ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE
GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM) |
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Dossier no : |
GAMM : 2007-12-012 |
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APCHQ : 107488-1 (07-188.1 SP) |
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ENTRE : MADAME MARY SPINELLI (ci-après la « bénéficiaire ») ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ (ci-après l’« administrateur ») ET : HABITATIONS CHARLUKANNA INC. (ci-après l’« entrepreneur »)
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DEVANT L’ARBITRE : |
Me Johanne Despatis |
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Pour la bénéficiaire : |
Mme Mary Spinelli |
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Pour l’administrateur : |
Me Stéphane Paquette |
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Pour l’entrepreneur : |
M. Serge Renaud |
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Date de l’audience : |
22 avril et 27 mai 2008 |
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Conférence téléphonique: |
10 juin et 7 juillet 2008 |
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Lieu de l’audience : |
Montréal |
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Date de la sentence : |
30 juillet 2008 |
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SENTENCE ARBITRALE
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Adjudex inc.
0710-8285-GAMM
SA-8042
INTRODUCTION
[1] Madame Mary Spinelli, la bénéficiaire, conteste en vertu de l’article 35 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (décret 841-98), le Plan, l’élément suivant d’une décision rendue le 24 septembre 2007 par la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., l’administrateur :
L’entrepreneur devra se conformer à la décision rendue au point 1 à l’intérieur d’un délai de trente (30) jours suivant la réception de la présente.
1. Plancher de bois franc
En référence au courriel du 12 mars 2007, la bénéficiaire dénonce plusieurs anomalies relative au plancher de bois franc, telles qu’observées depuis la réception du bâtiment.
L’entrepreneur, quant à lui, fait état d’un plancher composé de lattes de bois franc pré vernies en merisier « rustique Goodfellow », déposées sur des lisières de contreplaqué disposées perpendiculairement et fixées à la dalle de béton, en l’occurrence un plancher de type « flottant ».
Il fut confirmé qu’à la fin juillet 2006, l’entrepreneur serait intervenu pour sabler et vernir l’ensemble des planchers. Ces correctifs ont eu pour conséquence de régler la problématique de lattes de bois franc égratignées, tel que dénoncé à l’étape 5.
Malgré cette amélioration acceptée par la bénéficiaire, celle-ci se dit insatisfaite quant à la présence de craquements, d’interstices et d’effet tremplin à certains endroits, situations observées en période de chauffe au cours de l’hiver 2006-2007.
Nous avons pour notre part constaté les anomalies suivantes :
- Craquement excessif et effet tremplin près du sofa au salon;
- Craquement excessif au pied des portes des chambres dans le passage, de même qu’en face de la salle de bain;
- Craquement excessif et effet tremplin de part et d’autre du lit de la chambre arrière gauche;
- Craquement excessif et effet tremplin au pied de la porte-patio de la chambre droite et au centre de cette pièce;
- Lattes fissurées et/ou interstices aléatoires au salon près de l’entrée, à la cuisine près de la table et au coin arrière gauche de la chambre, en raison de lattes de dimension inégale.
Le point 1 qui précède ayant été dénoncé par écrit dans la première année de garantie, l’administrateur doit s’assurer, pour que la garantie s’applique, que les deux (2) critères suivants soient rencontrés :
Le point dénoncé constitue-t-il une malfaçon au sens du contrat de garantie?
En d’autres termes, est-ce que l’entrepreneur a fait défaut de se conformer aux règles de l’art ou à une norme en vigueur applicable au bâtiment?
Si oui, la malfaçon était-elle cachée au moment de la réception?
Selon les constatations effectuées sur place lors de l’inspection, l’administrateur est effectivement d’avis que la situation décrite au point 1 rencontre ces deux (2) critères.
Par conséquent, l’entrepreneur devra effectuer les travaux ci-après mentionnés.
Travaux :
L’entrepreneur devra apporter les correctifs requis au plancher de bois franc en s’assurant de remettre les lieux à leur état d’origine une fois les travaux complétés.
[2] Au cours d’une conférence téléphonique tenue le 10 juin 2008, les Habitations Charlukanna inc., l’entrepreneur, a indiqué que les négociations menées à la suite de l’audience du 22 avril 2008 entre lui et la bénéficiaire en vue d’un éventuel dédommagement monétaire avaient achoppé et étaient dans l’impasse.
