Gabarit EDJ

 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE

Montse Hernandez et Stéphane Lacharité

(ci-après les « bénéficiaires »)

 

C.

9116-7056 Québec inc.

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET

La Garantie Habitation du Québec inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

No dossier QH : 109363 - 10961

No dossier GAMM : 2017-06-006

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis

 

Pour les bénéficiaires :

Mme Montse Hernandez

 

Pour l'entrepreneur :

Aucun représentant

 

Pour l'administrateur :

Me François-Olivier Godin

 

Date d’audience :

10 octobre 2017

 

Lieu d’audience :

Montréal

 

 

Date de la sentence :

23 octobre 2017

I : INTRODUCTION

[1]           Il s’agit ici d’une unité d’habitation non détenue en copropriété divise, située dans l’est de l’île de Montréal.

[2]           Le bâtiment a été reçu le 20 juillet 2015.

[3]           À l’arrière de cette résidence, une porte patio donne accès à un balcon en bois, lequel, par un escalier descendant, mène à une terrasse.

[4]           Les bénéficiaires ont soumis à l’administrateur deux réclamations relativement au balcon précité.

Première réclamation

[5]           Elle est datée du 18 décembre 2015 et demande de remplacer la main courante et d’installer un escalier au balcon arrière. Dans sa décision du 21 avril 2016, l’administrateur accueille favorablement cette réclamation.

Seconde réclamation

[6]           Elle est datée du 5 janvier 2017, et les bénéficiaires y dénoncent la situation en ces termes : « En déneigeant le balcon arrière nous avons constaté qu’il semble s’être affaissé. »

[7]           Dans sa décision du 8 mai 2017, l’administrateur refuse cette réclamation en invoquant ce qui suit :

Ainsi, n’ayant pas été dénoncé par écrit à l’entrepreneur et à La garantie Qualité Habitation dans l’année suivant la prise de possession de la résidence, nous devons nous prononcer dans le cadre d’un vice caché au sens des articles [sic] 1726 ou de l’article 2103 du Code civil du Québec et selon l’article 6.4.2.4 du contrat de garantie obligatoire de maison neuve et dont voici l’extrait :

La réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil;

Or, selon ce qu’il nous a été possible de constater lors de notre inspection, ce point ne peut être considéré comme un vice caché.

[8]           Subséquemment, vu l’affaissement et le piètre état du balcon, les bénéficiaires ont décidé de le faire reconstruire en entier par un entrepreneur de leur choix, en éliminant la structure et les matériaux existants.

[9]           Ils estiment que le coût du balcon original est de l’ordre de trois mille dollars (3 000 $).

[10]        Par leur demande d’arbitrage, ils réclament donc de l’entrepreneur ou de l’administrateur le remboursement de ce montant.

[11]        Après avoir été dûment convoqué, l’entrepreneur n’était pas représenté lors de l’audience.

[12]        En cours d’enquête, les personnes suivantes ont témoigné :

        Mme Montse Hernandez, bénéficiaire

        M. Stéphane Lacharité, bénéficiaire

        M. Benoit Pelletier, T.P., conciliateur au moment de la seconde réclamation

[13]        À l’appui de son argumentation, le procureur de l’administrateur a soumis la sentence arbitrale rendue le 10 mai 2013 par Me Jean Philippe Ewart (SORECONI) dans l’affaire Syndicat des copropriétaires Place Marien 1 et Développement Allogio inc. et ­La Garantie Abritat inc.

II : DÉCISION ET MOTIFS

[14]        Nous sommes ici en présence d’une situation assez particulière. En effet, selon les deux rapports de conciliation ci-devant cités, le bâtiment comporte un nombre imposant d’éléments à corriger; par ailleurs, l’entrepreneur d’origine a abandonné le projet et ne remplit plus ses obligations à l’égard des travaux à exécuter.

[15]        L’administrateur agit donc comme responsable de ces travaux par l’intermédiaire de ce qu’il appelle un « entrepreneur soumissionnaire ».

[16]        La première réclamation ayant trait au balcon est favorablement accueillie par l’administrateur, et ce dernier demande à son « entrepreneur soumissionnaire » d’effectuer les correctifs.

