ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : SORECONI
ENTRE : TANOS KAIROUZ & AIDA KAYROUZ
(ci-après « les Bénéficiaires »)
ET : CONSTRUCTION LA BELLE FONTAINE
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ
(ci-après « l’Administrateur »)
No dossier SORECONI : 07417001
No. bâtiment: 052439-1
Arbitre : Me Michel A. Jeanniot
Pour les Bénéficiaires : M. Pierre Kayrouz
Pour l’Entrepreneur : M. Hassan Doukkali
Pour l’Administrateur : Me François Laplante
M. Jean-Pierre Bigras
Date d’audience : 19 octobre 2007
Lieu d’audience : 44, rue Monast, Gatineau
Date de la sentence : 30 octobre 2007
Identification complètes des parties
Arbitre : Me Michel A. Jeanniot
PAQUIN PELLETIER
1010, de la Gauchetière Ouest
Suite 950
Montréal (Québec)
H3B 2N2
Bénéficiaires : Mme Aida Kayrouz
M. Tanos Kairouz
44, rue Monast
Gatineau (Québec)
J8R 2L1
Entrepreneur: M. Hassan Doukkali
Construction La Belle Fontaine
216, de Sérignan
Gatineau (Québec)
J8V 3S1
Administrateur : APCHQ
5930, boul Louis-H. Lafontaine
Anjou (Québec)
H1M 1S7
Et son procureur :
Me François Laplante
Décision
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 9 mai 2007.
25 février 2002 : Contrat d’entreprise et contrat de garantie;
30 juin 2003 : Réception du bâtiment;
7 avril 2005: Lettre des Bénéficiaires à l’Entrepreneur;
10 novembre 2006 : Avis de 15 jours aux parties;
19 mai 2007 : Décision de l’Administrateur;
16 avril 2007: Demande d’arbitrage des Bénéficiaires;
30 avril 2007: SORECONI obtient copie du dossier relatif à la décision de l’Administrateur;
9 mai 2007 : Nomination de l’Arbitre;
9 mai 2007: Lettre de l’arbitre aux parties les informant du processus à venir;
10 juillet 2007 : Lettre de l’arbitre aux parties fixant l’arbitrage au 19 octobre 2007, à 10h30 am;
2 octobre 2007 : Lettre de l’arbitre aux parties fixant l’endroit de l’enquête et audition;
19 octobre 2007: Enquête et audition du dossier.
Objection préliminaire :
[1] Aucune objection préliminaire n’a été soulevée par les parties, l’arbitre constate que juridiction lui est acquise et l’audience, de consentement, est ouverte à 10h30 am, le vendredi 19 octobre 2007, au domicile des Bénéficiaires, situé au 44, rue Monast, à Gatineau.
Admissions :
[2] Il s’agit d’un bâtiment résidentiel non détenu en copropriété et en date du ou vers le 30 juin 2003, il y eu réception du bâtiment par les Bénéficiaires.
[3] La première réclamation écrite des Bénéficiaires fut transmise puis reçue par l’Administrateur en janvier 2005 et l’inspection résultante de la réclamation écrite a eu lieu le 15 février 2007.
[4] La demande d’arbitrage est pour et/ou inclut les 4 points de la décision du 19 mars 2007, incluant le point 1 qui a d’ailleurs été reconnu par l’Administrateur.
Déroulement de l’instance :
[5] L’enquête débute par un exposé (très) sommaire des parties, interrompue d’une visite du site qui fut suivie des représentations des parties au soutien de leurs positions respectives sur les divers postes de réclamation.
Point 1 - Infiltrations d’eau, en août 2004, au plafond de la cuisine du rez-de-chaussée
[6] Ici, l’Administrateur a déjà reconnu le bien fondé de ce poste de réclamation et l’Entrepreneur devait se conformer à la décision rendue à l’intérieur d’un délai de 30 jours suivant la réception de cette même décision.
[7] Pour des raisons qui demeurent encore aujourd'hui nébuleuses, l’Entrepreneur ne reconnaît pas avoir reçu cette décision (de l’Administrateur) du 19 mars 2007 et, l’Administrateur ne peut ou n’est en mesure de contredire cette assertion de l’Entrepreneur.
[8] Quoiqu’il en soit, séance tenante, nous constatons que cet ouvrage demeure a être adressé - complété et conséquemment, je fais droit à la demande du Bénéficiaire que soit rendue exécutoire (i.e. que ce volet acquiert caractère de chose jugée) cet élément de la décision de l’Administrateur et :
[8.1] ordonne à l’Entrepreneur d’effectuer les travaux de reprise aux finis intérieurs altérés par les infiltrations d’eau en s’assurant au préalable que les matériaux au plafond et aux murs soient sains.
