un entrepreneur pour le raccordement à l'aqueduc ou toute autre demande.

[17]            Ce système démontre qu'en 2000 et 2001, Trigone Construction n'a fait aucune demande de raccordement à l'aqueduc pour les adresses 520, 540, 570 et 590 de la rue Notre‑Dame; par contre, on peut noter à l'aide de ce système que Trigone Construction a fait une demande en 2001 pour ouvrir l'eau au 560 de la rue Notre‑Dame et une demande d'inspection de raccordement en 2000 pour un autre complexe dans la même municipalité.

[18]            M. Trahan nous explique que face à cette situation des raccordements d'égout inversés, tout le monde se lançait la balle; c'est alors que les bénéficiaires ont demandé à la Ville d'intervenir. Le Service des travaux publics a donc reçu mandat de la part des autorités de la Ville de procéder à la correction de deux inversions sur quatre afin de pouvoir déterminer les responsables.

[19]            Le témoin admet qu'il n'existe point de code de couleurs sur les chantiers pour identifier les conduites.

[20]            M. Daniel Fortier, représentant de l'entrepreneur, affirme qu'il a toujours adressé ses demandes d'autorisation à M. Guy Brossard, inspecteur municipal au Service de l'urbanisme à La Prairie. Il déclare avoir construit beaucoup de bâtiments à La Prairie et n'avoir jamais reçu d'avis d'infraction.

[21]            M. Fortier prétend que l'installation des conduites par la Ville n'est pas conforme aux plans préparés par la firme d'ingénieurs.

[22]            Relativement à la norme exposée dans le Code de plomberie, le témoin dit qu'il ne peut l'interpréter si les conduites de la Ville, au lieu d'être situées sous la rue, sont plutôt localisées en arrière-lot.

[23]             En ce qui a trait aux règlements municipaux, M. Fortier estime que du moment où il obtient un permis de construction, tout (règlement) devrait être indiqué sur ce document.

[24]            Dans le présent dossier, l'entrepreneur n'a pas demandé à la Ville un plan de raccordement.

[25]            Il nous informe qu'il a effectué ces raccordements en 1999-2000 et qu'à ce moment‑là, il n'avait pas encore de plan officiel de la Ville.

[26]            M. Dubuc, conciliateur pour l'administrateur, nous explique que dans son rapport de décision d'avril 2004, il indique avoir mis son dossier en suspens dans l'attente des discussions qui avaient cours entre les différents intervenants et la Ville de La Prairie.

[27]            En décembre 2005, le syndicat est revenu à la charge auprès de l'administrateur en invoquant qu'il avait maintenant reçu une facture de la part de la Ville et qu'il restait encore deux adresses civiques où les travaux de correction des inversions étaient à faire.

[28]            M. Dubuc nous explique qu'entre avril 2004 et décembre 2005, il était en attente d'une réponse de la Ville, qui n'est jamais venue.

[29]            Le témoin ajoute que même aujourd'hui, il n'est pas en mesure de dire si la responsabilité des inversions incombe à la Ville ou à l'entrepreneur.

[30]            Relativement à la localisation des branchements pluviaux et domestiques (raccordements), les parties ont déposé des documents concernant les normes en vigueur à l'époque de la construction, soit :

·        Extrait de Devis normalisés - Conduites d'eau et égouts (Bureau de normalisation du Québec, NQ 1809-300, Mars 1987) où l'on retrouve l'article suivant :

9.5.13.5           Localisation des branchements pluviaux et domestiques - Vu du bâtiment à desservir, le branchement d'égout pluvial doit être situé à gauche du branchement d'égout domestique.

·        Plusieurs articles du Code de plomberie du Québec, notamment l'article 4.2.1. qui se présente ainsi :

4.2.1.    Raccordement : Dans un système séparatif d'égouts publics, les eaux sanitaires et pluviales des drains de bâtiment doivent être canalisées dans des systèmes séparés, raccordés respectivement à l'égout sanitaire et pluvial. Le drain pluvial doit être situé à la gauche du sanitaire en regardant vers la rue, vu du site de la bâtisse ou de la construction.

