Gabarit OA

 

 

 

 

ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier no :

 

GAMM

2013-14-006

ABRITAT

13-428PM

 

Date :

21 novembre 2013

______________________________________________________________________

 

DEVANT L’ARBITRE :

JEAN MORISSETTE

______________________________________________________________________

 

PATRIZIA CANUTO

-et-

NELSON GARCIA

Bénéficiaires

c.

LES CONSTRUCTIONS MONARCK INC.

Entrepreneur

Et

LA GARANTIE ABRITAT INC.

Administrateur

 

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

______________________________________________________________________

 

 

[1]       Il s’agit d’une demande d’arbitrage du 5 juin 2013 concernant la décision rendue par l’administrateur du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs;

PRÉLIMINAIRES

[2]       Les parties ont admis et convenu de ma nomination et juridiction à rendre une décision sur la question soulevée par les Bénéficiaires. Elles ont aussi accepté que ma décision soit rendue plus de 30 jours suivant l’audition si cela s’avérait le cas;

[3]       J’ai reçu l’affirmation solennelle des témoins;

[4]       Le cahier de pièces émis par l’Administrateur est déposé de consentement pour faire preuve de son contenu, sujet de la preuve contradictoire qui pourra être présentée;

[5]       L’audition porte sur la requête préliminaire de l’Administrateur à l’effet que le désordre soulevé par les Bénéficiaires ne lui a pas été dénoncé en temps utile;

LE LITIGE

[6]       Le Bénéficiaire, Nelson Garcia, témoigne à l’effet qu’il ne savait pas que l’audition ne porterait que sur le respect des conditions de la mise en application du contrat de garantie.  Il croyait que l’audition porterait sur le respect de la parole de l’Entrepreneur de réparer un désordre qu’il a reconnu;

[7]       Le Bénéficiaire demande la remise de l’audition, puisque s’il avait su, il aurait demandé à un avocat d’être présent. Les autres parties contestent cette demande de remise;

[8]       Je rejette cette demande puisque le procès-verbal de la conférence téléphonique et l’avis d’audition transmis en vertu de l’article 944.4 C.p.c. mentionne spécifiquement que l’audition portera sur le respect des conditions de la mise en application du contrat de garantie et que l’avocat de l’Administrateur avait annoncé sa requête préliminaire en rejet pour cause de non respect de cette norme règlementaire;

LA PREUVE

[9]       Le Bénéficiaire nous informe qu’il n’a pas avisé l’Administrateur, car l’Entrepreneur avait pris l’engagement de réparer la pose déficiente des blocs architecturaux de la façade. L’Entrepreneur aurait pris cet engagement avant la prise de possession. À la livraison de la maison, l’Entrepreneur n’avait pas eu le temps de faire cette réparation. Le désordre dont se plaignent les Bénéficiaires leur était connu au moment de la signature du formulaire de réception du bâtiment (pièce A-2);

[10]    Selon monsieur Garcia, cet engagement n’a pas été inscrit sur le formulaire lors de la prise de possession, car l’Entrepreneur mentionnait que cela pouvait se corriger par un simple lavage au jet;

[11]    Monsieur Garcia était en présence de sa conjointe, madame Patrizia Canuto, lorsqu’il a discuté avec l’Entrepreneur de ce sujet, et cela à plusieurs reprises;

[12]    Le Bénéficiaire aurait parlé de cette réparation une quinzaine de fois avec le représentant de l’Entrepreneur monsieur Saverio Reale;

[13]    La Bénéficiaire, Patrizia Canuto, confirme le témoignage de son conjoint, monsieur Nelson Garcia;

[14]    Les Bénéficiaires admettent finalement qu’ils ne connaissaient pas leur obligation de dénoncer à l’Administrateur les désordres ou vices, apparents ou non;

[15]    Le représentant de l’Entrepreneur, Saverio Reale, a discuté avec les Bénéficiaires sur le sujet de l’aspect des blocs architecturaux posés en façade;

[16]    Pendant la construction, il remarque que ce revêtement en façade est sale;

[17]    Il confirme aux Bénéficiaires que le lavage à pression devrait être fait à une ou deux reprises pour régler cette situation. Selon lui, si d’autres gestes devaient être posés, il l’aurait inscrit au formulaire A-2, tout comme « touch up teinture étage et RDC » qui n’est pas un travail important;

[18]    Dans le cadre du contre-interrogatoire de monsieur Reale, il est confirmé que la pose des blocs a été effectuée entre le 13 et le 17 mai 2012;