[8.2] une fois les travaux complétés, l’Entrepreneur devra s’assurer de remettre les lieux à leur état d’origine, ce qui doit inclure les travaux de peinture possiblement de façon élargie afin d’éliminer toutes démarcations visibles.
Point 2 - Fissures au parement mural extérieur de brique, au-dessus des portes de garage
[9] La maçonnerie extérieur du bâtiment sous étude est un revêtement cosmétique et/ou esthétique.
[10] La preuve soumise révèle que les premières fissures à la maçonnerie sont apparues à l’été 2004 (au deux coins supérieurs droit des portes de garage).
[11] La preuve est aussi non contredite à l’effet que le Bénéficiaire a procédé seul à des travaux correctifs, lesquels consistaient à l’application de calfeutrages afin de colmater les fissures.
[12] Notre visite et inspection des lieux nous permet de constater que ce calfeutrage qui n’est pas une mesure corrective permanente (le calfeutrage d’ailleurs par sa nature est une mesure temporaire), commence déjà à se dégrader et les fissures (les mêmes fissures) semblent réapparaître.
[13] Questionnés par le soussigné, le représentant du Bénéficiaire reconnaît n’avoir, en aucun temps, perçu d’amoncellement, écoulement et/ou percolation résultant et/ou provenant de ces fissures. Aucune trace de liquide n’est d’ailleurs perceptible. Force nous est de constater qu’il ne s’agit pas de malfaçon qui porte préjudice au bâtiment, à sa structure et/ou son intégrité, d’autant plus qu’il est reconnu que des travaux ont été adressés par le Bénéficiaire. La preuve est à l’effet que ni l’Entrepreneur ni l’Administrateur n’était partie à ces travaux. Nous savons que les travaux des Bénéficiaires qui aujourd’hui nécessitent des correctifs ou ajustements (réfections) sont hors garantie.
[14] Considérant ce qui ci-haut précède, à savoir que :
[14.1] nous ne sommes plus dans la première année de couverture du plan de garantie;
[14.2] le niveau de gravité n’est pas de la nature du « vice caché » (puisque ce niveau de gravité n’a pas été atteint); et
[14.3] les réparations adressées par les Bénéficiaires, qui nécessitent aujourd’hui réhabilitation, sont hors garantie.
[15] Pour cette raison, et pour ce point, je me dois de maintenir la décision de l’Administrateur.
Point 3 - Infiltration d’eau dans la chambre froide et à la salle de chauffage, depuis la construction
[16] Ici, le Bénéficiaire reconnaît qu’au printemps 2004, il a constaté la première manifestation d’infiltration d’eau.
[17] Des travaux de correction furent adressés par l’Entrepreneur et pour une première fois au printemps 2004.
[18] Une deuxième série de travaux fut adressée en 2005, ceux-ci sensiblement plus importants puisqu’ils ont résulté dans l’enlèvement de deux (2) lisières de briques, remplacement de la membrane et réfection du parvis (avant).
[19] Des travaux furent adressés pour une troisième fois, cette fois-ci au cours du mois de mai 2007 et apparemment, toujours sans succès, le représentant du Bénéficiaire nous suggérant que l’eau s’infiltre encore et toujours.
[20] Aucune telle démonstration ne nous fut faite.
[21] Je rappelle que les Bénéficiaires sont en demande et qu’à cet effet, ce sont ces derniers qui ont l’obligation, le fardeau de convaincre, sans que ce fardeau leur soit indu, ils ont néanmoins l’obligation de convaincre et aucune démonstration n’a été faite à l’effet que depuis les derniers travaux de mai 2007, il y eut infiltration d’eau.
[22] Je rappelle de plus que les travaux supplémentaires faits par l’Entrepreneur le furent sur une base volontaire, et résultait d’une convention sous seing privé entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires, une convention à laquelle l’Administrateur n’était pas partie et pour cause, ces travaux sont hors garantie.
[23] Pour ces raisons, et pour ce point, je me dois de maintenir la décision de l’Administrateur.
Point 4 - Infiltration d’eau dans le garage depuis la construction.
[24] Ici, démonstration nous fut faite d’une accumulation d’eau, laquelle , en toute probabilité, provenait du plafond du garage, une situation, qui de l’aveu du représentant des Bénéficiaires, persiste depuis la première manifestation au printemps 2004.
