TRIBUNAL D’ARBITRAGE

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec:

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE BONAVENTURE

 

ENTRE :                                                      COOP DE SOLIDARITÉ D’AVIGNON

Bénéficiaire

 

                                                                       c.

 

                                                                       LES CONSTRUCTIONS SCANDINAVES INC.

Entrepreneur

 

Et :                 

 

LA GARANTIE ABRITAT INC.

Administrateur

No dossier S14-123101-NP         

 

 

DÉCISION ARBITRALE

 

 

Arbitre :                                                         Me Roland-Yves Gagné

 

Pour le Bénéficiaire:                                   Madame Valérie Thériault

Madame Raymonde Leblanc

Monsieur Francis Ouellet

 

Pour l’Entrepreneur :                                   Monsieur Christian Bernard

           

Pour l’Administrateur :                                Me Marc Baillargeon

                                                                       Monsieur Michel Hamel

 

Date de l’audience :                        21 septembre 2015

 

Lieu de l’audience :                                     Palais de justice de Carleton

17, Lacroix
Carleton (Québec)  G0C 1J0

                                  

Date de la décision :                                   13 octobre 2015


 

Description des parties 

 

Bénéficiaire

 

Coop de Solidarité d’Avignon

Att. Madame Valérie Thériault

[…] Nouvelle, Qc. […]

 

 

Entrepreneur

 

Les Constructions Scandinaves Inc.

Att. Monsieur Christian Bernard

452 boul. Perron

Carleton, Qc.

G0C 1J0

 

 

 Administrateur

 

Me Marc Baillargeon

Contentieux des garanties Abritat/GMN

7333 Place des Roseraies, 3ième étage

Anjou, Qc.

H1M 2X6


 

PIECES

 

A l’audience, l’Administrateur a produit les pièces suivantes :

A-1 : Déclaration de copropriété en date du 8 août 2012;

A-2 : Contrat à forfait en date du 21 juin 2012;

A-3 : Lettre de dénonciation en date du 24 septembre 2013;

A-4 : Demande de réclamation en date du 20 février 2014;

A-5 : Avis de 15 jours en date du 24 mars 2014;

A-6 : Décision de l’Administrateur en date du 6 mai 2014 et lettres;

A-7 : Décision de l’Administrateur en date du 8 décembre 2014 et lettres;

A-8 : Courriel du Bénéficiaire en date du 10 février 2015;

A-9 : Courriel du Bénéficiaire en date du 9 mars 2015;

A-10 : Demande d’arbitrage en date du 3 février 2015;

A-11 : Décision de l’Administrateur en date du 13 juillet 2015;

A-12 : Guide de performance.

 

Le Bénéficiaire a produit les pièces suivantes :

B-1 : Rapport de Francis Ouellette du 30 avril 2015;

B-2 : Photos en liasse;

B-3A : Évaluation du 4 juin 2014;

B-3B : Lettre du 4 juin 2014;

B-4 : Lettre du 9 juin 2014;

B-5 : Lettre du Bénéficiaire du 11 juin 2014;

B-6 : Chronologie des évènements;

B-7 : Courriel de Michel Hamel du 18 septembre 2014;

B-8 : Courriel de Christian Bernard du 3 juin 2015;

B-9 : Photo Bosse;

B-10 : Facture de Francis Ouellette.

 

 

 

 

 


 

MANDAT ET JURIDICTION

 

[1]       Le Tribunal d’arbitrage est initialement saisi du dossier suite à une demande d’arbitrage par le Bénéficiaire, reçue par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial le 31 décembre 2014 et par la nomination de l’arbitre soussigné en date du 3 février 2015. 

[2]       Aucune objection quant à la compétence du Tribunal d’arbitrage n’a été soulevée par les parties et la juridiction du Tribunal est alors confirmée.

 

LE DROIT

 

[3]       Le Bénéficiaire a produit une demande d’arbitrage en vertu de l’Article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après nommé le Règlement)

Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.

 

[4]       La Cour d’appel du Québec, dans l’affaire La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause[1] a jugé que ce Règlement était d’ordre public 

[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux

personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.

[12] L’appelante est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec (la Régie) à agir comme administrateur d’un plan de garantie approuvé. Elle s’oblige, dès lors, à cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui adhèrent à son plan de garantie.

[13] Toutefois, cette obligation de caution n’est ni illimitée ni inconditionnelle. Elle

variera selon les circonstances factuelles […]

 


[5]       La Cour supérieure affirme dans Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis[2]

[75] Il est acquis au débat que l'arbitre doit trancher le litige suivant les règles de droit et qu'il doit tenir compte de la preuve déposée devant lui.  Il doit interpréter les dispositions du Règlement et les appliquer au cas qui lui est soumis. Il peut cependant faire appel aux règles de l'équité lorsque les circonstances le justifient. Cela signifie qu'il peut suppléer au silence du règlement ou l'interpréter de manière plus favorable à une partie.

 

LES FAITS

 

[6]       L’audience a été précédée d’une visite des lieux.

[7]       Lors de l’audience les parties ont qualifié le premier niveau autant de premier étage que de rez-de-chaussée, qui qualifient dans la présente décision le même étage. Il y a un deuxième étage, aussi qualifié de « à l’étage ».

[8]       Le Bénéficiaire est une coopérative de solidarité.

[9]       Le 22 février 2013, il reçoit le bâtiment. La représentante souligne que le 1er mars, les planchers étaient impeccables et lisses, même qu’« ils » étaient fiers à la réception de leurs beaux planchers lisses.

[10]    Il est admis par l’Entrepreneur et le Bénéficiaire que les plan et devis prévoient la pose de tuiles commerciales partout (la marque Armstrong fut celle posée), et non, des tuiles résidentielles.

[11]    L’Entrepreneur admet que lors de la construction, il y a eu une ventilation mécanique pour contrôler le haut taux d’humidité, mais qui, d’après lui, n’a affecté seulement que le premier étage (ou rez-de-chaussée).

[12]    Il ajoute que quand le bâtiment a été monté, il a mis du chauffage dans le vide sanitaire et de la ventilation pour réduire le taux d’humidité.

[13]    Le 28 mai 2013, le Bénéficiaire constate avec l’Entrepreneur que des bosses apparaissent aux planchers et ce dernier convient que des tuiles soient remplacées.

[14]    Il y eut des correctifs mais insuffisants pour le Bénéficiaire.