[19]    Il ne connaît pas la date de nettoyage et reconnaît s’être engagé à faire ce nettoyage;

[20]    Il ne se souvient pas que les Bénéficiaires lui ont demandé le remplacement des pierres avant la prise de possession;

[21]    Selon lui, si cela n’est pas inscrit au formulaire pièce A-2, c’est que le lavage était déjà fait au 29 juin 2012;

[22]    Il ne se souvient pas que lors de la prise de possession, les Bénéficiaires ont parlé qu’il y avait toujours ce problème de taches sur la pierre de façade;

LA POSITION DES PARTIES

[23]    Les Bénéficiaires plaident que la décision n’est pas valide, vu l’existence d’une entente verbale que des réparations devraient être faites sur les pierres en façade;

[24]    Pour l’Entrepreneur, le lavage convenu a été fait, aucune autre réparation n’était prévue au 29 juin 2012;

[25]    L’Administrateur, à l’aide des photographie, pièce A-3, décrit le désordre comme une malfaçon ou un vice dans le matériel posé;

[26]    Il y avait un problème apparent qui n’a pas été inscrit ou dénoncé lors de la prise de possession. Les principes de dénonciations enchâssés dans le contrat de garantie et le règlement ne sont pas respectés et la demande d’arbitrage doit être rejetée de façon préliminaire;

CONSTATATIONS

[27]    Lors de ma visite des lieux, j’ai pu constater qu’une peinture a été apposée sur les blocs architecturaux de façade sur la maison neuve sujette de l’arbitrage.  Ces blocs sont, par endroit, non alignés et quelques arrêtes de ces blocs sont  brisées ou éclatées;

ANALYSE

[28]    La pose de peinture sur un bloc architectural de pierre naturel n’est pas un geste négligeable en soi.  Il m’apparaît évident que nous ne sommes pas seulement en présence d’un simple lavage au jet d’eau sous pression comme nous le témoigne l’Entrepreneur.  Les photos qui sont au cahier de pièces de l’Administrateur, pièce A-3, la pose de peinture et mes constatations me convainquent d’une malfaçon;

[29]    Par contre et comme je l’ai exprimé aux parties, ma juridiction est soumise aux dispositions du contrat de garantie, Pièce A-1, et au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.8).  Le texte du Règlement qui trouve application en l’espèce est composé des 1er et 2ieme sous-paragraphe de l’article 10 qui se lit ainsi :

         

‘’ 10.  La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

  1°    le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

  2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

  3°    …;

  4°    …;

  5°    …. ‘

(Les soulignés du soussigné)

[30]        Le texte du contrat de garantie reprend cette information qu’une malfaçon apparente, ce qui est le cas puisque les bénéficiaires disent avoir discuté de ce désordre avec le représentant de l’Entrepreneur au moins à 15 reprises avant la prise de possession, doit être dénoncée à l’Administrateur, par écrit ou apparaître dans le formulaire de prise de possession;

[31]        Les Bénéficiaires ont admis connaître ce désordre dès la mise en place des blocs architecturaux.  Ils auraient discuté de ce problème à plusieurs occasions avec l’Entrepreneur, une entente de réparation aurait aussi été convenue.  Selon eux, il s’agit d’un désordre évident.  Aucune explication autre que de dire que l’Entrepreneur n’a pas respecté sa parole n’est donnée pour me permettre  de comprendre l’absence de dénonciation à l’Administrateur du plan de garantie;

[32]        Je suis étonné qu’au matin de l’audition de la requête préliminaire  en rejet pour défaut de dénonciation que l’on témoigne ne pas connaître cette obligation règlementaire et contractuelle.  En fait, les bénéficiaires n’ont pas fait lecture du contrat de garantie qui exprime la mise en application de la garantie afin de lier l’Administrateur à couvrir les défauts de l’Entrepreneur;

[33]        Sur ce même sujet, dans une affaire semblable[1], l’arbitre Jean-Philippe Ewart s’exprimait ainsi :

                   ‘’ (…)

[27]      Quant au Point 5, ce n’est pas la question de prouver malfaçon qui fait débat; en effet, la prépondérance de preuve démontre malfaçon. Mais l’Administrateur a toutefois statué que c’est sous cause d’absence de dénonciation écrite en conformité du Règlement qu’il statue ne pouvoir donner suite à cette réclamation; c’est ce qui est contesté par les Bénéficiaires, alléguant qu’il y a eu erreur d’interprétation ou d’inscription de la part de la représentante de l’Entrepreneur qui rédigeait la Déclaration de réception, et que celle-ci aurait dû inscrire balcon ‘arrière’ et non ‘avant’ sous un des items du formulaire de déclaration. 

