ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Centre Canadien d’Arbitrage Commercial
ENTRE : SDC JARDINS DE GRENOBLE (3 683 432);
(ci-après les « Bénéficiaires »)
ET : 9232-6941 QUÉBEC INC. (HABITATION CLASSIQUE);
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ;
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier nº : S11-120903-NP
DÉCISION
Arbitre : Me Michel A. Jeanniot
Centre Canadien d’Arbitrage Commercial
Pour les Bénéficiaires : Monsieur Jean-Guy Paris
(les SDC Jardins de Grenoble)
Monsieur Guy Cousineau
(les SDC Jardins de Limoges)
Monsieur Yvan Vigneault
(les SDC Jardins de Nantes)
Pour l’Entrepreneur : Me Jacques Forgues
Me Jessica Tremblay
Crochetière Pétrin
Pour l’Administrateur : Me François Laplante
Me Stéphane Paquette
Savoie Fournier
Date de la Décision : 23 novembre 2012
Identification complètes des parties
Bénéficiaire : SDC Jardins de Grenoble (3 683 432)
1055, rue Charcot
Boucherville (Québec) J4B 0A7
Et son représentant :
Monsieur Jean-Guy Paris
27 - 1055, rue Charcot
Boucherville (Québec) J4B 0A7
Entrepreneur: 9232-6941 Québec Inc.
(Habitation Classique Inc.)
375, boul. Roland-Therrien
Bureau 220
Longueuil (Québec) J4H 4A6
Et ses procureurs :
Me Jacques Forgues
Me Jessica Tremblay
(Crochetière Pétrin)
5800, boul. Louis-H. Lafontaine
Montréal (Québec) H1M 1S7
Administrateur : La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ
5930, boul. Louis-H. Lafontaine
Anjou, Qc H1M 1S7
Et leurs procureurs :
Me François Laplante
Me Stéphane Paquette
(Savoie Fournier)
5930, boul. Louis-H. Lafontaine
Montréal (Québec) H1M 1S7
Décision
Préambule
A. Le présent arbitrage à source dans une Décision de l’Administrateur, laquelle ordonne à l’Entrepreneur de :
«… rendre la compartimentation des conduits de fumée (comprendre les vides techniques verticaux) conformes à la règlementation ou d’obtenir, des autorités compétentes, l’approbation de mesures différentes et de les mettre en place…»
B. En temps utile, l’Entrepreneur a contesté cette Décision de l’Administrateur. Le soussigné a été désigné par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (ci-après «CCAC») et en vertu de la Loi sur les bâtiments[1] et du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[2] (ci-après le «Règlement») :
b.1. dans sa demande d’arbitrage, l’Entrepreneur soulève des questions tant sur la forme (déclinatoires) que sur le fond;
C. Sur la forme, l’Administrateur représente que le délai de connaissance entre le moment où les Bénéficiaires sont informés d’une possible problématique et la date à laquelle la problématique a été dénoncée à l’Administrateur n’as pas été respecté. Les procureurs de l’Entrepreneur recherchant à démontrer qu’un délai de plus de six (6) mois s’est écoulé entre la survenance ou la première manifestation et la dénonciation à l’Administrateur, et ceci, en contravention avec l’article 27.5 du Règlement. Subsidiairement, les procureurs de l’Administrateur plaident prescription; qu’un délai de plus de trois (3) ans s’est écoulé entre la demande d’indemnisation et la demande d’arbitrage et que l’article 2925 du Code civil du Québec qui prescrit par trois (3) ans le délai pour judiciariser doit trouver application;
D. Sur le fond, considérant la preuve offerte, sur la foi des pièces et documents mis en preuve et parce qu’il est acquis que nous sommes en quatrième (4e) année de garantie, le soussigné doit qualifier la problématique de «vice de construction» (en opposition à malfaçon ou vice caché), si dois (doivent) être maintenue(s) la(les) Décision(s) de l’Administrateur;
E. Le présent Syndicat de copropriétés («SDC») est un bâtiment qui fait partie d’un complexe immobilier pour lequel il subsiste 33 demandes d’arbitrage et pour lesquelles, sans qu’il y ait identité des parties, il y a (suffisamment) identité de question de faits et de droit pour avoir justifié une réunion (avec les 32 autres demandes d’arbitrage), pour fins d’enquête et audition et lorsqu’applicable, preuve commune;
F. La présente fait suite et s’inscrit dans la suite logique des décisions (interlocutoires) en réunions d’actions et des ordonnances procédurales, nommément celles en date des 13 février, 28 mars, 18 mai et 11 septembre 2012;
Le déroulement de l’instance
G. Tel qu’il m’en est coutume, je ne reprendrai pas ici avec force de détails tous et chacun des éléments de preuve qui ont fait l’objet des six (6) jours d’enquête et audition, je me limiterai à résumer certains des points ginglymes à mon processus décisionnel;
PREUVE DE L’ENTREPRENEUR
Premier témoin, Monsieur Patrick Lamarche
[1.] Monsieur Lamarche est Chef de service, service de la construction, de l’inspection et des relations avec les entreprises, à la direction de l’urbanisme et de l’environnement à la ville de Boucherville;
[2.] Il nous décrit un peu les unités qui sont parties / objet du présent litige et ils sont (très sommairement) :
[2.1.] cinquante-six (56) unités de huitplex détenues en copropriété, situées rue Charcot dans la ville de Boucherville aussi connues et identifiées par le descriptif «Jardins de Grenoble» (ci-après «SDC de Grenoble[3]»);
[2.2.] cinquante-quatre (54) unités de duplex jumelés détenues en copropriété, situées rue Deslauriers dans la ville de Boucherville aussi connues et identifiées par le descriptif «Jardins de Limoges» (ci-après «SDC de Limoges)»;
[2.3.] cinquante-six (56) unités de duplex jumelés détenues en copropriété, situées rue Paul-Doyon dans la ville de Boucherville aussi connues et identifiées par le descriptif «Jardins de Nantes» (ci-après «SDC de Nantes)»;
[3.] Monsieur Lamarche, ensuite, dépose en liasse :
[3.1.] demande / permis de construction émis le 26 juin 2006 (sous la cote EG-1) pour les sept (7) blocs composant les cinquante-six (56) unités pour SDC de Grenoble;
[3.2.] demande / permis de construction émis le 22 novembre 2004 (sous la cote EL-1) composant les cinquante-quatre (54) unités de duplex jumelés pour SDC de Limoges;
[3.3.] demande / permis de construction (phase 1 et phase 2) émis les 9 février 2006 et 21 juin 2006 (en liasse sous la cote EN-1) composant les cinquante-six (56) unités pour SDC de Nantes;
[4.] Monsieur Lamarche nous explique que la procédure habituelle, une fois que les permis sont émis, implique qu’en cours de projet, plusieurs inspections ont lieu. Un ou plusieurs membres de son service procèdent alors à ces inspections et ceci, de façon aléatoire;
[5.] Il nous précise qu’habituellement, un(e) inspecteur (trice) est assigné(e) à un chantier en particulier et que, règle générale, c’est ce (cette) même inspecteur (trice) qui, dans un premier temps, a vu à l’émission des permis qui, par la suite, de façon aléatoire, rend visite / inspecte le chantier;
[6.] Ces visites se font une (1) fois aux deux (2) semaines (plus ou moins). Aucun journal n’est gardé de ces visites et si cette fréquence est modifiée, c’est plus souvent qu’autrement pour une fréquence plus courte (plus rapprochée) et qui alors, s’explique habituellement par un problème et/ou une problématique. Dans les cas des SDC de Grenoble, SDC de Limoge et SDC de Nantes, aucune problématique n’est notée à son dossier et il ne peut que présumer (vu l’absence de journal de chantier) que ces projets ont été inspectés de façon aléatoire aux deux (2) semaines;
[7.] Il nous précise que l’inspectrice Anick Duguay avait vu à l’émission des permis et aux suivis des chantiers pour les SDC de Grenoble et SDC de Nantes alors qu’il s’agissait de l’inspectrice Caroline Viau pour les SDC de Limoge;
[8.] Monsieur Lamarche nous explique, par la suite, qu’à la fin du projet et/ou avant que la première unité soit occupée, une inspection conjointe mais non simultanée avec le service sécurité et protection d’incendies de l’agglomération de Longueuil a lieu;
[9.] À nouveau, il n’y a pas de «rapport d’Inspection» de ces visites «pré-occupation»;
[10.] Il continue en précisant que ce n’est parce qu’il y a une visite et que la municipalité «permet» l’occupation qu’il s’agit d’une assurance de la municipalité quant à la «conformité» des lieux. Bien qu’il soit certain qu’un niveau de «conformité» doit être atteint, la permission d’occuper les lieux n’est pas une «sanction» puisqu’il arrive que la ville «permet» occupation mais que le service d’incendies, lui, l’interdit;
[11.] Il continue en précisant que l’inspection de la municipalité est essentiellement visuelle et est exclue de cette inspection les installations à combustion (que ces installations soient à combustion solide, liquide ou gazière). Il précise ceci puisque selon lui, il ne s’agit pas du rôle de la municipalité de vérifier les installations à combustion, il s’agit du rôle du service de protection d’incendies;
[12.] À Boucherville, le mot final pour l’occupation vient donc du service d’inspection du service de la protection des incendies de l’agglomération de Longueuil, un service qui est indépendant de la municipalité (de Boucherville);
[13.] Il réitère que la municipalité (ville de Boucherville) n’inspecte pas les installations à combustion, le foyer (le caisson), le conduit de fumée et le vide technique vertical puisque convaincue que ces aspects de la construction sont de la responsabilité du service sécurité / protection incendies;
[14.] Nous verrons plus tard que le service sécurité / protection incendies inspecte et vérifie la conformité des installations à combustion (le caisson et le conduit de fumée) mais croyait que les vides techniques verticaux étaient de la responsabilité de la municipalité;
[15.] Par la suite, Monsieur Lamarche distingue les (3) «Jardins»;
Jardins de Limoges
[16.] Aux SDC de Limoges, sur les cinquante-quatre (54) unités de duplex jumelés, trente-et-un (31) ont un appareil à combustion au gaz, treize (13) ont un appareil à combustion solide et dix (10) sont sans appareil à combustion. Seuls les treize (13) appareils à combustion solide font l’objet d’une inspection systématique par le service sécurité / protection incendies;
