CANADA Société pour la résolution des conflits Inc. (SORECONI)
Province dE Québec
district de montréal Tribunal d’arbitrage
no. de référence de SORECONI : 050610001 montréal, le 15 mars 2006
no. de référence de l’arbitre: 13 249-9
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Johanne Giguère
-et-
Bruno Doyon
« Bénéficiaires » / Appelants
c.
Gestions La Casa Inc.
« Entrepreneur » / Intimée
-ET-
La Garantie Qualité Habitation « Administrateur » / Mise en cause
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APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PROCÉDURES, ENTENDU LA PREUVE ET Les
ARGUMENTS DES parties, le tribunal d’arbitrage rend la dÉcision suivante:
1. FAITS ET PROCÉDURES
Le 8 juin 2001, les Bénéficiaires ont signé l’acte d’achat pour leur propriété située au 1070, rue des Tournesols à Laval (pièce A-2).
Le 21 novembre 2001, les Bénéficiaires ont pris possession de leur résidence.
À l’hiver 2002, une plainte est formulée par les Bénéficiaires auprès de l’Administrateur concernant des fissures dans les fondations et dans le mortier de briques s’étendant jusqu’en dessous des fenêtres. Dans sa première décision, pièce B-1, l’Administrateur a rejeté la plainte des Bénéficiaires au motif qu’il s’agit de fissures de retrait causées par l’assèchement du béton.
L’hiver suivant d’autres fissures de même nature sont apparues. Les Bénéficiaires n’en ont pas fait part à l’Administrateur, considérant que les fissures étaient de la même nature et de la même envergure que celles de l’année précédente et que la décision de l’Administrateur serait donc la même. De plus, ils s’en remettent à l’expertise de l’Administrateur en la matière et lui font confiance lorsque ce dernier est d’opinion qu’il s’agit de fissures de retrait dues au comportement normal des matériaux. Durant la saison estivale, les fissures se sont refermées.
Or, à l’hiver 2004-2005, des fissures déjà existantes l’hiver précédent réapparaissent et s’élargissent à un point tel qu’il est désormais possible d’y faire entrer un doigt. Les Bénéficiaires réalisent alors l’ampleur du problème et décident de porter plainte de nouveau auprès de l’Administrateur
Au surplus, le 17 mars 2005, une infiltration d’eau au plafond du hall d’entrée survient.
En conséquence, le 28 mars 2005, les Bénéficiaires formulent une plainte auprès de l’Administrateur relativement à ces deux (2) événements (pièce A-3). Suivant ladite plainte, une inspection du bâtiment a lieu le 31 mars 2005 et une décision est rendue par l’Administrateur le 13 mai 2005 (pièce A-1), laquelle rejette la réclamation des Bénéficiaires quant aux deux (2) points au motif qu’elle est hors délai.
Le Tribunal d’arbitrage est saisi de ces plaintes car les Bénéficiaires ont porté ce rejet en arbitrage.
2. Question en litige
Est-ce que la décision de l’Administrateur du 13 mai 2005 est bien fondée en faits et en droit ?
3. Analyse et dÉcision
Point 1 : Balcon avant
Noter que les Bénéficiaires n’ont pas fait appel à un expert pour soutenir leurs théories techniques. Seul Monsieur Normand Pitre, inspecteur-conciliateur chez l’Administrateur, était présent à titre d’expert lors de l’audition.
Lors de son témoignage, Monsieur Pitre s’est dit d’avis que la cause probable des mouvements verticaux du balcon avant, et des fissures ainsi occasionnées, relève d’un surplus de remblai non contrôlé sous l’escalier avant. Il soumet que la jonction, entre le muret de soutien des escaliers et le béton du mur de fondation de la maison, n’est pas affectée mais que les escaliers bougent selon l’effet du gel et du dégel du sol : le balcon n’est pas constant, soit dans sa profondeur, soit en rapport aux matériaux qui le soutiennent, à résister à l’effet du gel et du dégel. Ce serait le mouvement des escaliers qui provoquerait les fissures, lesquelles se prolongent dans le mortier.
Dans sa décision, l’Administrateur a évalué la situation sous l’angle d’un vice majeur ayant une protection de cinq (5) ans, considérant que le délai de trois (3) ans pour les vices cachés était expiré. En conséquence, et considérant ce qui précède, l’Administrateur a décidé que la stabilité et la solidité de la structure du bâtiment n’étaient pas mises en péril par de tels mouvements des escaliers et a rejeté la plainte des Bénéficiaires.
Avec égards, le Tribunal d’arbitrage considère, dans les circonstances, que le délai de protection de trois (3) ans pour les vices cachés en vertu du plan de garantie n’était pas expiré au moment de la plainte. En effet, les vices cachés peuvent être couverts par le plan de garantie de l’Administrateur s’ils sont découverts dans les trois (3) ans suivant la réception de l’ouvrage et dénoncés par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans les six (6) mois de leur découverte, conformément à la clause 6.4.2.4 du contrat de garantie, pièce B-3.
À noter que le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs précise que la « découverte » est au sens de l’article 1739 C.c.Q. suivant lequel en cas de manifestation graduelle du vice, la découverte a lieu lorsque l’acheteur a pu raisonnablement en soupçonner « la gravité et l’étendue ». Qu’en est-il en l’espèce ?