[15]    Le 24 septembre 2013, l’architecte du projet envoie une dénonciation à l’Entrepreneur (pièce A-3), le Bénéficiaire témoigne à l’audience que par cette lettre, il demandait de corriger définitivement le problème :

Suite à la visite que nous avons effectuée mardi le 17 septembre dernier à l’Habit’Âges de Nouvelle, nous avons constaté que les défectuosités concernant les revêtements de plancher du rez-de-chaussée et de l’étage n’étaient pas résolues. Cette problématique était déjà inscrite à la liste des déficiences en architecture datée du 28 mai 2013 à l’article 2.2 et malgré quelques correctifs ponctuels effectués depuis, l’état des planchers en tuile de PVC n’est toujours pas recevable.

Durant cette visite, nous avons remarqué que des bosses sont apparentes en surface des tuiles et ce autant dans les logements que dans les corridors et espaces publics. Ces bosses seraient dues au fait que le pontage du plancher en contreplaqué ait été fixé par des clous plutôt que des vis comme demandé aux documents contractuels [Note du soussigné : le Bénéficiaire a par la suite allégué une autre cause]. Bien que les revêtements du couloir du rez-de-chaussée aient été refaits, de nouvelles bosses sont apparues.

Nous avons également remarqué à plusieurs endroits des affaissements dans les tuiles sous certains meubles dans les logements et les corridors. Ce sont des meubles de nature courante qui ne présentent pas de poids excessif ou qui seraient de nature à endommager prématurément les revêtements de plancher en tuile de PVC.

[16]    Entre septembre 2013 et février 2014, l’Entrepreneur a reposé de la tuile de PVC seulement au rez-de-chaussée, toutefois, le Bénéficiaire allègue que le problème est revenu.

[17]    Le Bénéficiaire dénonce la situation des planchers à l’Administrateur le 20 février 2014 (ou datée de cette date) (pièce A-4).

[18]    L’Inspecteur-conciliateur témoigne à l’audience avoir « compris » lors de sa première inspection « qu’il y avait eu de l’eau sur les revêtements à la surface du plancher du rez de chaussée ».

[19]    Par décision du 6 mai 2014, l’Administrateur accueille la dénonciation du Bénéficiaire en reconnaissant être en présence de malfaçon (pièce A-6) :

1. Recouvrement de plancher en tuiles de PVC

Les faits Lors de l’inspection, nous avons constaté qu’il y avait des bosses apparentes à la surface du plancher de PVC, et ce, sur toute la surface des planchers autant au rez-de-chaussée qu’à l’étage. Les bosses ressortent exactement à l’endroit des clous. Nous avons également constaté que plusieurs tuiles se séparaient les unes des autres, et ce particulièrement à l’endroit des joints de contreplaqué formant le plancher. De plus, le poids des meubles marque la surface des tuiles à plusieurs endroits autant dans les unités d’habitation que les espaces communs. L’entrepreneur a tenté de corriger la situation sur une partie du corridor commun au rez-de-chaussée, mais la situation est réapparue peu de temps après les corrections.

L’entrepreneur prétend que la seule façon de corriger la situation une fois pour toutes est de poser un sous-plancher (couche de pose) sur le contreplaqué composant la structure du plancher. L’entrepreneur est prêt à faire ces correctifs à la condition d’être rémunéré pour le faire. L’entrepreneur nous a mentionné avoir exécuté les travaux selon les devis de l’architecte et de l’ingénieur au projet. Au devis de structure à la section 3.3, il est indiqué que le contreplaqué doit être collé et cloué. L’entrepreneur nous a remis « une section de devis » page 3 de 4, section 09660 point 4 où il est indiqué, « Chasser les clous dans le contreplaqué servant de sous-plancher aux carreaux. »

[…] Analyse et Décision […] De l’avis de l’administrateur, les situations observées lors de l’inspection rencontrent tous les critères de la malfaçon. De plus, il appert que ces malfaçons étaient non apparentes au moment de la réception pour un acheteur raisonnablement diligent. Par conséquent, l’administrateur doit accueillir la demande de réclamation […] Ordonne à l’entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs […] dans un délai de quarante-cinq (45) jours […]

[20]    À l’audience, l’Inspecteur-conciliateur de l’Administrateur ajoute avoir constaté que plusieurs tuiles se séparaient, que le poids de meubles avait écrasé des tuiles, que l’Entrepreneur lui avait dit qu’il allait poser un contreplaqué dans certaines parties et réparer les tuiles dans certaines autres parties.

[21]    Le 4 juin 2014 (pièce B-3A), l’Entrepreneur soumet à tous (incluant l’ingénieur et l’architecte du projet) une soumission pour « Option planchette de vinyle Tarkett Clip, principalement pour la pose d’un nouveau plancher installé directement sur les tuiles existantes, et planchette de vinyle Tarkett Clip », le tout pour 68,827.50$ sans les taxes.

[22]    Le 9 juin 2014 (pièce B-4), l’Entrepreneur ajoute :

Puisque nous sommes d’avis que nous, Les Constructions Scandinaves inc., Pierres Bourdages Architecte inc. et Kwatroe consultant inc. sommes conjointement responsable, pour différentes raisons, du résultat obtenu quant au fini des planchers, nous considérons que les frais occasionnés par les travaux correctifs requis afin d’obtenir un plancher correspondant aux exigences du client doivent être répartis à parts égales entre les trois parties, soit chacun 17 552.17$ plus taxes. Considérant que le nouveau recouvrement de plancher proposé sera de qualité supérieure à celui existant, nous considérons que le propriétaire doit payer la valeur ajoutée du produit dont il bénéficiera. Le plancher existant, tuiles Amstrong, est à 0,89$/pied carré. Le plancher proposé, Tarkett Clip, est à 2,50$/pied carré. Ces prix sont pour le matériel seulement, sans pose, livraison et accessoire. Nous estimons la superficie de plancher à faire à 10 100 pieds carrés. La différence de prix étant de 1,61$ entre les deux produits, nous estimons une plus value de 16 261.00$ plus taxes.

[23]    Le Bénéficiaire affirme à l’audience que l’architecte et l’ingénieur ont décliné toute responsabilité et paiement. Il envoie une lettre datée du 11 juin 2014 (pièce B-5):

[…] et attendu que l’Habit’âges a reçu un rapport favorable de la garantie Abritat, il a été voté à l’unanimité de rejeter votre proposition de demande de partage financier des coûts de réfection des planchers.