[17.] Monsieur Lamarche explique, et ceci sera corroboré par trois (3) représentants du service sécurité / protection incendies (de l’agglomération de Longueuil), les appareils à combustion au gaz ne sont pas automatiquement et systématiquement inspectés; leur pose et installation étant hautement réglementée, les installateurs et/ou entreprises autorisées sont régi(e) et policié(e)s par la Régie du Bâtiment du Québec (ci-après «R.B.Q.») et pour cause, et à défaut d’une demande formelle (qui est alors toujours honorée), il n’y a pas d’inspection de l’installation d’un appareil à combustion liquide ou gazière;
[18.] Toujours selon Monsieur Lamarche, les inspections des membres de son service sont, à toute fin pratique, identiques qu’il s’agisse de duplex jumelé (SDC de Limoges ou Nantes) ou de huitplex (SDC de Grenoble);
Jardins de Nantes
[19.] Pour les SDC de Nantes, il s’agit de cinquante-six (56) unités dont huit (8) sont dotées appareils à combustion solide, quarante-et-un (41) appareils à combustion au gaz et sept (7) unités sans appareils à combustion;
[20.] Il s’agit du même type de bâtiment que pour les SDC de Limoges;
Jardins de Grenoble
[21.] Pour les SDC de Grenoble, il s’agit de cinquante-six (56) unités dont trente-six (36) sont dotées d’appareils à combustion solide, d’une (1) est dotée d’appareil à combustion au gaz et dix-neuf (19) unités sans appareils à combustion;
[22.] Lors de son contre-interrogatoire par le procureur de l’Administrateur, Monsieur Lamarche réitère que, le fait que si la municipalité «permet» l’occupation d’une unité résidentielle n’est pas une garantie que le bâtiment est en tous points conforme à l’usage auquel il est destiné, non plus qu’est synonyme que la municipalité est garante de la conformité de l’ouvrage avec les plans et devis et/ou même que le bâtiment est conforme à l’ensemble de la réglementation applicable;
[23.] De façon plus précise, Monsieur Lamarche suggère que la municipalité ne se porte pas garante de la qualité du bâtiment, non plus qu’elle soit directement et/ou indirectement responsable de toute(s) malfaçon(s) et/ou vice(s) de construction (ou conception);
Deuxième témoin, Monsieur Jean-Guy Ranger
[24.] Monsieur Jean-Guy Ranger est Chef de division préventive du service de sécurité incendies de l’agglomération de Longueuil;
[25.] Monsieur Ranger expose que la problématique réside dans la séparation coupe-feu des cheminées des projets. Il précise que les puits qui abritent les cheminées (comprendre les vides techniques verticaux) passent, sans protection, entre des zones coupe-feu des unités; affectant ainsi l’intégrité du coupe-feu entre les compartiments du bâtiment. Il se hasarde à qualifier la problématique de «vice de construction» (bien que cette qualification ultimement m’appartient);
[26.] À l’époque, il précise que «son» service ne vérifiait que «l’appareil» et pour eux, «l’appareil» était constitué du caisson et du conduit [cheminée] (en précisant qu’il se limitait, à défaut d’une demande expresse à cet effet, aux caissons pour combustible solide);
[27.] Il précise que l’entrepreneur doit avertir le service sécurité / protection incendies avant de refermer les murs au pourtour du caisson à combustible solide et qu’alors, un représentant de son service se présente et vérifie si le pourtour, l’enchâssement, les raccords du caisson et leurs conduits sont conformes. Il précise que son service ne se penche pas sur les vides techniques verticaux croyant que ceux-ci sont du ressort de la municipalité (d’autant plus que l’assemblage et/ou construction de ces vides est souvent fragmentaire lorsque l’entrepreneur les convoque);
[28.] Il confirme que pour les caissons à combustible liquide ou gazier, et pour les mêmes raisons que soulevées par Monsieur Patrick Lamarche; règle générale, les caissons à combustible liquide ne font pas l’objet d’inspection par le service sécurité / protection incendies puisque leur installation est fortement régie et/ou réglementée et que l’ouvrage est performée uniquement par des entrepreneurs dûment licenciés. Il arrive de faire des inspections pour de tels appareils mais c’est seulement à la demande (d’un Bénéficiaire et/ou propriétaire);
[29.] Il précise qu’à l’époque, il n’existait pas de registre des inspections;
[30.] Il réitère que si l’appareil à combustion, le caisson et la cheminée sont de son (sic) ressort, les vides techniques verticaux et la compartimentation des coupe-feu aux entre-toits n’est pas de «sa» (sic) responsabilité, il considère ceci du ressort de la municipalité;
[31.] Lors d’un contre-interrogatoire tenu par le procureur de l’Administrateur, est déposé un communiqué de presse du 3 avril 2012 sous papier entête du service sécurité / protection incendies de l’agglomération sous la cote E-2;
[32.] Le témoin distingue et explique le communiqué (E-2) mais précise qu’il désire informer / mettre en garde les propriétaires de condo de l’importance de l’intégrité coupe-feu entre les unités et, de façon très simple, qu’on ne peut pas traverser des cloisons coupe-feu sans dispositif de fermeture;
[33.] Est de plus déposé, séance tenante, un «Info R.B.Q.» émis par la R.B.Q., ce document porte la date «Février 2008» et est produit de consentement sous la cote A-1;
[34.] Ce document explique les composantes d’une installation à combustion solide conforme tout en offrant quelques exemples de ce qui est une installation non-conforme;
[35.] Le chef Ranger explique que chaque unité doit être protégée par une isolation coupe-feu et qu’une mauvaise «construction» des vides techniques verticaux, sans cloisons coupe-feu, et qui traverse d’autres cloisons coupe-feu sans dispositif de fermeture, telle qui se trouve présentement dans les SDC de Nantes, Limoges et Grenoble est problématique puisque, dans l’hypothèse où une unité s’enflamme, sans que le foyer soit directement et/ou indirectement cause de cet incendie, le vide technique vertical sera cause de propagation;
[36.] Selon le chef Ranger, le but de son service est simple, c’est assurer la santé et la sécurité du public et de «ses» sapeurs-pompiers. Il explique avoir personnellement essayé de discuter de cette problématique avec l’Entrepreneur, avoir abordé certaines pistes de discussions / modifications qui pourraient être acceptables et ainsi ultimement permettre un niveau de sécurité accru voir même, l’opportunité de demander à la R.B.Q. d’étudier la situation et de suggérer des mesures correctives acceptables. L’issue de ces discussions m’est inconnue;
[37.] À ce stade-ci de la preuve, deux (2) constats s’imposent :
[37.1.] premièrement, il est ostensible de la preuve qu’à toute fin pratique, la municipalité était convaincue que le vide technique était de la responsabilité du service sécurité / protection incendies et que le service sécurité / protection incendies était tout aussi convaincu que ce vide technique était de la responsabilité de l’inspecteur de la municipalité (ici de Boucherville); et
[37.2.] deuxièmement, les exigences de la ville de Boucherville, les exigences du service sécurité / protection incendies de l’agglomération de Longueuil et l’interprétation du Code National du Bâtiment offert par la R.B.Q. sont toutes d’une seule et même opinion sur la question de compartimentation les zones habitables et sur l’importance de préserver l’intégrité des zones coupe-feu; j’y reviendrai plus tard;
Troisième témoin, Monsieur Mario Beaulieu
[38.] Monsieur Mario Beaulieu est «agent de prévention» au service sécurité et protection d’incendies de l’agglomération de Longueuil;
[39.] Monsieur Beaulieu nous informe être l’auteur de plus ou moins deux cent cinquante (250) correspondances qui furent expédiées (en deux temps) aux propriétaires des unités des SDC de Grenoble, Limoges et Nantes. Un exemplaire d’une correspondance pour chaque «Jardins» étant déposé sous la cote EG-2 pour les SDC de Grenoble, EL-2 pour les SDC de Limoges et EN-2 pour les SDC de Nantes;
[40.] Il explique qu’au cours de l’année civile de 2009, il visite l’entre-toit d’un premier bâtiment et constate l’absence de cloisonnement entre les cheminées présentes dans les vides techniques verticaux entre les compartiments du bâtiment. Il fait, par la suite, environ une dizaine d’inspections (prend quelques photographies) et à chaque fois, il constate :
[40.1.] l’absence de cloisonnement;
[40.2.] l’absence de dispositif de fermeture et/ou cantonnement;
[41.] Lorsqu’interrogé par le procureur de l’Entrepreneur à savoir pourquoi, après seulement une dizaine d’inspections, ce dernier transmet plus ou moins deux cent cinquante (250) lettres ayant pour effet de «condamner» ces foyers jusqu’à nouvel ordre, Monsieur Beaulieu relate qu’il s’est entretenu avec un représentant de l’Entrepreneur, un dénommé Gérard Paré (surintendant de l’Entrepreneur), lequel l’informe et confirme qu’il lui est inutile de poursuivre ses démarches et/ou enquêtes puisque tous les cloisonnements verticaux sont identiques et tous sont construits de la même façon (sans compartimentation des conduits de fumée);
[42.] À la suite de certaines questions d’un représentant d’un des syndicats présents, le témoin précise (confirme) que les vides techniques verticaux n’étaient pas tous finis au gypse, que certains des conduits comportaient du gypse mais n’étaient pas «entièrement» placardés, que pour aucun d’entre eux, les joints de placoplâtre entre les diverses feuilles de gypse étaient faits et que dans certains cas, la laine isolante entre les planchers étaient visible;
Quatrième témoin, Monsieur Éric Marchand
[43.] Monsieur Éric Marchand est présentement technicien en prévention des incendies pour la ville de Châteauguay (autrefois, et en tout temps pertinent aux présentes, il occupait le même poste à l’emploi du service de sécurité et protection d’incendies de l’agglomération de Longueuil);
[44.] Selon l’information qu’il a pu recueillir des cinquante-six (56) unités des Jardins de Grenoble, trente-six (36) d’entre eux ont des foyers à combustion solide et le dossier qu’il a pu récupérer de son ex-employeur, contient trente-trois (33) rapports d’inspection (il ne s’explique pas l’absence de trois (3) rapports d’inspection);