[25] Quoiqu’il en soit, et indépendamment de mon opinion quant aux dangers et/ou risques d’atteinte à la structure et/ou à l’intégrité du bâtiment, je rappelle que pour qu’un vice soit, en droit, qualifié de caché et/ou majeur, en sus d’apparaître dans les 3 à 5 ans suivants la fin de travaux, ils doivent être dénoncés par écrit à l’Entrepreneur et à la Garantie dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de perte graduelle, de sa première manifestation (infine art. 3 du Plan de Garantie et art. 10, 3e, 4e et 5e alinéas du Règlement[1].
[26] Je rappelle que les premières manifestations datent d’avril 2004 et qu’il appert de la preuve que la dénonciation a été transmise à l’Administrateur de la Garantie plus ou moins 18 moins après la première manifestation.
[27] Bien que les réclamations semblent avoir été valablement faites à l’Entrepreneur, c’est à regret que je me dois de constater qu’elles furent présentées hors délais à l’Administrateur de la Garantie, ce qui les rend irrecevables pour ce dernier.
[28] Les Bénéficiaires reconnaissent qu’ils n’ont pas été empêchés, d’une quelque manière, de présenter leurs réclamations à l’Administrateur à l’intérieur des délais, leur ignorance des critères d’application est soulevée.
[29] Nul ne peut plaider sa propre turpitude et, à elle seule, l’ignorance d’une loi ne peut faire échec à son application.
[30] Le fait que les Bénéficiaires ignoraient qu’ils devaient dénoncer la situation à l’Administrateur, bien que cette exigence soit mentionnée au contrat de garantie (ainsi qu’au Règlement), ne les décharge pas de cette obligation.
[31] Faisant miens les propos de mon collègue, Alcide Fournier (dossier SORECONI 050401002, 15 juin 2005) :
« Le tribunal d’arbitrage a été créé par le Règlement sur les Plans de Garantie pour en assurer l’application. Il ne peut décider de litige qui relève de l’application d’autres lois, même s’il peut penser que d’autres lois pourraient s’appliquer au présent litige ».
[32] En principe, même si le délai de 6 mois n’en est pas un de rigueur, cette disposition indique clairement que l’intention du législateur est de ne pas permettre des réclamations tardives, c’est-à-dire après 6 mois de la découverte du vice qui affecte le bâtiment. Il s’agit d’une codification des principes généralement reconnus par la jurisprudence issue de nos tribunaux étatiques.
[33] Suivant mon appréciation des faits et ma compréhension de la loi et de la jurisprudence qui m’est connue, je suis d’opinion que les explications soumises pour proposer que les délais puissent être ignorés ne sont pas raisonnables dans les circonstances et ne peuvent être retenues.
[34] Pour l’ensemble des motifs ci-haut repris, je me dois donc d’accepter et de maintenir la décision de l’Administrateur sur les points 1, 2, 3 et 4 et de rejeter l’appel des Bénéficiaires (la demande d’arbitre) sur les points 2, 3 et 4 seulement. Le tout, sans préjudice et sous toutes réserves du droit qui est leur (les Bénéficiaires) de porter devant les tribunaux civils leurs prétentions ainsi que de rechercher les correctifs qu’ils réclament, sujet, bien entendu, aux règles de droit commun et de la prescription civile.
[35] En vertu de l’article 123 du Règlement sur le Plan de Garantie des Bâtiment Résidentiels Neufs et comme les Bénéficiaires appelants ont obtenu gain de cause sur au moins un des aspects de leurs réclamations, les coûts de l’arbitrage seront à la charge de l’Administrateur.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE en partie la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;
ORDONNE l’Entrepreneur d’effectuer les travaux de reprise aux finis intérieurs altérés par les infiltrations d’eau en s’assurant au préalable que les matériaux au plafond et aux murs soient sains.
ORDONNE à l’Entrepreneur, une fois les travaux complétés, de s’assurer de remettre les lieux à leur état d’origine, ce qui doit inclure les travaux de peinture possiblement de façon élargie afin d’éliminer toutes démarcations visibles.
ORDONNE à l’Entrepreneur de compléter ses travaux selon les règles de l’art et à l’intérieur d’un délai de 45 jours de sa réception des présentes, tel que ce délai sera computé à même le récépissé postal de la présente décision.
REJETE la demande des Bénéficiaires quant aux points 2, 3 et 4;
MAINTIENT la décision de l’Administrateur du 19 mai 2007 sous la plume de Yvan Mireault, pour les points 1, 2, 3 et 4;
LE TOUT avec frais à la charge de l’Administrateur.
Montréal, ce 30 octobre 2007.
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ME MICHEL A. JEANNIOT
Arbitre / SORECONI