[24]    Le Bénéficiaire ajoute à l’audience être un organisme sans but lucratif et ne pas avoir les moyens de payer les 16,261$ demandés.

[25]    L’Entrepreneur pose en septembre 2014 par-dessus les planchers d’origine :

[25.1]    Au premier étage, un nouveau contreplaqué dans le corridor et dans la cuisine par-dessus lequel il a posé des tuiles commerciales et non résidentielles, et mis du Tarkett Clip dans toutes les unités de logement (rien dans la salle mécanique).

[25.2]    Au deuxième étage, du Tarkett Clip dans trois unités 7, 8 et 9, et un contreplaqué (sous-plancher) dans le corridor seulement (aucun sous-plancher dans la cuisine (salle communautaire), et dans les unités de logement 10, 11, 12).

[26]    Notons en passant que la preuve à l’audience n’est pas claire quant à la raison pour laquelle du Tarkett Clip a été posé dans les unités 7, 8 et 9 au deuxième, et pourquoi ces unités et pas les autres (unités 10, 11 et 12) puisque cette preuve n’est pas la « meilleure preuve » à cet effet:

[26.1]    l’Entrepreneur témoigne que cela a été fait « sur l’insistance des gens sur place » sauf qu’il n’était pas lui-même présent lors de cette pose effectuée par un sous-traitant - le Tribunal n’a donc que ce que l’Entrepreneur a reçu comme représentations des installateurs (un sous-traitant), sans preuve de ce qui s’est passé vraiment;

[26.2]    la représentante du Bénéficiaire témoigne quant à elle que si on l’avait consulté, elle aurait priorisé d’autres unités que les 7 et/ou 8 et/ou 9 et nie avoir insisté - il est difficile de conclure sur ce qui s’est vraiment passé puisque personne n’a donné le nom des gens qui ont ou auraient « insisté » lors de la pose et la représentante à l’audience dit qu’elle aurait demandé de donner priorité à une autre unité si on l’avait consulté.

[27]    Le Bénéficiaire affirme que pour les unités 10, 11 et 12, et la cuisine/salle commune au deuxième étage, l’Entrepreneur a tout simplement remplacé certaines tuiles, sans régler le problème de base, qui est toujours visible.

[28]    Le 18 septembre 2014 (pièce B-7), l’Inspecteur-conciliateur répond ainsi au Bénéficiaire :

L’entrepreneur demeure responsable de ses travaux correctifs. La méthode corrective est de sa responsabilité. La garantie sera reconduite pour une période d’un an à compter de la fin des travaux de l’entrepreneur. 

[29]    Le Bénéficiaire dénonça qu’elle n’était pas satisfaite des travaux correctifs.

[30]    Le 8 décembre 2014 (pièce A-7), l’Administrateur a rendu une décision supplémentaire, ordonnant quelques nouvelles corrections :

a) Espacement de plus de 2mm entre les nouvelles tuiles […] particulièrement aux endroits suivants : le long du mur extérieur dans la cuisine, entre deux couleurs de tuiles dans la cuisine, sur le bord des corridors donnant accès aux unités […] b) Soulèvement d’une tuile au rez-de-chaussée; c) bosse sous une tuile au corridor de l’étage Nous avons constaté qu’une tuile est surélevée par rapport aux autres sur le plancher du corridor de l’étage; d) têtes de vis apparentes au corridor de l’étage - nous avons constaté qu’une ou deux têtes de vis ressortent à la surface du plancher e) Absence de moulure sous quelques portes d’entrées aux unités

et rejette

f) - tuiles non remplacées à quelques unités (trois logements à l’étage, cuisine à l’étage et salle mécanique au rez-de-chaussée) (sauf que les tuiles remplacées devront être cirées),

g) l’espacement entre les nouvelles tuiles de 1 mm (sous réserves de contacter l’Administrateur en cas d’aggravation) et

h) vagues sur la surface du plancher des corridors.

[31]    Le 3 juin 2015 (pièce A-8), l’Entrepreneur écrit (coquilles corrigées):

[…] Dans les aires communes dont les corridors et la salle à manger, nous avons convenu d'installer un sous plancher supplémentaire, c'est à dire, un contreplaqué 10mm vissé et collé qui chevauche les joints du contreplaqué 19mm structural.

Aux endroits où nous avons installé un sous plancher supplémentaire, nous avons installé une nouvelle tuile de vinyle comme celle d'origine demandée au plan.

Vous dites avoir encore des problèmes à ces endroits, est-ce que le problème vient du fait que vous n'aimez pas les tuiles d'origines et qu’elles demandent beaucoup d'entretien? 

Nous vous avons offert d'installer un produit Tarkett Clip partout en effet car, vous semblez l'apprécier d'avantage d'autant plus qu'il nécessite moins d'entretien. Nous vous avions demande de payer une partie des coûts pour procéder ainsi car le Tarkett clip est plus dispendieux que la tuile de vinyle. Vous avez refusé cette option, le 11 juin 2014.

Vous vous êtes achetés le revêtement de plancher le plus bas de gamme sur le marché […]  Il est permis de le faire ainsi mais, les recommandations du fabricant des tuiles de vinyle recommande l'utilisation d'un sous plancher supplémentaire pour ne pas apercevoir de tête de clous et joint de contreplaqué.

Nous avons dû payer pour installer un sous plancher supplémentaire aux aires communes et installer un revêtement 3.5 fois plus dispendieux que celui prévu au plan dans 9 appartements.

Pour conclure, nous pouvons vous installer un revêtement Tarkett clip par-dessus les nouvelles tuiles de vinyle dans les aires communes si c'est ce que vous souhaitez mais, il y aura des frais supplémentaires. Est-ce que vous désirez une soumission?

[32]    Par la suite, l’Administrateur maintient par décision du 13 juillet 2015 (pièce A-11) ce qu’il avait décidé le 8 décembre 2014 quant au différend soumis à l’arbitrage.