[45.] Il réitère les propos de Messieurs Jean-Guy Ranger et Mario Beaulieu à l’effet que l’intégrité de l’installation de la séparation coupe-feu des vides techniques verticaux n’est pas de la responsabilité de son (sic) service d’alors;
[46.] Il dépose un exemplaire de rapports d’inspection de foyer préfabriqué (comprendre combustion solide) et ce rapport est déposé sous la cote EG-3;
[47.] Il explique ensuite que pour le projet Jardins de Nantes, il peut identifier cinquante-six (56) unités dont seulement huit (8) ont des appareils à combustion solide (41 au gaz et 7 sans). Un modèle de rapport d’inspection, tiré au hasard (des 8 rapports), est produit sous la cote EN-3. L’exercice est réitéré pour les Jardins de Limoges. Cette fois-ci, deux (2) rapports d’inspection sont tirés au hasard, un premier sous la cote EG-3 et un second coté EL-3;
[48.] Il n’y a aucune mention à ces rapports (EN-3, EG-3 & EL-3) des vides techniques verticaux;
[49.] Par la suite, est exhibée au témoin une liasse de correspondances au sein de laquelle se retrouve, entre autre, (à l’onglet 7 des cahiers de pièces de l’Administrateur pour les dossiers Jardins de Limoges) une correspondance sous sa plume du 10 novembre 2006 où il (Monsieur Marchand) écrit :
«… Selon le règlement municipal CM-2003-125 sur la prévention des incendies, il n’y a pas d’exigence de cloisonnement de cheminée au niveau grenier de ce bâtiment…»
le souligné est du soussigné;
[50.] Avant même que la question lui soit posée, il précise que si le bâtiment n’est pas en contravention avec ce règlement de la ville de Longueuil, ça ne veut pas dire que le bâtiment est conforme au Code National du bâtiment puisque, selon lui, ce règlement municipal n’adresse pas la problématique qui est devant nous aujourd’hui (j’y reviendrai plus tard et commenterai plus avant dans la présente décision);
Cinquième témoin, Monsieur Martin Auger
[51.] Monsieur Martin Auger est surintendant de chantier pour l’Entrepreneur;
[52.] Ce dernier nous informe qu’il est essentiellement «homme à tout faire», il nous offre une description de tâches et force nous est de constater que cette description de tâches n’est pas différente et/ou distinctive de ce qui est commun et/ou fait partie des us et coutumes du marché pour un surintendant de chantier de construction;
[53.] Il corrobore le témoignage de Monsieur Patrick Lamarche (de la ville de Boucherville) à l’effet que les visites des inspectrices de la ville sont sporadiques, aux (plus ou moins) 2 semaines et que lors de ces visites, s’il est présent sur le chantier, il accompagne l’inspectrice;
[54.] Il confirme de plus que c’est lui qui est «plus souvent qu’autrement» présent lorsque les inspecteurs des services sécurité / protection incendies effectuent pour leur(s) inspection(s);
[55.] Sur le projet Jardins de Grenoble (huitplex), il précise que chaque unité est «inspectée» par son employeur, par la municipalité puis, par le «service d’incendies» avant qu’elle soit remise au soin du Bénéficiaire / propriétaire éventuel;
[56.] Quant à Jardins de Nantes et Jardins de Limoges, il a assisté aux inspections, pas toutes (et ce, contrairement aux Jardins de Grenoble) mais il était la personne qui était «plus souvent qu’autrement» présente (et/ou représentait l’Entrepreneur) lors de ces inspections;
[57.] Il se rappelle avoir discuté avec le service sécurité / protection incendies quant à la continuité / conformité des coupe-feu. Il est vague par contre lorsque vient le temps de préciser tenants et aboutissants de ce qui a été discuté. Toutefois, il confirme partie du témoignage de l’agent de prévention Beaulieu à l’effet qu’il a informé l’agent Beaulieu que ce que ce dernier a constaté (pour une dizaine d’unités) est conforme à ce qui a été fait pour l’ensemble des (autres) unités et pour plus amples précisions (empruntant son vocabulaire), il offre de façon volontaire que tout a été fait «pareil» pour toutes les unités et «…ça n’a pas été fait comme à l’illustration…» [il faisait alors référence à l’info-RBQ abordant les questions d’intégrité de séparation de coupe-feu lors de l’installation des conduits de fumée desservant des appareils à combustion solide (pièce A-1)];
[58.] Il précise par contre qu’a été installé un collet radiant autour de la cheminée lorsqu’elle traverse une cloison, «qu’il» (sic) scelle le tout avec du fibro-ciment (CP 606) ou du gypse, incluant calfeutrage [caulking] (CD 606) «à haute résistance». Il a aussi utilisé une chope de béton «20-14» mais il ne sait pas si ce béton est homologué «coupe-feu»;
[59.] Toujours en preuve principale, on lui demande qui a décidé de cette méthode d’installation / construction. Il nous dit l’ignorer et qu’il ne pouvait être plus précis;
[60.] Il suggère de plus que cette «installation» n’était pas adressée de façon subreptice et/ou clandestine, quiconque désirait en tout temps (référant aux inspectrices) voir l’ouvrage pouvait facilement constater le modus operandi et que personne lui aurait dit, de façon directe ou autre, que ce qui se construisait était incorrect (du moins, avant 2008);
[61.] Il précise que, et bien qu’il n’a obtenu aucun commentaire «feedback» ni positif ni négatif, en cours de construction, il sait qu’aujourd’hui, ce qui a été fait n’est plus acceptable. Il privilégie, aujourd’hui, une méthodologie qui compartimentalise telle que suggérée par le «Code de construction du Québec» (sic - comprendre Code National du bâtiment), chapitre 1 (conformément à la pièce A-1);
[62.] Avant de conclure, il adresse le dépôt, de consentement, de trois (3) liasses de documents; respectivement cotées EG-4 (Jardins de Grenoble), EN-4 (Jardins de Nantes) et EL-4 (Jardins de Limoges) et qui sont constituées de photocopies de factures de l’entreprise «Montréal Briques et Pierres». Ces factures sont pour l’achat, la pose et l’installation des foyers incluant leurs conduits;
[63.] En contre-interrogatoire, est exhibé à Monsieur Auger des plans extraits de la liasse EG-1. En page 5 de ces plans, on y retrouve une coupe des vides techniques verticaux. Cette coupe précise des cloisons afin de compartimenter et identifie, entre autre, une continuité de la séparation coupe-feu entre les suites d’habitation (assurée par la construction d’une gaine technique logeant un seul conduit de fumée par un vide technique vertical);
[64.] Il confirme que ce n’est pas ce qui a été fait, il n’a pas suivi le plan, n’a pas fait de cloison parce que confiant que l’assemblage qu’il faisait était, selon lui, tout aussi performant;
[65.] Il précise (toujours en contre-interrogatoire) qu’il n’a pas discuté avec l’auteur des plans le fait qu’il ne construisait pas selon les plans et devis non plus qu’il ne pouvait préciser qui a pris la décision de ne pas suivre les plans et devis et/ou qui est responsable que les plans n’ont pas été suivis;
[66.] Questionné par un représentant d’un des Bénéficiaires, il précise de plus (après avoir pris connaissance de quelques épreuves photographiques) qu’en sus du fait que les cloisons et séparations intérieures des vides techniques verticaux n’ont pas été faites, il n’y a pas toujours pose de gypse et qu’à l’occasion, lorsqu’il y a pose de gypse, les panneaux ne sont pas jointés;
[67.] Il se rappelle avoir participé à une (autre) réunion qui impliquait (cette fois-ci) son employeur, des représentants de la ville de Boucherville, des représentants du service sécurité / protection incendies de l’agglomération de Longueuil (possiblement un architecte), tous ont discutés à la fois de ce qui avait été fait et comment ceci pouvait se traduire par une problématique. Lorsque questionné quant à l’issue de cette «réunion», il conclut à l’effet que les discussions étaient un peu trop «compliquées» pour lui, qu’il a essayé de suivre mais sans beaucoup de succès;
[68.] Interrogé par un représentant du SDC de Grenoble et plus particulièrement quant aux photos reprises à l’onglet B-10 de leur cahier de pièces, le témoin constate des carences et elles sont :
[68.1.] présence d’isolant insonorisant autour des cheminées;
[68.2.] intérieur de l’enceinte du vide technique vertical avec, à vue, les montants en bois combustibles;
[68.3.] cloisons / plafonds / planchers sont traversés sans aucun mur coupe-feu;
[68.4.] cloison grenier / plafond qui ne supportait pas les couloirs de fumée;
[69.] Le témoin confirme qu’il y a des carences et que ce qui est démontré par ces épreuves photographiques ne constitue pas un coupe-feu;
Sixième témoin, Monsieur Richard Gervais
[70.] Monsieur Richard Gervais est représentant du service d’inspection Cerf-Plan Inc.[4] (ci-après «Cerf-Plan»);
[71.] Après un bref voir-dire, Monsieur Gervais de consentement, est reconnu comme témoin expert et pourra déborder de la lettre de son rapport du 21 septembre 2006 (onglet 2 du cahier de pièces de l’Administrateur) et ceci pour l’ensemble des dossiers Jardins de Limoges;
[72.] Il confirme avoir personnellement inspecté treize (13) bâtiments de quatre (4) unités et un (1) bâtiment de deux (2) unités (pour les 54 unités des Jardins de Limoges);
[73.] Il se souvient d’avoir brièvement discuté de ses commentaires et recommandations avec les Bénéficiaires et que ses discussions et/ou recommandations et commentaires ont été faits lors de la remise «en bloc» de ses rapports. Il se rappelle tout particulièrement avoir discuté du cloisonnement et plus particulièrement de l’absence de cloisonnement entre les cheminées et que pour le reste, ses commentaires qui se retrouvent en page 9 et ses recommandations qui se retrouvent en page 11 de son rapport, à leur lecture, s’expliquent d’eux-mêmes;
Septième témoin, Monsieur Nicolas Metsos
[74.] Monsieur Nicolas Metsos est un entrepreneur général;
[75.] Il déclare n’avoir aucun intérêt (direct et/ou indirect) dans les projets Jardins de Grenoble, Nantes et/ou Limoges. Il dit être aux faits et au courant des commentaires de la R.B.Q. (pièce A-1) et que depuis février 2008, il se conforme à cette directive;
[76.] Il suggère que tout ce qui aurait été fait avant février 2008 n’a pas besoin d’être corrigé et que tout ce qui a été livré après 2008, selon lui, devrait être construit et de façon conforme à cet Info-presse R.B.Q. (pièce A-1);