LES FAITS
[3]
La
bénéficiaire a signé l’acte de vente de sa copropriété située à Montréal le
5 juillet 2006. Il s’agissait d’une nouvelle propriété construite par
l’entrepreneur.
[4] Suite aux dénonciations par la bénéficiaire auprès de l’administrateur de certains problèmes qu’elle estimait couverts par le Plan, une inspection a lieu le 8 août 2007 par monsieur Raynald Cyr, à l’époque inspecteur-conciliateur au service de l’administrateur. Elle est suivie d’un rapport le 24 septembre 2007, rapport dont l’extrait pertinent est reproduit ci-haut.
[5] Concernant le point 1, le seul en litige ici, l’administrateur, après avoir fait état de plusieurs déficiences affectant le plancher de bois de la copropriété, ordonnait donc à l’entrepreneur en septembre 2007 d’apporter les correctifs requis au plancher de bois franc en s’assurant de remettre les lieux à leur état d’origine une fois les travaux complétés.
[6] Selon la preuve, l’entrepreneur n’a pas depuis lors donné suite à cette décision non pas en raison d’un refus d’y procéder mais plutôt parce que la bénéficiaire juge que les correctifs qu’il se propose de faire ne seraient pas suffisants, le remplacement complet du plancher étant selon elle nécessaire. L’entrepreneur suggère plutôt de ne refaire le plancher qu’en partie, aux endroits où l’on observe les anomalies identifiées par l’administrateur.
[7] Plus précisément, selon ce qu’explique l’entrepreneur, le correctif approprié serait d’abord d’identifier puis de retirer les zones endommagées, ensuite de souffler le sous revêtement avant de finalement poser et poncer les planches neuves.
[8] Monsieur Richard Forcier, technicien en revêtements de sol, a été cité comme témoin expert par la bénéficiaire. Il a procédé à une inspection des lieux à l’automne 2007. Il a lui aussi constaté plusieurs anomalies, déjà reconnues par l’administrateur et décrites à son rapport. A cet égard, monsieur Forcier indiquera en cours de témoignage que sa cliente ne l’avait pas préalablement informé de la décision de l’administrateur au moment de son expertise, décision dont il n’a pris connaissance qu’à l’audience.
[9] Son rapport écrit conclut ainsi :
Le plancher de bois franc
La cause principale des anomalies du revêtement de sol soit, le plancher de bois franc est une pose non conforme aux normes et aux recommandations du manufacturié.
L’entrepreneur générale : est en cause dans se dossier et à mon avis le grand responsable. Il doit s’assuré que le ou les poseurs ont l’expérience de pose. De plus il doit exiger la pose de membrane tel que mentionnée dans le code Nationale du bâtiment 2005. Aussi la NWFA mentionne très clairement la façon et les précautions lors de la pose d’un revêtement de bois franc sur chape de ciment dans un condo.
Le fournisseur : GOODFELLOW n’est pas en cause dans ce dossier.
L’entrepreneur en pose : Inconnu est en cause. La pose n’a pas été exécutée selon les règles de l’art. Plusieurs lames s’affaissent à la pression. Le sous revêtement le ciment dont la membrane obligatoire est manquante se dont tout poseur devrait savoir. Les espaces des baguettes ne respectent pas les normes de distances. Des lames clouées au bout de la lame. Il est responsable et doit réparé. [sic]
[10] Selon monsieur Forcier, la réparation partielle plutôt que le remplacement entier du revêtement exigerait en fait d’enlever et de remplacer par d’autres environ 70% des lames de bois. Vu cela, il vaudrait mieux selon lui de tout enlever et de recommencer. De plus, ajoute-t-il, à ses yeux la solution proposée par l’entrepreneur ne garantirait pas que le problème serait entièrement corrigé en outre qu’il faudrait à nouveau poncer la surface entière ce qui aurait pour effet de réduire sa durée de vie.
[11] Monsieur Forcier reconnait que la recommandation du manufacturier de poser une membrane acoustique sous les revêtements n’est effectivement pas une exigence du CNB mais plutôt une simple recommandation du manufacturier.
[12] L’entrepreneur n’a pas présenté de preuve, se contentant de réitérer qu’à son avis le remplacement de toute la surface serait inutile.