[31]            Dans le présent dossier, nous sommes face à une situation particulière, et peu fréquente semble‑t‑il, où les conduites principales, au lieu d'être situées sous la rue en avant des propriétés, sont plutôt localisées en arrière-lot.

[32]            Rappelons que ce complexe d'habitation comporte huit adresses civiques de six unités de condominium chacune.

[33]            Les sorties d'égout sont situées entre deux adresses civiques; les inversions ont été faites sur une des deux adresses seulement, soit un total de quatre inversions sur huit adresses civiques.

III : ARGUMENTATION

Bénéficiaires

[34]            Le procureur cite l'article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs relatif au recours du bénéficiaire ou de l'entrepreneur.

[35]            Le 21 mars 2006, l'administrateur conclut qu'il ne peut statuer sur la question des sorties d'égout inversées.

[36]            M. Dubuc dit que l'entrepreneur nie sa responsabilité; l'on ose espérer qu'il existe d'autres motivations à sa décision.

[37]            C'est pourquoi le tribunal doit infirmer la décision de l'administrateur, car l'entrepreneur est le seul responsable de son malheur.

[38]            Le procureur invoque le règlement no 773 de la Ville de La Prairie, adopté en 1987, et tout particulièrement ses articles 12, 26.2 et 32 ci-devant cités.

[39]            Nul n'est censé ignorer la loi.

[40]            L'entrepreneur, qui a réalisé beaucoup d'autres projets à La Prairie avant l'an 2000, ne peut plaider qu'il ne connaissait pas ce règlement; il savait qu'il avait l'obligation d'aviser la Ville avant de fermer, tel qu'indiqué sur le permis de construction.

[41]            Or, il n'existe aucune requête de la part de l'entrepreneur sur les documents à cet effet au Service des travaux publics de la Ville de La Prairie.

[42]            Trigone Construction, qui a déjà soumis des requêtes pour d'autres projets de développement dans la Ville de La Prairie, connaissait donc la procédure.

[43]            En ne faisant pas appel à la Ville avant de fermer, l'entrepreneur s'est privé de se faire dire immédiatement que les sorties d'égout étaient inversées.

[44]            L'entrepreneur peut bien blâmer la firme d'ingénieurs ou la Ville, mais c'est la non-vérification par Trigone avant de fermer qui est la source de l'erreur, car aucune autre partie ne peut avoir suscité les dommages en dernier lieu.

[45]            Le procureur est d'avis que le Code de plomberie du Québec ne trouve pas application dans le présent dossier.

[46]            Il invoque à cet effet l'article 1.2.1. de ce code :

1.2.1.    Champ d'application: Le présent code s'applique à tout système de plomberie, y compris l'installation, la réparation ou la réfection à l'exception de:

a)   l'égout de bâtiment;

[...]

[47]            Il invoque de plus l'article 4.2.1. (raccordement) du même code.

[48]            D'où l'importance cruciale pour l'entrepreneur de se renseigner.

[49]            Le bénéficiaire apprend qu'il existe un problème important sur son bâtiment; il ne lui appartient pas de trouver le coupable; comme il se doit, il s'adresse à l'administrateur du plan de garantie.

[50]            Il est évident que Trigone Construction a manqué à ses obligations légales en provoquant quatre inversions.

[51]            D'autre part, le bénéficiaire a rempli ses obligations inscrites au plan de garantie et il a dénoncé suivant les délais prescrits.

[52]            Le procureur rappelle que l'entrepreneur avait le fardeau de démontrer qu'il y avait eu inspection de la part de la Ville avant de fermer, ce qu'il n'a pu prouver; par contre, la Ville a démontré qu'il n'y avait pas eu d'inspection.

[53]            Le procureur prétend que pour les deux adresses civiques où les corrections ont été effectuées par la Ville, l'arbitre peut ordonner une compensation monétaire vu que l'administrateur n'a pas respecté les délais prescrits au plan de garantie dans sa prise de décision; en effet, l'administrateur a mis deux ans avant de se prononcer; durant tout ce temps, le bénéficiaire attend et désire une réponse, car il se trouve dans une situation illégale.

[54]            La Ville corrige les inversions à deux adresses civiques sur quatre.

[55]            Durant ce temps, l'administrateur laisse dormir le dossier et pense ainsi épargner le coût de ces deux réparations.