[17]        Or, il a été prouvé à la satisfaction du tribunal que ce sous-traitant a effectué du travail de piètre qualité et que l’escalier installé sur le balcon est non sécuritaire.

[18]        Ultérieurement, les bénéficiaires constatent un affaissement du balcon et soumettent une deuxième réclamation qui leur est refusée par l’administrateur sous prétexte que cette dénonciation a été faite dans la deuxième année de la garantie.

[19]        Or, l’auteur du rapport de conciliation relatif à cette deuxième réclamation, M. Benoit Pelletier, n’a considéré durant sa visite que l’affaissement; il n’a pas inspecté en profondeur, ce qui lui aurait permis de déceler plusieurs non-conformités présentes sur ce balcon et démontrées par les bénéficiaires, notamment absence de renforts, poutre de soutien manquante, pente du balcon négative, barreaux non adéquats, rampes et escalier branlants, base de l’escalier sur blocs de béton et planches de bois, ancrages non solidifiés; toutes ces conditions et d’autres étaient présentes en plus de l’affaissement.

[20]        D’après les bénéficiaires, ces facteurs ont rendu le balcon dangereux, non sécuritaire et non utilisable.

[21]        Je répète que ces conditions ont été causées en partie par l’entrepreneur d’origine et en partie par l’administrateur lui-même, en ayant recours à la sous-traitance par un « entrepreneur soumissionnaire ».

[22]        En audience, l’inspecteur conciliateur, M. Pelletier, a livré le témoignage suivant : « Si on m’avait démontré tous ces éléments lors de ma visite, probablement que ma décision aurait été différente. »

[23]        Le procureur de l’administrateur argumente à l’effet que M. Pelletier avait été appelé en regard de l’affaissement du balcon et qu’il n’avait pas à chercher tous les « bobos ».

[24]        Je soumets que tous ces « bobos » étaient facilement décelables et qu’ils étaient concentrés en un seul lieu; qui plus est, en fonction d’un affaissement, il fallait détecter toutes les causes; il s’agit là d’une responsabilité professionnelle qui transcende la relation avec son employeur, alors qu’il est ici question de sécurité.

[25]        Les bénéficiaires ont suffisamment démontré que ce balcon constituait un danger certain pour les enfants et les personnes âgées.

[26]        Dans un courriel daté du 16 mai 2017, soit quelques jours après la décision de M. Pelletier, les bénéficiaires démontrent à ce dernier l’état non sécuritaire du balcon.

[27]        Devant l’inertie aveugle de l’administrateur et devant l’état non sécuritaire prouvé du balcon, les bénéficiaires ont décidé de rejeter intégralement ce balcon et d’en faire construire un autre avec des matériaux complètement nouveaux, puisque selon la preuve recueillie, la structure existante ne pouvait être réutilisée.

[28]        Le soussigné est d’avis que la seconde réclamation est la suite logique de la première et qu’ainsi, le tout se situe dans la première année de la garantie.

[29]        En effet, la structure du balcon était déficiente depuis la première réclamation, causant ainsi un affaissement après un certain temps.

[30]        En conclusion, la preuve a démontré que nous sommes ici en présence d’une situation où l’administrateur a agi avec négligence pour la réfection du balcon et avec partialité dans l’inspection de celui-ci; il souhaiterait maintenant que les bénéficiaires en payent le prix.

[31]        Or, selon l’adage très reconnu d’origine latine, « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».

[32]        Conformément à l’article 116 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, vu les circonstances particulières de cette affaire, le tribunal fait appel à l’équité, ACCUEILLE favorablement la présente réclamation et ORDONNE à l’entrepreneur de rembourser aux bénéficiaires la somme de trois mille dollars (3 000 $), dans les vingt (20) jours de la présente.

[33]        À défaut par l’entrepreneur de se conformer à la présente ordonnance, le tribunal ORDONNE à l’administrateur d’y suppléer, et ce, dans les vingt (20) jours suivant l’expiration du délai accordé à l’entrepreneur.

Coûts de l’arbitrage

[34]        Conformément à l’article 21 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les coûts du présent arbitrage sont entièrement à la charge de l’administrateur.

 

BOUCHERVILLE, le 23 octobre 2017.

 

                                                                                                                                              

 

 

 

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Claude Dupuis, arbitre