[77.] Il témoigne à l’effet qu’il a lui-même corrigé cette problématique dans un ensemble immobilier identique sinon similaire aux Jardins de Grenoble, Nantes et Limoges. Il s’agissait des «Jardins de Champagne» et que pour faire les mises aux normes des foyers (et conduits), il dû débourser la somme de mille six cent cinquante dollars (1 650,00 $) par foyer (1 897,08 $ avec taxes), [pas un mot sur les vides techniques verticaux];
Huitième témoin, Monsieur André Gagné
[78.] Monsieur André Gagné est directeur du service technique / expertise de l’Association Provinciale des Constructeurs d’Habitation du Québec Inc. (ci-après «APCHQ»);
[79.] Monsieur Gagné nous représente qu’il a participé à une réunion qui semblerait-il est la même réunion à laquelle Monsieur Martin Auger était présent (supra paragraphe [69.]);
[80.] Monsieur Gagné nous suggère qu’à son humble avis, les consignes de sécurité reprises à la pièce A-1 ne s’appliquent que pour des installations à combustion solide. Bien qu’il admet en contre-interrogatoire que nulle part, cette distinction (combustion solide versus gaz ou liquide) n’appert du C.N.B. et/ou de l’info R.B.Q. (pièce A-1);
[81.] Sur ce, l’Entrepreneur déclare sa preuve close;
PREUVE DE L’ADMINISTRATEUR
Premier témoin, Monsieur Marc-André Savage
[82.] Monsieur Marc-André Savage est inspecteur - conciliateur à la Garantie des bâtiments résidentiels neufs et l’auteur des décisions concernant les cent soixante-et-six (166) unités comprises dans les SDC de Grenoble, Limoges et Nantes;
[83.] Monsieur Savage a été interrogé en preuve principale sur les trois (3) «Jardins» en commençant par Jardins de Grenoble, suivi par les Jardins de Nantes avant de compléter par les Jardins de Limoges;
SDC de Grenoble
[84.] Plutôt que de prendre tous et chacun des dossiers, il a été décidé, dans la collégialité et de consentement, d’en extraire trois (3) et que l’ensemble de la preuve pertinente à ces trois (3) dossiers s’appliquerait mutatis mutandis pour les autres dossiers du même «Jardins» :
[84.1.] dossier S11-120903-NP pour les unités 1 @ 8;
[84.2.] dossier S11-120905-NP pour les unités 17 @ 24;
[84.3.] dossier S12-062001-NP pour les unités 33 @ 40;
[85.] Fut par la suite déposé de consentement (sous réserve bien entendu du droit au contre-interrogatoire par les représentants de l’Entrepreneur), la plainte initiatrice du processus (onglet 3 des cahiers de pièces émis par l’Administrateur pour chacun des trois (3) dossiers choisis). Le témoin met en preuve qu’il a personnellement fait les inspections et qu’il a visité tous les vides sous-toits de tous les bâtiments;
[86.] Il a témoigné à l’effet qu’il a constaté la problématique des vides techniques (verticaux) abritant des conduits de fumée ainsi qu’une multitude de bris à la continuité et/ou l’intégrité de la séparation coupe-feu entre les unités d’habitation;
[87.] Il nous réfère subséquemment à l’onglet 7 de ces mêmes cahiers de pièces émis par l’Administrateur (pour ces 3 dossiers). De ces photographies, nous pouvons constater l’absence d’intégrité et/ou compartiment (cantonnement) entre les divers conduits de fumée (absence de continuité de la séparation coupe-feu) ainsi qu’une pluralité de conduits au sein de la même enceinte;
[88.] Il réitère ce qui a, à satiété, été préalablement dit, que toutes les «installations d’appareils à combustion» et les vides techniques verticaux des Jardins sont tous, plus ou moins, identiques;
[89.] Est ensuite déposé en liasse pièces et/ou documents qui se retrouvent aux onglets 1 @ 9 des cahiers de pièces émis par l’Administrateur (pour ces mêmes trois (3) dossiers) à savoir, et dans le même ordre :
[89.1.] Déclaration de copropriété, daté du 23 mars 2006;
[89.2.] Formulaire d’inspection pré réception, daté du 1er mars 2007;
[89.3.] Lettre du Bénéficiaire à l’Entrepreneur, daté du 7 février 2011;
[89.4.] Résolution du conseil, daté du 16 mars 2011;
[89.5.] Avis de 15 jours de l’Administrateur à l’Entrepreneur, daté du 15 avril 2011;
[89.6.] Décision de l’Administrateur, daté du 8 novembre 2011;
[89.7.] (En liasse), Photographies;
[89.8.] Demande d’arbitrage de l’Entrepreneur par l’entremise de ses procureurs, daté du 9 décembre 2011;
[89.9.] Lettre du centre d’arbitrage (CCAC) en date du 13 décembre 2011;
[90.] N’est pas encore en preuve le rapport d’inspection / expertise de la firme Cossette & Touchette Inc. (puisque l’auteur du rapport est appelé à témoigner et adressera, en temps et lieux, son dépôt;
[91.] Il précise que le rapport d’inspection / expertise de la firme Cossette & Touchette Inc. a été reçu par son employeur le ou vers le 8 juillet 2009. Cette réception, par l’Administrateur, s’inscrivait dans le cadre de demandes des Bénéficiaires d’unités privatives alors que des démarches étaient adressées (par ces Bénéficiaires d’unités privatives) croyant que la problématique des foyers, caissons et vides techniques horizontaux étaient «privative» plutôt que «commune»;
[92.] Le témoin suggère que le rapport Cossette & Touchette Inc. concerne principalement les aires communes et que sa réception, par l’Administrateur, en date du 8 juillet 2009 lui est opposable et ceci au bénéfice des SDC. J’adresserai cette question plus à fond aux paragraphes [103.] et suivants alors que j’adresserai la question des moyens déclinatoires soulevés par l’Entrepreneur;
SDC de Nantes
[93.] Tel qu’il en fut aussi le cas pour les Jardins de Grenoble, plutôt que de prendre tous et chacun des dossiers, il a été décidé, dans la collégialité et de consentement, d’en extraire deux (2) et que l’ensemble de la preuve pertinente à ces deux (2) dossiers s’appliquerait mutatis mutandis pour les autres dossiers du même «Jardins», ces deux (2) dossiers sont :
[93.1.] dossier S11-120910-NP pour les unités 21 @ 24;
[93.2.] dossier S11-120917-NP pour les unités 49 @ 52;
[94.] Monsieur Savage témoigne à l’effet et nous confirme que tous les bâtiments Jardins de Nantes ont été visités / inspectés par lui-même, que pour chacun des bâtiments, accès lui a été possible et que lors de ses visites / inspections, il avait en mains le rapport d’inspection de la firme Cossette & Touchette Inc. (onglet 3 des cahiers de pièces émis par l’Administrateur pour le dossier S11-120910-NP) ainsi que le rapport d’inspection de la firme IMMO-SPEC Rive-Sud[5] (ci-après «IMMO-SPEC Rive-Sud») [pour les unités 49 à 52, dossier S11-120917-NP], rapport se trouvant aussi à l’onglet 3 du cahier de pièces émis par l’Administrateur pour ce dossier;
[95.] Monsieur Savage explique que la principale différence entre le projet Jardins de Grenoble (huitplex) et Jardins de Nantes (duplex jumelé) est le vide sous-toit : les SDC de Grenoble sont constitués de toits plats et que l’aire et la surface entière du vide sous-toit est généralement accessible alors que pour les SDC de Nantes, il s’agit de toits en pente et qu’il y existe un mur coupe-feu dans le vide sous-toit entre les bâtiments jumelés et conséquemment, l’accès au vide sous-toit doit être fait (dans le cas des SDC de Nantes) par le biais de plus d’une unité d’habitation;
[96.] Pour les SDC de Nantes, tel que pour les SDC de Grenoble, Monsieur Savage a constaté l’absence d’intégrité et/ou de compartiment (cantonnement) entre les divers conduits de fumée (absence de continuité de la séparation coupe-feu) ainsi qu’une pluralité de conduits au sein de la même enceinte, «… des tuyaux sont à vue, tous à air libre, sans cloisonnement les uns des autres…»;
[97.] Le témoin explique qu’au sein de ses premières décisions sur le sujet (octobre 2011, onglet 7 du cahier de pièces émis par l’Administrateur - point 30 de cette Décision), il opte pour ne pas se prononcer «de ne pas prendre de décision» puisque la ville et la R.B.Q. semblaient alors chercher et/ou déterminer ce qui pourrait être une solution pour les bâtiments existants (il s’attendait à une prise de position imminente);
[98.] En novembre 2008, la R.B.Q. publie un Info-R.B.Q. sur le sujet (pièce A-1) et ceci provoque une deuxième (2e) «décision» (onglet 8 du cahier de pièces émis par l’Administrateur). Il se rallie au positionnement de la ville de Boucherville, du service sécurité / protection incendies de l’agglomération de Longueuil, de la Régie du Bâtiment du Québec, des trois (3) firmes d’experts (Cossette & Touchette, IMMO-SPEC Rive-Sud ainsi que Cerf-Plan) et il conclut qu’il est nécessaire de rendre la compartimentation des conduits de fumée «conforme à la réglementation»;
[99.] Avant de compléter, il se permet de qualifier la problématique de vice de construction et de vice majeur, que la problématique rencontre tous les critères qu’il lui sont connus l’habilitant à ainsi faire et découlant de l’article 2118 du Code civil du Québec, puisque selon lui, il s’agit, à la fois, d’une perte d’usage (suivant l’avis du service sécurité / protection incendies de l’agglomération de la ville de Longueuil) et que la santé et sécurité (la vie) des occupants est à risque;
SDC de Limoges
[100.] À nouveau et tel que pour Jardins de Grenoble et de Nantes, il a été identifié deux (2) dossiers types et la preuve pertinente à ces deux (2) dossiers s’applique mutatis mutandis pour les autres dossiers du mêmes «Jardins» et ces deux (2) dossiers sont :
[100.1.] dossier S12-022709-NP pour les unités 31 @ 34;
[100.2.] dossier S12-022714-NP pour les unités 51 @ 54;
[101.] Ici, le cahier de pièces émis par l’Administrateur est déposé de consentement [pièces 1 à 10 inclusivement] (sous réserve bien entendu du droit d’interroger et/ou contre-interroger sur en tout ou en parties des pièces au fur et à mesure où elles seront abordées);
[102.] La preuve ici offerte par l’Administrateur est en tous points conformes (constante) avec ce qui avait été constaté pour les Jardins de Grenoble et Jardins de Nantes. Les constats factuels se répètent mutadis mutandis tels que si ici récités au long;
Moyens déclinatoires de l’Entrepreneur pour les dossiers SDC de Nantes & SDC de Limoges
Deuxième témoin, Monsieur Daniel Olivier
[103.] Monsieur Daniel Olivier est ingénieur de formation et il est de plus conseiller technique à l’Association des professionnels du chauffage du Québec[6];