[56]            Pourquoi le bénéficiaire serait-il pénalisé parce que l'administrateur a tardé à donner des réponses?

[57]            Pour appuyer sa demande de remboursement des frais déjà encourus, le procureur cite les articles 29, 34.6° et 34.7° du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[58]            Le bénéficiaire étant dans une situation illégale avec possibilité d'amende et l'hygiène publique étant affectée, il s'agissait d'une réparation nécessaire et d'une situation d'urgence.

[59]            Au regard de la jurisprudence déposée par le procureur de l'administrateur, le procureur des bénéficiaires rappelle que dans le présent dossier, les réparations n'ont pas été effectuées par les bénéficiaires, mais par la Ville.

[60]            Car c'est en raison de l'inaction de l'administrateur que les bénéficiaires se trouvent aujourd'hui dans cette situation; la facture (de réparation à deux adresses civiques) pour les bénéficiaires existe et elle est à payer.

[61]            À l'appui de son argumentation, le procureur a soumis ce qui suit :

·        Cholette et Moquin c. Ville de La Prairie et Pierrevillage inc., C.Q. Longueuil 505-32-004162-963, juge Claude H. Chicoine, 1997-11-05.

Administrateur

[62]            Le procureur estime que le lien entre le bénéficiaire et l'administrateur est décrit dans le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[63]            Il existe une distinction entre l'obligation de l'entrepreneur et celle de l'administrateur, et elle ne peut s'étendre au-delà du Règlement.

[64]            Par contre, les obligations de l'entrepreneur dépassent celles du plan de garantie (soit le Code civil ou autre).

[65]            La première décision de M. Dubuc est datée d'avril 2004; il y a des pourparlers entre la Ville et l'entrepreneur; M. Dubuc met donc son dossier en suspens.

[66]            Le temps passe, et jamais M. Dubuc n'est avisé de la correction de deux des quatre inversions.

[67]            La deuxième décision de l'administrateur est émise en mars 2006; des travaux sont faits; on ne peut imputer à l'entrepreneur l'inversion des égouts.

[68]            Or, l'article 27 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs ne couvre que les réparations; nulle part le décret ne prévoit une compensation monétaire pour des travaux effectués par le bénéficiaire ou par un tiers.

[69]            Des corrections à deux bâtiments ont été faites par la Ville, et deux ans après ces travaux, le bénéficiaire n'a toujours pas reçu de facture ni de mise en demeure.

[70]            La Ville s'est substituée au bénéficiaire, alors que l'administrateur n'a jamais été informé de ces travaux.

[71]            En agissant ainsi, la Ville a fait perdre au bénéficiaire le droit de se réclamer de la garantie.

[72]            Au moment de raccorder, l'entrepreneur n'avait pas en sa possession les plans d'ingénieur; il était donc logique de penser que les règles des différents codes avaient été respectées par la Ville; or, ce ne fut pas le cas.

[73]            L'on sait que les tuyaux de la Ville ne sont pas identifiés; le plombier s'est servi de sa logique et l'inversion s'est produite à ce moment-là.

[74]            Le procureur admet que l'entrepreneur n'a peut-être pas fait les efforts nécessaires, mais à la base, le travail a été fait selon une norme incluse dans le Code de plomberie, soit selon une façon répandue de travailler.

[75]            Ainsi, l'administrateur conclut qu'il n'est pas en mesure d'imputer la faute à l'entrepreneur.

[76]            Le procureur rappelle que la réception des parties communes a eu lieu en juin 2002, alors que la lettre de dénonciation est datée d'octobre 2003; il prétend que les sorties d'égout inversées ne constituent pas un vice majeur et il se demande si la gravité est suffisante pour constituer un vice caché.

[77]            Le procureur admet que la responsabilité relativement à cette inversion n'est pas claire ni limpide; s'agit-il d'un manque d'information de la part de la Ville, alors que la firme d'ingénieurs n'a pas respecté les normes?

[78]            Le procureur nie que l'administrateur se soit traîné les pieds dans ce dossier; d'avril 2004 à mai 2006, le conciliateur et le représentant du syndicat ont été en contact constant, et M. Dubuc n'a en aucun moment été informé des travaux exécutés par la Ville.