 

DIFFÉREND SOUMIS À L’ARBITRAGE

[33]    Le Bénéficiaire a mentionné et confirme à l’audience que le différend à trancher par le Tribunal d’arbitrage est :

[33.1]    que le 6 mai 2014, l’Administrateur avait rendu une décision qui lui était favorable (pièce A-6) et qu’elle demandait l’arbitrage de sa décision du 8 décembre 2014 (pièce A-7) portant sur les travaux correctifs ordonnés par la décision du 6 mai, considérant, entre autres, qu’il restait encore à faire des travaux correctifs à compléter

[33.1.1]        dans les parties communes (salle mécanique, corridors incluant aussi la question des vagues dénoncées à l’alinéa h), salle à manger (salle communautaire au 2e)  et cuisine au premier

[33.1.2]        ainsi que dans 3 des 12 unités (#10, #11 et #12), étant satisfait des travaux correctifs effectués aux neuf autres unités,

[33.2]    et de plus, l’Administrateur a rendu une nouvelle décision le 13 juillet 2015 dans laquelle il maintient sa décision du 6 mai 2014 : les parties conviennent de donner compétence à l’arbitre quant à cette dernière décision du 13 juillet 2015 maintenant la décision du 6 mai 2014.

[34]    Dans sa demande d’arbitrage (pièce A-8), le Bénéficiaire écrit :

Les réparations effectuées par l’entrepreneur, suite à la décision de l’administrateur rendue le 6 mai 2014, n’ont pas réglé les problèmes sauf dans neufs logements où il y a eu pose d’un nouveau couvre-plancher flottant. Dans les trois autres logements nous constatons toujours des espacements entre les tuiles, des creux, des bosses, des têtes de clou apparentes et poinçonnement des tuiles [….] Le problème est généralisé. […]. En conclusion, nous souhaitons une réparation uniforme, complète et permanente que nous sommes en droit de recevoir en vertu de l’obligation de résultat de l’entrepreneur.

[35]    L’Inspecteur-conciliateur affirme être retourné sur les lieux pour rendre sa décision du 13 juillet 2015 après que le Bénéficiaire lui a dit que la situation était pire qu’avant alors que l’Inspecteur affirme avoir constaté que la situation était la même.

[36]    Dans sa décision du 13 juillet 2015 (pièce A-11), l’Administrateur écrit :

Les faits

a) Espacement de plus de 2mm entre les nouvelles tuiles

b) Soulèvement d’une tuile au rez-de-chaussée

c) Bosse sous une tuile au corridor de l’étage

d) Tête de vis apparente au corridor de l’étage

e) Absence de moulure sous quelques portes d’entrées aux unités

La représentante de la coopérative refuse que l’entrepreneur exécute les travaux exigés par l’administrateur en ce qui a trait aux éléments a), b), c) d) et e), points qui ont été soumis au processus d’arbitrage par la représentante qui exige le remplacement compte des couvre-planchers.

f) Tuiles non remplacées à quelques unités

h) Espacements entre les nouvelles tuiles

i) Vagues sur la surface du plancher des corridors.

Malgré les prétentions de la représentante, nous sommes d’avis que les situations énumérées aux items f), h) et i) sont les mêmes que lors de notre inspection supplémentaire du 21 novembre 2014. Cette dernière dénonce une fois de plus la présence de quelques bosses et creux qui ressortent de la surface du plancher et de son aspect vagué. Elle a mentionné que pour constater la situation, elle a dû se positionner sous un certain angle et une certaine luminosité. Or, la lumière réfléchie, surtout en provenance de grandes fenêtres, accentue les inégalités à la surface d’un plancher et n’est pas ce qu’on appelle un éclairage normal. À cet égard, le Guide de performance de l’APCHQ mentionne, relativement à la pose d’un revêtement de sol, que les situations suivantes sont jugées acceptables, à savoir :

-       L’écart d’espacement des motifs de revêtement de plancher souple ne devrait pas excéder 2mm de largeur;

-       La surface du plancher fini doit être exempte de protubérances apparentes excédant 1/16 po (2 mm) dues à des bosses, à des fixations ou à de l’air emprisonné lorsqu’observée d’un point de vue normal.

Lors de l’inspection, la représentante a dénoncé un nouveau point, à savoir un espacement entre les tuiles de chaque côté de la porte de l’ascenseur.

En lien avec cette nouvelle dénonciation, nous avons constaté la présence d’un espacement d’environ 2mm entre les tuiles de plancher du rez-de-chaussée de chaque côté de la porte d’ascenseur sur le sens de la largeur du corridor, situation normale que nous attribuons au retrait des matériaux.

Il fut également dénoncé l’écaillage de la surface du plancher. En lien avec cette situation, nous avons constaté que moins de dix tuiles s’écaillaient en surface ou étaient décollées sur les coins. À notre avis, il s’agit de l’usure normale des matériaux, situation qui n’est pas couverte.

 

Position du Bénéficiaire

 

[37]    La représentante du Bénéficiaire affirme à l’audience que le problème est réglé pour les unités de logement 1 à 9 mais qu’il est toujours là pour les unités de 10 à 12.

 

[38]    Quant aux corridors, elle allègue que les clous commencent à percer. Elle conteste la décision de l’Administrateur (du 8 décembre) à l’effet que les corridors vaguent très peu, en fait, elle affirme qu’ils vaguent beaucoup. Elle conteste aussi que le mot « bosse » soit au singulier, ou que l’on parle seulement de « deux » têtes de vis qui soient visibles.

 

[39]    Elle affirme qu’une autre tuile s’est décollée dans la cuisine, montrée le matin même de la visite des lieux et réfère aux nombreuses photos produites en B-2; elles montrent la présence de bosses qui finissent par craquer quand les gens marchent dessus.

 

[40]    L’expert en bâtiment Francis Ouellet, reconnu comme tel par le Tribunal d’arbitrage dans ce dossier, produit son rapport du 30 avril 2015 (pièce B-1) :

[…] Les déficiences observées en surface sont dans un premier temps, des bosses sur les tuiles de vinyle (# 1) causé par le retrait des vis à plancher et l’espace entre les tuiles de vinyle (# 2). […]

Les déficiences observées à partir du vide sanitaire sont le nez des vis à plancher qui démontre des signes de corrosion rendant facile la déduction d’une trop grande humidité dans le bois (# 4)   […]

6.1 RECOMMANDATIONS.  Selon les déficiences observées et selon les deux rapports précédents, j’en viens à la même conclusion à savoir qu’un problème d’humidité excessive dans les panneaux de contreplaqué soit à l’origine de ces malfaçons et qui, lorsque ceux-ci ont séchés auraient rétrécies au point d’être la cause des déficiences ci haut démontré. Je recommande de trouver une méthode afin de régler le problème, de faire disparaitre ces bosses et joints déficients afin de reflété un résultat digne des règles de l’art.