[104.] Après un bref «voir - dire», il a été reconnu comme expert et est donc autorisé à être interrogé et contre-interrogé sur son rapport d’expertise nº 11020901 du 14 février 2011 produit sous la cote AL-1;
[105.] Monsieur Olivier nous explique qu’il a visité tous les bâtiments du projet Jardins de Limoges et qu’il a aussi visité / inspecté toutes les cinquante-quatre (54) unités privatives de ce projet;
[106.] Son mandat était de vérifier la (possible) problématique concernant le cloisonnement des cheminées et des vides techniques verticaux mais, en ce faisant, il a noté plusieurs autres irrégularités (quinze (15) types d’irrégularités), ce qui explique le volume important de la pièce AL-1 ainsi que l’ensemble de ses constats et commentaires;
[107.] Avant de commenter avec force de détails son rapport (AL-1), il informe le Tribunal qu’il est un des agents instigateur (catalyseur) du bulletin d’information de la R.B.Q. de février 2008 (pièce A-1);
[108.] Il explique qu’il était «fatigué» de devoir, et à répétition, expliquer aux entrepreneurs et autres intervenants du milieu en quoi consistait les normes ainsi que ce qu’exigeait le Code National du bâtiment. Encore que lorsqu’il réussissait à expliquer les exigences et spécificités obligatoires et/ou requises, il se faisait, à outrance, répéter que le tout était fastidieux et que certes, il ne devait s’agir que de son interprétation et non pas de l’état du droit en matière de construction. Il nous explique d’ailleurs être l’auteur de certains diagrammes, (entre autre la figure à l’endos de la pièce AG-1) et d’avoir intimement participé à la rédaction du document;
[109.] Le témoin explique que cela fait au moins trente (30) ans que ces normes sur le cloisonnement existent et, qu’à sa connaissance, fin des années 70, tout début des années 80, alors qu’il les a apprises, elles existaient déjà;
[110.] Donc, et discutant de son rapport d’expertise, Monsieur Olivier explique que l’enceinte qui abrite à la fois le foyer ainsi que le conduit de fumée doit, et en tout temps, avoir la même résistance au feu que les planchers et/ou plafonds (page 21 de AL-1 et qui fait référence à D-2.3.5 du C.N.B. [95]);
[111.] Il attire, par la suite, notre attention (entre autre) à la page 45 de son rapport. Nous y voyons copie d’une épreuve photographique du vide technique vertical et nous pouvons constater :
[111.1.] aucun des murs intérieurs de l’enceinte du vide technique vertical a du gypse, les solives de bois sont à vue et donc, il n’y a aucune résistance au feu;
[111.2.] l’assemblage ou le vide technique, lorsqu’il traverse aux planchers / plafonds de l’unité supérieure, est grossièrement inadéquat; nous pouvons constater de l’unité de dessous, certaines composantes du plancher de l’unité du dessus;
[112.] Il attire ensuite notre attention sur quelques autres épreuves photographiques; est apparent des panneaux coupe-feu de fibro-ciment, ceux-là mêmes identifiés par Monsieur Martin Auger (surintendant de chantier de l’Entrepreneur, 5e témoin de l’Entrepreneur). Monsieur Olivier précise que le produit qui est utilisé lui est bien connu, il s’agit de panneaux «Perma base» (une marque de commerce d’ailleurs clairement visible de certaines épreuves photographiques). Il nous informe que ces panneaux n’ont jamais été testés; ils n’ont aucune résistance au feu connue et que le produit n’est pas homologué;
[113.] Nous prenons subséquemment connaissance des épreuves photographiques sous la rubrique 2.6 (de son rapport). Force nous est de constater que les enceintes de foyer communiquent directement, par le biais du vide technique vertical, avec les vides de planchers et plafonds des unités supérieures;
[114.] Nous remarquons de plus qu’il y a des manques de support au coin des cheminées. Monsieur Olivier nous explique que ceci est un problème important puisqu’à défaut d’un support et/ou un certain type de harnais pour les «coudes» des conduits de fumée, lors d’un ramonage, l’installation peut facilement être déplacée et certaines ouvertures peuvent facilement être créées (un catalyseur évident de risque);
[115.] Monsieur Olivier poursuit et nous constatons (de son rapport) des conduits de ventilation qui traversent sans coupe-feu les vides techniques verticaux qui abritent des appareils à combustions, enceintes du foyer (section 2.7). Nous constatons présence de câblage et/ou fil électrique tantôt à proximité, tantôt sur le caisson de l’appareil de combustion (section 2.8), des morceaux d’isolant, à défaut d’être non sécurisés par endroit, ont déjà tombés et/ou se retrouvent sur le caisson du foyer (section 2.13);
[116.] En contre-interrogatoire, le témoin Olivier précise que l’Association des professionnels du chauffage du Québec est un organisme sans but lucratif, il en est simple salarié (il n’est pas officier, directeur ou dirigeant). Il suggère que les normes U.L.C.[7] et les normes du C.N.B. concernant les appareils à combustion sont les mêmes, l’un calquant sur l’autre et vice versa;
[117.] Le correctif proposé se retrouve en page 12 et il est formel : la communication entre les enceintes abritant les appareils à combustion et leurs conduits du fumée doivent être cantonnés, les vides de plancher et plafond des unités supérieures doivent être scellés et des séparations coupe-feu doivent être construites afin de cloisonner les conduits et les vides techniques verticaux;
Troisième témoin, Monsieur Touchette, T.P., A.S.C.I.
[118.] Monsieur Touchette est technologue professionnel, co-fondateur et associé de la firme Cossette & Touchette Inc.;
[119.] Après un bref «voir - dire», ce dernier est reconnu comme expert et est donc autorisé à déposer et discuter de son rapport d’inspection qui se retrouve aux cahiers de pièces émis par l’Administrateur pour les dossiers SDC de Nantes;
[120.] Pour fin de référence, afin de ne pas avoir à jongler inutilement avec une multitude de dossiers, dans la collégialité, certains dossiers ont été identifiés et pour la poursuite du jugé, nous nous référons au dossier S11-120910-NP (Jardins de Nantes) et à l’expertise de la firme Cossette & Touchette qui se retrouve à l’onglet 3 du cahier de pièces de l’Administrateur;
[121.] À la page 24 de ce rapport, nous retrouvons une copie d’épreuves photographiques qui démontrent des conduits de fumée à l’air libre, issus d’un vide technique sans coupe-feu apparent. Ce qui, pour lui, signifie que l’on est en présence de risque de propagation entre les deux (2) unités qui sont chacune source de ces deux (2) conduits de fumée;
[122.] Il est, par la suite, admis que son témoignage serait en tous points identiques pour l’ensemble des dossiers SDC de Grenoble sauf pour la variante que dans les unités «Grenobles», il existait des «trappes» qui permettaient un plus grand accès aux conduits sous vide verticaux et ceci n’a servi qu’à confirmer / enforcir ses hypothèses dans les dossiers SDC de Nantes puisque ses hypothèses (infra paragraphe [121.]) sont alors traduites par des constats (puisqu’il s’était fait représenté que tous les vides techniques verticaux des Jardins étaient identiques (du moins, pour tous les Jardins construit par cet Entrepreneur). Ceci est d’ailleurs constant avec la preuve offerte par les huit (8) témoins de l’Entrepreneur;
[123.] Avant d’être libéré, le témoin désire (volontairement) ajouter à son témoignage et discuter des blocs abritant les unités 1 @ 8 (notre dossier S11-120903-NP), les unités 17 @ 24 (notre dossier S11-120905-NP) et les unités 33 @ 40 (notre dossier S12-062001-NP);
[124.] Il ajoute qu’en raison de l’accès à l’intérieur du vide technique vertical, par la trappe installée à cet effet, il a pu remarquer l’absence de séparation coupe-feu horizontale alors que les plans de l’architecte illustrent que cette séparation horizontale était prévue (confirmant la preuve offerte par Monsieur Martin Auger);
[125.] Monsieur Touchette poursuit en nous faisant part de ses constats personnels et plus précisément que la séparation coupe-feu entre les gaines techniques des conduits à fumée et le sous-vide / sous-toit n’a pas été réalisée dans la majorité des appartements (en dépit que les plans spécifient l’installation de planches de gypse de type F.C. de 5/8 pouces d’épaisseur entre le 2e étage et le vide sous-toit). Il nous fait remarquer que les plans ne sont que le reflet des dispositions requises en vertu de l’article 9.10.9.10, paragraphe 2 du C.N.B.. Il précise de plus que les joints entre les planches et les périmètres du plafond doivent être pontés et qu’ils ne le sont pas. Il complète en précisant qu’il s’agit de dérogation(s) à la fois au C.N.B. et aux plans et devis;
GRILLE D’ANALYSE ET JUGÉ
[126.] Les questions en litiges sont tant sur la forme (déclinatoire) que sur le fond des demandes d’arbitrage;
[127.] Sur la forme, l’Administrateur nous représente que le délai de connaissance entre le moment où les Bénéficiaires sont informés d’une possible problématique et la date à laquelle la problématique a été dénoncée à l’Administrateur n’a pas été respecté. Les procureurs de l’Entrepreneur recherchant à démontrer qu’un délai de plus de six (6) mois s’est écoulé entre la survenance ou la première manifestation et la dénonciation à l’Administrateur, et ceci, en contravention avec l’article 27.5 du Règlement. Subsidiairement, les procureurs de l’Administrateur plaident prescription, qu’un délai de plus de trois (3) ans s’est écoulé entre la demande d’indemnisation et la demande d’arbitrage et que l’article 2925 C.c.Q. qui prescrit par trois (3) ans le délai pour judiciariser doit trouver application;
[128.] Sur le fond, considérant la preuve offerte, sur la foi des pièces et documents mis en preuve et parce qu’il m’est acquis que nous sommes en quatrième (4e) année de garantie, le soussigné doit qualifier la problématique de «vice de construction» (en opposition à malfaçon ou vice caché), si je dois maintenir les Décisions de l’Administrateur;
[129.] La question de fond donc réside dans la définition de «vice de construction» et, plus particulièrement si le manque d’intégrité de la séparation coupe-feu entre les diverses unités résidentielles constitue un tel vice;