[79]            La Ville a pris la décision de procéder elle-même à des réparations; qu'elle poursuive donc les responsables devant une autre cour; mais elle ne peut profiter du Règlement pour se faire rembourser.

[80]            Relativement à l'article 34.6° du Règlement où l'on prévoit un remboursement, il s'agit de réparations conservatoires afin de protéger le bâtiment, alors que dans le présent dossier, le bâtiment n'était pas en danger.

[81]            Au soutien de ses prétentions, le procureur a soumis les autorités suivantes :

·        Amyot et Deslauriers c. C.L. Légaré Construction inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., T.A., arbitre Jean Royer (CACNIQ), 2001-01-09.

·        Lodico et Lucia c. B. Cata Construction inc. et La Garantie Qualité Habitation, T.A., arbitre Marcel Chartier (Soreconi), 2005-03-18.

·        Beaupré c. Les Constructions Robin inc. et La Garantie Qualité Habitation, T.A., arbitre Marcel Chartier (Soreconi), 2004-10-07.

·        Pedneault et Gagnon et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. et Groupe Immobilier Farand inc., T.A., arbitre Johanne Despatis (GAMM), 2006-05-23.

·        Fortier et Rochon et Innomax ltée et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., arbitre Claude Dupuis (GAMM), 2005-11-25.

·        La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Desindes et Larochelle et Blanchet, C.A. Montréal 500-09-013349-030 (450-05-004987-026), juges Thérèse Rousseau-Houle, Benoît Morin et Pierrette Rayle,  2004‑12‑15.

Entrepreneur

[82]            Le représentant de l'entrepreneur affirme qu'il a construit beaucoup de bâtiments à La Prairie et que personnellement, il a été là depuis le début; il n'a jamais appelé le Service des travaux publics pour approbation avant de fermer; il contactait plutôt M. Brossard, inspecteur en bâtiment de la Ville; ce dernier venait vérifier le deuxième branchement à l'intérieur des bâtiments.

[83]            Il déclare n'avoir jamais reçu quelque avis d'infraction que ce soit, ni aucune amende à cet effet.

[84]            Les travaux ont été effectués en 1999-2000, et tous les bâtiments ont été érigés avant qu'il ne reçoive les plans et les documents de la firme d'ingénieurs Dessau-Soprin; ces documents n'ont été disponibles qu'en 2001.

[85]            Il est possible que M. Brossard ait ignoré l'existence de ces plans.

[86]            Il s'agit ici d'une condition particulière, soit les conduites principales en arrière‑lot; à cet égard, il se peut que la Ville ait été ignorante des normes.

[87]            Le représentant de l'entrepreneur est catégorique à l'effet que les normes du Code de plomberie du Québec s'appliquent uniquement au plombier, soit à l'intérieur du bâtiment, tandis que celles du Bureau de normalisation du Québec s'appliquent uniquement aux travaux publics.

IV : DÉCISION ET MOTIFS

[88]            Dans un système d'égout municipal, la Ville installe les conduites principales (égouts publics) et, pour un bâtiment donné, elle installe la canalisation jusqu'à la ligne de propriété; là s'arrête la fonction de la Ville.

[89]            L'entrepreneur installe les égouts de bâtiment, soit de la ligne de propriété au bâtiment, ainsi que les drains de bâtiment; sa fonction consiste également à effectuer le raccordement entre l'égout de bâtiment et l'égout public, et entre l'égout de bâtiment et le drain de bâtiment.

[90]            Ce raccordement par les plombiers s'effectue suivant une pratique courante découlant, semble-t-il, du Code de plomberie du Québec, à l'article 4.2.1. : [...]Le drain pluvial doit être situé à la gauche du sanitaire en regardant vers la rue, vu du site de la bâtisse ou de la construction.

[91]            Ceci, dans la pratique, a contribué à former un « code » appelé S P, S pour sanitaire et P pour pluvial, en supposant que le bâtiment est représenté par la feuille du lecteur, la rue étant située au bas de cette feuille.

[92]            Or, conformément à son champ d'application, le Code de plomberie du Québec ne s'applique pas aux égouts de bâtiment ni aux égouts publics; il ne s'applique qu'aux drains de bâtiment; l'entrepreneur s'est dit d'accord avec ce champ d'application.