[41]     A l’audience, il affirme que 

(1) vu que les têtes de clou sont rouillées dans le vide sanitaire

(2) vu les agissements des espacements de céramique et

(3) vu qu’on voit les têtes de clou quand le contreplaqué rétrécit,

tous ces éléments amènent à conclure qu’il y eu une « teneur excessive d’humidité » quand les revêtements intermédiaires de contreplaqué et revêtements de plancher ont été installés.

[42]    Il n’a pas pris la mesure des taux d’humidité lors de sa visite d’avril 2015, jugeant cela inutile, puisque le bois a déjà rétrécit, alors qu’on aurait dû prendre ces taux lors de l’installation.

[43]    Il ajoute avoir pris les photos des têtes de clou rouillées dans le vide sanitaire sous la salle mécanique, où il y a une trappe. Il n’est pas allé voir ailleurs, car ce n’était pas accessible et il n’a pas fait d’« inspection destructrice ». 

[44]    Quant à la qualité des tuiles, il dit que c’est standard, c’est qu‘on voit le plus souvent dans les contrats commerciaux. Il ajoute qu’en cas de doute sur la qualité des matériaux, c’est à l’Entrepreneur de vérifier.

[45]    Le Bénéficiaire plaide que quand il a reçu ses planchers, c’était lisse et il en était fier. C’est tranquillement qu’on a vu apparaître des clous, du poinçonnement.

[46]    Il plaide que l’Administrateur a reconnu qu’il s’agissait de la malfaçon.

[47]    Leur expert en bâtiment a démontré la présence d’humidité excessive lors de l’installation initiale et si des clous ont rouillé, l’humidité a aussi endommagé les planchers.

[48]    Il plaide que l’Entrepreneur a admis la présence d’une humidité excessive (note du soussigné : il n’admet que des dommages causés seulement au première étage et non au deuxième).

[49]    La représentante quant à elle, si elle n’est pas experte en bâtiment, elle peut voir les dommages, qui ont une cause, la malfaçon des planchers de l’Entrepreneur reconnue par l’Administrateur.

[50]    Elle se retrouve à avoir payé pour des planchers non satisfaisants qui ont eu un problème d’humidité non satisfaisant.

[51]    Elle affirme qu’avec des planchers avec des bosses elle ne pourra jamais relouer les logements, que cela va lui nuire.

[52]    Elle considère que le Bénéficiaire n’a pas à payer pour une soi-disant plus-value si un problème est survenu à l’immeuble en un an.

[53]    Même si l’Administrateur a jugé que l’Entrepreneur était responsable, elle n’a pas vu de réfection complète des planchers; le Bénéficiaire a un sentiment de frustration relié au fait qu’on a réparé les planchers à 60% et non à 100%, alors qu’il a tout payé les coûts de construction prévus au contrat.

[54]    Aux unités 10, 11 et 12, on peut voir toutes les imperfections, il n’y a eu aucune nouvelle sous-couche.

[55]    Quand l’Entrepreneur a posé quelques nouvelles tuiles, il a rentré les clous et les bosses.

[56]    Elle nie avoir fait des pressions sur les ouvriers de l’Entrepreneur pour qu’ils aillent poser ces planchers aux unités au 2e étage.

[57]    Le Bénéficiaire demande que les planchers soient réparés entièrement, pas seulement les unités de 1 à 9, alors que l’Administrateur a reconnu la malfaçon autant aux premier qu’au second étage, pour son immeuble qu’il a totalement payé. Il demande des planchers de bonne qualité sans déficience, sans vague, sans bosse, puisque à part les planchers des unités 1 à 9 pour lesquels le problème est complètement réglé, le Bénéficiaire se retrouve avec des planchers déficients, qui ont grossi et rétréci à cause de l’humidité et ces planchers sont toujours déficients : « je demande qu’on me refasse des planchers adéquats. ».

[58]    Il réclame le remboursement des frais d’expert de 1,500$ plus les taxes (75.00$ + 149.63$, total 1,724.63$, pièce B-10), somme forfaitaire d’après Francis Ouellette couvrant les frais d’inspection, de rapport et de témoignage à la Cour.

Position de l’Entrepreneur

[59]    L’Entrepreneur admet qu’il y eu un problème d’humidité lors du montage du bâtiment, mais pas à la grandeur comme l’affirme le Bénéficiaire. Ce problème d’humidité n’a eu lieu qu’au niveau du vide technique et n’a affecté que le premier étage.

[60]    Donc seulement le rez-de-chaussée a pu être endommagé par le taux d’humidité excessif, et il a fait les travaux correctifs à cet effet.

[61]    Il nie qu’il y ait eu un problème d’humidité au deuxième étage car il n’a jamais été en contact avec l’humidité.

[62]    Son intention était de refaire le plancher du rez-de-chaussée seulement, puisque seulement ce plancher était fissuré (causé par le rétrécissement suite à l’humidité du début) et que la seule façon de le réparer était de le reprendre au complet.

[63]    Il a posé du Tarkett Clip pour les unités de logement du premier étage, et quant au corridor, la solution qu’on lui a recommandée était d’ajouter un contreplaqué qui élimine les effets des bosses et poincement mais le litige s’est accentué quand le propriétaire a demandé du Tarkett Clip partout.

[64]    Il affirme qu’il voulait réparer avec des ajouts de nouveau contreplaqué et, dans les unités du premier étage seulement, de poser du Tarkett clip.

[65]    Il n’avait pas l’intention d’ajouter un nouveau contreplaqué au deuxième étage, mais il a ajouté du Tarkett clip au 2e étage aux unités 8 et 9 seulement (et au 7?).

[66]    Il a posé un nouveau contreplaqué dans les corridors des deux étages.

[67]    Si on allègue des imperfections au résultat présent, cela ne peut pas être causé par l’humidité car les planchers des deux corridors ne sont pas les planchers d’origine. Il ne croit pas que « d’autres clous vont ressortir », l’état du bois est correct depuis longtemps.

[68]    Il insiste sur le fait qu’il a refait l’installation des planchers de corridor, que cette installation est correcte, conforme aux recommandations du fabricant. Même si le fabricant permet la pose sans sous-couche ou sans contre-plaqué, c’est posé sur un contreplaqué. Ce que demande le Bénéficiaire n’est pas prévu au plan et devis et il y a une plus-value.