Les premières manifestations du vice eurent lieu à l’hiver 2002-2003. Or, suite à une inspection du bâtiment par l’Administrateur, ce dernier a conclu à des fissures de retrait. L’hiver suivant, soit à l’hiver 2003-2004, d’autres fissures du même type sont apparues. Les Bénéficiaires, les jugeant similaires à celles de l’hiver précédent, ont cru à des fissures de retrait et n’ont pas avisé l’Administrateur. Par ailleurs, lesdites fissures se sont résorbées au cours de la saison estivale pour réapparaître l’hiver suivant, soit à l’hiver 2004-2005 mais cette fois-ci, les fissures sont beaucoup plus importantes et beaucoup plus larges. C’est à ce moment que les Bénéficiaires réalisent la gravité et l’étendue du problème.
Compte tenu que les Bénéficiaires ont reçu leur bâtiment le 21 novembre 2001, le délai de trois (3) ans qui a trait à la découverte des vices cachés expira le 22 novembre 2004. Or, dans les circonstances, les Bénéficiaires ont découvert, au plus tôt le 21 novembre 2004, l’ampleur et la gravité du vice affectant leur propriété et ils bénéficiaient d’un délai de six (6) mois pour le dénoncer par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur, soit jusqu’au 21 mai 2005[1].
En l’instance, le vice a été dénoncé par écrit à l’Administrateur le 28 mars 2005. En conséquence, les Bénéficiaires ont présenté leur réclamation dans le délai légal imparti.
Le Tribunal d’arbitrage ordonne donc à l’Administrateur de faire les travaux requis pour mettre le balcon à l’épreuve du gel et du dégel. Selon la description de Monsieur Pitre à l’audition, ces travaux comprennent l’excavation du dessous des escaliers avant, le remplacement du remblayage existant par un remblayage adéquat, le colmatage de toutes les fissures existantes sur le mortier et en relation avec les fissures à la structure des escaliers, le tout, selon les règles de l’art. L’Administrateur a le choix des techniques de réalisation, dans le cadre des règles de l’art, mais a une obligation de résultat, soit de s’assurer que le phénomène constaté de gel et de dégel et ses conséquences soient éliminés.
Point 2 : Infiltration d’eau dans le hall d’entrée
Le 17 mars 2005, une infiltration d’eau s’est produite dans le hall d’entrée des Bénéficiaires. Ceux-ci ont avisé l’Administrateur par écrit le 28 mars 2005 (pièce A-3). Cette réclamation des Bénéficiaires fut rejetée au motif que le vice n’avait pas été découvert dans les trois (3) ans suivant le réception du bâtiment et que par conséquent, seul un vice majeur risquant d’entraîner la perte totale ou partielle de l’immeuble restait admissible dans le cadre du plan de garantie. Or, selon l’avis de l’inspecteur-conciliateur, l’infiltration d’eau a probablement été causée par un barrage de glace sur le toit de la propriété résultant de circonstances climatiques exceptionnelles. Au surplus, il ajoute que les Bénéficiaires ont affirmé qu’il n’y avait jamais eu d’autre infiltration d’eau à leur propriété. Cette version des faits n’est pas contredite lors de l’audition d’arbitrage.
Les Bénéficiaires, pour leur part, n’ont fait entendre aucun expert à ce sujet. La suggestion qu’il s’agit d’un problème d’isolation inadéquate ou de ventilation ne repose sur aucune preuve solide.
En conséquence, le Tribunal d’arbitrage rejette cette partie de la réclamation des Bénéficiaires.
4. CONCLUSION ET RÉPARTITION DES COÛTS
En conclusion, le tribunal d’arbitrage accueille la réclamation des Bénéficiaires relativement au point 1 mais la rejette relativement au point 2.
Conformément à l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les frais de l’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur puisque les Bénéficiaires ont eu gain de cause sur au moins un (1) point.
POUR CES motifs, LE Tribunal D’ARBITRAGE:
ACCUEILLE en partie la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;
DÉCLARE que la plainte mentionnée au point 1 est bien fondée et ORDONNE à l’Administrateur de réaliser les travaux nécessaires et mentionnés dans la présente sentence lorsque les conditions climatiques seront propices à la réalisation de tels travaux et au plus tard le 31 mai 2006 afin de rectifier la situation, conformément aux règles de l’art;
CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais du présent arbitrage.
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Me Jeffrey Edwards, arbitre
Pour les Bénéficiaires:
Monsieur Bruno Doyon
Madame Johanne Giguère
1070, rue des Tournesols
Laval, (Québec) H7Y 2C1
Pour l’Entrepreneur :
Gestion La Casa Inc.
Aucune personne ne s’est présentée malgré les avis d’audition envoyés.
Pour l’Administrateur :
Me Avelino De Andrade
Leblanc, Lalonde et Associés
7400, boul. des Galeries-d’Anjou, bureau 205
Anjou, (Québec) H1M 3M2
Audition : 24 février 2006
Décision arbitrale: 15 mars 2006
[1] Voir la décision Guerrera c. Les Constructions Naslin, SORECONI, décision rendue le 17 juin 2005 (arbitre Jeffrey Edwards) pour le calcul du délai de dénonciation de six (6) mois.