Sur les déclinatoires
[130.] Les représentations, sur la tardivité, sont limitées aux SDC de Grenoble et SDC de Nantes puisque pour les SDC de Limoges, une enquête et audition sur cette question fut tenue le 14 mai 2012 en salle 14.10 du Palais de justice de Montréal, une décision du 18 mai 2012 s’ensuivie et ce moyen préliminaire de l’Entrepreneur (suggérant la tardivité de la dénonciation par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur par les Bénéficiaires) a été rejeté (pour les 14 SDC Jardins de Limoges);
[131.] La preuve testimoniale et documentaire est à l’effet que le(s) rapport(s) :
[131.1.] dans les dossiers SDC Nantes :
[131.1.1.] le rapport IMMO-SPEC Rive-Sud a été réalisé le 26 juillet 2010, imprimé le 27 juillet 2010 puis communiquer aux SDC à une ou des dates qui nous sont inconnues mais finalement reçu par l’Administrateur le 7 janvier 2011 (onglet 3 du cahier de pièces émis par l’Administrateur);
[131.1.2.] le rapport Cossette & Touchette Inc. est daté de mai 2009 et a été reçu par l’Administrateur au cours du mois de juillet 2009 alors que cette dénonciation faisait partie d’envoi par les Bénéficiaires d’unités privatives (alors sous la croyance que le vide technique vertical faisait partie des aires privatives);
[132.] Un simple calcul démontre que moins de six (6) mois se sont écoulés entre la connaissance et la communication à l’Administrateur, rencontrant ainsi les exigences de l’article 27.5 du Règlement;
La prescription extinctive
[133.] La procédure suivante s’applique à toute(s) réclamation(s) fondée(s) sur la garantie prévue à l’article 27 du Règlement :
«… dans le délai de garantie d’un (1), trois (3) ou cinq (5) ans, selon le cas, le Bénéficiaire dénonce par écrit à l’Entrepreneur le défaut de construction constaté et transmet une copie de cette dénonciation à l’Administrateur en vue d’interrompre la prescription…»
[134.] Donc, et sur cette question de délai (pour les SDC de Grenoble et les SDC de Nantes), fut requis puis obtenu, et pour l’ensemble de ces cent-douze (112) unités (56 pour Jardins de Grenoble et 56 pour Jardins de Nantes), les documents forment la dénonciation à l’Administrateur (composés entre autre de formulaires d’ouverture de demande par les Bénéficiaires, avec preuve de paiement et lorsque disponible, résolution du conseil d’administration du SDC autorisant les démarches). Ces documents furent déposés, tour à tour, en liasse par dossier, par syndicat, et sont cotée pièces E-10, E-12 @ E-42; voici ce qu’ils nous apprennent;
Jardins de Grenoble
Dossier |
Unités |
Date(s) de demande de réclamation |
Pièce |
S11-120902-NP |
9 @ 16 |
24 février 2010 |
E-9 |
S11-120903-NP |
1 @ 8 |
21 déc. & 12 janv. 2012 |
|
S11-120905-NP |
17 @ 24 |
2 mars & 2 mars |
E-10 |
S11-120901-NP |
25 @ 32 |
14 février & 10 mars |
E-12 |
S12-062001-NP |
33 @ 40 |
21 déc. & 12 janv. & 6 fév. 2012 |
E-13 |
S12-062002-NP |
41 @ 48 |
27 janvier 2012 |
E-14 |
S11-120904-NP |
49 @ 56 |
9 fév. / 12 fév. 2012 |
E-15 |
Jardins de Nantes
S11-120907-NP |
5 @ 8 |
7 janvier 2011 |
E-30 |
S11-120908-NP |
9 @ 12 |
7 janvier 2011 |
E-31 |
S11-120909-NP |
17@ 20 |
7 janvier 2011 |
E-32 |
S11-120910-NP |
21 @ 24 |
7 janvier 2011 |
E-33 |
S11-120911-NP |
25 @ 28 |
7 janvier 2011 |
E-34 |
S11-120912-NP |
29 @ 32 |
7 janvier 2011 |
E-35 |
S11-120913-NP |
33 @ 36 |
7 janvier 2011 |
E-36 |
S11-120914-NP |
37 @ 40 |
7 janvier 2011 |
E-37 |
S11-120915-NP |
41 @ 44 |
7 janvier 2011 |
E-38 |
S11-120916-NP |
45 @ 48 |
7 janvier 2011 |
E-39 |
S11-120917-NP |
49 @ 52 |
7 janvier 2011 |
E-40 |
S11-120918-NP |
53 @ 56 |
7 janvier 2011 |
E-41 |
S11-120919-NP |
57 @ 60 |
7 janvier 2011 |
E-42 |
Les SDC de Grenoble
[135.] Les dates de réception par l’Administrateur des demandes en vertu du mécanisme prévu au Plan s’échelonnent de février / mars 2010 à février 2012, (pièces E-9 @ E-15 en liasse) et se situe donc à l’intérieur du délai de prescription de trois (3) ans prévu à l’article 2925 C.c.Q;
[136.] Force m’est donc de constater que moins de trois (3) ans se sont écoulés entre la connaissance (mai 2009) et les demandes dont la plus tardive est de février 2012;
Les SDC de Nantes
[137.] Pour SDC de Nantes, la preuve de l’Administrateur désirant rencontrer ce moyen préliminaire est de beaucoup plus simple. Est en preuve la réception des parties communes au cours du mois d’août 2007, le(s) rapport(s) Cossette & Touchette sont du 9 août 2010 et les demandes d’indemnisation furent toutes reçues, en bloc, en janvier 2011 (pièces E-16 @ E-42 en liasse);
[138.] Considérant la preuve offerte et sur la foi des pièces et documents mis en preuve, je ne peux faire droit à ce(s) moyen(s) préliminaire(s) sur la question des délais. Je me dois de maintenir les demandes des Bénéficiaires et plus particulièrement de rejeter le(s) moyen(s) préliminaire(s) de l’Entrepreneur suggérant la tardivité de la dénonciation par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur (par les Bénéficiaires) ainsi que subsidiairement, ceux concernant l’acquisition du délai de prescription;
Sur le fond
Notion de base préliminaire « séparation coupe-feu»
[139.] La séparation coupe-feu se définit comme étant un assemblage horizontal ou vertical avec ou sans degré de résistance au feu destiné à retarder la propagation de l’incendie;
[140.] Il ne faut pas confondre «séparation coupe-feu» et «coupe-feu» où ce dernier est plutôt un matériau, un composant ou un système utilisé pour remplir un vide entre des séparations coupe-feu et d’autres ensembles de construction ou autour de certains éléments qui pénètrent entièrement ou partiellement des séparations coupe-feu afin de réduire la propagation des flammes et de la fumée tout en maintenant son intégrité de séparation coupe-feu;
[141.] Il est généralement accepté que les coupe-feu comprennent les systèmes homologués exclusifs et certains matériaux génériques de construction décrit dans le C.N.B.;
[142.] Les dispositions du C.N.B. portant sur les «registres coupe-feu» se retrouvent, entre autre, aux sections 3.1.8 et 3.1.9 ainsi qu’à la section 3.6 :
[142.1.] l’article 3.1.8.1 C.N.B. établi la prémisse de base qui influence l’installation d’un registre coupe-feu, à savoir : une séparation coupe-feu doit constituer un élément continu (la note, en annexe, précise que la séparation coupe-feu doit être coupe-feu et coupe-fumée);
[143.] La séparation coupe-feu doit se prolonger à l’endroit du vide technique horizontal [3.1.8.3.1) C.N.B.] et être étanche à la fumée [3.1.8.3.2) et 3.1.8.3.3) C.N.B.] lorsque le plafond ne contribue pas à la résistance au feu;
Dérogations possibles à la conduite de la séparation coupe-feu
[144.] Il existe des dérogations à la continuité d’une séparation coupe-feu. Entre autre, l’article 3.6.4.2 C.N.B. permet de ne pas prolonger la séparation coupe-feu dans un vide technique horizontal ou un vide de construction situé au-dessus de cette séparation coupe-feu mais, à certaines conditions seulement :
[144.1.] lorsque ce vide est séparé de l’espace au-dessus par une séparation coupe-feu horizontale d’un degré de résistance au feu au moins équivalent à celui de la séparation coupe-feu verticale (30 minutes minimum, si le degré de résistance au feu de la séparation coupe-feu verticale est d’au plus 45 minutes) et;
[144.1.1.] aucune ouverture n’est permise dans la séparation coupe-feu horizontale sauf aux conditions énumérées à l’article 3.1.9.5 C.N.B. (i.e. cette dérogation n’est pas permise lorsque la séparation coupe-feu est une paroi d’une gaine verticale ou d’une issue);
Conduit de fumée et vide technique vertical
[145.] Il est impossible d’installer un registre coupe-feu dans un conduit de fumée desservant un appareil à combustion, pas plus qu’il n’y a de dérogation à l’installation d’un tel registre. Il n’est donc pas possible d’assurer la continuité de la séparation coupe-feu au sein d’un conduit de fumée. Puisque la séparation coupe-feu ne peut être continue, un vide technique vertical doit être construit pour, entre autre, abriter les conduits de fumée lorsque l’appareil à combustion se retrouve adossé à une cloison intérieure. Nous savons aujourd’hui que ce vide technique ne peut loger les conduits de fumée de plus d’un compartiment résistant au feu (par compartiment, j’entends un logement, une suite, une unité privative etc.) afin de maintenir l’intégrité entre les compartiments traversés (à moins de rencontrer autrement les paramètres ci-haut);
[146.] La preuve offerte est à l’effet que, pour les SDC objet du présent litige, le plancher ou le toit entre les unités est de construction combustible. Il est alors possible d’aménager des ouvertures aboutissants à des conduits en tôle d’acier supportés par des feuillards d’acier situés dans le vide de faux-plafond lorsque, selon la note D-2.3.10 C.N.B., toutes les conditions suivantes sont respectées :
[146.1.] la résistance au feu du plancher ou du toit est d’au plus 1 heure;
[146.2.] chaque ouverture a une surface inférieure à 930 cm³ sans avoir une dimension supérieure à 310 mm et la surface total des ouvertures ne représente pas plus d’un pourcent (1%) de la surface au plafond du compartiment résistant au feu;
[146.3.] lorsqu’une dimension de l’ouverture est supérieure à 150 mm, des supports doivent être prévus lorsque les éléments de l’ossature sont espacés de plus de 400 mm; ces supports peuvent être construit d’attaches métalliques;
[146.4.] les ouvertures sont espacées entre-elles d’au moins 2 mm;
[146.5.] les conduits au-dessus de la paroi sont en tôle d’acier et sont supportés par des feuillards d’acier solidement fixés aux éléments de l’ossature;
[146.6.] la hauteur du vide du faux-plafond est d’au moins 230 mm, le dégagement entre le faux-plafond et le conduit est d’au moins 100 mm;
[147.] Aucune telle démonstration de dérogation possible n’a été soumise, voir même qu’il m’a été suggéré que ce qui est construit rencontre autrement les paramètres du C.N.B.;