[93]            Rappelons que le Code de plomberie du Québec découle de la Loi sur le bâtiment et, par conséquent, les normes dictées par ce code ont force de loi.

[94]            Devant cet état de fait, à savoir la non-application du Code de plomberie du Québec relativement aux égouts de bâtiment et aux égouts publics, l'entrepreneur a soumis au tribunal un extrait de Devis normalisés - Conduites d'eau et égouts, émis par le Bureau de normalisation du Québec, où l'on peut lire ce qui suit à l'article 9.5.13.5 :

9.5.13.5           Localisation des branchements pluviaux et domestiques - Vu du bâtiment à desservir, le branchement d'égout pluvial doit être situé à gauche du branchement d'égout domestique.

[95]            L'on note que cette norme, en ce qui a trait à la localisation, ne fait pas référence à la rue, rendant ainsi son application plus universelle.

[96]            Rappelons que le Bureau de normalisation du Québec est une unité administrative du Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ) et que ses normes n'ont pas nécessairement force de loi; ce bureau apporte plutôt des solutions à des besoins de marché par l'élaboration de normes consensuelles.

[97]            Dans le présent dossier, il s'agit d'un complexe de huit adresses civiques comportant chacune six unités de condominium.

[98]            Les égouts publics ne sont pas situés sous la rue en face des habitations, mais plutôt en arrière-lot, là où il n'y a pas de rue; il s'agit, semble-t-il, d'une situation peu fréquente.

[99]            En accord avec l'entrepreneur, le soussigné est d'avis que dans une telle situation, même si le Code de plomberie était applicable, sa notion de raccordement, à l'article 4.2.1., ne pourrait être interprétée.

[100]       Si l'on regroupe deux adresses civiques de ce complexe pour former un bloc, les drains d'égout situés de chaque côté des habitations sont raccordés aux égouts de bâtiment qui, eux, se dirigent vers l'égout public localisé en arrière-lot.

[101]       L'entrepreneur a effectué le raccordement à l'égout public pour chacun de ces blocs suivant les normes du Code de plomberie ou suivant le devis normalisé du Bureau de normalisation du Québec, soit dans l'ordre S P - S P, tandis que les branchements de la Ville à la limite de propriété étaient dans l'ordre S P - P S, ce qui a causé l'inversion à l'une des deux adresses civiques du bloc, pour un total de quatre inversions.

[102]       Dans un premier temps, l'entrepreneur invoque le Code de plomberie, lequel ne s'applique pas pour les égouts de bâtiment et les égouts publics, et lequel ne peut être interprété dans un cas d'arrière-lot, là où il n'y a pas de rue.

[103]       Dans un deuxième temps, l'entrepreneur invoque le Bureau de normalisation du Québec, lequel n'a pas nécessairement force de loi.

[104]       L'on se retrouve devant une situation particulière : les normes sont confuses; les égouts municipaux sont situés en arrière-lot, ce qui est peu fréquent; l'entrepreneur, au moment de fermer, n'avait pas en sa possession les plans de la Ville.

[105]       À la date de la réclamation des bénéficiaires, le paragraphe 3° de la liste des engagements de l'entrepreneur, que l'on retrouve à l'annexe II du plan de garantie, se présente comme suit :

L'entrepreneur s'engage:

[...]

3°   à respecter les règles de l'art et les normes en vigueur applicables au bâtiment, notamment celles contenues dans le Code national du bâtiment du Canada, le Code canadien de l'électricité et le Code de plomberie;

[106]       À la section 7.1.2.1. du Code national du bâtiment applicable à l'époque, on peut lire ce qui suit :

7.1.2.1.      Conformité au Code national de la plomberie - Canada 1995

                        1)   Les installations de plomberie doivent être conçues et réalisées conformément aux règlements provinciaux, territoriaux ou municipaux pertinents ou, en leur absence, au Code national de la plomberie - Canada 1995.

[107]       Le règlement no 773 adopté par la Ville de La Prairie en 1987 édicte notamment ce qui suit :

ARTICLE 12:    INFORMATION REQUISE

                                     Tout propriétaire doit demander à la ville la profondeur et la localisation de la canalisation municipale d'égout en face de sa propriété avant de procéder à la construction d'un branchement à l'égout et des fondations de son bâtiment.