[13] L’administrateur pour sa part souligne que bien que le débat porte sur le choix entre deux méthodes correctives et que ce choix appartient à l’entrepreneur, il serait préférable, en raison des circonstances particulières de ce dossier, que le présent tribunal décide de la question.
ANALYSE ET DÉCISION
[14] Le débat déjà résumé plus haut concerne essentiellement la nature des correctifs à apporter en vue de donner suite au rapport de l’inspecteur Cyr.
[15] La bénéficiaire demande le changement complet du plancher alors que l’entrepreneur préconise de le réparer par endroits mais sans tout refaire.
[16] Le rapport de l’administrateur est silencieux sur la question en ce sens que l'inspecteur conciliateur se limite à constater les problèmes et demander à l’entrepreneur d’y apporter les correctifs requis sans toutefois les nommer.
[17] Selon ma compréhension, tous conviennent que la correction du problème exigera au moins qu’une partie de la surface soit mise à nu, corrigée puis recouverte d’un nouveau revêtement.
[18] Le seul litige porte sur la question de savoir si concrètement on peut y arriver en enlevant et remplaçant une partie seulement du plancher ou celui-ci au complet. Avec égards, le débat n’en est pas un relatif à la nature des correctifs ou encore aux méthodes correctives mais bien à son étendue. On sait que l’administrateur estime que je dois décider de la question.
[19] A l’examen, j’estime que la preuve prépondérante favorise le remplacement complet du plancher. En effet, bien que le témoin Forcier reconnaisse qu’il soit théoriquement possible de se contenter de réparer un plancher présentant les anomalies comme celles affectant celui de la bénéficiaire, il reste qu’en l’espèce, en raison de l’étendue considérable de ces anomalies, cela nécessiterait le remplacement de 70% de la surface. Or, ajoute cet expert, en cela non contredit, il est préférable de procéder au remplacement de toute la surface, notamment en raison des risques que présentent son remplacement partiel en outre des effets sur sa durée de vie d’un ponçage supplémentaire. En outre, toujours selon les propos non contredits du témoin Forcier, cette solution aurait la vertu d’être plus efficace et plus simple, avantages non négligeables.
[20] Pour ces raisons, le recours de la bénéficiaire est accueilli. L’entrepreneur devra donc procéder au remplacement complet du plancher de bois franc afin de le rendre conforme.
Frais d’expertise
[21] La bénéficiaire demande que lui soient remboursés ses frais d’expertise qui totalisent la somme de 793.89 $, tant pour le rapport de monsieur Forcier que sa présence à l’audience.
[22] L’article 38 du Plan stipule que l’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.
[23] Dans les circonstances, il ne serait pas raisonnable d'accorder la totalité des frais réclamés dans la mesure où l’expert, faute d’avoir été informé du rapport de l’administrateur, s’est penché dans son rapport uniquement sur l’existence même des anomalies plutôt que sur leur correction. En revanche, j’estime que la présence de monsieur Forcier à l’audience a été utile puisqu’elle a porté davantage sur la correction des anomalies reconnues.
[24] Par conséquent je fixe à 400 $, les frais d’expertises remboursables, soit pour l’inspection des lieux et la présence à l’audience.
CONCLUSIONS ET DISPOSITIF
[25] Pour toutes les raisons qui précèdent, j’accueille le recours de la bénéficiaire à l’égard du point 1 et ordonne en conséquence à l’entrepreneur de procéder au remplacement complet du plancher de bois franc et ce dans le délai à être convenu à l’occasion d’une conférence téléphonique qui sera tenue avec ma participation le 14 août prochain. À défaut par l’entrepreneur de procéder aux travaux dans le délai qui sera convenu, j’ordonne à l’administrateur d’y procéder.
[26] Je déclare en vertu de l’article 38 du Plan que les frais de 400 $ encourus pour les services de l’expert Forcier seront à la charge de l’administrateur qui devra par conséquent les rembourser au bénéficiaire dans les 30 jours de la présente sentence.
[27] Finalement, je déclare, conformément aux dispositions de l'article 37 du Plan que les coûts des présentes seront à la charge de l'administrateur.
Montréal, le 30 juillet 2008
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__________________________________ Johanne Despatis, avocate Arbitre
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Adjudex inc.
0710-8285-GAMM
SA-8042