[69]    Il a fait un nouveau test d’humidité, qui est conforme. Puis il a recouvert les tuiles sur le nouveau contreplaqué. Ce revêtement a été choisi par le propriétaire et « on sait que c’est le plus bas de gamme c’est des programmes pour des prix modiques » (le Bénéficiaire nie que l’immeuble contient des « logements à prix modiques », affirmant que les loyers sont chers).

[70]    Il nie la prétention du Bénéficiaire à l’effet que le plancher ait pu bouger, il n’a pas bougé.

[71]    Quant à la salle mécanique au premier étage, il affirme qu’il faut une lampe torche pour voir des défauts, il n’y a aucune tuile de percée. Il ajoute que les seules tuiles percées l’ont été volontairement avec un couteau pour voir si on était en présence d’une vis ou d’un clou

[72]    Il met le Tribunal en garde qu’on lui a montré lors de la visite des lieux des déficiences qui avaient déjà été accueillies par l’Administrateur et qu’il avait l’intention de réparer. Il est d’accord qu’il reste des tuiles à changer.

[73]    Il ajoute qu’à certains endroits il a ajouté une sous couche/contreplaqué, c’était « super bien vissé », mais ces travaux n’ont pas été acceptés non plus, il souligne que « le défaut de résultat est une question de produit », on ne peut pas avoir à lui demander de changer le produit acheté, et à l’exception des travaux qu’il reste à faire, il considère que c’est acceptable, « on ne peut pas obtenir de meilleur résultat ».

[74]    Il affirme, et cela est admis par le Bénéficiaire, que le devis prévoyait de la tuile commerciale partout et non de la tuile résidentielle, que s’il y a plus de bris, c’est plus facile à changer que la tuile résidentielle.

[75]    Il affirme en plaidoirie avoir mis 65,000$ dans ce litige (note du soussigné : aucune preuve précise n’en a été faite).

[76]    Pour lui, le seul travail mal fait est peut-être le choix des matériaux par l’architecte, lui il ne peut rien y faire, le produit a été installé convenablement.

[77]    En conclusion, l’humidité n’a affecté que le rez-de-chaussée seulement.

Position de l’Administrateur

[78]    L’Inspecteur-conciliateur de l’Administrateur témoigne à l’effet que pour les vagues alléguées dans les corridors, cela dépend de l’angle avec lequel on regarde le corridor, l’angle peut accentuer les inégalités, et plus un corridor est long, plus il y apparaît des petits choses mineures - la déflexion actuelle est acceptable.

[79]    Il cite le Guide de Performance de l’APCHQ (p. 11-9, « Finitions de plancher, Revêtements de sol souples (en rouleau ou en tuiles de vinyle) », pièce A-12) :

La surface du plancher fini doit être exempte de protubérances apparentes excédant 1/16 po (2mm) due à des bosses, à des fixations ou à de l’air emprisonné lorsqu’observée d’un point de vue normal. […] La lumière réfléchie, surtout en provenance de très grandes fenêtres, accentue les inégalités à la surface d’un plancher.

[80]    Quant aux écaillements de surface, il s’agit d’une « usure normale qui est causée par les occupants, il n’y a rien qui m’amène à une autre conclusion que celle-là », peut-être une canne, ou une marchette, « je ne vois rien de technique qui cause l’écaillement ».

[81]    L’Administrateur plaide que si une première décision a été rendue en faveur du Bénéficiaire, l’Entrepreneur a fait les travaux correctifs qui furent exécutés selon la règle de l’art, tel que le démontre le Guide de performance produit à l’audience (pièce A-12).

[82]    Il plaide que la jurisprudence a conclu que quand on doit se pencher ou se mettre à genoux ou avec une lampe de poche pour constater des imperfections, il faut conclure qu’elles ne sont pas apparentes.

[83]    Il n’est pas convaincu de la présence d’humidité excessive après septembre 2014 sinon il y aurait eu des moisissures, or, l’immeuble lui semble sec.

[84]    Il convient que le choix du produit n’était peut-être pas approprié pour ce bâtiment.

[85]    Il souligne que l’Entrepreneur a dit qu’il ne pouvait arriver avec un meilleur résultat, que c’est le mieux qui a été fait. L’Entrepreneur a travaillé selon le budget prévu. Peut-être que si le Bénéficiaire avait voulu une tuile plus épaisse on ne verrait pas au travers.

[86]    Il plaide qu’il n’y a aucune preuve que le produit ait été mal installé et le Bénéficiaire avait le fardeau de prouver la faute. Quant aux clous rouillés mentionnés par l’expert Ouellet, considérant qu’on a ajouté un autre contreplaqué par-dessus, cela n’affecte en rien la solidité du bâtiment (NOTE du soussigné : la preuve indique plutôt qu’aucun contreplaqué n’a été rajouté dans la salle mécanique) - de toutes façons, la salle mécanique n’est un lieu très fréquenté.

 

DÉCISION

[87]    Si les parties admettent que le taux d’humidité excessive est la cause des déficiences trouvées dès la première année au plancher du premier étage, il en est autrement pour les déficiences trouvées au plancher du deuxième étage, car l’Entrepreneur nie que l’humidité ait pu affecter ce dernier plancher.

[88]    Toutefois, les signes d’un assèchement des planchers au deuxième étage à la suite d’une humidité excessive sont non seulement visibles, mais ils ont fait l’objet de travaux correctifs par l’Entrepreneur, soit la pose d’un contreplaqué dans le corridor du deuxième étage, et d’un plancher flottant dans certaines unités de logement du deuxième.

[89]    L’intervention divine n’ayant pas été alléguée, prouvée ou plaidée, ni l’Entrepreneur ni l’Administrateur n’a réussi à contrecarrer la preuve d’une présence d’humidité excessive lors du montage du bâtiment qui a aussi affecté le plancher du deuxième étage, et le Bénéficiaire, qui a rempli le fardeau de preuve qui était le sien, a démontré par sa preuve factuelle et sa preuve d’expert,  qu’il y avait eu présence d’une humidité excessive qui a causé des dommages également au plancher au deuxième étage.

[90]    La Bénéficiaire a acheté à l’origine un plancher qui devait être conforme à l’article 2100 du Code Civil, exempt de malfaçon :

2100.  L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

 

Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.

[91]    Le Tribunal d’arbitrage, ayant vu les lieux, analysé les photos soumises, les documents au dossier et entendus les témoins à l’audience, conclut que la solution tel que décidé par l’Administrateur et accepté par l’Entrepreneur, ou vice versa, n’est pas acceptable.