[148.] Ce qui ci-haut précède (paragraphes [139.] @ [148.] consiste dans la mise en œuvre d’une protection passive, laquelle consiste à intégrer dans les constructions (plafonds, murs, cloisons, conduits, etc.) des systèmes coupe-feu qui limiteront la propagation de l’incendie (aussi communément appelé le cantonnement);
[149.] Nous ne pouvons ignorer que la protection du bâtiment contre l’incendie et les dommages structuraux sont un des objectifs du Code National du Bâtiment et que les dispositions pertinentes recherchent à limiter la probabilité qu’en raison de la conception et/ou de la construction, le bâtiment ou les bâtiments voisins soient exposés à un risque inacceptable de dommages sous l’effet d’un incendie ou à un risque inacceptable de privation de jouissance du bâtiment ou d’une partie de celui-ci;
[150.] Un des objectifs du C.N.B. est de limiter la probabilité qu’en raison de la conception ou de la construction d’un bâtiment, une personne se trouvant à l’intérieur ou à proximité du bâtiment soit exposée à un risque inacceptable de blessure sous l’effet d’un incendie[8];
[151.] Il ressort de l’ensemble de la preuve que les vides techniques verticaux des SDC de Grenoble, SDC de Limoges et SDC de Nantes, et en raison de leur conception puis construction (qui diffèrent de leurs conception et qui n’est pas conforme aux normes établies par le C.N.B.) exposent le bâtiment, les bâtiments voisins ainsi que les personnes se trouvant à l’intérieur ou à proximité à un risque inacceptable quant aux risques d’incendies et les conséquences potentielles;
[152.] Le témoignage des trois (3) inspecteurs du service de préventions des incendies de l’agglomération de Longueuil, les témoignages, en tous points concordants, des trois (3) experts voir même la preuve offerte par le représentant de chantier de l’Entrepreneur (pour ne pas dire l’ensemble et/ou l’universalité de la preuve) est uniforme et sans discordance et est à l’effet que nous sommes en présence des contraventions suivantes :
[152.1.] les cheminées qui traversent les assemblages planchers / plafonds pour lesquelles un degré de résistance au feu est exigé ne sont pas situés dans des puits techniques verticaux présentant un degré de résistance au feu équivalent à celui de l’assemblage planchers / plafonds traversés;
[152.2.] les puits techniques verticaux ne sont pas fermés avec des panneaux de gypse pour contrer la propagation du feu lors d’un incendie de cheminée ou d’un incendie qui atteindrait le vide technique vertical;
[152.3.] de manière généralisée, les caissons de foyer à combustion solide ne sont pas installés contre un mur fini (et donc, non-conformes à la norme d’homologation ULC-S610);
[152.4.] à plusieurs occasions, lorsqu’une déviation de conduits de fumée d’un appareil à combustion solide est composée de deux (2) sections et plus, il y a absence de support de déviation installé à mi-chemin le long de la déviation;
[152.5.] n’est pas retrouvé, une utilisation de matériel et/ou composante d’assemblage de plancher / plafond qui est homologuée et/ou pour lesquels le degré de résistance au feu est requis;
[152.6.] les enceintes abritant les appareils à combustion communiquent directement, par le biais des vides techniques verticaux, avec les vides de plancher et plafond des unités supérieures;
[152.7.] il y a absence de compartimentation des coupe-feu aux entre-toits et/ou une traverse des cloisons coupe-feu sans dispositif de fermeture affectant ainsi sérieusement la compartimentation des zones habitables;
[153.] Je réitère que l’ensemble de ces contraventions sont unanimement soutenus par les huit (8) témoins assignés par l’Entrepreneur ainsi que les quatre (4) témoins (et experts) assignés par l’Administrateur;
[154.] L’ensemble des carences relevées (source des présentes demandes d’arbitrage) sont connues et pleinement appréciées de l’Entrepreneur et sachant ceci :
[154.1.] il n’a pas suggéré qu’il s’agissait d’une situation factice;
[154.2.] il n’a suggéré une équivalence à ce qui était exigé et requis soit par la Régie du Bâtiment, soit par la municipalité de Boucherville, soit par le service sécurité / protection incendies de l’agglomération de Longueuil, soit par le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, soit par les firmes d’experts Cossette & Touchette, Cerf-Plan ou IMMO-SPEC Rive-Sud;
[155.] L’Entrepreneur a habilement tenté, en contre-interrogatoire, d’affaiblir la qualité des éléments de preuve versés, dans un premier temps, par ses propres témoins et dans un deuxième temps, par ceux de l’Administrateur;
[156.] Les procureurs de l’Entrepreneur ont de plus longuement plaidés que la perte de jouissance (utilisation) de leur appareil à combustion réduit l’agrément mais ne menace pas l’ouvrage et que «condamner» l’appareil à combustion n’a pas l’importance utile et nécessaire pour qualifier la problématique de vice de construction;
[157.] Avec respect pour toute opinion à l’effet contraire, l’unanimité et l’harmonie de l’ensemble des témoins tant ordinaires qu’experts est ce qui m’appert être les assises du processus décisionnel qui appuient leurs conclusions respectives sont, tout au long de l’enquête, demeurées solides;
[158.] L’absence de quelconque expertise voir même preuve documentaire (technique ou autre) au soutien de la contestation de l’Entrepreneur parle possiblement plus haut et plus fort que tout possible contre-interrogatoire;
[159.] Les procureurs de l’Entrepreneur plaident que la problématique est grossièrement exagérée, que ce qui a été construit date déjà de plusieurs années, qu’il s’agit d’un projet à haute densité (d’habitants) et que personne n’a fait la preuve de la propagation d’un incendie résultant du manque d’étanchéité du coupe-feu entre les unités résidentielles;
[160.] Le fait qu’il n’y a pas encore eu d’incendie ou propagation d’incendie indiffère d’autant plus que l’interdiction d’utiliser tout appareil à combustion dans le projet (correspondances et communiqué de presse des corps du service sécurité / protection incendies de la ville de Longueuil ayant, en toute probabilité, été sagement respecté par les propriétaires bénéficiaires) a sûrement grandement contribué à minimiser les risques;
[161.] Les procureurs de l’Entrepreneur nous suggèrent subsidiairement l’effet insidieux rétroactif du bulletin info RBQ de février 2008. Ce faisant, ils font fi que le pamphlet ne fait que réitérer ce qui semblait avoir été oublié par trop d’entrepreneurs concernant les vides techniques verticaux ainsi que l’intégrité de l’isolation coupe-feu entre des unités (compartiments) résidentielles. Le rappel des dispositions qui sont, à tout le moins, de trente (30) à quarante (40) ans d’âge;
[162.] Que des irrégularités aient été (ou non) longuement «oubliées» ou «mal comprises» ne peut pas être sanction ou excuse et l’histoire récente des incendies du Mont-Tremblant (IntraWest) et de la municipalité de Brossard (rue Stravinski), des incidents dont les causes de propagation d’incendie, pour des causes similaires à la problématique ici constatée, et qui font parties du domaine public en raison des litiges civils importants qu’ils ont suscités, n’ont fait qu’imposer un rappel des normes de sécurité (et donc, entre autre, l’info RBQ pièce A-1);
[163.] Il ne s’agit même pas ici d’un changement de cap d’une procédure et/ou d’un procédé autrefois homologué, subséquemment banni, il s’agit plutôt ici du non-respect de dispositions de sécurité qui sont d’ordre public et vieille de plus de trente (30) ans;
La notion de vice de construction (au sens du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments neufs)
[164.] Nous savons que le vice caché relève de la garantie de qualité du vendeur (article 1726 C.c.Q.) alors que le vice de construction et/ou de conception où, à satiété, on utilise le sobriquet de «vice majeur» vise en conformité de l’article 2118 C.c.Q. la responsabilité (entre autre) de l’Entrepreneur pour les travaux qu’il a exécuté ou pour la perte de l’ouvrage;
[165.] L’Entrepreneur nous suggère que pour qu’il y ait vice de construction, il doit y avoir perte partielle ou totale et que la notion de perte d’ouvrage s’évalue en fonction du résultat de l’ouvrage (son utilisation et de sa destination);
[166.] Il nous cite l’auteur Vincent Karim, LLD et nous offre copie de certains chapitres de son ouvrage. J’extrais de cet ouvrage certains passages (page 451 de son ouvrage) :
«… il suffit qu’un danger sérieux plane sur une partie importante de celui-ci et que le vice compromette cette solidité ou rend difficile son utilisation… »
( … )
«… démontrer la présence d’un risque ou d’un danger sérieux pouvant causer la perte potentielle de l’ouvrage... »
( … )
«… la seule menace de destruction de l’immeuble, attribuable à un vice de construction constitue en soi un préjudice réel et suffisant pour engager la responsabilité du constructeur au sens de 2118, C.c.Q. …»
[167.] Nous savons que la notion de «perte» doit recevoir une interprétation large et s’il y a démonstration que le défaut de construction risque de nuire à la solidité et à l’utilité du bâtiment, une perte potentielle suffit[9];
[168.] Je note que ce même auteur, au chapitre précédent, à la page 438, paragraphes 1056 et suivants rappelle que le but de la disposition de l’article 2118 C.c.Q., (qui est d’ordre public), est entre autre, la sécurité du propriétaire ainsi que celle du public en général;
[169.] Ces commentaires de l’auteur s’inscrivent dans la mouvance de la Cour d’appel sous la plume des juges McCartey, Proulx et Delisle[10] où cette Cour, après un survol de la jurisprudence et de la doctrine pertinente, confirme que l’article 2118 C.c.Q. vise à assurer la qualité et la solidité de l’œuvre érigée dans un souci de ne pas compromettre la sécurité tant du maître d’ouvrage que le public en général. Faisant alors leurs les propos de Thérèse Rousseau-Houle[11] :
«… il y a donc «un autre principe à la base de la responsabilité de l’architecte et de l’entrepreneur : c’est l’ordre public qui veut que les édifices ne constituent pas un danger pour la vie de l’homme en société»…»
[170.] J’accepte donc le courant jurisprudentiel et doctrinaire à l’effet que le but de l’article 2118 C.c.Q. est d’assurer la qualité et la solidité des constructions dans un souci d’assurer la sécurité du public en général ainsi que celle de leurs propriétaires[12];