Nature de l’avis de dénonciation

[28]     Qu’elle est la nature de l'avis de dénonciation prévu à l’article 10 du Règlement[7] :

10.  La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

[…]

  2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

(nos soulignés). 

[29]     Tant les textes de l’article 10 du Règlement que les dispositions applicables au Code civil dans le cadre de la mise en œuvre du droit à l'exécution d’une obligation, sous les dispositions de mise-en-demeure que le Code caractérise pour nos fins de demande extrajudiciaire à l'article 1595 du C.c.Q. : 

« 1595.  La demande extrajudiciaire par laquelle le créancier met son débiteur en demeure doit être faite par écrit.

Elle doit accorder au débiteur un délai d'exécution suffisant, eu égard à la nature de l'obligation et aux circonstances; autrement, le débiteur peut toujours l'exécuter dans un délai raisonnable à compter de la demande. » 

requièrent une dénonciation par écrit.  

[30]     Les auteurs considèrent[8] cet avis de dénonciation - qui pour les fins de malfaçons apparentes à la réception prend la forme des éléments identifiés à une liste pour fins de parachèvement ou correctifs de la Déclaration de réception - assujetti aux dispositions de l'art. 1595 C.c.Q. qui requiert que l'avis soit par écrit, et la jurisprudence[9] et la doctrine[10], contrairement à certains autres cas de demandes extra judiciaires, considèrent que cet avis se doit d'être par écrit, est impératif et de nature essentielle. 

[31]     Le Tribunal souligne diverses décisions récentes rendues par le soussigné[11] de même que sous la plume de différents arbitres[12]  qui sous-tendent selon leurs circonstances la nature impérative et essentielle de l’avis de dénonciation.

Absence de dénonciation - Point 5

[32]     La preuve ne supporte pas cette allégation des Bénéficiaires d’une erreur d’inscription par la représentante de l’Entrepreneur.  Le formulaire de Déclaration de réception quant aux éléments à corriger ou parachever a été clairement rempli (i.e. écriture très lisible).  La Déclaration de réception est signée par le Bénéficiaire Chartrand - sans la moindre contre-indication de sa part.  De plus, le témoignage de l’inspecteur auteur de la Décision, notes écrites personnelles à l’appui, est très précis et il indique qu’il a questionné le Bénéficiaire Chartrand très spécifiquement sur cette question avant de conclure tel qu’à la Décision.

[33]     … ce qui amène le Tribunal à conclure sans équivoque que le Bénéficiaire ne s’est pas acquis de son fardeau de preuve de démontrer que cet élément fût dénoncé par écrit en conformité du Règlement pour nos fins.

 [34]     Le Tribunal note donc l’absence de dénonciation écrite des Bénéficiaires pour les fins des présentes, (…)

(…) ‘’

[34]    Tout en soulignant que les droits des bénéficiaires ne sont pas affectés devant les tribunaux de droit commun, je conclue à l’absence de dénonciation écrite à l’Administrateur du plan de garantie  requise dans le délai prévu au règlement, dans le cas de malfaçon apparente, ou d’inscription au formulaire de réception, pièce A-2;

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE la requête préliminaire de l’Administrateur;

REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;

Au frais de l’Administrateur, conformément à l’article 123 du Règlement.

 

JEAN MORISSETTE, arbitre

 

M. NELSON GARCIA ET

MME PATRIZIA CANUTO

Bénéficiaires

 

M. SAVERIO REALE pour

L’Entrepreneur

 

Me PATRICK MARCOUX

Procureur de l’administrateur

 

Date(s) d’audience :

22 octobre 2013


 

 

M. NELSON GARCIA et

MME PATRIZIA CANUTO

[…] Terrebonne (Québec)  […]

             Bénéficiaires

Et

M. SAVERIO REALE pour

LES CONSTRUCTIONS MONARCK INC. 

8784-B, rue Blomindon

Saint-Léonard (Québec) H1R 2P5

             l’Entrepreneur

 

Et

ME PATRICK MARCOUX pour

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.

Savoie Fournier Avocats

5930, rue Louis-H. Lafontaine,

Anjou (Québec)  H1M 1S7

             Pour L’Administrateur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] EWART Jean-Philippe, décision arbitrale S13-040802-NP, 30 juillet 2013.