[92]    Ce que l’Administrateur du Plan de garantie doit cautionner, selon un Règlement qui est d’ordre public, c’est la malfaçon.

[93]    Me Jeffrey Edwards et Me Sylvie Rodrigue écrivent au sujet de la malfaçon:

Comme son nom l’indique, « une malfaçon » est un travail mal fait ou mal exécuté. Or, un travail donné est considéré « bien » ou « mal » fait selon les normes qui lui sont applicables. Deux types de normes sont couramment employés pour établir l’existence d’une malfaçon. Premièrement, ce sont les conditions contractuelles fixées, que celles-ci soient écrites ou verbales, entre les parties. Deuxièmement, en l’absence de conditions précises expressément arrêtées, recours est fait aux « règles de l’art » qui sont suivies par chaque corps de métier ou secteur pertinent. Les règles de l’art sont considérées comme intégrées par renvois dans le contrat. Signalons aussi que le travail non fait, ou incomplet constitue également, de manière implicite, une malfaçon, car il est tout autant contraire aux règles de l’art et non conforme aux stipulations contractuelles.[3]

[94]    Avec respect, le Tribunal d’arbitrage rejette l’argument de l’Entrepreneur à l’effet que le Bénéficiaire se retrouve avec une « plus-value » non incluse au contrat d’origine.

[95]    D’abord, n’était pas inclus au contrat d’origine, des problèmes aux planchers causés par l’humidité excessive.

[96]    L'Entrepreneur se devait de tout mettre en œuvre pour offrir au Bénéficiaire, un plancher sain, exempt de malfaçons.

[97]    Quant à la prétention de l’Entrepreneur que le Bénéficiaire aurait acheté des tuiles de bas de gamme, le soussigné fait sienne l’affirmation de sa collègue Me Johanne Despatis dans l’affaire Cormier et Les Habitations Promax[4]:

[41] Cela dit, que les matériaux utilisés pour les planchers et les comptoirs aient été de qualité inférieure, ce qui n’est pas contredit, ne change rien au fait que ceux-ci devaient être livrés en bon état.

Décision

[98]    Vu la preuve, vu le droit, vu la jurisprudence, le Tribunal d’arbitrage accueille la réclamation du Bénéficiaire et rejette la décision de l’Administrateur quant aux lieux suivants seulement:

[98.1]    Au deuxième étage, vu la preuve qui démontre que l’humidité excessive a aussi affecté le deuxième étage et vu l’état des planchers, et vu l’historique du dossier, considérant qu’il y a lieu de trouver une solution la plus efficace pour corriger la malfaçon,

[98.1.1]        aux unités de logement 10, 11 et 12, le Tribunal d’arbitrage rejetant la solution acceptée par l’Administrateur, puisque qu'il s'agit d'une maison neuve, et que les réparations déjà effectuées et proposées s'apparentent davantage à du rapiéçage qu'aux caractéristiques d'un plancher neuf[5]

[98.1.2]        à salle communautaire/cuisine, pour les mêmes motifs;

[98.2]    Au premier étage ou rez-de-chaussée,

[98.2.1]        à la salle mécanique, pour les motifs et sous réserves de ce qui suit :

98.2.1.1.          avec respect, le Tribunal d’arbitrage ne peut retenir l’argument qu’il n’y a pas lieu d’intervenir parce que la salle ne sert que pour le rangement puisque le Règlement couvre la malfaçon et ce plancher de la salle mécanique fit l’objet tout autant de malfaçon;

98.2.1.2.          le Tribunal d’arbitrage accueillera la réclamation du Bénéficiaire, sous réserves qu’il ne sera pas ordonné à l’Entrepreneur de procéder à la pose d’un sous-plancher juste sous la « fournaise », lui laissant le choix à cet effet, considérant que cela est plus conforme au principe d’équité prévu à l’article 116 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et fonde cette partie de sa décision sur cet article[6];

[98.2.2]        Quant au reste du premier étage, le Tribunal d’arbitrage n’accueille la réclamation que partiellement dans la cuisine pour les tuiles suivantes vues pendant la visite des lieux :

 

98.2.2.1.          pour la tuile qui s’est décollée devant la plinthe et pour laquelle l’Administrateur allègue que c’est normal à cause du chauffage (ou de l’entretien?). Le Tribunal d’arbitrage conclut quant à lui que le décollement est une malfaçon dans l’installation « parce que la rainure de colle étant trop mince […] Pour la corriger, il faut injecter une colle sous la partie décollée [7]»

98.2.2.2.          pour la tuile près d’un îlot qui présente un ballonnement - puisque cette tuile a été posée après la pose d’un sous-plancher, la seule conclusion, vu la preuve, est qu’il y a eu une malfaçon dans la façon de l’installer.

[99]    Vu la preuve, vu le droit, vu la jurisprudence, le Tribunal d’arbitrage rejette les autres objets de réclamation du Bénéficiaire et maintient la décision de l’Administrateur, et quant aux réclamations suivantes :

Écaillement aux deux étages 

[99.1]    le Bénéficiaire étant en demande, c’est à lui qu’appartient le fardeau de prouver que l’entrepreneur est responsable;

[99.2]    l’article 2803 du Code Civil stipule:

Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

 

[99.3]    vu l’absence totale de preuve contraire, le Tribunal d’arbitrage ne peut que maintenir les conclusions de l’Administrateur : les marques d’écaillage sur le plancher sont dues à l'utilisation par les occupants et leur invités dans les lieux. La réclamation du Bénéficiaire est rejetée sur ce point.

Les corridors aux deux étages

[99.4]    Le Tribunal d’arbitrage rappelle que l’Administrateur a accueilli certains points quant à la réclamation du Bénéficiaire, décision non modifiée ici.

[99.5]    Le Bénéficiaire a montré, sans les mesurer, la présence de vagues, jugée conforme à la règle de l’art par l’Administrateur.

[99.6]    La preuve prépondérante a démontré que le « vaguement » ou déflexion alléguée, se situe effectivement à l’intérieur de ce qui est généralement acceptable.

[99.7]    Les « attentes du Bénéficiaire sont plus élevées que ce que prévoit le Code National du bâtiment, les règles de l’art, l’usage commun du marché[8] ».

[100] Le Tribunal d’arbitrage rappelle encore une fois que la présente décision n’affecte en rien les autres décisions de l’Administrateur favorables au Bénéficiaire et pour lesquelles il n’y a eu aucune demande d’arbitrage. 