ARTICLE 26:    INTERDICTION, POSITION RELATIVE DES BRANCHEMENTS

                         [...]

26.2     Le propriétaire doit s'assurer de la localisation de la canalisation municipale d'égout domestique et de celle d'égout pluvial avant d'exécuter les raccordements.

                         [...]

ARTICLE 32:    AVIS DE REMBLAYAGE

            Avant de remblayer le branchement à l'égout, le propriétaire doit en aviser la ville.

[108]       Or, il existe une preuve prépondérante que pour les adresses civiques concernées, l'entrepreneur n'a pas observé ces règlements.

[109]       L'entrepreneur était le dernier intervenant dans les systèmes d'égout; devant la situation confuse décrite ci‑haut, l'entrepreneur n'a pas fait les efforts nécessaires pour éviter l'inversion avant de remblayer, d'autant plus que le règlement municipal lui dictait d'aviser la Ville avant de ce faire.

[110]       L'entrepreneur n'ayant pas rempli ses engagements, il est le principal responsable de cette inversion.

[111]       Le soussigné est d'avis que cette inversion constitue un vice caché au sens de l'article 1726 du Code civil. Cette inversion produit une infraction permanente aux règles environnementales, pouvant diminuer le prix de vente du bâtiment.

[112]       Il a été admis que ce vice a été découvert et dénoncé à l'intérieur des délais énoncés à l'article 27.4° du plan de garantie.

[113]       Toutefois, le tribunal ne peut accorder aux bénéficiaires leur réclamation relative au remboursement des frais encourus par la Ville en octobre 2004 pour la correction des inversions aux adresses civiques 570 et 590 de la rue Notre‑Dame.

[114]       Le plan de garantie, à l'article 27, ne couvre pas le remboursement des frais; il couvre plutôt le parachèvement des travaux et la réparation des vices et malfaçons.

[115]       À l'article 34.6°, le plan prévoit le remboursement au bénéficiaire par l'entrepreneur pour des réparations conservatoires; or, dans le présent dossier, les bénéficiaires n'ont rien déboursé, les réparations ayant été effectuées par la Ville, sans réquisition de quiconque à cet effet. De plus, il ne s'agit pas de réparations conservatoires, les bâtiments n'ayant été en aucun moment en péril.

[116]       Ce remboursement servirait uniquement à défrayer les coûts engendrés par la Ville pour effectuer les corrections. Or, même si l'entrepreneur est le principal responsable, la Ville a aussi sa part de responsabilité en effectuant ses propres branchements sans observer aucune logique ou pratique reconnue, ou encore, devant une situation ambiguë, sans identifier ses conduites. Car le règlement municipal n'exige pas de l'entrepreneur qu'il avise la Ville avant d'effectuer ses branchements, mais avant le remblayage; alors, pourquoi, surtout lors d'une situation si peu fréquente et ambiguë, ne pas faciliter les choses?

[117]       D'ailleurs, la Ville a effectué ces réparations dans le but de vérifier qui était le responsable; elle n'avait donc pas confiance en ses propres installations.

V : RÉSUMÉ

[118]       Pour les motifs ci-devant énoncés, la présente réclamation des bénéficiaires est PARTIELLEMENT ACCUEILLIE.

[119]       Le tribunal :

            ORDONNE                à l'entrepreneur de corriger les inversions au système d'égout pour les adresses civiques 520 et 540 de la rue Notre‑Dame à La Prairie; et

            ACCORDE                à l'entrepreneur jusqu'au 30 juin 2007 pour compléter ces travaux; et

            REJETTE                   la réclamation des bénéficiaires relativement au remboursement des frais encourus par la Ville pour corriger les inversions au système d'égout pour les adresses civiques 570 et 590 de la rue Notre‑Dame à La Prairie.

[120]       Conformément au deuxième alinéa de l'article 37 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les coûts du présent arbitrage sont à la charge de l'administrateur.

 

BELOEIL, le 18 octobre 2006.

 

 

 

 

 

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Claude Dupuis, ing., arbitre [CaQ]