[171.] Dans certaines circonstances, le Tribunal se doit d’étudier le caractère du vice soulevé afin de déterminer quelle disposition du plan trouve application s’il en est. La jurisprudence et la doctrine ont fixées des paramètres différents à certains des critères que l’on retrouve visés aux différents aliénas de l’article 27 du Règlement;
[172.] Un vice de conception ou de construction peut s’intégrer à la définition de vice caché, quoique le terme «vice» ne corresponde pas à la même notion juridique; le vice de 1726 C.c.Q. est fondé sur l’usage du bien alors que celui de 2118 C.c.Q. est évalué par rapport au risque de la perte du bien ou du risque d’un «danger pour la vie de l’homme en société». Cette perte n’a pas à être totale, elle peut être partielle, potentielle ou elle peut même être de nature à rendre l’immeuble impropre à l’usage auquel il est destiné[13];
[173.] Je rappelle que dans cette l’instance, c’est l’Entrepreneur qui est en demande, c’est ce dernier qui a le fardeau de convaincre d’autant plus que l’article 2118 C.c.Q. établi une présomption de responsabilité de l’Entrepreneur;
[174.] Il est, de plus, clair que le C.N.B. prévoit la nécessité de la mise en œuvre d’une protection passive, laquelle consiste à intégrer dans les constructions des systèmes coupe-feu qui limiteront la propagation d’incendies. Une fois cette non-conformité et/ou dérogation à une obligation prévue au C.N.B. prouvée, cela a comme effet et/ou conséquence d’imposer un fardeau de preuve à l’Entrepreneur, le fardeau de prouver que ce qui a été mis en œuvre équivaut (ou surpasse) les exigences du C.N.B.;
[175.] La situation présente des SDC de Grenoble, de Limoges et de Nantes est problématique, la situation est dangereuse, la situation a été dénoncée conformément aux dispositions du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, l’Administrateur du plan de garantie est d’opinion qu’il se doit de favorablement considérer la demande des Bénéficiaires. Subsidiairement, l’Entrepreneur n’a pas su me convaincre du caractère inapproprié de la Décision de l’Administrateur d’offrir couverture;
[176.] Nous sommes en présence d’un désordre ou malfaçon portant sur la qualité technique de l’ouvrage ou d’un élément d’équipement faisant indissociablement corps avec lui qui rendent l’ouvrage impropre et affecte l’intégrité de l’ouvrage et constitue un danger «pour la vie de l’homme en société»;
[177.] Il m’appert nécessaire que soit effectuer les travaux de correction, il s’agit d’un risque pour la sécurité qui affecte le bien-être des occupants ainsi que l’intégrité du bien immobilier;
[178.] Il est insuffisant pour assurer l’intégrité coupe-feu entre chaque étage de simplement placarder le foyer puisqu’il ne s’agit pas nécessairement d’un feu de cheminée ou un feu qui aurait son origine dans le caisson ou même d’un mauvais fonctionnement de l’appareil à combustion qui constitue un danger mais, et désirant réduire à sa plus simple expression : l’intégrité des séparations coupe-feu entre les unités résidentielles est source de haut risque en cas d’incendie;
[179.] La non-utilisation du foyer ne rend pas la situation sécuritaire, elle constitue uniquement une mesure d’atermoiement du risque;
[180.] La conformité de l’appareil à combustion et de la cheminée n’est pas en cause, il s’agit plutôt d’une non-conformité de l’étanchéité de la séparation coupe-feu entre deux (2) logements (l’objectif étant de retarder la propagation d’un incendie d’un compartiment vers un autre compartiment coupe-feu) et cette non-conformité existe qu’il y ait ou non un appareil à combustion;
[181.] Tel que ci-haut repris, le C.N.B. prévoit que les logements doivent être séparés par une séparation coupe-feu continue ayant une résistance au feu d’au moins 45 minutes (1 heure dans certains cas). Le Code prévoit également que les vides techniques verticaux soient isolés du reste du bâtiment par une séparation coupe-feu ayant un degré de résistance au feu d’au moins 45 minutes. Cette séparation coupe-feu doit de plus se prolonger au-delà du toit du bâtiment;
Frais d’expertises
[182.] Il n’y a pas eu de demande de remboursement des frais d’expertises des Bénéficiaires. Il n’y aura donc pas lieu ici de les accorder;
Je résume :
[183.] Nous savons que ce qui a été construit est en contravention avec ce qui est prévu aux plans et devis et au Code national du bâtiment;
[184.] Nous savons que le Code national du bâtiment est d’ordre public, ce qui ne signifie pas que tous doivent y adhérer à la lettre; comparable, équivalence ou dépassement des normes est certes possible;
[185.] Une fois contravention aux dispositions et objectifs de sécurité du C.N.B établie, il appartient à l’Entrepreneur le fardeau d’établir que sa dérogation est égale, semblable, équivalente ou un dépassement de la norme. Un fardeau qui lui est, de toute façon imposé, vu la présomption de responsabilité établie par l’article 2118 C.c.Q.;
[186.] Il n’y eu pas un commencement de preuve, documentaire, scientifique ou même testimoniale pouvant proposer équivalence ou dépassement de la norme. Encore, et je me répète ici, ce qui a été construit n’est pas conforme aux plans et devis. L’auteur des plans et devis étant d’ailleurs présent tout au long de l’enquête et audition et les procureurs de l’Administrateur ont soigneusement choisi de ne pas le faire témoigner;
[187.] L’Entrepreneur a soustrait de son ouvrage les protections coupe-feu qui étaient prévues aux plans et devis puis permis les sept (7) contraventions ci-haut reprises au paragraphe [152.]. Ceci constitue un danger sérieux touchant une partie essentielle du bâtiment et donc, couverte par la garantie contre les vices de conception, de construction et/ou de réalisation. La dénonciation ayant été faite dans les six (6) mois qui ont suivis la découverte du problème, les réclamations des Bénéficiaires ont été, à juste titre, reconnues par l’Administrateur;
[188.] Parce que j’accepte de plus le courant jurisprudentiel et doctrinaire à l’effet que le but de l’article 2118 C.c.Q. est d’assurer la qualité et la solidité des constructions dans un souci d’assurer la sécurité du public en général ainsi que celle de leur propriétaires, et que les édifices ne doivent pas constituer un «danger pour la vie de l’homme en société» et parce que j’accepte que la problématique telle que longuement décrite, constitue un vice de construction représentant tantôt un risque probable d’incendie, tantôt et de façon plus notable, un risque de propagation d’incendies; il est manifeste que tous les vides techniques verticaux (ainsi que l’installation de la plupart des appareils à combustion - à divers degrés selon qu’il s’agit d’appareils à combustion solide et/ou autre) violent les règles applicables et constituent tantôt un risque d’incendie, tantôt un risque de propagation d’incendie dans des bâtiments résidentiels à haute densité;
[189.] Il ne s’agit pas ici, tel que le suggère in fine les procureurs de l’Entrepreneur, «d’un simple déficit d’usage»;
[190.] Je rappelle que le Tribunal d’arbitrage a été créé par le Règlement sur les plans de garantie pour en assurer l’application. Il ne peut décider de litige qui relève de l’application d’autres Lois même s’il peut penser que d’autres Lois pourraient s’appliquer au présent litige. Conséquemment, ma Décision se situe à l’intérieur des paramètres dictés par le législateur dans le cadre du Règlement et est donc sans préjudice et sous toutes réserves du droit des parties (qui est leur) de porter devant les Tribunaux civils, leurs prétentions ainsi que de rechercher remède, sujet bien entendu, aux règles de droit commun et à la prescription civile;
[191.] En vertu de l’article 123 du Règlement et puisque l’Entrepreneur est en demande, les frais d’arbitrage seront partagés à part égale entre l’Administrateur du plan de garantie et l’Entrepreneur.
[192.] Je tiens à faire mention du précieux soutien obtenu par le Tribunal de la part des procureurs au(x) dossier(s) et du difficile exercice auquel se sont voués les procureurs de l’Entrepreneur; leur insuccès n’est que résultante de la justesse et probité de leurs représentations. Cela les honorent;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE la demande de l’Entrepreneur;
MAINTIENT la décision de l’Administrateur;
ORDONNE à l’Entrepreneur de :
«… rendre la compartimentation des conduits de fumée (comprendre les vides techniques verticaux) conformes à la règlementation ou d’obtenir, des autorités compétentes, l’approbation de mesures différentes et de les mettre en place…»
LE TOUT AVEC FRAIS à être départagés également entre l’Administrateur du plan de garantie et l’Entrepreneur.
Montréal, le 23 novembre 2012
(s) Michel A. Jeanniot
_______________________
Me Michel A. Jeanniot
Arbitre / CCAC
[1] L.R.Q., c. B-1.1
[2] R.R.Q., c. B-1.1, r.0.2
[3] SDC étant l’acronyme pour Syndicat de copropriété
[4] Cerf-Plan Inc., 9519 rue Foucher, Montréal, Québec, H2M 1W3
[5] 9184-5073 Québec Inc., 92 place de Chambord, Candiac, Québec J5R 4H1
[6]Association des professionnels du chauffage du Québec, 1465 Jean Talon Est, C.P.37303, Montréal, Québec, H2E 3B5
[7] «Normes ULC» normes adoptées et élaborées pour le Canada par une «UL» société international indépendante qui élabore et publie des normes et des spécifications concernant des produits qui ont quelques rapports avec (entre autre)les risques d’incendies, la sécurité et protection des personnes.
[8] OS1 sécurité incendies, objectif du C.N.B. : sécurité, site du Gouvernement du Canada, page : www.nationalcodes.ca/fra/cnb/objectifs_securite.shtml
[9] Argonal Inc. c. Shector et als., C.S., 500-05-003233-929 (juge A. Derek Guthrie)
[10] 500-09-000066-894 ( AZ-94011722 )
[11] Pages 4 et 5 de la décision de la Cour d’appel,
[12] Général Signal Ltée division Ceilcote Canada c. Alide Canada, JE 94-1091 (C.A.)
[13] Barreau du Québec, collection de droit - contrats, prescription, sûreté et publicité des droits, volume 6, Cowansville, éditions Yvon Blais, 2008 - 2009