FRAIS

[101] Les articles 123 et 124 du Règlement stipulent : 

123.  Les coûts de l'arbitrage […] Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.

124.  L'arbitre doit statuer, s'il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.[…]

[102] Le Bénéficiaire ayant eu partiellement gain de cause, l’Administrateur sera condamné aux frais d’arbitrage en vertu de l’article 123.

[103] Le Bénéficiaire a réclamé le remboursement des frais d’expertise de $1,500 plus les taxes, et sa réclamation est accueillie, ils sont jugés par le Tribunal d’arbitrage raisonnables et pertinents au sens de l’article 124.

[104] Avant de conclure, le Tribunal d’arbitrage soussigné remercie les parties pour leur collaboration dans ce dossier.

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE

[105] ACCEUILLE en partie, la réclamation du Bénéficiaire.

[106] ORDONNE à l’Entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs incluant la pose d’un sous-plancher approprié afin de mettre fin de façon permanente aux problèmes affectant actuellement les planchers à la grandeur des endroits suivants dans un délai de quarante-cinq (45) jours de la date des présentes, en conformité avec les règles de l’art, en rappelant à l’Entrepreneur son obligation de résultat en vertu de l’article 2100 du Code Civil, et À défaut par l’Entrepreneur d’effectuer lesdits travaux correctifs dans le même délai, ORDONNE à l’Administrateur, d’effectuer lesdits travaux dans le même délai :


 

[106.1] Au deuxième étage,

[106.1.1]     Les unités de logement 10, 11 et 12,

[106.1.2]     La salle communautaire/cuisine;

[106.2] Au premier étage la salle mécanique, sous réserves qu’il n’est pas ordonné à l’Entrepreneur de procéder à la pose d’un sous-plancher sous la « fournaise » déjà installée (voir paragraphe [98.2.1.2.])

[107] ORDONNE à l’Entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs suivants dans un délai de quarante-cinq (45) jours de la date des présentes, en conformité avec les règles de l’art, en rappelant à l’Entrepreneur son obligation de résultat en vertu de l’article 2100 du Code Civil, et À défaut par l’Entrepreneur d’effectuer lesdits travaux correctifs dans le même délai, ORDONNE à l’Administrateur, d’effectuer lesdits travaux dans le même délai :

[107.1] réinstallation de la tuile qui s’est décollée devant la plinthe dans la cuisine du premier étage

[107.2] remplacement de la tuile qui présente un « ballonnement » dans la cuisine du premier étage

[108] REJETTE les autres aspects et points de la réclamation du Bénéficiaire et MAINTIENT les décisions de l’Administrateur à cet effet.

[109] ORDONNE à l'Administrateur du Plan de Garantie de payer les frais d'arbitrage encourus dans le présent dossier, sous réserves du paragraphe qui suit;

[110] CONDAMNE l’Administrateur du Plan de Garantie de payer au Bénéficiaire la somme de 1,500$ plus les taxes applicables (total : 1,500$ + 75.00$ + 149.63$ = 1,724.63$) à titre de frais d’experts.

                                                                       Montréal, le 13 octobre 2015

 

__________________________

Me ROLAND-YVES GAGNÉ

ARBITRE/CCAC


 

Jurisprudence et doctrine citée

La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause (AZ-50285725, 15 décembre 2004).  

Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis (2007 QCCS 4701 26 octobre 2007, hon. juge Michèle Monast, j.c.s.).

La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons, « La construction au Québec : perspectives juridiques », Wilson & Lafleur Ltée 1998, Montréal.

Syndicat de la copropriété du 7400, rue Lajeunesse et Montcan Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels de l’APCHQ Inc., CCAC S09-030701-NP, 17 novembre 2009, Me Albert Zoltowski, arbitre.

Polat c. Construction D’Astous ltée et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc SORECONI, 27 juin 2014, Me Lydia Milazzo, arbitre. 

Chantal Cormier et Jonathan Gagnon et Les Habitations Promax et La Garantie des Maîtres Bâtisseurs, GAMM 2008-10-002,19 septembre 2008, Me Johanne Despatis, arbitre.

François Gagnon et Les maisons Zibeline et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ GAMM 2006-19-005, 27 novembre 2006, Claude Dupuis, arbitre.

Les Habitations Signature Inc. et Falco et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, GAMM 2007-09-007, 10 janvier 2008, Me Jeffrey Edwards, arbitre.

Cormier et Simard et Le Parc des Compagnons de Cartier et La Garantie des Immeubles résidentiels de l’APCHQ, CACNIQ 00-0610, 29 octobre 2002, René Blanchet, arbitre.

Céline Dumais et Les Constructions Leduc et Lapointe et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, SORECONI, 030318001, 16 mai 2003, Michel Chartier, arbitre.



[1] AZ-50285725, 15 décembre 2004.

[2] 2007 QCCS 4701, 26 octobre 2007, Michèle Monast, juge.

 

[3] La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons, « La construction au Québec : perspectives juridiques », Wilson & Lafleur Ltée 1998, Montréal, à la page 453; cités, entre autres, par : Syndicat de la copropriété du 7400, rue Lajeunesse et Montcan Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels de l’APCHQ Inc., CCAC S09-030701-NP, 17 novembre 2009, Me Albert Zoltowski, arbitre; Polat c. Construction D’Astous ltée et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc SORECONI, 27 juin 2014, Me Lydia Milazzo, arbitre (cité en partie); 

[4] Chantal Cormier et Jonathan Gagnon et Les Habitations Promax et La Garantie des Maîtres Bâtisseurs, GAMM 2008-10-002,19 septembre 2008, Me Johanne Despatis, arbitre

[5] François Gagnon et Les maisons Zibeline et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ GAMM 2006-19-005, 27 novembre 2006, Claude Dupuis, arbitre.

[6] Les Habitations Signature Inc. et Falco et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, GAMM 2007-09-007, 10 janvier 2008, Me Jeffrey Edwards, arbitre), voir paragraphe [44].

[7] Cormier et Simard et Le Parc des Compagnons de Cartier et La Garantie des Immeubles résidentiels de l’APCHQ, (CACNIQ 00-0610, 29 octobre 2002, René Blanchet, arbitre)

[8] Céline Dumais et Les Constructions Leduc et Lapointe et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, SORECONI, 030318001, 16 mai 2003, Michel Chartier, arbitre, paragraphe 25.